Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Histoire: La révolution algérienne a été faite aussi par les chrétiens et les juifs (Algérie-direct)

logo Algérie-directLe commandant Azdine, ancien chef historique de l’ALN, a répondu au secrétaire général du FLN sur la chaîne Al Magharibia, en affirmant que la révolution algérienne n’a pas été faite au nom de l’islam.

La révolution algérienne a été faite par le peuple algérien, tous les progressistes, tous les chrétiens et tous les Juifs : « Nous ne sommes pas montés au Djbel pour combattre le christianisme ».

Une réponse franche et directe à tous ceux qui essayent de donner un caractère religieux à la révolution algérienne, porteuse de grands idéaux universels que certains essayent de résumer en une guerre religieuse, affirme le commandant.

Communistes, grands intellectuels à l’instar de Jean-Paul Sartre et autres, Maurice Audin et autres Français morts pour l’Algérie, tous ceux-là, devraient être respectés, au lieu de « salir l’histoire », a déclaré le commandant Azedine.

Source:  « Réponse à Ould Abbes : « La révolution algérienne a été faite aussi par les chrétiens et les juifs »« , Imane Chibane, Algérie-direct.net, 15/08/18.

Le pèlerinage à La Mecque,
un pilier de l’Islam

Fête du Sacrifice : Aïd al Adha ou Aïd el Kébir

Tout musulman qui en a les moyens doit se rendre au moins une fois dans sa vie à La Mecque.
Ce pèlerinage se fait pendant Dhu al-Hijja (le mois du pèlerinage)
Il commence le 7ème jour du mois par un grand sermon de l’Imam de La Mecque. Le croyant, après avoir fait les ablutions rituelles et revêtu l’habit traditionnel blanc, récite des prières exprimant sa soumission à Dieu.


Ensuite il se rend près de la Ka’ba, le temple cubique qui se trouve au centre du sanctuaire. Il en fait sept fois le tour tout en récitant des prières de repentir et des demandes de protection de la part de Dieu.


Le pèlerin part ensuite pour parcourir sept fois le trajet entre Safa et Marwa, commémorant ainsi la fuite d’Agar et les pleurs d’Ismaël, tous deux renvoyés par Abraham, à la demande de Sara.


Le 9ème jour du mois, le pèlerin se rend dans la plaine d’Arafa, à une vingtaine de kilomètres de La Mecque, où, se tenant debout devant Dieu, il demande et obtient le pardon de ses fautes.


Le 10ème jour, c’est l’Aïd el Kébîr, le jour de la grande fête.
Au retour d’Arafa, le pèlerin accomplit deux rites dans la vallée de Minâ :
- il lance des cailloux sur des stèles symbolisant le démon : désormais il n’a plus rien à craindre de lui ;( On dit qu'Abraham avait jété des pierres sur le demon qui voulait l'empêcher d'obeïr à Dieu)
- il sacrifie le mouton pour commémorer le sacrifice par Abraham de son fils Ismaël (et pas son fils Isaac comme dans la Bible).
La viande est distribuée aux pauvres. Ce jour-là des avions chargés de viande de mouton s’envolent vers des populations pauvres de certains pays musulmans.


Le pèlerin revient ensuite à La Mecque et tourne sept fois autour de la Ka’ba marquant ainsi la fin du pèlerinage.
Le pèlerinage à La Mecque est l’occasion d’un profond renouveau dans la vie spirituelle du musulman qui y participe.

Il y vit une expérience de pardon de la part du Dieu miséricordieux et s’enracine plus encore dans le fondement de sa foi : l’unicité de Dieu.

Il fait aussi l’expérience de la communauté musulmane, l’Umma, composée de croyants de tout pays et de toute condition sociale.

Lorsqu’il revient chez lui, il est considéré comme un homme purifié, ayant vécu une expérience de rencontre avec Dieu.

Il ajoute aussi à son nom le titre de Hajj (Pèlerin).

(Texte et photos pris sur le site Lavigerie.org M.Afr. Belgique)

Voir aussi :
l’Aïd el Kébîr
Ramadan
La lune, le calendrier et les fêtes Musulmanes
* L'ISLAM et ses COURANTS (du groupe rencontre Belgique)
Fin du Ramadan Fête de l'Aïd El Fitr


Pilgrimage to Mecca
One of the Pillars of Islam

Holy Day of the Sacrifice: Aïd al Adha or Aïd el Kébir

Every Muslim who has the means should go at least once in his life to Mecca.
This pilgrimage is done during Dhu al-Hijja (the month of pilgrimage),

It begins on the 7th day of the month with the Great Sermon of the Imam of Mecca. The believer, after making ritual ablutions and donning traditional white robes recites the prayers of submission to God.

