Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

La jeunesse rurale nigérienne, la grande oubliée des politiques de développement

Au Niger, analphabètes ou déscolarisés, les moins de 25 ans des zones rurales représentent la part silencieuse de la population, celle que l’on entend pas, celle dont on ne parle pas. Si rien n’est fait, ils continueront à n’avoir pour seul horizon que la précarité, le chômage, la migration ou la violence terroriste.

Mis à jour le 24 juin 2023 à 16:57
 

Par Gado Alzouma

Professeur nigérien en socio-anthropologie

classe niger

 

 

Salle de classe de l’école Sakoira dans la région de Tillabéri au Niger, le 25 janvier 2023. © Olympia de Moismont/AFP

Au Niger et souvent ailleurs en Afrique, les jeunes ruraux (entendus comme catégorie distincte) sont les grands oubliés des politiques de développement. Bien qu’ils constituent plus de 80 % des moins de 25 ans – qui eux-mêmes forment plus de 70 % de la population –, il en est rarement fait mention dans la littérature académique, les médias et les discours politiques. C’est pourtant la partie de la jeunesse la plus pauvre, mais aussi la moins éduquée.

À LIRE[Tribune] Quand entendrons-nous la jeunesse africaine ?

Cette jeunesse-là est souvent analphabète ou déscolarisée et quand elle fait référence à une fille, elle est déjà mariée avec deux enfants ou plus, et mène une vie de servitude faite de longues heures de travaux ménagers et champêtres. C’est la jeunesse sans voix, celle que l’on n’entend jamais et qui n’est évoquée que de façon indirecte dans la littérature grise des organisations internationales, celle dédiée aux mariages précoces ou à la migration, le prisme général sous lequel les problèmes relatifs à la jeunesse africaine sont le plus souvent perçus.

Vivier de main-d’œuvre pour terroristes

C’est aussi la partie de la jeunesse qui sert de vivier pour le recrutement des groupes terroristes, parce que c’est au sein de cette jeunesse-là qu’on rencontre ceux qui sont les moins éduqués, les plus désespérés et les plus désorientés. Ce sont surtout de jeunes ruraux qui tombent chaque jour par dizaines sur les champs de bataille. Pour n’avoir pas été à l’école, ils sont généralement dépourvus de tout esprit critique et deviennent facilement la proie de l’instrumentalisation et du prosélytisme religieux de type extrémiste.

À LIREDavid Malpass au Niger : la sécurité « indispensable au développement »

Aussi, n’est-il pas étonnant que les conflits violents aient pour principales victimes des jeunes de moins de 25 ans issus des campagnes, en quête d’autonomie économique, facilement leurrés et poussés dans des aventures meurtrières pour quelques centaines de milliers de francs CFA. Le dénuement matériel, le chômage et la pauvreté extrême se révèlent en effet être des motifs encore plus puissants que les croyances religieuses ou les affiliations ethniques pour expliquer la décision de s’engager dans les groupes terroristes.

EN 2022, L’UNICEF A RELEVÉ QUE 817 ÉCOLES ONT ÉTÉ FERMÉES DANS LA SEULE RÉGION DE TILLABÉRI

Il faut ajouter à tous ces problèmes celui des inégalités scolaires. Les jeunes ruraux sont moins scolarisés que les jeunes citadins. Ils restent aussi moins longtemps à l’école et ont de faibles perspectives d’emploi. En effet, si la plupart des villages nigériens sont dotés d’écoles primaires, le parcours scolaire des enfants ruraux est marqué par des abandons massifs et d’importantes déperditions, particulièrement au niveau du secondaire. Les raisons sont multiples mais elles s’expliquent tout particulièrement par l’insécurité alimentaire et par une extrême pauvreté.

