Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Burkina: sept condamnations à de la prison dans le dossier du Mogho Naaba

Sept personnalités de la société civile burkinabè ont été condamnées, vendredi 7 juillet, à des peines de prison par le tribunal de grande instance de Ouagadougou. Dix prévenus comparaissaient depuis début juin, accusés d'avoir diffusé des messages audios sur les réseaux sociaux appelant à brûler la maison du Mogho Naaba, le chef traditionnel des Mossis.

 

Marcel Tankoano, figure de l'insurrection qui a renversé l'ancien président Blaise Compaoré en 2014, a écopé de la peine la plus lourde : quatre ans de prison ferme. Il avait été présenté par le procureur comme « le cerveau incontesté » de cette affaire, celui qui a « commandité l'enregistrement et le publication de fausses informations ». 30 mois de prison ferme également pour deux proches du CDP, le parti de Blaise Compaoré : Pascal Zaida et Abdoul Karim Baguian. Ils étaient accusés de provocation d'attroupement et mise en danger de la vie d'autrui.

Désiré Guinko, porte-parole du Front uni pour le Faso et chargé de mission de l'ancien président Roch Marc Christian Kaboré, a quant à lui écopé d'une peine de 18 mois de prison ferme. Tous avaient été arrêtés début mai, lors d'une vague d'interpellations qui avait duré plusieurs jours.

Joint par RFI, Me Paul Kere, avocat de Marcel Tankoano et d'Abdoul Karim Baguian, a fait part de son incompréhension face à ce verdict. Il entend interjeter appel dans les jours à venir. Deux journalistes inculpés dans cette affaire, Lookman Sawadogo et Alain Traoré, ont été quant à eux relaxés « au bénéfice du doute », tout comme l'activiste Conombo Boukaré. Ils étaient accusés de « complicité pour non-dénonciation de délit »

La condamnation de M. Abdoul Karim Baguian est une hérésie judiciaire

Burkina Faso: La condamnation de M. Abdoul Karim Baguian est une hérésie judiciaire

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Burkina/Éducation numérique : Des jeunes et des femmes leaders outillés sur les bonnes pratiques

Accueil > Actualités > Multimédia • Lefaso.net • jeudi 6 juillet 2023 à 22h25min 
 
Burkina/Éducation numérique : Des jeunes et des femmes leaders outillés sur les bonnes pratiques

 

Malgré ses énormes avantages pour le développement des États, le digital ou le numérique est le plus souvent utilisé en Afrique, et en particulier au Burkina Faso, comme un simple outil de distraction. Aussi, il arrive de constater que cet instrument soit malheureusement utilisé à des fins malsaines. Cela, au point d’occasionner parfois des tensions qui compromettent la paix et la cohésion sociale. En vue d’inverser cette tendance dans les habitudes des jeunes et femmes leaders burkinabè, l’association continentale “Dialogue sans frontières’’ organise les 6 et 7 juillet 2023 à Ouagadougou, un atelier à leur profit, au sein du Conseil burkinabè des chargeurs (CBC). L’initiative est accompagnée par le Programme des nations unies pour le développement (PNUD).

 

« Au pays des aveugles, les borgnes sont rois », dit-on. Cette assertion décrit ici la situation d’usagers du numérique au Burkina Faso qui pensent en avoir la maîtrise alors que la réalité s’avère être le contraire. Au regard des dérives en effet, constatées çà et là dans l’usage du digital, l’association continentale “Dialogue sans frontières’’ a jugé utile d’outiller les jeunes et femmes leaders du pays autour de la thématique « À la conquête du digital : espaces publics numériques et éducation à la paix et au développement ».

Pour le président de Dialogue sans frontières, Filippe Savadogo, l’humanité, c’est regarder ensemble dans la même direction dans un monde en quête de nouveaux paradigmes et de nouvelles conquêtes. « Nous sommes dans une dynamique de crises qui permet si nous sommes Chinois, de comprendre qu’une crise amène demain la révolution et l’espoir. Alors qu’il arrive quelques fois, que l’on baisse les bras en de pareilles circonstances », affirme-t-t-il.