He then goes to the Ka'ba, the cube-shaped temple at the centre of the sanctuary. He circles it seven times while reciting the prayers of repentance and makes petitions for the protection of God.

The pilgrim then goes to make the journey between Safa and Marwa seven times, thus commemorating the flight of Hagar and the tears of Ishmael, both sent away by Abraham at Sarah's request.

On the 9th day of the month the pilgrim goes to the Plain of Arafa, about twenty kilometres from Mecca, where standing upright before God, he asks and obtains pardon for his faults.

On the 10th day, it is Aïd el Kabîr, the day of the great festival.
Returning from Arafa, the pilgrim accomplishes two rites in the Valley of Minâ:
- He throws stones at the ancient stone pillars symbolising the Devil: from now on he has no fear of him. (It is said that Abraham threw stones at the Devil who sought to prevent him from obeying God.)
- He sacrifices a sheep to commemorate the sacrifice of Abraham of his son Ishmael (and not his son Isaac, as in the Bible).
The meat is distributed to the poor. On that day planeloads of mutton take off for poor people in certain Muslim countries.

The pilgrim then returns to Mecca and circles the Ka'ba seven times thus marking the end of the pilgrimage.
The pilgrimage to Mecca is a time of deep renewal in the spiritual life of the Muslim who takes part in it.

He experiences pardon from a Merciful God, sinking ever-deeper roots into the foundation of his faith: the oneness of God.
He also has the experience of the Muslim community, the Umma, consisting of believers from every country and every social class.

When he returns home, he is considered a man purified, having lived an experience of meeting with God.
Furthermore, he adds to his name the title of Hajj (Pilgrim).

To see also: Voir aussi :
Aïd el Kabîr
Ramadan
* Fin du Ramadan Fête de l'Aïd El Fitr
* The Moon, the Calendar of Muslim Feasts.

* ISLAM and its MOVEMENTS

Sénégal: le fondateur du mouridisme dédie un poème à la Vierge Marie (La Croix Africa)

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Dans un pays à près de 90 % musulman, le fondateur du mouridisme, Cheikh Ahmamadou Bamba, a dédié un poème à la Vierge Marie, au grand plaisir des catholiques.

Dans ses écrits, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké a laissé un poème qu’il a dédié à Marie, mère de Jésus-Christ.

« Félicité à toi Marie, réceptacle de la Pureté, Tu es au-dessus de tous les chastes, Tu es au-dessus d’elles devant Dieu (…). Par toi, tous les humains auront la félicité, et je jure par Dieu que tu n’es pas au nombre des associateurs, a chanté Cheikh Ahmadou Bamba. Oh la mère des pures, toi et ton fils vous êtes exempts d’associationnismes (1) ».

Soufi ascétique et mystique, la plus grande partie de son œuvre écrite est consacrée principalement à la « glorification de Dieu », ainsi qu’à des prières et des éloges du prophète Mohammed.

Cheikh Ahmadou Bamba prêche aussi dans ses récits la paix et promet le salut à ses disciples qui se seraient conformés à ses recommandations qu’il présente comme celles de Dieu et du prophète Mohammed.

Réaction positive des catholiques

Fondateur du mouridisme (Al mouridiyya), une confrérie musulmane présente particulièrement au  Sénégal et en Gambie, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké a, visiblement, suscité la curiosité des Sénégalais.

Lire la suite: Le fondateur du mouridisme dédie un poème à la Vierge Marie – La Croix Africa, Charles Senghor, 03/08/18.

Éthiopie: l’Église orthodoxe
a été réunifiée (La Croix Africa)


e patriarche d’Ethiopie Abuna Mathias. / DR

Après 27 ans de schisme, les Églises orthodoxes éthiopiennes se sont réconciliées à Washington, jeudi 26 juillet, en présence du premier ministre Abiy Ahmed.

L’Église orthodoxe éthiopienne Tewahedo s’était scindée en deux en 1991 après la nomination d’un nouveau patriarche à la fin du brutal régime militaro-marxiste du Derg.

En Éthiopie, il n’y a désormais plus qu’une Église orthodoxe. Les deux branches rivales de l’Église orthodoxe éthiopienne, l’une des plus anciennes Églises chrétiennes, ont signé un accord qui entérine leur réconciliation. La cérémonie de réunification a eu lieu en présence du premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, jeudi 26 juillet. Celui-ci est le principal instigateur de cette réconciliation dont les prémices ont été lancées il y a plusieurs années.

