Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Guinée: affrontements entre manifestants et forces de sécurité après un appel du FNDC

 
 

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) a appelé à manifester, jeudi 20 octobre, dans le Grand Conakry. L’organisation de la société civile dénonce la gestion de la transition par la junte au pouvoir. C’est la première manifestation organisée depuis le 5 septembre dernier. Des violences ont éclaté dès mercredi soir.

Avec nos correspondants à Conakry, Matthias Raynal et Mouctar Bah

Des affrontements ont opposé, une partie de la nuit de mercredi à jeudi, des groupes de jeunes et les forces de sécurité qui étaient déployées en grand nombre ce matin sur l’Axe le Prince, mais aussi à d’autres endroits stratégiques de la capitale comme l’autoroute Fidel Castro qui traverse la banlieue sud et notamment au rond-point Tannerie qui devait être le point de départ de cette marche voulue par le FNDC. Aucun manifestant n’a été aperçu au point de rendez-vous qui était sous bonne garde. Un canon à eau et plusieurs pick-up des forces de l’ordre ont été garés à cet endroit pour empêcher le regroupement des militants.

Plusieurs quartiers et grands axes de la capitale ont donc été le théâtre d'affrontements. Le général Balla Samoura, haut commandant de la gendarmerie nationale, s'est rendu sur le terrain. « Je suis juste de passage pour voir un peu le bon fonctionnement du dispositif de prévention qui fonctionne effectivement en fonction des consignes, l’autre constat est que la population sur l’Axe est fortement intimidée à travers les propagandes sur les médias. Nous sommes ici tant qu’il y a le minimum de menace sur leur sécurité, on sera à leur côté » 

Plusieurs blessés

Le FNDC, dissout au mois d’août, a lancé plusieurs avertissements, appelant les Conakryka à ne pas prendre leur voiture, demandant aux entreprises de rester fermées pour éviter « tout incident dommageable ». Ce jeudi matin, la circulation était exceptionnellement fluide sur les routes d’habitude très encombrées de la capitale guinéenne. Sur les portions de l’Axe encore accessibles, il y avait peu de véhicules. Les autres tronçons étaient tout simplement coupés par les manifestants qui ont monté, par endroits, des barrages d’ordures enflammées.

Le procureur général près la cour d’appel de Conakry fait le bilan officiel de cette journée de manifestations. « Il résulte du bilan provisoire de cette manifestation violente : 9 véhicules de la gendarmerie endommagés, 4 blessés dont 3 graves dans les rangs de la gendarmerie, 2 blessés grave dans les rangs de la police et de nombreux véhicules caillassés, 2 civils blessés dont un cas grave, a détaillé Yamoussa Conté. Par ailleurs, il est à noter que plus d’une vingtaine d’interpellations ont été enregistrés par les services de maintien d’ordre ».

Le FNDC annonce qu’au moins un manifestant a perdu la vie au cours des heurts avec les forces de l’ordre.

Un journaliste interpellé puis libéré

Dans la matinée de jeudi, un journaliste a été arrêté à Koloma-marché par des éléments du Bata, le Bataillon autonome des troupes aéroportées. Il était en train de photographier le déploiement massif des militaires dans le quartier, devant le siège de la radio City FM où il travaille. Un soldat lui a alors confisqué son téléphone, l’a fait monter sur un pick-up, raconte-t-il à RFI. Emmené au camp Alpha Yaya, un haut gradé décide finalement de le laisser partir après avoir veillé à ce qu’il efface les clichés incriminés. Il a été libéré deux heures après son interpellation.

La manifestation du FNDC intervient au moment même où une mission technique de la Cédéao est dans le pays pour discuter du chronogramme de la transition. L’organisation sous-régionale refuse d’accepter le délai de trois ans décidé par les autorités guinéennes. Le médiateur de la Cédéao, l’ex-président béninois Boni Yayi est également à Conakry pour sa troisième visite aux autorités en trois mois.

