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Tchad: toujours pas d'accord pour la restructuration de la dette extérieure

 

Qu'est-ce qui coince ? Voilà la question à laquelle le ministre tchadien des Finances et le chef du département Afrique du FMI n'ont pas répondu lors d'une conférence de presse commune hier, jeudi 26 mai, à Ndjamena. Tout juste sait-on de la bouche d'Abebe Aemro Sélassié que le processus « entraîne des difficultés ». Le ministre tchadien a, pour sa part, dit espérer qu'il puisse aboutir avant la mi juin.

On ignore les raisons du retard

Si l'on ignore donc les raisons du retard dans le processus de restructuration de la dette, on sait cependant que depuis la fin de l'année dernière les créanciers publics et privés, en l'occurrence le négociant pétrolier Glencore, ont donné un accord de principe pour y parvenir. En début d'année 2022, Glencore avait même envoyé à Ndjamena une nouvelle proposition pour le remboursement du milliard de dollars prêté en 2014.

Le pays ne profite pas de la remontée des cours du pétrole 

En attendant qu'un accord soit trouvé, le pays ne peut même pas profiter de la remontée des cours du pétrole sur les marchés mondiaux, déplore le FMI, car le surplus de recettes tombe en grande partie dans la poche des créanciers. Le Tchad est pourtant l'un des pays prioritaires pour les pays du G20, comme pour le FMI. Il a d'ailleurs obtenu un accord de 560 millions de dollars avec cette institution au titre de la facilité de crédit élargie. Somme toujours en attente de déblocage. 

►À lire aussi Le développement économique du Tchad, grand échec des années Déby (21 avril 2021)

Mali : les autorités de transition peinent-elles à payer Wagner ?

Selon plusieurs sources, l’État malien, soumis aux sanctions de la Cedeao, peine à trouver des liquidités.
Et à honorer ses contrats avec la société privée russe.

Mis à jour le 26 mai 2022 à 09:25

 

Cette photographie non datée remise par l’armée française montre trois mercenaires russes, à droite, dans le nord du Mali. © French Army via AP

« Les caisses sont quasiment vides. On se demande encore comment ils parviennent à tenir ». Le constat, dressé par un banquier ouest-africain, est partagé par nombre d’experts : les difficultés économiques et financières des autorités de transition, soumises aux lourdes sanctions de la Cedeao depuis le 9 janvier, sont de plus en plus palpables. Dans une note rédigée en avril dernier, la Banque mondiale estimait ainsi que le Mali risquait de plonger dans la récession si les sanctions étaient maintenues sur deux trimestres ou plus.

Blacklisté auprès de la Cedeao, le gouvernement malien n’a plus d’autre choix que de se financer auprès des banques commerciales locales pour continuer à assurer ses frais de fonctionnement. Il a ainsi demandé plusieurs prêts à différents établissements dont il est actionnaire : la Banque de développement du Mali (BDM), la Banque malienne de solidarité (BMS) ou encore la Banque nationale de développement agricole (BNDA). Reste à savoir jusqu’à quand elles pourront fournir ces avances de trésorerie.

10 millions de dollars par mois

Parmi les institutions primordiales que le gouvernement doit continuer à faire tourner : l’armée. Carburant, ravitaillement, équipement, primes… Les dépenses sont importantes et nombreuses. Alors que les putschistes ont invoqué l’incapacité du régime d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) à lutter efficacement contre le terrorisme pour justifier leur prise de pouvoir en août 2020, choyer les soldats est une priorité. Selon le dernier projet de loi de finances, le budget 2022 du ministère de la Défense et des anciens combattants s’élevait à plus de 490 millions d’euros.

Depuis le mois de décembre, les autorités maliennes doivent en plus régler une autre facture en matière de sécurité : celle des mercenaires de Wagner. Arrivés en décembre, ces combattants de la société militaire privée russe seraient aujourd’hui environ 1 200 dans le pays, où ils sont déployés en opérations conjointes aux côtés des Forces armées maliennes (Fama).