 

« Éduquer une fille, c’est éduquer la nation. Notre avenir est à Djibo, parce que nous allons sortir de la crise »,
Filippe Savadogo, président de Dialogue sans frontières

L’important rôle de la femme dans le développement

Selon monsieur Savadogo, également ancien ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Burkina Faso en France, les femmes sont facteurs de paix, détentrices du pouvoir et de l’avenir. Parce qu’elles incarnent précise-t-il, la construction de la nation.

Alors qu’elle livrait son discours, la représentante résidente adjointe par intérim du PNUD, Isabelle Tschan, a saisi l’occasion pour témoigner sa reconnaissance au gouvernement burkinabè, avec lequel le PNUD collabore efficacement dit-elle, pour l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) du pays. Cela, en vue de travailler à l’épanouissement de la jeunesse burkinabè, a-t-elle ajouté.

 

« Au Burkina Faso 77,9% de la population ont moins de 35 ans. Par conséquent, la crise que traverse le pays éprouve profondément les jeunes. L’insuffisance d’emplois décents, la rareté des opportunités pour s’insérer dans des secteurs productifs, la faible représentativité et participation dans les instances de décisions, poussent certains dans la radicalisation tandis que d’autres bravent tous les dangers en prenant la route de la Méditerranée », dépeint la représentante du PNUD.

 

 

« Il est essentiel à l’ère du numérique, que nous comprenions la thématique à l’ordre du jour,
pour façonner notre avenir collectif », Marguerite Ouédraogo/Bonané, présidente de la Commission
de l’informatique et des libertés (CIL) qui a donné le mot d’ouverture

Cependant, Isabelle Tschan estime qu’au regard des défis à relever, la jeunesse est la mieux placée pour contribuer au développement durable et à la consolidation de la paix du pays. Et à ce sujet, madame Tschan souligne que beaucoup de jeunes burkinabè épris de paix, ne cessent de développer constamment des initiatives pour la construction d’un Burkina uni et prospère. « Les symposiums organisés par l’association “Dialogue sans frontières’’, appuyés par le gouvernement et le système des nations unies, en mars 2017 et novembre 2019 à Ouagadougou, sur la cohésion sociale et le développement par le dialogue inclusif sont des initiatives qui en témoignent », a-t-elle rappelé.

De l’avis du PNUD, il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’atteinte des ODD, notamment l’ODD 16 relatif à la paix et la justice est fortement tributaire de l’implication et de la participation effective des jeunes et des femmes à tous les niveaux de planification du développement et dans les sphères de décision. Encore faut-il qu’ils puissent bénéficier de cadres appropriés qui leur soient dédiés afin de s’investir efficacement à travers des approches novatrices dans la construction et dans la consolidation d’une paix durable, mentionne sa représentante.

 

 

« C’est pourquoi je vous invite, chers jeunes, à faire du digital un outil de travail
qui vous aide à vous réaliser et à être des acteurs de développement »,
Isabelle Tschan, représentante résidente adjointe par intérim du PNUD

Une opportunité pour la jeunesse

Le numérique selon elle, se présente de nos jours comme une opportunité pour les jeunes d’avoir accès à des compétences et à des solutions financières pour s’engager dans l’entreprenariat innovant, et développer les petites et moyennes entreprises. « D’après une étude de l’institut McKinsey basée sur 1 500 dirigeants, ceux qui mènent la course du digital transforment leurs entreprises cinq fois plus vite avec deux fois plus d’intensité que leurs pairs », confie Isabelle Tschan.

Cependant, il y a lieu de nuancer. Car l’actualité enseigne que le numérique, notamment les réseaux sociaux peuvent aussi conduire dans des situations indésirables si leur utilisation ne respecte pas certaines normes et une certaine déontologie, a-t-elle interpelé.