Tchad : « une trentaine » de morts dans les manifestations à N’Djamena

Policiers et manifestants s’affrontent ce jeudi dans la capitale, où des centaines de personnes se sont réunies à l’appel de l’opposition pour protester contre la prolongation de la transition et le maintien au pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 20 octobre 2022 à 15:42
 
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Le corps d’un manifestant recouvert du drapeau tchadien, à N’Djamena le 20 octobre 2022. © AFP

Au moins « une trentaine » de personnes ont été tuées, dont « une dizaine » de membres des forces de sécurité, dans des heurts qui opposent manifestants et forces de l’ordre, a annoncé le gouvernement tchadien, ce jeudi en milieu d’après midi. Dans les rues de la capitale, des nuages de fumée noire sont visibles et des tirs de gaz lacrymogène se font régulièrement entendre, tandis que des barricades ont été dressées dans plusieurs quartiers de la ville et que des pneus sont brûlés sur les principaux axes routiers afin d’obstruer la circulation.

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Dans le 7e arrondissement de la capitale, sur l’axe principal du quartier Abena, un corps est recouvert du drapeau tchadien, entouré de plusieurs manifestants. Dans le 6e arrondissement, fief de l’opposition où est également situé le domicile du Premier ministre Saleh Kebzabo – nommé le 12 octobre à la tête du gouvernement qu’il avait rallié il y a dix-huit mois –, les rues sont désertes. Des pneus, des troncs d’arbre, des amas de briques jonchent les rues. Les établissements scolaires et universitaires sont fermés.

Le siège du parti de Kebzabo incendié

« Ils nous tirent dessus. Ils tuent notre peuple. Les soldats du seul général qui a refusé d’honorer sa parole et aujourd’hui c’est la fin des 18 mois, voilà comment il entend installer la dynastie en tuant le peuple », a écrit dans un message sur Twitter Succès Masra, l’un des principaux opposants au pouvoir. Le leader du parti Les Transformateurs avait lancé mercredi un appel à une manifestation pacifique, qui a été interdite par les autorités.

Le siège du parti de Saleh Kebzabo, l’Union nationale pour le développement et le renouveau (UNDR), a été pris pour cible par les manifestants et a été « en partie incendié », a indiqué le vice-président du parti, Célestin Topona.

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Ces violences se déroulent alors que la transition de dix-huit mois, qui devait s’achever ce jeudi 20 octobre, a été prolongée. Fin septembre, Mahamat Idriss Déby Itno a été maintenu président jusqu’à des élections libres et démocratiques, censées se tenir à l’issue d’une deuxième période de transition et auxquelles le président pourra se présenter. Cette prolongation, annoncée à l’issue du Dialogue national inclusif et souverain (DNIS), boycotté par une partie de l’opposition, a braqué les opposants politiques et armés.

(avec AFP)

Une réunion potentiellement explosive sur le Mali au Conseil de sécurité de l'ONU

 
Barkhane Gossi au Mali 01

Le secrétaire général des Nations unies présente ce mardi 18 octobre son rapport sur la situation au Mali devant le Conseil de sécurité, pour la période juin-septembre. Une présentation potentiellement explosive sur plusieurs sujets.

Lors du renouvellement du mandat de la Mission des Nations unies dans le pays, en juin dernier, les conditions d'exercice de la Minusma avaient soulevé un certain nombre d'insatisfactions, à la fois côté onusien et côté malien. Le rapport qui sera présenté aujourd'hui, mais que RFI a déjà pu consulter, est donc une forme de « bilan d'étape » capital pour la suite de la Mission dans le pays. Deuxième point : les accusations portées par les autorités maliennes de transition contre la France : depuis le mois d'août, le Mali promet de révéler des preuves sur un soutien de la France aux groupes jihadistes.

À ce sujet, le ministre malien des Affaires étrangères affirme disposer de « plusieurs éléments de preuve » montrant que la France arme et renseigne les groupes jihadistes au Mali. C'est ce qu'il écrivait le 15 août dernier dans une lettre adressée directement au président du Conseil de sécurité de l'ONU. Abdoulaye Diop réclame depuis deux mois une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies, mais aucun des membres du Conseil n'a relayé cette demande (pas même la Russie, pourtant nouvel allié stratégique du Mali dans sa lutte antiterroriste), de sorte que cette réunion n'a jamais été organisée.

Preuves du soutien français aux groupes jihadistes ?

Mais l'occasion est donc enfin offerte aujourd'hui à Abdoulaye Diop de s'exprimer devant le Conseil de sécurité, puisque le chef de la diplomatie malienne sera personnellement présent. Les révélations qu'il pourra faire seront donc particulièrement scrutées. Le mois dernier, lors du discours du Premier ministre malien de transition par interim devant l'Assemblée générale des Nations unies, le colonel Abdoulaye Maïga n'avait pas épargné la France et son gouvernement civil qualifié de « junte au service de l'obscurantisme », sans pour autant profiter de cette tribune pour révéler publiquement les preuves du soutien de Paris aux groupes terroristes sahéliens.

