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Burkina: à Abidjan, l’ancien président Blaise Compaoré rêve d’un retour au pays

L'une des rares apparitions publiques de Blaise Compaoré exilé à Abidjan. Ici le 10 octobre 2016 avant sa rencontre avec l'ex-président ivoirien Henri Konan Bédié.
© ISSOUF SANOGO / AFP

Cela fait cinq ans que Blaise Compaoré a quitté le Burkina Faso après avoir été chassé du pouvoir. Aujourd’hui, il vit en exil à Abidjan et a reçu la nationalité ivoirienne. Mais l’ancien chef d’État rêve de retourner dans son pays, actuellement victime de nombreuses attaques terroristes.

Depuis cinq ans, Blaise Compaoré se fait discret dans la capitale ivoirienne. Hormis quelques séjours à l’étranger, au Maroc, pour bénéficier de soins ou des vacances au Sénégal, il quitte peu les bords de la lagune Ébrié où il a élu domicile.

Mais d’un œil averti, il continue de suivre la vie politique burkinabè et notamment celle de son parti. Dans sa résidence ivoirienne, il reçoit régulièrement des caciques du CDP en proie aux dissensions internes.

En septembre dernier, il a convoqué, à Abidjan, Eddie Komboïgo et Léonce Koné pour gérer une querelle de pouvoir au sein du parti, dont il est toujours président d’honneur.

« C’est le fétiche du CDP »

Pour Émile Kaboré, compagnon d’exil de l’ancien chef d’État, et condamné à 30 ans de prison par contumace dans la tentative de coup d’État de 2015 au Burkina Faso, « leurs ambition personnelle leur font oublier d’où ils viennent. Blaise Compaoré, c’est le fétiche du CDP ».

Ce proche de l’ex-président ajoute : « Il a manifesté le souhait de revenir. L’intelligence politique devrait pousser le clan de Roch Kaboré à trouver une solution. »

En avril dernier, l’ancien homme fort du Burkina Faso a adressé une lettre au président Kaboré où il faisait part de sa « disponibilité » pour soutenir des initiatives de paix dans un pays en proie aux attaques terroristes. Une lettre dont le président burkinabè a fait savoir qu’il en avait pris acte.

 

Entre goût de la liberté et attentes: le Burkina cinq ans après sa révolution

Sur le marché de Banfora, au sud-ouest du Burkina Faso.
© Wikipedia

Cinq ans après l’insurrection, de nombreux jeunes attendent toujours le changement tant souhaité. Même si elles ne regrettent la chute du régime de l’ex-président Blaise Compaoré, de nombreuses personnes accusent le nouveau pouvoir de conduire le pays avec les mêmes méthodes que l’ancien régime.

Comme tous les soirs, après le travail, Ferdinand Sawadogo et ses amis font des parties de pétanque. L’un des acquis de l’insurrection demeure la liberté, estime-t-il : « Maintenant, il y a beaucoup plus de liberté, de presse, de parole et de tout. »

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Grogne sociale, corruption, mal gouvernance... la rupture tant rêvée, tarde à se concrétiser selon Ezechias Somé, assis devant son domicile autour d’un thé : « On ne sent pas vraiment cette grogne sociale descendre, et à chaque fois que certaines personnes sont incriminées, on n'a pas l'impression que des mesures sont prises pour que les choses s'arrêtent. Dans tous les domaines, tous les voyants sont au rouge, que ce soit côté emploi, que ce soit côté sécurité. »

Daouda Nebié est comptable et son ami Mahamadi Compaore bibliothécaire à l’université Joseph Ki-Zerbo. Tous deux s’inquiètent du comportement de certaines autorités : « Nous avons des rapports de certaines institutions spécialisées à détecter des problèmes de corruption. Si cela est avéré, nous pensons que l'insurrection n'aura pas servi parce que nous pensions pouvoir mettre ces choses-là derrière nous », explique le premier, quand le second s'interroge : « Ce qui fait que je m'inquiète beaucoup plus, c'est où est-ce que nous allons avec tout ce qui ne va pas. Il n'y a plus de tolérance en tant que tel. Où est-ce que mon pays va ? »

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Pour l'opposition, la « cohésion est mise à mal »

Même s’ils ne regrettent pas d’avoir participé à l’avènement de l’alternance au Burkina Faso, cinq ans après l’insurrection, de nombreux Ouagalais se disent déçus de la gestion des affaires par le nouveau pouvoir.