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La plupart des collèges et des lycées sont logés dans les villages ou les communes de grande taille et les enfants qui achèvent le cycle primaire doivent le plus souvent quitter leurs familles pour des familles d’accueil généralement pauvres, peu connues de leurs parents et incapables de les prendre en charge. Bien entendu, lorsque ce sont des filles, leur situation devient encore plus dramatique en raison des croyances religieuses et des tabous. Les collégiens et lycéens ruraux se trouvent donc le plus souvent abandonnés à eux-mêmes et doivent fuir l’école pour regagner leur village ou émigrer en raison de la faim et des mauvais traitements.

Éloignement des pouvoirs publics

Le travail des enfants est une autre source de déperdition scolaire, mais aussi un facteur qui a de fortes répercussions sur les performances scolaires : dans les communautés rurales, les enfants sont sollicités à tout moment pour aider la famille, particulièrement en période de travaux champêtres où ils doivent s’absenter pendant plusieurs jours. Pour ceux d’entre eux qui appartiennent à des communautés nomades se déplaçant avec les troupeaux sur de vastes étendues, les défis s’avèrent souvent insurmontables et ils n’ont d’autre choix que d’abandonner l’école.

À LIRESahel : les secrets de la résilience sécuritaire du Niger

Il faut ajouter à tout cela l’absentéisme chronique des maîtres dans les zones rurales où la discipline se relâche du fait de l’éloignement des pouvoirs publics, mais aussi les mariages précoces des filles, et de multiples autres raisons telles que les conflits et les violences liées au terrorisme comme ces dernières années dans les régions de Tillabéri, de Diffa, de Tahoua et de Maradi, soit la moitié de toutes les régions du pays.

Rien qu’en 2022, l’Unicef a relevé que 817 écoles ont été fermées dans la seule région de Tillabéri. À travers tout le pays, près de 80 000 élèves, dont plus de 38 000 filles ont été affectés par ces fermetures. Or l’insécurité rend les travaux des champs risqués sinon impossibles ; elle accentue la précarité des familles qui sont déjà en situation de vulnérabilité économique et augmente la probabilité de déscolarisation permanente ou temporaire. Elle affecte aussi les performances scolaires, incite à la désaffection vis-à-vis de l’école, accroît la déréliction, la perte de repères, le désœuvrement et la consommation de drogue, etc. qui à leur tour incitent aux comportements déviants et nourrissent les foyers de violence.

Consommer local

Il existe aussi un désajustement entre les aspirations de ces jeunes – qui, après tout, sont des jeunes de leur temps avec les mêmes rêves et les mêmes attentes que les jeunes citadins –, et la réalité économique de nos pays, où les dirigeants privilégient la consommation de biens importés au détriment de la production de ces mêmes biens sur le sol national par les populations et notamment les jeunes qui manquent de ce fait d’emplois pourvoyeurs des revenus qui leur permettraient de subvenir à leurs besoins. Une situation qui ne leur laisse d’autre choix que les petits métiers et le petit commerce du secteur informel dans les rues des grandes villes, la précarité, le chômage, la migration ou la violence terroriste.

À LIRENiger : une croissance démographique trop rapide pour être un atout

Pour faire face à ces problèmes, nous devons élaborer des politiques de développement rural qui comportent des volets spécifiquement orientés vers la jeunesse, en misant sur la croissance démographique (qui est un atout) et le développement de la consommation locale, en créant des industries de transformation des produits agricoles destinées, entre autres, à absorber la main-d’œuvre jeune.

Entre Poutine et Prigojine, les Africains doivent-ils choisir leur camp ?

La tentative de rébellion du groupe paramilitaire Wagner contre Moscou donne à réfléchir aux militants prorusses du continent. Mais tous n’ont pas la même marge de manœuvre.