La scission de l’Église orthodoxe éthiopienne Tewahedo date de 1991, après la nomination d’un nouveau patriarche, à la suite de l’arrivée au pouvoir du Front démocratique révolutionnaire, des peuples éthiopiens (EPRDF) et à la fin du brutal régime militaro-marxiste du Derg.

Une Église dissidente avait alors été fondée aux États-Unis autour du patriarche, l’abuna (père) Merkorios, nommé du temps du Derg et dont certains membres de l’Église considéraient que la coutume voulait qu’il occupât ce rôle à vie.

« Après d’importants efforts de médiation, le premier ministre Abiy a été témoin à Washington de la réunification des deux synodes de l’Église orthodoxe éthiopienne. Les deux synodes sont réunis en un Saint Synode après 27 ans », a indiqué sur Twitter son chef de cabinet Fitsum Arega.

Deux patriarches considérés sur un pied d’égalité… Lire la suite:Source : En Éthiopie, l’Église orthodoxe a été réunifiée – La Croix Africa, 31/07/18

Les chemins du bouddhisme des Anciens
(Sciences Humaines)

 

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Le theravâda passe pour le bouddhisme le plus proche des enseignements du Bouddha. Cheminements autour d’une conviction discutée.

En chemin peut être une voie matérielle, géographique, qui va d’un point à un autre. Ce peut être aussi une voie spirituelle, historique, qui inspire puis développe un système de pensée, de vie. Les chemins du bouddhisme des Anciens s’étendent aujourd’hui sur le monde presque entier et couvrent 2 500 ans de son histoire. Impossible de les suivre tous. Nous n’aborderons que deux types de cheminements : mémoriaux et spirituels.

Cheminements mémoriaux

Ce que nous appelons bouddhisme désigne, pour les bouddhistes pratiquants, l’enseignement-du-Bouddha (buddha-sâsanâ). Or, enseignement implique déjà un chemin risqué, celui d’une bouche à des oreilles, qui entendent ce qu’elles peuvent, et parfois ce qu’elles veulent. Le Bouddha l’avait prédit : comme toutes choses, son enseignement serait naturellement victime de la loi de l’impermanence générale. Inquiets de ce déclinisme programmé, les bhikkhu (mendiants) bouddhistes, que nous appelons moines par relâchement de langage, ont toujours aimé rappeler le nombre d’années écoulées depuis sa mort pour appeler leurs ouailles à la résistance.

Aujourd’hui, bouddhisme des Anciens renvoie généralement au theravâda. C’est logique, à la lettre. Un thera est effectivement un ancien, quelqu’un qui a une expérience à transmettre. Quant à vâda, c’est la position que l’on tient dans une discussion. La mention probablement la plus ancienne – 4e siècle de notre ère – de ce theravâda se trouve dans la Chronique de l’île [de Ceylan] (Dîpavamsa). Elle raconte qu’après le décès du Bouddha, 500 moines se réunirent en concile pour se remémorer le Dharma et le Vinaya, autrement dit les points de doctrine et les articles de la règle des bhikkhu. La chronique précise : « Parce que ce fut collationné par les anciens (thera), on l’appelle theravâda. » Le texte continue : « Ce theravâda parfaitement excellent resta pur et sans tache pendant longtemps, 10 fois 10 ans », après quoi un schisme survint. 10 fois 10 ans, c’est quelque chose pour un homme, mais pas grand-chose pour l’histoire. Pour les rédacteurs de cette chronique, en tout cas, ce theravâda ne resta sur un chemin « pur et sans tache » que cent ans à peine.

Les nouvelles générations allaient peu à peu se diviser en communautés religieuses, fondées sur la mémoire sélective de leurs membres. Les documents relativement tardifs – 3e siècle de notre ère au plus tôt – qui décrivent ces primo-bouddhistes doivent être interprétés avec un grain de sel, car leurs auteurs n’étaient probablement pas dépourvus de tout préjugé sectaire.