Sur le contexte au Mali et la présence de la mission onusienne, le rapport du secrétaire général relève, en dépit des opérations militaires maliennes qui se poursuivent, un « pic d'activités » des groupes terroristes (le Jnim, lié à Aqmi et l'EIGS, branche sahélienne du groupe État islamique) et une « insécurité » qui « continue de s'étendre à l'ouest et au sud du pays ». Le retrait de la force française Barkhane, qui s'est achevé pendant l'été, a privé la Minusma du « soutien » qu'elle lui apportait. António Guterres demande donc une augmentation en « urgence » des effectifs militaires de la Minusma. D'importantes « carences persistantes » sont également déplorées en ce qui concerne les moyens aériens de la mission onusienne, qui manque notamment d'hélicoptères de combat à Gao et à Kidal.

Entraves aux déplacements onusiens 

Sur la question des droits de l'homme, qui constituait déjà un point de vives tensions en juin dernier lors du renouvellement du mandat de la Minusma, le rapport pointe de nouvelles allégations de violations. Elles sont commises par les groupes jihadistes très principalement, mais également par l'armée malienne. Trente-deux enquêtes onusiennes sont actuellement en cours. Par ailleurs, à plus de quarante reprises, les déplacements aériens ou terrestres de la Minusma auraient encore été entravées par les autorités maliennes, notamment dans le centre et dans l'est du pays. 

Le Mali a déjà rédigé des « observations » sur le rapport onusien, que RFI a également pu consulter. Bamako maintient que les groupes jihadistes sont « en débandade » dans le pays, que les allégations de violences portées contre l'armée malienne n'ont « aucune base réelle », et regrette l'absence de « vérification minutieuse » de la part de la Minusma. La diplomatie malienne dénonce même une « posture négative et hostile contraire à la démarche » d'aide « qui justifie sa présence au Mali ». Bamako souhaite une meilleure « coordination » de la Minusma avec les priorités stratégiques du gouvernement malien de transition, notamment dans le Centre.

Soldats ivoiriens

Enfin, le sort des 46 soldats ivoiriens toujours détenus à Bamako depuis le 10 juillet dernier (date de leur arrivée au Mali dans un cadre onusien, mais avec des procédures entachées d'irrégularités, et accusés depuis par les autorités maliennes de transition d'avoir tenté d'atteindre à la sécurité nationale) n'est pas censé être au cœur des échanges, mais il pourrait très bien s'y inviter. La question est abordée à la fois dans le rapport du secrétaire général, qui « demande à nouveau la libération des 46 soldats ivoiriens », et dans les réponses du ministère malien des Affaires étrangères, qui rappelle que « le dossier suit son cours judiciaire » mais que « le gouvernement reste ouvert à une solution diplomatique ».

Aucune résolution n'étant prévue à l'issue de cette réunion, elle ne sera suivie d'aucun vote, mais le contenu des échanges pourrait s'avérer déterminant pour la suite des relations entre la mission onusienne et les autorités maliennes de transition. 

Sahel : entre Iyad ag Ghali et Abu al-Bara al-Sahraoui, la guerre des (chefs) jihadistes

Mali, Niger et Burkina sont devenus le théâtre d’un affrontement meurtrier entre le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’État islamique au Grand Sahara (EIGS). Dans ce conflit qui fait rage depuis 2020, les civils sont les premières victimes.

Mis à jour le 17 octobre 2022 à 19:09
 
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Depuis le début de l’année 2020, Iyad ag Ghali et Abu al-Bara al-Sahraoui se livrent une lutte sanglante. © DR – Montage JA

 

 

Ils ont un temps cohabité, parfois même coopéré. Mais depuis le début de l’année 2020, les combattants des deux principales nébuleuses jihadistes qui sévissent dans le Sahel se livrent une sanglante lutte de territoire et d’influence. D’un côté, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, ou JNIM, selon l’acronyme arabe), dirigé par le Touareg malien Iyad ag Ghali. De l’autre, l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), dont Abu al-Bara al-Sahraoui a pris la tête après la « neutralisation », en 2021, de son chef historique Abou Walid al-Sahraoui.