 

 

« Je puis vous assurer de la disponibilité de mon département pour la mise en œuvre
des recommandations qui sortiront de ces travaux », Christian Minoungou,
représentant la ministre en charge de la transition digitale

Le présent atelier a pour objectif général d’évaluer les acquis à court, moyen et long terme des différentes plateformes des jeunes et femmes leaders sur une période de trois ans. Il vise aussi, à dégager des perspectives pour leur consolidation, toute chose qui s’inscrit en droite ligne des priorités du PNUD.

Pour rappel, selon les statistiques sur l’utilisation de l’internet et les médias sociaux en 2021 au Burkina Faso, le pays comptait 5,46 millions d’utilisateurs actifs mensuels sur le net, ce qui fait 25,7% de taux de pénétration et deux millions d’utilisateurs actifs par mois sur les médias sociaux, soit 9,4% de taux de pénétration de la population.

 

Lire aussi : Burkina : Observateur, Dialogue Sans Frontières recommande au gouvernement de garantir la sécurité post-électorale des personnes et des biens

Hamed NANEMA
Lefaso.net

Guillaume Soro sera-t-il inculpé en France pour la mort d’Ibrahim Coulibaly ?

La justice française enquête sur les conditions du décès d’« IB », un ex-chef rebelle ivoirien tué en 2011 à Abidjan. L’ancien Premier ministre de Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara fait l’objet d’une plainte pour torture et assassinat.

Mis à jour le 6 juillet 2023 à 09:15
 
 
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Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 

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© Damien Glez

 

Alors que la plupart des acteurs de la crise post-électorale ivoirienne de 2010 est revenue au bercail – certes avec des bonheurs variés –, Guillaume Soro continue son purgatoire. Condamné à la prison à perpétuité en Côte d’Ivoire et sous le coup d’un mandat d’arrêt international, celui qui fut deux fois Premier ministre est maintenant visé par une information judiciaire sur le territoire français.

Un juge d’instruction vient d’être désigné pour enquêter sur le décès du « Major » Ibrahim Coulibaly, le 27 avril 2011 dans une concession d’Abobo, et sur l’implication éventuelle de Soro dans cette mort violente.

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Sur initiative de la fille de celui que l’on surnommait « IB », l’ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne et candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2020 fait l’objet d’une plainte pour torture et assassinat. L’avocat français de Guillaume Soro, Me Robin Binsard, dénonce une « procédure calomnieuse et politique, une tentative de réécriture mensongère de l’histoire ».

Commando invisible

Si Soro et Coulibaly étaient apparus comme partenaires dans la rébellion des « Forces nouvelles », en 2002, les deux hommes étaient progressivement entrés en conflit. Déjà acteur du renversement du président Henri Konan Bédié en 1999, IB avait ensuite été accusé en 2007 par les proches de celui qui est alors chef de gouvernement d’une tentative d’attentat, en juin, puis d’un nouvel essai de coup d’État, en décembre.

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À la chute du président Laurent Gbagbo, en 2011, IB, alors à la tête d’un groupuscule surnommé le « commando invisible », avait refusé de rendre les armes et tenté de valoriser son rôle dans la victoire politique d’Alassane Dramane Ouattara. Le nouveau président ne lui avait néanmoins pas accordé d’audience. Après l’offensive menée le 27 avril par les forces d’ADO, le cadavre d’Ibrahim Coulibaly est exhibé dans la presse. Son frère Soualio et Issiaka Timité seront également tués.

Ibrahim Coulibaly a-t-il été abattu pour avoir « pris en otage toute une famille » et « réagi avec des tirs nourris », comme l’affirme la version officielle ? A-t-il été exécuté, voire torturé, alors qu’il avait l’intention de se rendre ? Pour évoquer cette journée du 27 avril 2011, sa fille parle d’une « traque » et d’un « guet-apens minutieusement préparé ». L’enquête française tentera d’en découvrir davantage. En attendant, elle fait l’effet d’un caillou dans la chaussure politique de Guillaume Soro, qui n’a pas renoncé pas à ses ambitions présidentielles.