Le préjugé sectaire qui finit par mettre tous ces « anciens » dans le même sac, ou plutôt le même véhicule, c’est celui des moines qui commencèrent à réagir, autour du commencement de notre ère déjà, contre l’étroitesse de vue de ces thera. Ils les voyaient bornés au culte du Bouddha « historique », à la mémorisation de ses paroles, à l’interprétation figée de celles-ci… Certes, ces Anciens suivaient le chemin du Bouddha, mais dans un Petit Véhicule (hinayâna) réservé à des moines introvertis servis par des laïcs aliénés. Il fallait au contraire embarquer dans un Grand Véhicule (mahâyâna) ouvert à tous, dans lequel chacun, moine comme laïc, était mû par une bienveillance sans limite à l’égard de tous les êtres vivants. Voilà comment le bouddhisme des Anciens – alors divisé en au moins une trentaine de groupes – a fini par devenir un archaïque Petit Véhicule.

Theravâda : le succès d’une minorité

Il se trouve qu’aujourd’hui, theravâda est utilisé dans un autre sens que celui que nous avons adopté dans la traduction de la Chronique cinghalaise citée plus haut. Entre-temps, en effet, le vocable a été pour ainsi dire kidnappé par les moines d’un groupe du bouddhisme ancien. En stricte rigueur de termes, theravâda désigne aujourd’hui la seule branche encore vivante de la trentaine de groupes évoqués ci-dessus du bouddhisme des Anciens, qui se prétendaient tous gardiens de l’authenticité du message du Bouddha. Le caractère le plus apparent de ce theravâda, c’est sa langue, le pâli, alors que les autres groupes d’anciens du « Petit Véhicule » utilisaient le sanscrit ou des dialectes régionaux. Theravâda est donc une étiquette trompe-l’œil ; elle peut renvoyer soit à un bouddhisme originel pur, certes, mais probablement imaginé ; soit à la congrégation de moines qui ont prétendu et prétendent toujours le représenter.

Ces derniers ne manquent pas d’atouts, à commencer par leur canon, le plus complet de ceux qui nous sont parvenus. Il est composé dans une langue spécifique, le pâli. Mais voilà que ce nom est encore un trompe-l’œil. C’est seulement depuis le 17e siècle qu’on en est venu par erreur, en Occident, à appeler cette langue pâli. Le terme désignait en fait le « canon » des Écritures. Pour ce canon, sa langue est celle du Mâgadha, la région de l’Inde du Nord-Est où le Bouddha pérégrina. Pour les fondamentalistes du theravâda, ce pâli-mâgadhi était la langue du Bouddha, ce qui « prouve » qu’ils représentent le bouddhisme vraiment originel.

En fait, les historiens ignorent dans quel dialecte le Bouddha enseignait. Ils voient ce pâli-mâgadhi plutôt comme une lingua franca élaborée dans l’Inde du Nord au sein de communautés plurilingues. De là, cette langue migra dans les communautés de Ceylan, où le Canon aurait été mis par écrit au cours du premier siècle avant notre ère, soit plus de trois cents ans après la prédication originelle. Ce pâli-mâgadhi constituerait la langue spécifique de ce que nous appelons maintenant le bouddhisme theravâda.

Pourrait-on rêver d’une meilleure étiquette que theravâda pour désigner la congrégation particulière qui reconnaît comme authentique ce « canon pâli » ? Probablement, si l’on admet que ce second theravâda est encore un trompe-l’œil. D’abord, il n’est pas mentionné par toutes les descriptions de ces groupes anciens, et même très peu ensuite par ses membres eux-mêmes. Le mot n’a été retrouvé que par les chercheurs et les bouddhistes occidentaux du 19e siècle.

Que les moines contemporains de Sri Lanka et d’Asie du Sud-Est croient qu’ils descendent en ligne directe des thera « purs » de la première génération est de bonne guerre, mais ne peut être scientifiquement établi. La filiation historiquement certaine, c’est qu’ils sont issus de la congrégation qui a fleuri autour du monastère Mahâvihâra d’Anuradhapura à Ceylan, bâti, selon les chroniques cinghalaises, par le roi d’Anuradhapura au 3e siècle. Bien plus tard, au 12e siècle, le roi Parakkama Bâhu (1153-1186) obligea tous les moines des autres congrégations à défroquer et ne garda que ceux du Mahâvihâra. Ils allaient rayonner non seulement à Ceylan même, mais dans toute l’Asie du Sud-Est, balayant les congrégations plus anciennes.

Dès lors, le bouddhisme des Anciens est-il le theravâda ? Certainement si l’on s’en tient à l’étymologie brute. Difficilement, si l’on prétend que le bouddhisme qui affecte depuis plus d’un siècle s’appeler theravâda correspond exactement à celui de la première génération d’il y a plus de 2000 ans. Une dénomination plus exacte serait d’appeler ces moines les theravâdin du Mahâvihâra.

