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Burkina Faso : trois Burkinabè et un Chinois retrouvés après leur enlèvement

| Par Jeune Afrique avec AFP
Le président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré, lors du lancement des travaux du  Projet Backbone National des Télécommunications, en décembre 2017.

Trois Burkinabè et un expatrié chinois portés disparus depuis vendredi dans le sud-ouest du Burkina Faso ont été retrouvées en bonne santé, après avoir été brièvement enlevés. Ils faisaient parti d'une équipe de prestataires de service pour l'État burkinabè sur le déploiement du Projet Backbone National des Télécommunications.

« Les quatre membres de l’équipe de prestataires pour le déploiement du Projet Backbone National des Télécommunications qui étaient portés disparus ont été retrouvés sains et saufs », a indiqué un communiqué du ministère de l’Économie numérique sans plus de précisions.

« Les quatre travailleurs ont été retrouvés samedi soir à plusieurs kilomètres de Sidéradougou. Ils ont été ramenés à Ouagadougou. Ils sont en état de choc », a affirmé une source sécuritaire, qui a pu préciser la nationalité chinoise de l’expatrié.

« C’est sans doute le maillage de la zone par les forces de défense et de sécurité, lors des opérations de ratissage, qui a poussé les ravisseurs à les relâcher », a expliqué une autre source sécuritaire, confirmant la thèse de l’enlèvement évoquée samedi.

Les conditions de la libération restent floues. « Nous n’avons pas de détails sur leur libération parce que les auditions n’ont pas encore commencé. Les victimes elles mêmes ne savent pas où elle étaient », a affirmé le ministre de la Sécurité Ousseni Compaoré. « Il n’y a pas eu de paiement de rançon car il aurait fallu rencontrer les ravisseurs qui sont toujours activement recherchés », a-t-il ajouté, sans vouloir faire plus de commentaire.

Le ministère du Développement de l’économie numérique avait annoncé la disparition vendredi des quatre prestataires sur l’axe Ouo-Sidéradougou, dans la région des Cascades, soulignant que le véhicule de « type pick-up qui les transportait avait été découvert les portières ouvertes ».

Nombreux otages étrangers

La première tranche de réalisation du Backbone, qui vise à installer la fibre optique sur l’ensemble du Burkina Faso pour le connecter au reste du monde, a été attribuée au géant chinois Huawei.

De nombreuses prises d’otages concernant des étrangers ont eu lieu ces dernières années au Burkina Faso, confronté depuis 2015 à des attaques jihadistes de plus en plus fréquentes et meurtrières.

En décembre 2018, un couple italo-canadien, Edith Blais, 34 ans, originaire de Sherbrooke, et son compagnon Luca Tacchetto, 30 ans, originaire de Venise, a disparu sur la route entre Bobo-Dioulasso et Ouagadougou, qui passe près du secteur où a brièvement disparue l’équipe de prestataires de service. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau avait dit en janvier qu’il pensait que la Canadienne était en vie.

En septembre 2018, un Indien et un Sud-Africain travaillant dans le secteur minier ont été enlevés sur la mine d’or d’Inata, dans le Nord-Ouest.

En janvier 2016, un couple australien, le Dr Kenneth Elliot et son épouse Jocelyn, qui dirigeaient une clinique depuis de nombreuses années, avaient été enlevés à Djibo (nord). Jocelyn Elliot avait été libérée après un an de captivité, mais son époux demeure captif.

Un Roumain, Iulian Ghergut, qui travaillait pour l’énorme mine de manganèse de Tambao (nord), est toujours détenu par des jihadistes depuis son enlèvement en avril 2015.

Côte d’Ivoire : les dessous de la rencontre entre Charles Blé Goudé et Guillaume Soro

| Par
Guillaume Soro et Charles Blé Goudé lors de leur rencontre à La Haye, le dimance 24 novembre 2019.

Charles Blé Goudé et Guillaume Soro se sont rencontrés à La Haye, dimanche. Les deux hommes, jadis liés par leur engagement syndical, ne s’étaient plus revus depuis 2010. Leur rencontre, qui sonne leur réconciliation, a été minutieusement préparée.

Un protocole minutieux, un accueil chaleureux. Charles Blé Goudé a mis les petits plats dans les grands pour recevoir Guillaume Soro, dimanche à La Haye. Quand Soro, accompagné de l’ex-ministre Affoussiata Bamba-Lamine et guidée par Youssouf Diaby, directeur de cabinet de Blé Goudé, se jette dans les bras de son ancien bras droit à la Fédération estudiantine et scolaire (Fesci), il lâche, furtivement, une petite phrase : « Des gens  vont mourir aujourd’hui ». Une allusion tout autant destinée aux détracteurs de la rencontre qu’aux partisans des deux hommes, mus par l’émotion.

Les hésitations de Soro

La photo des deux hommes posant fièrement côte à côte et arborant de larges sourires, qui se veut le symbole d’une réconciliation entre des ennemis d’hier, a été longuement préparée.

Tout a commencé le dimanche 3 novembre. Ce jour-là, Affoussita Bamba-Lamine est dépêchée auprès de Charles Blé Goudé par Guillaume Soro. Elle lui indique la volonté de son patron d’avoir un tête-à-tête avec lui.

Blé Goudé ne répond pas favorablement immédiatement. Il prend d’abord le temps de consulter ses conseillers, tout en sondant ses partisans via les réseaux sociaux. Parmi ses proches, deux camps se dessinent entre les partisans d’une telle rencontre et ceux qui y sont opposés. Mais une majorité finit par se dégager en faveur des premiers. Blé Goudé instruit alors son directeur de cabinet, Youssouf Diaby, un ancien de la Fesci qui a aussi connu Soro, d’organiser la rencontre.