Alors que les premiers sont les légataires des mouvements jihadistes qui, en 2012, avaient fondu sur le septentrion malien, prenant le contrôle d’une partie du territoire et des grandes villes – avant d’en être un temps délogés par les soldats de l’opération française Serval -, les seconds ont adopté la bannière noir et blanc de l’État islamique en mai 2015, lors de la création de la branche sahélienne du Califat par Al-Sahraoui. Le groupe obtiendra le statut de « Province » de l’État islamique en mars 2019.

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Depuis, l’hostilité entre les deux camps n’a eu de cesse de croître et les rangs de l’EIGS se sont étoffés, notamment grâce aux nombreuses défections au sein du GSIM, estimées à plusieurs milliers selon des enregistrements attribués à des membres du groupe. En parallèle, le niveau de violence dans la région a connu une augmentation exponentielle, tout en se propageant chaque jour un peu plus. Initialement concentrée au nord du Mali, la spirale jihadiste s’est peu à peu étendue à travers le pays, avant de toucher le Burkina Faso et le Niger. Conséquence d’une volonté d’expansion vers les pays côtiers du Golfe de Guinée partagée par l’EIGS et le GSIM, elle métastase désormais vers le sud, aux frontières du Togo et du Bénin.

Guerre ouverte

« L’année 2020 a marqué la démarcation claire entre les deux groupes, bien que certaines tensions soient plus anciennes. Depuis, l’EIGS tente de s’étendre et de consolider aussi sa zone d’influence dans le Liptako Gourma. Mais le GSIM reste le groupe dominant dans toute la sous-région », résume Héni Nsaibia, chercheur au sein de l’Armed Conflict Location and Event Data Project (Acled). Cette guerre ouverte, héritée de la rivalité entre les deux organisations à l’échelle internationale, fait notamment rage dans le centre du Mali et, surtout, dans la zone dite « des trois frontières », qui sépare le pays du Burkina Faso et du Niger

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Devenu le principal théâtre de cette rivalité meurtrière, le Liptako Gourma ne compte plus les épisodes d’affrontement qui ont ensanglanté son sol. « D’Intillit à Tessit et de Ménaka à Gao se dessinent des lignes de front sur lesquelles on constate des va-et-vient, des escarmouches et des affrontements ciblés en permanence. Mais ce sont toujours des affrontements très localisés et pas une bataille rangée », détaille Héni Nsaibia.

Quel est l’état des forces ? Si les effectifs dans les deux camps sont difficilement quantifiables avec précision, le GSIM conserve, malgré les défections, l’avantage du nombre. Selon des spécialistes du jihadisme au Sahel, Iyad ag Ghali serait suivi par quelque 5 000 combattants, contre moins de la moitié pour l’EIGS. Reste que les deux organisations recrutent massivement au sein des populations locales, exploitant pêle-mêle les déficits de services sociaux et de perspectives économiques engendrés par l’absence de l’État dans certaines zones enclavées, tout en attisant et instrumentalisant les tensions intercommunautaires.

Massacres de masse

Mais si les objectifs se ressemblent, les stratégies, elles, divergent. Considéré comme plus « pragmatique », le GSIM demeure l’organisation la mieux implantée. « Non seulement le GSIM reste le groupe dominant dans la sous-région, mais il est aussi le plus actif, et de loin. On considère que 80 % de l’activité jihadiste au Mali et au Burkina Faso est imputable au GSIM. L’EIGS, lui, mène des opérations plus “spectaculaires”, en ce sens qu’elles sont plus violentes », décrype Héni Nsaibia.

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L’EIGS, considéré comme plus « fondamentaliste », est connu pour ses attaques qui cible civils et combattants armés sans distinction. Le groupe dirigé par Abu al-Bara al-Sahraoui est tenu pour responsable de nombreux massacres de masse commis dans sa zone d’action. Dans le cercle d’Ansongo, au Mali, en août 2021, une série d’attaques avait ainsi fait au moins une cinquantaine de victimes civiles. Depuis le mois de mars, la région de Ménaka, à proximité des frontières burkinabè et nigérienne, est en proie à des raids menés par les soldats du califat sur les populations civiles, et les combattants de groupes armés signataires de l’Accord d’Alger. Selon de nombreuses sources sécuritaires locales et internationales, la région est le prochain théâtre de l’affrontement entre l’EIGS et le GSIM. Ces derniers se préparant à prendre les armes dans un vaste « front », aux côtés du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) et du Groupe autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia), dont l’objectif est de contrer l’avancée des hommes de l’État islamique au Grand Sahara.