Au Burkina Faso, manifestation de soutien au régime

Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées samedi à Ouagadougou pour réaffirmer la légitimité du régime du capitaine Traoré et réclamer une nouvelle Constitution.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 1 juillet 2023 à 18:00
 

 

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Plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés Place de la Nation, à Ouagadougou, le samedi 1er juillet 2023. © DR

 

Les manifestants se sont rassemblés dans le centre de Ouagadougou malgré une pluie battante, pour un meeting à l’appel de la Coordination nationale des organisations de la société civile du Burkina Faso (Cnosc/BF), qui regroupe une vingtaine d’organisations. Ils étaient plusieurs milliers à manifester ce samedi 1er juillet dans la capitale burkinabè pour soutenir le régime du capitaine Traoré et réclamer une nouvelle Constitution.

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« Oui à la relecture de la Constitution », « Non à la politique française de diabolisation du Burkina », « Oui à la liberté du peuple dans ses choix de partenariats », ont notamment scandé les manifestants, dont certains brandissaient des drapeaux du Mali et de la Guinée, deux autres pays dirigés par des militaires.

Souveraineté totale et non négociable

« Notre souveraineté ne doit plus être partielle mais totale. Elle est non négociable », a déclaré le président de la Cnosc/BF, Alassane Sawadogo. « C’est pourquoi […] nous disons oui à un changement constitutionnel qui sera basé sur les aspirations et à l’image des réalités burkinabè ». Selon lui, la Constitution actuelle du Burkina Faso a été « calquée sur le modèle français » et est « inadaptée au contexte actuel » du pays.

La manifestation vise aussi à « réaffirmer à l’opinion nationale et internationale la légitimité du capitaine Traoré et de son gouvernement qui tire sa source du peuple burkinabè et en qui nous nous reconnaissons par ses prises de décisions qui répondent aux aspirations profondes de notre peuple », a de son côté déclaré Adama Compaoré, membre de la Coordination.

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Le capitaine Ibrahim Traoré, qui a pris le pouvoir par un coup d’État en septembre 2022 – le second en huit mois –, a depuis obtenu le départ des troupes françaises basées à Ouagadougou, et s’est rapproché de la Russie et du Mali, autre pays de la région dirigé par un régime issu d’un putsch opposé à la France et confronté à la violence jihadiste.

Le Mali vient d’organiser un référendum sur un projet de nouvelle Constitution, approuvé par 97 % des 39,4 % de votants. Mi-juin, le Premier ministre burkinabè, Apollinaire Joachimson Kyelem de Tambela, avait déclaré : « les Occidentaux ont construit leurs Constitutions en fonction de leur histoire. Il nous faut donc un retour à nos racines ».

(avec AFP)

Bras de fer entre Macky Sall et Ousmane Sonko : le Sénégal retient son souffle, par Marwane Ben Yahmed

L’impitoyable bataille que se livrent le président et son principal opposant fait craindre le pire à une population saisie d’effroi face aux violences qui ont secoué le pays. Comment en est-on arrivé là ?

Mis à jour le 27 juin 2023 à 10:31
 
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Par Marwane Ben Yahmed

Directeur de publication de Jeune Afrique.

 

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Le tragique embrasement survenu au Sénégal à la suite de la condamnation d’Ousmane Sonko au début de juin (plus d’une quinzaine de morts) ne laisse pas d’inquiéter. Comme en mars 2021, lors de l’arrestation de l’opposant. À chaque fois, l’étincelle Sonko a mis le feu aux poudres comme jamais dans l’histoire contemporaine de la démocratie sénégalaise, paralysant tout un pays et provoquant l’effroi d’une population qui n’a d’autre choix, lors de ces prurits de violence, que de se calfeutrer chez elle en priant pour que le pire soit évité.