Zéphyrin Diabré était l'un des acteurs politiques de cette insurrection, il est aujourd'hui le chef de file de l'opposition. « C'était un évènement politique majeur dans la vie de notre pays. Il était l'expression de toute une population contre une certaine manière de gouverner et une gouvernance qui avait d'énormes tares », dit-il.

Mais pour lui, la mauvaise gouvernance et la mauvaise gestion dénoncée par les manifestants il y a cinq ans n'ont pas disparu. « La situation a largement empiré. On a là un régime dont beaucoup d'acteurs ne cherchent qu'à se remplir les poches plutôt que de servir. Et à cela s'ajoute malheureusement le fait qu'on a une situation de sécurité qui a atteint un niveau de gravité qu'on n'a jamais connu dans notre histoire politique, on n'a pas réussi à endiguer la vague. On assiste à des déplacements massifs de populations, chose qu'on n'a jamais vue dans notre histoire politique. Et notre cohésion sociale, notre vivre ensemble, sont mis très à mal par ce phénomène parce que les actions des terroristes ont conduit à distiller le sentiment dans l'opinion que certains burkinabè, certaines communautés burkinabè devraient être indexées. Donc ceux qui gèrent le pays doivent nous proposer la démarche, la méthode et la vision nous permettant de sortir de cette situation-là. »

L'État ne peut pas tout, d'un coup

Le pays apparait donc pour certains comme un État fragile, notamment à cause des tensions sécuritaires dans le nord et le centre du Burkina Faso qui continuent de s'accentuer.

Mais pour le porte-parole du gouvernement, au contraire, l'État et l'armée continuent de se construire et de se consolider. Même s'il reconnait quelques faiblesses, notamment sécuritaires, le bilan de ces cinq années post-insurrection est globalement positif, explique Remis Fulgance Dandjinou. « Je pense que nous avons mis un processus en marche et que ce processus s'achève. Rien ne peut être entièrement fini dès le départ. La construction du bien-être des populations se fait en continuité. On ne peut pas penser aujourd'hui pouvoir le faire en une année ou en deux ans, lorsque nous avons un système qui s'était établi durant deux décennies à peu près. Donc chacun de nous lit l'actualité et les faits à l'aune de sa vision. Nous avons aujourd'hui une construction d'une démocratie qui se fait parfois dans la douleur notamment à cause des attaques terroristes, mais qui se fait et avance de plus en plus. Le Burkina tient le coup, reprend la main. Nous avons tous intérêt à ce qu'il tienne. Les efforts permettent de renforcer cette résilience et donner un succès au Burkina dans cette lutte qui lui est imposée. »

 

Côte d'Ivoire: Jacques Mangoua serait-il interdit de visite?

Des sympathisants de Jacques Mangoua manifestent à à Botro, en Côte d'Ivoire, le 2 octobre 2019.
© AFP

C’est ce que croient savoir les proches du vice-président du PDCI. Le 3 octobre dernier, l’homme politique du principal parti d’opposition a été condamné à cinq ans de prison ferme pour détention illégale de munitions. Sa famille, qui a pu le voir en prison, affirme que les autorités judiciaires d’Abidjan ont décidé de ne plus lui délivrer les autorisations de visite. Une situation qui renforcent les tensions politiques à douze mois des élections présidentielles.

Peu après sa condamnation à Bouaké, capitale de la région du Gbéké dont il est aussi le président du conseil, Jacques Mangoua a été transféré à la MACA, la célèbre maison d’arrêt d’Abidjan. D’après sa fille Christelle, il a lui-même demandé ce transfert. Le vice-président du PDCI souffrant de drépanocytose, les conditions de détention à la prison de Bouaké étaient plus qu’inadaptées.

Ce sont donc les autorités judiciaires d’Abidjan qui sont chargées de délivrer les permis de communiquer, le fameux document permettant de visiter un détenu. Quelques membres de la famille de Jacques Mangoua ont pu en obtenir pour se rendre à la MACA, mais sa fille Christelle explique à RFI avoir épuisé son dernier permis ce samedi. Le greffier lui aurait indiqué qu’il n’en délivrerait plus à l’avenir.

En effet, la situation est confuse des deux côtés. L’un des avocats de Jacques Mangoua, Me N’Dri Claver, rappelle que seuls le magistrat saisi de la procédure et le procureur de la République sont compétents pour délivrer les permis de communiquer.

Ce que confirme le procureur de Bouaké Braman Koné. Le magistrat, qui a poursuivi Jacques Mangoua pour les faits de détention illégale de munitions, souligne même qu’il est prêt à fournir en dix minutes le précieux sésame, à condition bien sûr qu’on lui en fasse la demande.