Le GSIM, plus prompt à se présenter comme une faction « protectrice des populations » et qui cultive une image d’organisation pourvoyeuse de services sociaux de base là où l’État est absent, est pourtant très loin d’être exempt de violences contre les civils. En juin 2021, ce sont des hommes soupçonnés d’être affiliés au GSIM qui ont commis le massacre de Solhan, un village du nord-est du Burkina Faso où 130 à 160 personnes ont été tuées, selon les sources. En outre, le groupe d’Iyad ag Ghali soumet plusieurs localités à des blocus, de part et d’autres des trois frontières. Le GSIM serait responsable de 53 % des morts liées à des attaques jihadistes, contre 42 % pour l’EIGS (l’origine de 5 % des décès reste indéterminée), selon l’ONG Acled.

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Si les pertes essuyées par les groupes armés terroristes dans le cadre de leurs affrontements, ne sont pas connues, le fait que les populations sahéliennes sont les premières victimes de ces violences est une certitude. Massacres communautaires ou opérations de représailles : pris entre deux feux, les civils soupçonnés par les uns de soutenir les autres, sont régulièrement pris pour cible, victimes collatérale de la lutte hégémonique des deux nébuleuses jihadistes.

“42 000 enfants sont sans domicile fixe en France, un chiffre absolument colossal”

4 minutes à lire

Julia Vergely

Publié le 12/10/22

À Lyon durant l’hiver 2021, dans le gymnase de l’école Mazenod, des familles ont été accueillies pour éviter de dormir dans la rue.

 

À Lyon durant l’hiver 2021, dans le gymnase de l’école Mazenod, des familles ont été accueillies pour éviter de dormir dans la rue.

Photo Antoine Merlet / Hans Lucas

Plus de 1 500 enfants dorment dans la rue. Des dizaines de milliers d’autres dans des hôtels ou des foyers. Une situation préoccupante pour leur santé mentale, et totalement ignorée par les pouvoirs publics, alerte Adeline Hazan, la présidente de l’Unicef.

Dans un rapport publié ce lundi 10 octobre, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, l’Unicef et le Samu social alertent sur le mauvais état psychologique des enfants sans domicile fixe. Et un chiffre retient toute l’attention : l’absence de logement concernerait quarante-deux mille enfants en France. Entretien avec Adeline Hazan, présidente d’Unicef France.

D’où vient ce chiffre et à quoi correspond-il ?

Ce chiffre n’est pas une statistique officielle, c’est tout le problème, et cela montre malheureusement le peu d’intérêt que portent les autorités à ce phénomène. La dernière enquête Insee sur les personnes sans domicile fixe date de 2012 et ne dit rien sur les enfants. Cela fait dix ans, et depuis, avec la crise économique et celle du Covid, on se doute que les chiffres ont fortement augmenté. Une enquête officielle sur ces enfants est d’une absolue nécessité. Nous avons dû, avec d’autres organismes humanitaires (le Samu social, la Fédération des acteurs de la solidarité, en collaboration avec Santé publique France) collationner un certain nombre d’observations. Nous avons réalisé, notamment, un baromètre au mois d’août avec la Fédération des acteurs sociaux (FAS) : dans la nuit du 21 au 22 août, il y avait 1 500 à 1 600 enfants qui dormaient dans la rue, 368 d’entre eux ont moins de trois ans. Il fallait aussi ajouter les enfants sans domicile, c’est-à-dire ceux vivant dans les hôtels et les foyers d’hébergement d’urgence. Ils sont 27 000 enfants à vivre à l’hôtel avec leurs parents, dans une chambre de 9 mètres carrés à souvent trois ou quatre. Donc, on arrive à 42 000 enfants sans domicile fixe en France, un chiffre absolument colossal. On dénombre beaucoup de femmes seules avec enfant, ce qui montre la grande précarité des familles monoparentales. Je lance un cri d’alarme sur ce phénomène, qui n’est pas suffisamment pris en compte par les autorités.