Cheminements spirituels

Au long de l’histoire du bouddhisme, les chemins spirituels des bouddhistes ont été fort variés. Deux d’entre eux paraissent structuraux, parce qu’ils remontent à la vie du Bouddha lui-même, et parce qu’ils continuent aujourd’hui d’affecter les choix de ceux qui se disent bouddhistes.

Selon la catéchèse élémentaire, Siddhâttha Gotama, le futur Bouddha, fut d’abord un prince chouchouté que son râja (gouverneur) de père voulait maintenir sous les charmes du palais. Il y goûte puis, à 29 ans, prend conscience de la maladie, de la vieillesse, de la mort, mais aussi du moyen qu’offre la vie de renonçant (samana) d’échapper au divertissement insensé de la vie que nous appelons bourgeoise. Dès que son épouse a mis au monde un fils, il quitte le palais, change de pays et, dans un bois, se coupe les cheveux, prend les habits de renonçant et vagabonde.

Dans Essais sur l’individualisme (1983), le sociologue Louis Dumont a fait de cette sortie du palais la figure emblématique de l’individualisme moderne. Elle exprime la capacité de poser un choix personnel non seulement contre le père, mais contre la société dans son ensemble. En effet, le renonçant abandonne tous les devoirs et les droits de son royaume, de sa caste, de son métier, et de son foyer. Il va pouvoir ne s’occuper que de sa propre libération spirituelle. Le seul droit qu’il demande, c’est éventuellement celui de mendier sa nourriture.

Notre nouveau samana va vivre tantôt en ermite et tantôt en compagnie d’autres renonçants, ressemblant aux sadhu encore présents en Inde. Ces inadaptés volontaires se consacraient, selon les cas, à l’ascèse, à la méditation, ou aux joutes philosophiques, et souvent aux trois. Au bout de six années d’errance et de recherche, insatisfait des guru, il décide de chercher pourquoi. Au cours d’une nuit de méditation, il réalise que le désir de vivre et la mort sont liés, il contemple l’ensemble de ses vies antérieures et celles de tous les êtres, et il prend conscience de tout ce qui enchaîne les êtres vivants au cercle vicieux des renaissances : désirs sensuels, attachement à la vie, certitudes spéculatives, et ignorance. C’est son « éveil » à la réalité des choses, son accession à l’état de Bouddha, qui implique la libération de toute renaissance future.

Les années suivantes seront des années de pérégrination et d’exposition de ce qu’il a compris au cours de cette nuit de l’éveil. D’autres samana vont le suivre, de plus en plus nombreux. Pour eux, son enseignement va devenir méthodique. À cause d’eux, il va devoir élaborer un ensemble de règles auxquelles le manquement est affecté d’un coefficient de gravité, qui va de l’exclusion de la communauté au simple conseil.

Son succès va croissant, les râja l’écoutent, le consultent, lui offrent des déjeuners, lui donnent des parcs où lui-même et ses disciples peuvent s’arrêter. Rois et richards construisent à ces mendiants des huttes puis des cellules où ils peuvent s’installer… Rien n’est trop beau pour eux.

Bientôt, les mendiants vont se spécialiser : certains restent en forêt, d’autres dans les villages ou les villes ; certains méditent, d’autres étudient. Les monastères s’agrandissent et les mendiants vont devoir compter, calculer, épargner, investir… On passe progressivement de l’écœurement du pouvoir aux leçons sur le pouvoir, du sommeil au pied des arbres aux cellules alignées, de la mendicité aléatoire à la mendicité organisée. On finit par visiter le père qu’on avait tué. Bref, on retourne au palais.

Du palais à la forêt, allers-retours

Depuis 2 500 ans, ces chemins croisés du palais à la forêt et retours n’ont jamais cessé. Ils ont simplement varié en fonction des époques et des circonstances, car les partisans des deux cheminements peuvent avec raison se référer aux origines du bouddhisme ancien tel que leur canon le décrit : ceux qui privilégient le chemin désengagé de l’avancement spirituel, comme ceux qui privilégient le chemin engagé de l’accommodement politique.