Mis à jour le 27 juin 2023 à 09:43
 
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Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 

 poutine

 

© Damien Glez

 

Si les tenants et les aboutissants du mélodrame russe de ces derniers jours semblent encore flous aux yeux de certains observateurs, le bras de fer éphémère entre le groupe paramilitaire Wagner et le Kremlin a de quoi déboussoler les aficionados de Vladimir Poutine et les fans d’Evgueni Prigojine. Jusque-là, en Afrique, ces groupies étaient sensiblement les mêmes. C’est sur les même sites et dans les mêmes médias autoproclamés « alternatifs » que l’on lisait « le régime russe, lui au moins, n’a pas de passif colonial » ou « Wagner ne saurait faire pire que Barkhane ».

À LIRELe Mali et la Centrafrique peuvent-ils se passer de Wagner ?

Certes, le fondateur du groupe Wagner a ciblé, dans son appel à la rébellion, ce 23 juin, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, et le chef d’état-major, Valery Guerasimov, laissant imaginer un temps que Poutine pouvait être le marionnettiste en chef du psychodrame. Mais le président russe a ensuite qualifié Prigojine de « traître », et beaucoup de spécialistes de la Russie jugent que cet épisode a affaibli le chef de l’État.

Evgueni Prigojine tient à l’africanité de son « œuvre »

Les étrangers prorusses devront-ils choisir leur camp ? Dans les pays qui ne sont pas (encore) sous contrat avec Wagner, c’est le visage de Poutine que brandissent les manifestants enamourés. Mais c’est avec le groupe de mercenaires que sont en contact les populations centrafricaine ou libyenne. Et Evgueni Prigojine tient à l’africanité de son « œuvre », son groupe ayant mis de longues années à tisser sa toile sur le continent, depuis la décolonisation et la guerre froide. Ce n’est pas un hasard s’il a débuté l’une de ses harangues, ce 24 juin sur Telegram, par « quand nous combattions en Afrique ». Certains considèrent d’ailleurs que les incompréhensions entre Wagner et le pouvoir russe ont commencé dans la gestion de certains dossiers africains, autour de questions d’approvisionnement en particulier.

À LIREEvgueni Prigojine et Wagner, après la rébellion, l’exil ?

Chaque activiste africain réagira en fonction de son lien avec les Russes. Celui qui est financé léchera la main qui le subventionne. Celui qui glose par pure idéologie évaluera les promesses de Moscou et la proximité actuelle de Wagner avec son environnement.

Vladimir Poutine à Johannesburg en août ?

Exilé en Biélorussie, Prigojine va-t-il faire profil bas ? Ses troupes reverront-elles leur positionnement en Afrique ? Et si Poutine obtient les garanties nécessaires – une immunité diplomatique –, foulera-t-il le sol sud-africain, en août, à l’occasion du prochain sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ?

À LIRE[Enquête vidéo] Wagner, les nouveaux pilleurs de l’Afrique

D’ici là est censé se tenir, en juillet à Saint-Pétersbourg, le deuxième Forum économique et humanitaire Russie-Afrique. Sans doute beaucoup de dirigeants du continent répondront-ils présents. Et peut-être que, face au bras de fer Prigojine-Poutine, de nombreux Africains revendiqueront à nouveau le statut de non-aligné.

 
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L'Hebdo - Chaque vendredi, l'essentiel de l'acutalité des droits humains

DROITS DES PERSONNES LGBTI+ : TROIS MILITANTES DANS LE VISEUR DES AUTORITÉS EN POLOGNE
 
DROITS DES PERSONNES LGBTI+ : TROIS MILITANTES DANS LE VISEUR DES AUTORITÉS EN POLOGNE
Leur lutte est devenue emblématique en Pologne. Depuis 2019, Elżbieta Podlezna, Anna Prus et Joanna Gzyra-Iskandar, sont poursuivies en justice pour leurs actions pacifiques de défense des droits des personnes LGBTI+ dans le pays. Ce 24 juin, Joanna sera à nos côtés pour clamer ces droits lors de la Marche des Fiertés à Paris. Et vous ?
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DISSOLUTION DES "SOULÈVEMENTS DE LA TERRE" : POURQUOI C'EST CONTRAIRE AU DROIT INTERNATIONAL
 