Quelles sont les conséquences de ces conditions de vie dégradées pour les enfants ?
D’abord, évidemment, des conséquences psychologiques, puisqu’il est évident que vivre ainsi, dans la rue ou à l’hôtel, crée une insécurité. Les conditions d’habitat très complexes entraînent des tensions dans les familles, des relations entre les parents et les enfants non satisfaisantes. Les troubles psychologiques vont de l’anxiété et l’inquiétude à des choses plus graves, comme des troubles du comportement alimentaire ou la dépression de l’enfant et de l’adolescent. Il est bien évident que lorsqu’un enfant vit à quatre dans une chambre, d’abord, il ne peut pas être tranquille, et il n’a pas l’espace sécurisant de l’école pour faire une sorte de sas dans la journée… La santé mentale de ces enfants s’en trouve affectée. Mais surtout, il est impossible pour ces mineurs sans domicile de vivre ce qu’on appelle tout simplement une vie d’enfant. Ils ne peuvent pas jouer, ils n’ont pas d’espace, ne peuvent pas recevoir leurs camarades… Le droit à la santé, à l’éducation, à avoir une vie d’enfant, sont des droits fondamentaux reconnus pour les enfants depuis la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, que la France, il faut le rappeler, a été un des premiers pays à signer. Ces droits ne sont pas respectés.

“En France, nous n’avons pas assez de psychiatres, et encore moins de pédopsychiatres – en dix ans, nous en avons perdu plus d’un tiers, c’est gigantesque.”
 

La scolarisation de ses enfants s’avère souvent impossible. Pourquoi ?
Un enfant sans domicile n’est pas scolarisé parce que, sans adresse, les mairies n’acceptent généralement pas de les inscrire à l’école. Et quand ils sont à l’hôtel, ils n’ont pas les conditions adéquates pour bénéficier d’une scolarité normale, il leur est souvent impossible de se concentrer, n’ayant pas leur espace propre.

Vous évoquez dans ce rapport la crise de la pédopsychiatrie en France. L’accès aux soins est de plus en plus difficile, de manière générale, mais elle l’est d’autant plus pour ces enfants sans domicile…
Cela s’inscrit dans un phénomène plus global : en France, nous n’avons pas assez de psychiatres, et encore moins de pédopsychiatres – en dix ans, nous en avons perdu plus d’un tiers, ce qui est gigantesque. Il n’y a pas non plus suffisamment de personnel dans les centres médico-psychologiques (CMP). Actuellement, pour avoir un rendez-vous pour un enfant, il faut attendre entre six mois et deux ans. Donc un enfant présentant simplement des troubles de l’attention, une tristesse ou une légère anxiété a un risque élevé de voir son état mental se dégrader d’ici sa prise en charge. Les familles sans domicile fixe n’ont pas, de toute évidence, les ressources économiques pour aller consulter dans le privé. Culturellement, elles n’ont pas non plus le réflexe d’aller consulter un psychologue. Nous prônons des actions pour ne plus attendre que ces familles essayent de rentrer dans un parcours de soin, mais plutôt pour les y amener. Or si on arrive à les convaincre et qu’au bout il n’y a personne, ou pas avant des mois, le travail de conviction sera presque contre-productif.

“Il faut créer un droit à un logement inconditionnel pour des familles dès lors qu’il y a des mineurs.”

Vous pointez du doigt des politiques d’hébergement aujourd’hui insuffisantes. Pourquoi ?

Il n’y a pas suffisamment de politiques publiques pour les familles en difficulté. On a créé en 2007 un droit opposable au logement (Dalo). Ce droit devrait bénéficier en priorité aux familles dans la rue avec enfants. En réalité, malheureusement, ça ne marche pas suffisamment. Il faut revoir les politiques de logement et créer un droit à un logement inconditionnel pour des familles dès lors qu’il y a des mineurs. C’est peut-être la réalité dans les textes, mais pas dans la vraie vie. Il y a un manque de volonté des pouvoirs publics.

Quelles sont vos préconisations ?

La première préoccupation est de faire en sorte que les décideurs publics, les politiques, se rendent compte de l’importance du phénomène. Qu’ils regardent ce problème tel qu’il est et qu’ils le prennent à bras-le-corps. Ensuite, il est nécessaire de penser une politique de santé publique rendant plus attractive le métier de pédopsychiatre, enfin de renforcer considérablement le personnel des CMP. Des efforts ont été faits pendant la pandémie, mais ça n’a pas été suffisant. Pour les familles en difficulté, ça ressemble à un parcours du combattant et, évidemment, ça en décourage beaucoup. Ces familles ont déjà à gérer des questions de survie économique, leur première préoccupation n’est pas de faire des démarches pour une consultation psychologique pour leur enfant.