Ce funeste scénario, dont on peine à imaginer la fin, on le doit à la conjonction de deux ingrédients principaux : d’un côté, la personnalité et la stratégie jusqu’au-boutiste de l’OVNI politique qu’est devenu le leader des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), de l’autre, la supposée volonté du chef de l’État Macky Sall de briguer un troisième mandat, contesté par ses adversaires. Au premier rang desquels Ousmane Sonko, qui en a fait son fonds de commerce, le levier de son ascension fulgurante, mais aussi son collier d’immunité face à une justice qui ne lui a laissé aucun répit durant ces derniers mois, qu’il s’agisse de la plainte pour viol d’Adji Sarr ou de celle en diffamation du ministre Mame Mbaye Niang.

Lapidaire comme de coutume, Sonko déclare que les magistrats sont aux ordres du pouvoir, que ces affaires ont été montées de toutes pièces, qu’il s’agit d’un vaste complot fomenté pour l’empêcher de devenir président. Il entend donc s’y soustraire par tous les moyens, y compris en incitant ses troupes à l’insurrection à chacune de ses convocations devant les policiers ou les juges. Inimaginable sous d’autres latitudes.

Le trublion devenu berserk

Que ses contempteurs tentent par tous les moyens d’exploiter ces dossiers judiciaires pour l’abattre ne fait aucun doute. Cela signifie-t-il pour autant qu’il n’a rien à se reprocher ou qu’il n’a aucun compte à rendre ? Si l’affaire Sarr, mal ficelée, ressemble plus à une sordide histoire de mœurs entre une « masseuse » tarifée et son client régulier, à qui elle réclamait des sommes de plus en plus conséquentes, consciente de la notoriété de l’édile et de sa propre capacité à salir sa réputation, sorte de vulgaire chantage auquel Sonko a visiblement refusé de céder, provoquant l’ire et la vengeance de cette adepte du body-body avec final extatique, il en va tout autrement de la plainte en diffamation de Mame Mbaye Niang.

En novembre 2022, le président des Pastef avait cru bon de jeter l’opprobre sur l’actuel ministre du Tourisme, fidèle lieutenant du chef de l’État. Dans une intervention publique, l’opposant avait ressorti de ses tiroirs un prétendu rapport attribué à l’Inspection générale des finances faisant état de détournements financiers massifs commis il y a plusieurs années par un organisme placé sous la tutelle de Mame Mbaye Niang. En creux, Ousmane Sonko l’accusait d’avoir personnellement tiré profit de ces prévarications supposées, lesquelles n’ont jamais donné lieu à des poursuites judiciaires. Manque de chance, ce rapport n’a jamais existé, et Sonko a tendu à ses ennemis, qui n’en demandaient pas tant, le bâton pour se faire battre…

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Depuis, le trublion de Casamance et maire de Ziguinchor, arrivé troisième lors de la présidentielle de 2019 (15 % des voix), s’est mué en véritable berserk, ce guerrier de la mythologie nordique qui entrait dans une fureur sacrée au moment du combat et que seule la mort pouvait stopper. « Le combat final se passera à Dakar. Soit Macky Sall recule, soit on le déloge du Palais. J’appelle toute la jeunesse qui croit en notre projet à tout laisser pour faire face à Macky Sall et en finir avec lui et son régime. » Difficile de faire plus clair…

« Je suis prêt au sacrifice ultime », a-t-il aussi déclaré. Ou encore : « J’ai fait mon testament. Si Macky Sall ne recule pas, soit il nous tue, soit nous le tuons », prophétisait-il en janvier, devant une foule de jeunes sympathisants survoltés. Là aussi, sous n’importe quel autre ciel africain, l’opposant serait aujourd’hui en prison après avoir proféré de telles menaces contre un président. Ce qui avait d’ailleurs fait dire un jour à Macky Sall lui-même : « Si le Sénégal n’était pas une authentique démocratie, croyez-moi, le sort d’Ousmane Sonko aurait été réglé depuis longtemps… »