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Le mouvement écologiste « Les Soulèvements de la Terre » a été dissous, mercredi 21 juin, en Conseil des ministres. Nous condamnons cette décision qui est contraire au droit international et qui porte atteinte à la liberté d’association en France.
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Depuis qu'ils se sont arrogés le pouvoir en août 2021, les talibans mènent une véritable guerre contre les femmes afghanes. Nous demandons donc que les femmes qui doivent fuir les persécutions en Afghanistan soient automatiquement considérées comme des réfugiées.
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Pendant longtemps, dans les conflits armés, le viol et les autres formes de violences sexuelles commises ont été considérés comme inévitables. En réalité, dans de nombreux cas, elles sont utilisées comme une véritable arme de guerre. Voici 10 choses à savoir sur des violences trop souvent ignorées ou minimisées.
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Stop au harcèlement des personnes LGBTI+ en Pologne 🏳️‍🌈
 
STOP AU HARCÈLEMENT DES PERSONNES LGBTI+ EN POLOGNE 🏳️‍🌈
Intimidations, harcèlement, agressions : un climat délétère pèse sur les personnes LGBTI+ et leurs allié·es en Pologne. Elles ont besoin de soutien. Demandez aux autorités polonaises de mettre fin maintenant au harcèlement des défenseur·es des droits des personnes LGBTI+ !
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Expertum Afrique

 

formation

 

SEMINAIRE INTERNATIONAL TOP MANAGEMENT

 

Management, leadership et
conduite du changement

En réponse aux préoccupations managériales de l'heure, de plus en plus exprimées par les dirigeants et responsables de structures, notre cabinet tient en cette fin d'année 2023, de façon exceptionnelle, un important séminaire international TOP management.

THEME : Management, leadership et conduite du changement

DATE : 4 au 8 décembre 2023 (5 jours)

LIEU : Ramada Pearl hôtel - Ouagadougou (Burkina Faso)

A l'instar de notre précédente rencontre internationale (Cf. Retro en images), cet important rendez-vous de haut niveau réunira les cadres et dirigeants d'une dizaine de pays d'Afrique francophone.

 

LE FORMATEUR


Henri PUPION

Agrégé en économie et gestion depuis 1988, monsieur PUPION est professeur à l’Université de Bordeaux depuis 1990, où il assure des cours en psychologie des organisations, GRH, management des entreprises et des organisations, contrôle de gestion, pilotage social et accompagnement VAE.

Monsieur PUPION est un formateur sénior chevronné, qui cumule près de 30 années d’expérience professionnelle dans l’enseignement.

Depuis plusieurs années, monsieur PUPION accompagne les cadres et dirigeants des entreprises et des organisations dans le renforcement de leurs compétences managériales (positionnement managérial, prise de décision stratégique, gestion de conflits, conduite du changement, communication et leadership etc.).

En plus de sa grande expérience dans la formation et l'accompagnement, monsieur PUPION est reconnu pour son sens de la pédagogie, ses qualités humaines et son sens de l’écoute. Il vous guide, pas à pas, tout au long de formation, pour une meilleure appropriation des connaissances.

Apprenez en pratiquant dans un climat de confiance, à travers de nombreux exercices et cas pratiques, avec monsieur PUPION. Managez efficacement vos équipes et positionnez-vous en tant que leader au sein de votre organisation.

 

PUBLIC CIBLE

  • Secrétaires généraux et Directeurs généraux,
  • Président d'institution,
  • Directeurs et chefs de service,
  • Coordonnateurs et chefs de projets,
  • Chefs d'entreprises,
  • Managers et chefs d'équipe.

La présente formation s’adresse également à tout personne assumant des responsabilités managériales et ayant à sa charge des équipes.