Depuis le début, Christelle Mangoua dénonce une justice au service du pouvoir, et déclare : « Les ordres viennent d’en haut. »

Sénégal: polémique autour d’une femme autoproclamée khalife

Une mosquée située à Dakar.
© RFI/Ndiassé SAMBE

Sokhna Aïda Diallo a été violemment critiquée dans les médias sénégalais, et recadrée par le chef de la confrérie mouride, après l’annonce de ses ambitions. Elle s’est finalement excusée, mais cette affaire met en lumière un débat sur la place de la femme dans la hiérarchie religieuse.

Elle aurait voulu être cheikh à la place du cheikh. Sokhna Aïda Diallo apparait comme une femme libre et moderne pour ses partisans, ou rebelle et indisciplinée pour ses détracteurs. L’une des épouses du chef spirituel des Thiantacounes, un groupe de la confrérie mouride décédé en mai 2019, est depuis au cœur d’une bataille de succession avec le fils aîné du guide.

On l’a vue accueillir des milliers de têtes de bétail achetées à l’occasion du dernier Grand Magal de Touba, la grande fête religieuse des Mourides, et recevoir de nombreux fidèles. Une situation inacceptable pour le khalife général de la confrérie, qui l’a sèchement rappelée à l’ordre, notamment dans une déclaration retransmise sur internet.

« Si cela ne concernait qu’elle et moi, je l’aurais envoyée en brousse (…), dit-il. Si on appliquait la charia, elle serait mise à mort. Mais les temps ont changé », poursuit le chef religieux.

De son côté, après plusieurs jours de polémique, Sokhna Aïda Diallo a présenté ses excuses dans une vidéo. Profil bas, donc, pour calmer le jeu. Mais c’est un « signe que notre religion n’accepte pas certaines réalités », affirme un proche de Sokhna Aïda Diallo, qui dit craindre pour sa sécurité.

Côte d'Ivoire: où en est l'académie internationale de lutte contre le terrorisme?

Le ministre de l'Intérieur ivoirien, Hamed Bakayoko, en conférence de presse à Abidjan, le 22 mars 2016.
© SIA KAMBOU / AFP

Ce jeudi 24 octobre à Abidjan, le ministre ivoirien de la Défense et l’ambassadeur de France présentaient officiellement à l’ensemble du corps diplomatique l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme.

Cette académie franco-ivoirienne, dont le chantier a été lancé il y a un an et qui sera installée à Jacqueville à 50 km d’Abidjan, est destinée à former les cadres de la police de la justice et de l’armée à l’antiterrorisme.

Initié il y a deux ans par la France et la Côte d’Ivoire, le projet se veut à destination de toute la sous-région. Aujourd’hui, ses promoteurs font appel à leurs partenaires européens et africains notamment que ce soit en termes financier ou logistiques, en termes de formation aussi.

« Je lance un appel pour que nous puissions tous soutenir cette initiative, dans l’urgence le Mali, le Burkina, le Niger qui font face à cette menace au quotidien, explique Hamed Bakayoko, ministre ivoirien de la Défense. Il y a une progression. Hier c’était le Mali, le Niger, le Burkina, à qui le tour demain ? Il faut qu’on soit ensemble pour apporter une réponse globale. »

Les stages ont commencé en juin et les formations, à destination des militaires, des policiers ou des magistrats, se déroulent pour le moment, à l’école de police d’Abidjan. Les entrainements destinés aux « forces spécialisées », c’est-à-dire aux groupes d’intervention de la police, de la gendarmerie, ou de l’armée, attendent toujours la livraison des installations de Jacqueville, estimées à 20 millions d’euros.

« C’est un projet pour la sous-région donc l’important c’est l’intégration de tous, ce n’est vraiment pas une question d’argent, avance Gilles Huberson, ambassadeur de France. Qu’on se pose tous ensemble la question : comment être plus efficaces, cette académie a déjà commencé avec la formation des cadres. A partir de l’été prochain, ce sont les forces spécialisées qui pourront s’entraîner à Jacqueville. »

De son côté, Hamed Bakayoko a par ailleurs annoncé des manœuvres militaires conjointes au Sahel, auxquelles participerait la Côte d’Ivoire, pour la fin de l’année ou le début de l’année prochaine.

Nous allons travailler sur trois axes : renforcer la capacité de tous les pays en lien direct avec les attaques terroristes. Nous allons également travailler à renforcer les capacités des autres pays qui doivent se prémunir d’attaques terroristes. Et ensuite, les chefs d’opération vont monter des opérations conjointes…

Hamed Bakayoko, ministre ivoirien de la Défense
24-10-2019 - Par Pierre Pinto