En juillet 2021, les services de renseignement occidentaux avaient capté une conversation téléphonique entre deux cadres de la nébuleuse de Evgueni Prigojine, oligarque proche de Vladimir Poutine. De retour du Mali, où ils avaient eu des entretiens avec les autorités de transition, ils y évoquaient les contours du futur contrat entre Wagner et le gouvernement : environ 1 000 mercenaires pour combattre les jihadistes sur le terrain en échange de 10 millions de dollars par mois.

« Investissement politique »

Selon nos informations, Bamako a effectué en janvier au moins un virement d’un montant de 1,5 million d’euros, prélevé sur le budget national. Mais, depuis, plusieurs sources (notamment françaises) assurent que ce versement mensuel de 10 millions de dollars ne serait pas honoré. Quant aux activités minières, qui permettraient à Wagner de se payer en « nature » au Mali, comme cela est fait en Centrafrique, elles ne semblent pas non plus avoir réellement démarré.

« L’hypothèse la plus probable est que le Kremlin compense les pertes et indemnise Wagner. Il s’agit d’une sorte d’investissement politique, qui permet aux Russes de damer le pion aux Occidentaux en Afrique de l’Ouest, où ils espèrent s’implanter dans la durée », estime une source française. De leur côté, les autorités maliennes continuent à fermement démentir toute présence des mercenaires de Wagner sur leur sol, préférant évoquer des « instructeurs russes » présents dans le cadre de la coopération bilatérale avec Moscou.

Le Tchad veut rassurer le Mali et sauver le G5 Sahel

 

Une délégation tchadienne était à Bamako, vendredi 20 mai. avec un objectif : apaiser les tensions, après la décision du Mali de se retirer de l'alliance politico-militaire du G5 Sahel. Le porte-parole du gouvernement, Abderaman Koulamallah, s'est entretenu avec le président malien de la transition, le colonel Assimi Goïta.

En début de semaine, le Mali a annoncé son retrait de l’alliance politico-militaire du G5 Sahel. Bamako devait en prendre la présidence tournante depuis le mois de février, mais le contexte politique national a conduit les pays du G5 à ne pas le permettre. En cause : le bras de fer engagé avec la Cédéao pour l’organisation de futures élections au Mali.

Le Tchad a conservé la présidence du G5 mais ne cherche en aucun cas le conflit avec le Mali, parti fâché du G5 Sahel pour défendre sa souveraineté bafouée. Le ministre tchadien Abderaman Koulamallah, porte-parole du gouvernement, est venu dire au président malien de transition, le colonel Assimi Goïta, que ce n’est pas contre le Tchad qu’il faut être en colère :

« Le Tchad tient énormément à ses relations bilatérales avec le Mali et a voulu réexpliquer qu'en aucun cas, il n'était responsable des problèmes qui ont conduit au départ du Mali du G5-Sahel. Le Tchad n'a aucun problème avec le Mali. »

Le président du Niger, Mohamed Bazoum, a récemment déclaré que le retrait du Mali actait « la mort » du G5 Sahel. Le ministre tchadien Abderaman Koulamallah ne partage pas cet avis : « Le G5-Sahel a été conçu sous la présidence du Mali. Cela met un peu en difficulté. Nous restons encore optimistes pour tout voir revenir dans le bon ordre. Le G5-Sahel est toujours présent. »

Le Tchad demande donc au Mali de reconsidérer sa position. Ndjamena assure mener des consultations auprès des autres pays membres afin de répondre aux préoccupations maliennes. En clair : de permettre à Bamako d’assurer enfin la présidence tournante du G5.

Enfin, à ceux qui s’interrogeaient, après le départ malien du G5 Sahel, sur un possible retrait des soldats tchadiens présents au Mali au sein des bataillons de la Minusma, le ministre Koulamallah rassure : il n’en est en aucun cas question.

Guinée : la tension monte entre le gouvernement et le patron de la Cedeao

Le 17 mai, Jean-Claude Kassi Brou a vivement critiqué la durée de la transition. Il s’est attiré les foudres de membres de l’exécutif de Conakry, venus à la rescousse de Mamadi Doumbouya. 