Aujourd’hui, par exemple, les hiérarchies monastiques bouddhistes d’Asie du Sud et du Sud-Est tendent à prendre le chemin du palais, du lieu du pouvoir. Elles ont l’expérience historique de monastères brûlés et de moines persécutés. Elles veulent que le bouddhisme soit religion d’État, que cet État les protège ici des hindous ou là des musulmans, qu’il finance les lieux d’étude et entretienne les monastères. Venus de conditions relativement pauvres, les moines ne sont pas tous malheureux de se rapprocher du palais, d’habiter dans de beaux monastères, d’obtenir des diplômes, d’être pris pour des vedettes et de rouler en Mercédès. Construire encore et encore ne leur vaut pas seulement des mérites spirituels pour la prochaine vie mais des avancements honorifiques dans celle-ci. Ils s’investissent dans la maintenance de l’ordre établi et du financement durable. Tout cela d’un cœur sincère pour retarder le déclin inévitable de l’enseignement-du-Bouddha.

Au contraire, les communautés monastiques de convertis occidentaux – dont la situation originelle d’enfants gâtés correspond exactement à celle du prince Siddhattha Gotama – ne pensent encore qu’à fuir le palais et à gagner la forêt. Ils s’investissent surtout dans la pratique de la méditation, pour eux-mêmes d’abord puis pour leurs disciples.

Ces deux cheminements inverses ne sont pas pour autant radicalement étrangers l’un à l’autre. Ils s’engendrent l’un l’autre plutôt, par action et réaction. Ils sont la respiration toujours renouvelée du bouddhisme ancien. Récemment, les pays d’Asie du Sud et du Sud-Est ont fourni aux convertis occidentaux des méthodes et des hommes pour les former au contrôle mental dans l’esprit du bouddhisme primitif : les Américains venus lancer des bombes au Viêtnam ont aussi laissé des permissionnaires en Thaïlande, qui se sont égarés dans des monastères de forêt. Quarante ans après, ces derniers ont fondé des dizaines de centres bouddhistes dans les pays occidentaux. Là aussi, sans aucun doute, la tentation obligée du retour au palais ne manquera pas de se produire. L’avenir dira comment.

La vie de Bouddha

Chaque tradition bouddhique d’Asie a sa chronologie du Bouddha. Celle du theravâda tient qu’il serait né en 624 ou 623 avant notre ère, et décédé en – 544 ou – 543. Les historiens contemporains tendent à le ramener du 6e au 5e siècle avant notre ère, voire au 4e. La chronologie ci-dessous n’est pas historique au sens moderne. L’année 1 est celle de la naissance du Bouddha.

• Naissance du Bouddha – Naissance du prince Siddhâttha Gotama à Lumbini, Sud du Népal actuel. Son père, de la caste des ksatriya (guerriers), est le râja (gouverneur) d’une République dont le siège se trouve à Kapilavastu. Sa mère meurt une semaine après l’accouchement. L’enfant est élevé par sa tante. Son enfance est celle d’un privilégié, son éducation celle d’un futur chef.

• 16 ans – Son père le marie avec une cousine de son âge.

• 29 ans – Après avoir découvert l’universalité de la maladie, de la vieillesse et de la mort, il quitte le palais pour une vie d’ascète errant, juste après que son épouse ait accouché d’un fils.

• 35 ans – À Bodh-Gaya, au cours d’une méditation intensive, il saisit l’inanité des désirs, des pensées et des sentiments, parvient à une équanimité libre d’attachement, de joie et de peine. Il comprend que les existences sont conditionnées par nos actes, que ce sont nos désirs qui causent nos souffrances, et que l’extinction de ces désirs est la fin de nos souffrances. Il est devenu un éveillé à la réalité des choses, un Bouddha.

Deux mois environ après son éveil, il récapitule sa découverte en quatre nobles vérités :

  1. tout est souffrance ;
  2. la souffrance vient du désir ;
  3. l’extinction du désir entraîne l’extinction de la souffrance ;
  4. cette extinction est possible grâce à une méthode.

Jusqu’à son décès à 80 ans, alors que beaucoup d’autorités politiques favorisent sa prédication et que disciples religieux et laïcs augmentent régulièrement, le Bouddha fixe les règles de sa congrégation religieuse et expose une pensée fondée sur une rationalité revendiquée et sur la vacuité du moi.

• 36 ans – Le Bouddha visite son père pour la première fois depuis qu’il a quitté le palais.

• 80 ans – Le Bouddha décède d’une affection intestinale.

Pour aller plus loin…
Le Bouddha historique. L’époque, la vie et les enseignements de Gotama
Hans Wolfgang Schumann, Sully, 2012.

NOTES

1.Dharma: Dans la pensée chinoise, le yin et le yang humains ayant atteint l’état de « Tout », loi cosmique et sociale déduite de la lecture des Veda.