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Burkina Faso : des militaires ciblés par une nouvelle attaque meurtrière

près de la frontière malienne

| Par - à Ouagadougou

Au moins cinq gendarmes ont été tués dans l'attaque d'un détachement militaire basé à Oursi, dans le nord du pays, près de la frontière malienne.

Le détachement de gendarmerie de Oursi, dans le Nord, a été attaqué ce lundi, ont confirmé à Jeune Afrique plusieurs sources sécuritaires concordantes. « Le détachement a subi une attaque de grande ampleur, menée par un commando constitué de plusieurs hommes armés », précise un gradé de la gendarmerie. Un premier bilan, encore provisoire, fait état de cinq tués dans les rangs des gendarmes, a par ailleurs précisé un officier.

Cette nouvelle attaque meurtrière de militaires burkinabè intervient au lendemain de l’assassinat d’Oumarou Dicko, député-maire de la ville de Djibo, dans le nord du Burkina Faso, tué dimanche 3 novembre en même temps que trois autres personnes dans l’attaque de son véhicule par des hommes armés.

Florence Parly attendue à Ouaga

Cette série d’attaques intervient alors que doit se tenir à Ouagadougou, ce mardi 5 novembre, une rencontre du conseil des ministres du G5 Sahel – que le Burkina préside depuis février dernier – qui a pour objectif, notamment, d’accélérer la mise en œuvre des décisions prises lors du sommet de Ouagadougou, le 14 septembre dernier.

Florence Parly, ministre française des Armées, qui est arrivée ce lundi au Tchad pour une tournée dans le Sahel, est par ailleurs annoncée dans la capitale burkinabè, où elle doit notamment rencontré le président Roch Marc Christian Kaboré.

Le découragement n’a pas sa place dans le cœur des soldats burkinabè, ils sont debout et ils tiennent à le demeurer

Vendredi, à l’occasion du 59e anniversaire de l’armée, Chérif Sy, le ministre burkinabè de la Défense, avait rendu hommage aux 204 soldats tués dans les opérations contre des groupes « terroristes » sévissant principalement dans le nord du pays depuis 2016. Depuis 2016, 630 civils ont été tués dans ces violences.

« Face à cette barbarie, nous ne devons aucunement flancher, encore moins céder au découragement ou à une quelconque fatalité », a notamment lancé le ministre lors de son discours. « Le découragement n’a pas sa place dans le cœur des soldats burkinabè et, avec le peuple, ils sont debout et ils tiennent à le demeurer », a ajouté le ministre. « Le Burkina Faso restera debout, hier avec nos ancêtres comme aujourd’hui avec nous », a répondu en écho le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré, assurant que « nous maintiendrons, coûte que coûte, vaille que vaille, l’intégrité de notre territoire ».

Burkina: après le meurtre du maire de Djibo, la ville au bord de l'état de siège

Des militaires burkinabè lors d'un entraînement pour combattre le terrorisme, en avril 2018 (image d'illustration)
© AFP PHOTO/ISSOUF SANOGO

La ville de Djibo, dans le nord du pays, est sous le choc après l'assassinat de son maire, dimanche 3 novembre. Oumarou Dicko a été victime d'une embuscade à Gaskindé, à quelques kilomètres de Djibo. Sur une route pourtant jugée encore relativement fréquentable.

Alors que le député-maire se rendait à Ouagadougou, son véhicule a été attaqué par des hommes armés. Trois autres passagers sont morts avec lui. Cette attaque a d'autant plus marqué la population qu'elle est survenue sur la dernière route à peu près fréquentable qui relie Djibo au reste du pays.

« A ce rythme, Djibo sera bientôt une ville assiégée », soupire au téléphone un membre de la société civile. « La ville ne dispose plus que d'un seul point d'entrée et de sortie, poursuit-il, si cet axe devient trop dangereux, ce sera l'asphyxie ».

Depuis plusieurs mois les attaques terroristes perpétrées dans la province du Soum, au nord du Burkina Faso, semblent obéir à un plan méthodique. Des axes stratégiques ont été détruits, comme le pont de Boukouma à l'est de Djibo, afin d'isoler la ville ainsi qu'Arbinda, autre chef-lieu de la région, du reste du pays.

« La route Bourzanga-Djibo est une voie rouge ! » s'énerve un habitant de Djibo dont l'établissement est fermé depuis plus d'un an. « On y croise plus de terroristes que de militaires. Les jihadistes montent des checkpoints alors que les forces de sécurité ne patrouillent plus, par peur des mines artisanales », conclut-il.


«La route Bourzanga - Djibo est une voie rouge», s'insurge un habitant de Djibo. © GOOGLE MAPS

Une situation que réfute une source à l'état-major des armées burkinabè, qui affirme que les forces de sécurité passent sur toutes les routes de la province. Cette source a néanmoins refusé de communiquer le nombre d'hommes déployés dans le Soum ou les détails du dispositif sécuritaire mis en place.

On a l’impression que le Burkina est la dernière porte pour arriver sur les côtes. (…) Il faut aujourd’hui rebattre les cartes au Sahel pour faire vraiment face à une situation qui menace toute la sous-région de l’Afrique de l’Ouest

Alioune Tine
04-11-2019

Après les attaques meurtrières, le président malien appelle à «l'union sacrée»

Capture d'écran de l'adresse à la nation prononcée par le président malien Ibrahim Boubacar Keïta le 5 novembre 2019.
© Capture d'écran

Après les attaques survenues dans les localités de Boulikessi, Mondoro, et plus récemment à Indelimane, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta s’est, pour la première fois, exprimé à la télévision.