Mis à jour le 20 mai 2022 à 18:49

 

Jean-Claude Kassi Brou, le président de la Commission de la Cedeao, à Paris, le 7 avril 2022. © Jacques Torregano pour JA

 

La fin de son mandat à la tête de la Commission de la Cedeao approchant, Jean-Claude Kassi Brou se sent-il pousser des ailes ? Mi-mai, invité à réagir sur la durée de la transition guinéenne, désormais fixée à trois ans, l’Ivoirien n’y est pas allé par quatre chemins. « Les meilleures transitions, ce sont les transitions les plus courtes possibles, déclare-t-il. Une transition qui est issue d’un coup d’État militaire, ce n’est pas un mandat électif. Dans notre région, vous avez des chefs d’État qui sont élus pour cinq ans. Un coup d’État militaire qui s’apparente à un mandat électif, cela pose un problème. »

Un tacle à peine voilé destiné aux militaires guinéens, dont la réponse n’a pas tardé. Lors d’une conférence de presse organisée à l’issue du Conseil des ministres, mercredi 19 mai, Ousmane Gaoual Diallo, ministre de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, a dénoncé une sortie « hâtive et inamicale ». « Nous avons été surpris et déçus, a-t-il poursuivi. En temps normal, M. Brou se prononce après la conférence des chefs d’État dont il porte la parole. Nous avions reçu comme information que la Cedeao allait dépêcher une mission en Guinée, qui allait écouter les autorités, les partis politiques et la société civile pour prendre en compte le contexte guinéen. Et voilà que [le président de la Commission] se prononce sur ce qui devrait être la réponse de la Cedeao ! »

Coup pour coup

Présent lui aussi à cette conférence, le colonel Amara Camara, secrétaire général et porte-parole de la présidence, a été tout aussi direct. « Je dirais avec beaucoup de modestie que c’est un manque d’élégance et de respect pour l’institution que [Jean-Claude Kassi Brou] représente, enchaîne-t-il. Souvent, quand on est dans la passion, on peut perdre la raison. Il est important, à un certain niveau de responsabilité, de dépassionner le débat. »

Si Jean-Claude Kassi Brou a été élu en mars 2018, il n’a prêté serment qu’en juillet de la même année. « Je ne pense pas qu’il soit la bonne personne pour donner des leçons à la Guinée dans la mesure où son mandat est lui-même à questionner, poursuit Amara Camara. Quand on ne peut pas se donner […] une certaine rigueur pour respecter ou faire respecter son mandat, je vois mal comment on pourrait parler des autres. »

Les discussions entre le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), au pouvoir à Conakry depuis la chute d’Alpha Condé, le 5 septembre 2021, achoppent autant sur la durée que sur le contenu de la transition. La junte a fait valider une durée de trois ans par le Conseil national de transition (CNT). Elle conditionne le retour à l’ordre constitutionnel à l’exécution d’une série de mesures préalables censées permettre une refondation de l’État, alors que la Cedeao et la classe politique guinéenne s’accordent sur la nécessité de se limiter à l’organisation des élections.

« Une transition n’est pas là pour faire toutes les réformes, a d’ailleurs affirmé Jean-Claude Kassi Brou au micro d’Africa 24. Il s’agit pour une transition de faire en sorte qu’on ait une élection crédible, acceptée par toutes les parties pour qu’il y ait un consensus et la paix. Une transition n’a pas la légitimité pour faire des réformes. [Celles-ci] doivent être faites par un gouvernement issu du peuple. »

Dans une interview à Jeune Afrique publiée en avril dernier, le président de la Commission de la Cedeao conseillait déjà de faire « attention aux illusions que peuvent générer les coups d’État ». « Prendre le pouvoir par la force est toujours néfaste pour l’image d’un pays […]. En Guinée, nous avons expliqué aux autorités que le contexte politique et sécuritaire était bien différent de celui du Mali, et qu’une élection devait être organisée au bout d’une transition de six mois. »

Incident et interpellations

Un discours qui n’a pas convaincu à Conakry, où le ministre Ousmane Gaoual Diallo s’est empressé d’ajouter que Kassi Brou « n’[était] pas exempt de reproche dans la situation de la Guinée ». Une allusion à un incident survenu le 27 octobre 2020, au lendemain de l’élection présidentielle, et dans un contexte de fortes tensions, au domicile de Cellou Dalein Diallo, alors qu’une mission conjointe de la Cedeao, l’UA et l’ONU rendait visite à l’opposant alors retenu en résidence surveillée.