Maîtrisez les outils actuels du manager, positionnez-vous en tant que leader et conduisez le changement avec succès

Les organisations et entreprises, qu’ils soient publics ou privés, sont aujourd’hui appelées à s’adapter à la dynamique, à l’incertitude et à la complexité d’un environnement économique, politique et social en perpétuelle mutation.

Pour assurer leur survie et garantir la réussite de leur démarche de transformation, elles se trouvent obligée de développer leur capacité de changement et des meilleurs outils de management stratégique dans un contexte dynamique et en constante évolution.

Dans cette perspective, le rôle du leadership au cœur de toutes les préoccupations pour manager les équipes pour aboutir aux changements stratégiques à opérer au sein des organisations et entreprises.

La présente formation propose des méthodes conceptuelles et des outils pratiques de la conduite du changement ainsi que la mise en œuvre des qualités d'un leader.

Vivez des moments exceptionnels d'échanges et de partages d'expériences avec d'autres professionnels d'Afrique.

 

Les petits plus de la rencontre

Accueil : mise à disposition d'une navette aéroport-hôtel et hôtel-aéroport, à l'arrivée et au départ;

Sortie en ville :  Visite du monument du Président Camarade Capitaine Thomas SANKARA, dégustation de mets locaux;

Restauration : Deux (2) repas par jour sur toute la durée de la formation;

CABINET EXPERTUM AFRIQUE SARL

Ouagadougou, BP 1494 Ouagadougou 01, Burkina Faso, Tél. : (00226) 66 53 53 92

Site web : www.expertumafrique.com

Email : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Diffusé par Investir au Burkina

Priée de quitter le Mali, la Minusma plonge dans l’inconnu

Le gouvernement malien a officiellement demandé à la mission onusienne, présente dans le pays depuis dix ans, de plier bagage. Un retrait qui prendra du temps, et qui doit encore être voté par le Conseil de sécurité des Nations unies.

 
Mis à jour le 21 juin 2023 à 09:03
 
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Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères, lors d’une session du Conseil de sécurité de l’ONU, à New Yok, vendredi 16 juin. © UN Photo/Loey Felipe

 

Ce vendredi 16 juin, la salle du Conseil de sécurité des Nations unies a des allures de ring de boxe. Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères, et El-Ghassim Wane, représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, sont face à face. À quelques jours du vote pour le renouvellement du mandat de la Minusma, la mission de l’ONU au Mali, prévu le 30 juin, la tension est palpable.

À LIRELe gouvernement malien demande à la Minusma de quitter son pays « sans délai »

« Mon cher frère Abdoulaye Diop (…) Nous devons faire plus et mieux », commence El-Ghassim Wane. Désireux, comme à son habitude, d’arrondir les angles avec les autorités maliennes, le chef de la mission onusienne affirme que les attentes des Maliens sont « légitimes » et prône une « relation de confiance » avec l’État malien.

Son tour venu, Diop critique lourdement la Minusma avant de demander son « retrait sans délai ». Les regards échangés par les représentants présents dans la salle en disent long sur l’effet de surprise de cette annonce. Bien que les relations entre le Mali et les Nations unies se délitent depuis des mois, un départ des Casques bleus du pays était une hypothèse peu envisagée. Réagissant à l’annonce de Bamako, Wane a qualifié vendredi après-midi devant la presse sa mission d’« impossible » sans le consentement du pays hôte.

Marge de manœuvre limitée

Est-ce la fin de la Minusma, dix ans ans après son arrivée au Mali, en 2013 ? « Pas automatiquement », répond Bruno Charbonneau, professeur titulaire au Collège militaire royal de Saint-Jean et directeur du Centre Franco-Paix de la Chaire Raoul-Dandurand. Selon lui, tout se jouera au moment du vote du Conseil de sécurité sur le renouvellement de la mission, le 30 juin.

À LIREAu Mali, clap de fin pour la Minusma ?