Le ton est solennel, le discours direct. « L’attaque d’Indelimane, de Boulikessi, de Mondoro et toutes celles qui les ont précédées montrent la gravité de la situation que vit le Mali. Nous sommes en guerre », a déclaré Ibrahim Boubacar Keïta lundi soir.

► À lire aussi : Mali: le groupe EI revendique l'attaque du camp militaire d'Indelimane

Posture offensive

Après de nombreuses pertes en vie humaine, le président malien appelle à l’union sacrée autour de l’armée nationale : « Dans ces circonstances particulièrement graves où la stabilité et l’existence de notre pays sont en jeu, notre seule réponse doit être l’union nationale, l’union sacrée autour de notre armée nationale », a-t-il exhorté.

Il révèle dans le même discours qu’il a récemment présidé à une réunion en présence de tous les chefs militaires. Son message : changer de stratégie sur le terrain face à l’ennemi. « J’ai instruit des mesures fortes, notamment l’élaboration d’un nouveau concept opérationnel qui donne une part importante à l’offensive au niveau de relèvement du commandement opérationnel sur le terrain et à l’amélioration des conditions d’engagement de nos hommes », a-t-il expliqué.

Une guerre « mondiale »

Pour le président IBK, la guerre contre le terrorisme n’est pas seulement une affaire du Mali. « Cette guerre n’est pas une guerre rien que contre le Mali ou le Sahel, elle est mondiale. Dans cet ordre mondial d’insécurité, la mutualisation des efforts et des forces est capitale », a-t-il souligné.

« Pensée pour les soldats maliens morts au front, pensée également pour les soldats étrangers, notamment Français, morts pour le Mali », a ajouté le président de la République dans son adresse à la nation.

Mali: à Kidal, en l’absence de l’État, le CADI rend la justice

Une rue de Kidal (illustration).
© KENZO TRIBOUILLARD / AFP

La ville malienne de Kidal est toujours aux mains des ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA). Même si un gouverneur nommé par Bamako est sur place, il est plutôt discret. En l'absence des services judiciaires de l'État malien, c'est la justice traditionnelle qui s'applique.

Dans la cour d’un bâtiment de Kidal, assis sur des nattes, des habitants attendent. Ibrahim est venu porter plainte contre un voisin : « Ici, c’est la justice, la loi islamique. En l’absence de l’État, on se réfère à l’islam pour essayer de voir la personne qui a tort, ou pas, et sans procureur. »

Pas de condamné à mort

Au sein de ce tribunal, des débats dirigés par un cadi, un juge musulman, se déroulent à huis clos. Ibrahim confie : « La sauvegarde de l’intimité, c’est-à-dire, même des présumés ou bien des plaignants, ils font ça à huis clos. Les gens ne se plaignent pas. À 90%, leurs problèmes sont résolus. »

Non loin de ce tribunal traditionnel, une ancienne école. Des portes en fer. C’est la prison qui accueille essentiellement les gens jugés et condamnés par le cadi. Un garde armé explique : « Il y a cinquante-cinq prisonniers. Il y a tous les crimes, vols, assassinats, crimes liés à la drogue, etc. » Parmi les prisonniers, il n’y a pas de condamné à mort.

 

Mali: journée de solidarité envers les enseignants victimes des attaques jihadistes

Dans une école située dans le village de Tanainaite, au nord du Mali.
© Getty Images/BSIP

Au Mali, les syndicats de l'Éducation organisent ce jeudi une journée de solidarité en hommage aux enseignants enlevés ou tués depuis le début de l'année par les groupes jihadistes. Ces derniers sont la cause également de la fermeture de près de 900 écoles à travers le pays.

La semaine dernière, sept enseignants ont été enlevés par des groupes djihadistes vers Korientzé dans la région de Mopti dans le centre du Mali, avant d'être finalement libérés quelques jours plus tard. Mais « aujourd’hui, on dénombre quatre enseignants entre les mains de ces ravisseurs-là. Et un instructeur-coordinateur aussi, a été tué, informe Adama Fomba, le porte-parole des syndicats de l'Éducation. Vous voyez, la menace aujourd’hui est partout. Pas seulement au centre même, tout près de Bamako et dans la région de Koulikoro. Les enseignants ont du mal à travailler et l’État n’est pas en mesure, aujourd’hui - ça c’est notre constat - de sécuriser non seulement les écoles, mais aussi le personnel enseignant ».

« Ils brûlent les cahiers et les livres »

Dans le centre et le nord du pays, les menaces des groupes jihadistes s'accentuent et rendent difficiles le travail des enseignants. «Ils [les jihadistes, ndlr] viennent subitement à l’école, brûlent les cahiers ou les livres. Ils demandent à ce que les enfants sortent et ils prennent quelques enseignants, ou ils demandent de fermer systématiquement l’école et puis ils s’en vont. Il est difficile aujourd’hui de faire une estimation des écoles fermées à l’échelle du pays, mais à notre dernière estimation c’était presque 700 écoles (le ministère de l'Education nationale parle de 900 écoles fermées ».