Alors que ladite mission, conduite par Jean-Claude Kassi Brou, arrivait, la directrice de cabinet de Cellou Dalein Diallo, Nadia Nahman, a été brièvement arrêtée par deux policiers. Puis, peu après l’entrevue avec l’opposant, deux vice-présidents de l’UFDG, Fodé Oussou Fofana et Kalémodou Yansané ont, à leur tour, été interpellés durant quelques heures. Près de quatre ans après, l’ancien coordinateur de la cellule de communication de l’UFDG en garde visiblement un mauvais souvenir. « À l’époque, je n’ai pas vu une seule déclaration de Monsieur Brou condamnant cela », s’étonne aujourd’hui Ousmane Gaoual Diallo.

Huile de palme : qui sont les gagnants et les perdants africains de la flambée des cours

Avec la guerre en Ukraine, puis l’arrêt des exportations indonésiennes, les cours de l’huile rouge n’ont jamais été aussi hauts. Si Jakarta a finalement décidé de lever son embargo à compter du 23 mai, cette décision a révélé, si besoin était, la forte dépendance des pays africains aux importations. Décryptage en infographie.

Mis à jour le 19 mai 2022 à 18:18
 

 

Il a finalement fait machine arrière. Le président indonésien Joko Widodo a levé l’embargo qu’il avait imposé, le 28 avril dernier, sur les exportations d’huile de palme. « Au vu de l’offre et de la situation de l’huile de cuisson, et étant donné qu’il faut prendre en compte 17 millions de personnes employées dans le secteur de l’huile de palme […], j’ai décidé que les exportations d’huile de cuisson pourront reprendre le lundi 23 mai », a-t-il annoncé dans une courte déclaration diffusée ce jeudi. Plus que quelques jours, donc, avant que la précieuse huile rouge indonésienne ne coule à nouveau à flots dans les cales des cargos à destination du monde entier, et de l’Afrique en particulier.

Fin avril, Joko Widodo avait provoqué la stupeur en annonçant brutalement l’interdiction d’exporter l’huile de palme indonésienne, qui représente 60 % de la production mondiale. Sur les marchés internationaux, les cours s’étaient immédiatement envolés, pour atteindre 1 500 dollars la tonne, quand ils s’établissaient à 1 200 dollars/t avant l’invasion ukrainienne. Un cours déjà particulièrement haut comparé à celui de mai 2020, de 462 dollars.

Spectre de pénurie

Depuis que les chars russes ont traversé les frontières ukrainiennes, les mesures protectionnistes se multiplient pour certaines ressources stratégiques. Cela a été le cas du gaz, du pétrole, des engrais, du blé, ou encore de l’huile de tournesol, dont l’Ukraine et la Russie comptent parmi les principaux exportateurs mondiaux. Si aucun des deux belligérants ne produit d’huile de palme, les cours de celle-ci ont, par effet domino, suivi la même courbe que ceux de l’huile de tournesol. Au point que le spectre d’une pénurie de ce produit si crucial dans une partie du continent se fait de plus en plus menaçant.

Si certains acteurs de la filière africaine espèrent capitaliser sur cette flambée des cours, à l’instar de Palmci, la filiale du groupe ivoirien Sifca, le continent reste cependant très dépendant des importations de ce produit qui, pourtant, y a ses racines. Avant les indépendances, l’Afrique de l’Ouest, d’où est originaire le palmier à huile, en était d’ailleurs le premier producteur mondial. Aujourd’hui, 80 % des 10 millions de tonnes d’huile de palme consommée dans les pays du continent sont importées. Si la production, tirée par le Nigeria, la Côte d’Ivoire et le Ghana, est en hausse, elle reste dominée par la filière artisanale (80 % des plantations), dont les rendements peuvent être encore largement améliorés. Quels pays dépendent le plus de l’huile de palme importée ? Leurs filières agro-industrielles pourraient-elles profiter de l’envolée des cours ?  Décryptage en cartes et infographie.