L’opposant ne recule désormais devant aucune outrance : appels à l’insurrection et au meurtre du chef de l’État, donc, organisation de manifestations violentes, incitation à des cyberattaques contre les sites du gouvernement ou de la présidence, au sabotage ou à la destruction d’infrastructures nationales (dépôts de carburants, usine d’eau potable, centrale électrique, université Cheikh-Anta-Diop incendiée, RTS attaquée, etc.), aux pillages, aux jets de cocktails Molotov sur les domiciles de ministres…

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Vendetta à la sauce arachide

Comment en est-on arrivé là ? Très tôt, la bataille entre les deux hommes a pris des allures de vendetta à la sauce arachide. Tout a commencé en 2016. Sonko est alors un quasi inconnu. Inspecteur des impôts et des domaines, à la tête d’un syndicat fondé dix ans plus tôt, il dénonce les malversations financières de personnalités politiques et d’hommes d’affaires. Parmi eux, Aliou Sall, frère de Macky Sall. Le couperet tombe en août 2016 sous la forme d’un décret présidentiel : Ousmane Sonko est radié de la fonction publique pour « manquement à l’obligation de discrétion professionnelle ». C’est l’acte de naissance du politicien qu’il est devenu. Il est élu député l’année suivante, puis se présente à la présidentielle en 2019, où il arrive (loin) derrière Macky Sall et Idrissa Seck. Ce dernier ayant rejoint la mouvance présidentielle dans un de ces retournements de veste dont il a le secret, Sonko devient l’opposant numéro un.

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Il catalyse les colères et les frustrations, dans une conjoncture propice (crise du Covid-19, conséquences de la guerre en Ukraine, dont une inflation galopante) et s’attire au passage les faveurs des radicaux de toutes obédiences. Proche des milieux salafistes depuis ses études, il plaît aussi aux « panafricanistes » de la vingt-cinquième heure hostiles à la France, dont il dénonce la prédation économique sur le continent.

Mais c’est en mars 2021, après son arrestation pour viol, que le tribun aux allures de premier de la classe est érigé en icône. Un complot ourdi par « Macky » pour éliminer l’opposant, estiment ses troupes. La thèse fait aussitôt florès. Et pour cause : cette mise en cause intervient après une succession d’autres affaires politico-judiciaires qui ont pu donner l’impression que la justice était téléguidée par le pouvoir pour écarter ses adversaires politiques, Karim Wade et Khalifa Sall en tête. Même si tout le monde savait que, dans leur cas, détournements de fonds il y a bien eu.

Duel à mort

Rivalités politique et ethnique, personnalité, parcours… Tout oppose les deux hommes. Sonko, bien que né à Thiès, est originaire du sud du pays, la Casamance, qui est son fief électoral et dont il draine derrière lui les populations, ainsi qu’une grande partie d’une jeunesse frustrée, sans perspective et manipulable, dans un pays où plus de la moitié de la population a moins de 25 ans. Macky Sall, ce Halpulaar de culture sérère (Peuls et Sérères représentent environ 40 % de la population, un immense vivier électoral pour le chef de l’État), a, lui, fait toute sa carrière dans la politique, dont il a gravi les échelons comme ministre et Premier ministre de l’ancien président Abdoulaye Wade, auquel il succède en 2012.

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Le premier est vindicatif, radical et sait à merveille utiliser les réseaux sociaux pour se mettre en scène et communiquer, se rendre omniprésent et s’ériger en martyr alors que, dans les faits, il se comporte en boutefeu. Le second donne l’impression d’être débonnaire, est taiseux et se soucie comme d’une guigne de sa communication ou de son image, même si les événements de début juin et les critiques qui pleuvent depuis, notamment à l’international, l’ont affecté. Tous deux ont engagé un duel à mort qui fait craindre le pire à ceux, nombreux, qui se soucient de la stabilité du Sénégal, dans une région déjà suffisamment ébranlée. Puissent-ils se rendre compte de l’immense responsabilité qui est la leur et se hisser à la hauteur de l’histoire du pays de la Teranga.