« Sur le principe, le consentement de l’État hôte est considéré comme obligatoire », reprend le chercheur. Mais la légitimité du gouvernement malien de transition pourrait être mise en doute et la demande, rejetée. Si les Nations unies acceptent, « cela voudrait dire que n’importe qui pourrait demander un retrait des Casques bleus », argumente Bruno Charbonneau, craignant l’impact sur les autres missions de stabilisation de l’ONU, notamment en République centrafricaine.

Les propositions d’évolution de la mission ayant déjà été rejetées par le ministre malien des Affaires étrangères, la marge de manœuvre des Nations unies paraît limitée. « Une demande de renouvellement pourrait être mise sur la table le 30 juin, suivie d’un veto de la Russie », continue le chercheur. Le résultat serait le même, mais « au moins, on n’aura pas cédé ».

Casse-tête logistique

Puis viendra « une phase de négociations », explique Andrew Lebovich, chercheur au programme Sahel du Clingendael Institute, a minima pour « les questions logistiques, le retrait des contingents et la passation de responsabilité au gouvernement malien ».

Officiellement, 11 676 militaires, 1 588 policiers et 1 792 civils (nationaux et internationaux) sont déployés au Mali sous mandat de la Minusma. Parmi eux, beaucoup vont perdre leur emploi. D’autres risquent d’être mis en danger par un retrait mal anticipé. Et le défi ne se limite pas à l’humain.

« Que va-t-on faire avec tous les camps et tous les équipements ? », s’interroge un cadre des Nations unies. Si la mission onusienne part trop vite, ils risquent de « tomber aux mains des groupes jihadistes et de la CMA [la coordination des mouvements de l’Azawad, les anciens rebelles touaregs] », prévient-il, assurant qu’il faudra « entre six mois et deux ans » pour effectuer un retrait total en bonne et due forme.

Le processus a un air de déjà-vu. Comme pour l’opération française Barkhane, « le retrait d’une telle opération prend du temps », poursuit Andrew Lebovich, selon lequel la demande du gouvernement d’Assimi Goïta s’inscrit dans sa logique de rupture avec ses anciens partenaires. Pourtant, la Minusma semblait encore espérer une évolution de son mandat, acceptant sans broncher les restrictions toujours plus nombreuses imposées par les autorités maliennes.

À LIREMali : la Minusma peut-elle encore faire son travail d’enquête ?

Une stratégie peu payante, selon le chercheur. « La Minusma a tenté à plusieurs reprises de garder de bonnes relations avec le gouvernement. Mais le contexte dépassait largement ses relations avec le Mali, ce que la mission semble avoir mal compris », explique-t-il, invoquant la diversification des partenaires voulue par Bamako.

Moura, point de rupture

Le rapport de Moura, résultat de l’enquête des Nations unies dévoilée le 12 mai accusant l’armée malienne et les mercenaires de Wagner d’avoir tué au moins 500 personnes dans ce village du centre du Mali, fin mars 2022, semble avoir sonné le glas de la mission. Pour le gouvernement malien, les « allégations d’une extrême gravité, fortement préjudiciables à la paix » qui sont présentes dans le rapport « alimentent les tensions intercommunautaires ».

À LIRELes droits de l’homme, point de rupture entre Assimi Goïta et la Minusma

Dès lors, les jours de la Minusma, « partie du problème », selon Abdoulaye Diop, semblaient comptés. « S’ils ne veulent plus de nous, il vaut mieux partir au lieu de s’affaiblir encore en acceptant plus de conditions imposées », estime un cadre des Nations unies.

En plus des conséquences politiques et économiques, le départ de la mission créerait un « vide sécuritaire » et une crise humanitaire sans précédent, explique Bruno Charbonneau. Bien qu’imparfaite, la Minusma assure d’après lui « un minimum de stabilité » et un appui logistique aux ONG présentes au Mali. « Si elle part, qui de ces acteurs voudra rester ? » s’inquiète-t-il.