Dans le communiqué publié à l’issue de la rencontre, dont chaque mot a été pesé, les deux hommes « exhortent  le régime d’Abidjan à organiser des assises politiques nationales inclusives, en vue de vider tout le passif de la récente crise qui a endeuillé la Côte d’Ivoire, afin de créer les conditions idoines pour une stabilité et une paix sociale durable ».

La fin d’une inimitié ancienne ?

Un message commun, envoyé à Alassane Ouattara, leur nouvel adversaire commun, qui avait pourtant été au cœur de leur première rupture, en 1998. Les deux hommes, alors amis, se sont alors séparés suite à une mésentente sur le choix du secrétaire général de la Fesci qui devrait succéder à Soro. Ce dernier préférait qu’un proche prenne sa suite, en l’occurrence, Yayoro Karamoko, devenu par la suite président des jeunes du Rassemblement des républicains (RDR d’Alassane Ouattara). Charles Blé Goudé, soutenu par Laurent Gbagbo et la machine du Front populaire ivoirien (FPI), s’est tout de même lancé à la conquête du puissant syndicat étudiant. Un combat remporté par Blé Goudé.

Quand Soro se retrouve, en septembre 2002, à la tête de la rébellion des Forces nouvelles (FN) qui voulait renverser Laurent Gbagbo, Blé Goudé met un terme à ses études en Europe et regagne Abidjan, où il prend la tête des Jeunes patriotes. S’en suit une longue rivalité, ponctuée par une réconciliation de façade, en 2007, après la signature des accords de Ouagadougou entre Gbagbo et Soro. La dernière rencontre entre les deux hommes remonte à 2010. Ils ne s’étaient plus revus depuis.

Quel degré de collaboration ?

Envisagent-ils désormais un cadre de collaboration en vue de la présidentielle d’octobre 2020, pour laquelle Soro est candidat ? « Non, on n’en pas là », tranche un proche de Blé Goudé. ce dernier n’en a pas fini avec la justice internationale. Sous liberté conditionnelle de la Cour pénale internationale (CPI), dans le procès où il est co-accusé de Gbagbo, notamment pour « crimes de guerre », il attend le verdict final des juges en appel.

Une chose est certaine, si la rencontre ne soulève pas beaucoup de débats dans le camp Soro, dans celui de Blé, l’heure n’est pas à l’unanimité. Le patron de presse Douadé Alexis Gbansé, qui a milité à la Fesci et se présente comme un « frère » de Blé Goudé continue de s’interroger sur la pertinence de cette rencontre. « Finalement, c’est quoi la morale politique dans ce pays ? C’est quoi le projet pour les 30 millions d’habitants ? Ils semblent dire : “Après moi, tu seras président ? Non, moi avant, et toi après ?”. Je conseillerai à Blé Goudé et à Soro qui, par la force des choses, se retrouvent tous deux en Europe, de songer à montrer l’exemple à suivre à Ouattara, en organisant les assises politiques de leur génération », martèle Gbansé.

Le Niger va changer d’hymne national, près de 60 ans après son indépendance

| Par Jeune Afrique avec AFP
Réunion du Comité national chargé de réfléchir sur l'hymne national du Niger avec le président Mahamadou Issoufou, au Palais de la présidence, le 21 novembre 2019.

Le Niger a décidé de changer son hymne national, « La Nigérienne », adopté au lendemain de l'indépendance en 1960, pour supprimer une allusion à l'ancien colonisateur français.

« Il y a des parties de l’hymne qui font à l’unanimité l’objet de critiques. Il faut trouver un hymne qui puisse galvaniser la population, être pour nous une sorte de cri de guerre pour toucher notre fibre patriotique », a expliqué jeudi le ministre nigérien de la Renaissance culturelle, Assoumana Malam Issa, à la télévision d’État.

Le ministre a fait l’annonce à l’issue d’un entretien entre le président Mahamadou Issoufou et un Comité chargé d’élaborer le nouvel hymne. Ce comité est « composé de plusieurs membres du Gouvernement et d’éminents experts rompus dans l’écriture et la composition musicale », précise un communiqué de la présidence diffusé jeudi.

Les paroles de « La Nigérienne » ont été écrites par le Français Maurice Albert Thiriet en 1961, un an après l’indépendance du pays en 1960. De nombreux Nigériens critiquent surtout les troisième et quatrième vers, « Soyons fiers et reconnaissants / De notre liberté nouvelle ! », estimant que ce mot de « reconnaissant » marque une inféodation à la France.

Appel à « contributions »

Le Comité chargé du nouvel « va réfléchir sur l’hymne actuel en lui apportant des correctifs » et « si possible trouver un nouvel hymne qui réponde au contexte actuel du Niger », a poursuivi le ministre.

Il a lancé « un appel » à ses compatriotes à faire parvenir au Comité des « contributions » pour l’élaboration de « l’oeuvre principale (finale) en langues nationales ».

Le pays célèbrera le 18 décembre le 61e anniversaire de la proclamation de sa république en 1958.

Transports urbains : à Bamako, cartographier pour mieux rouler

2 | Par - à Bamako
Dans les rues embouteillées de Bamako et ses bus verts

Après l’instauration par le gouvernement d’une circulation alternée qui a bouleversé les itinéraires de bus, un projet de cartographie participative vise à les répertorier pour faciliter les déplacements.

Face aux embouteillages monstres aux heures de pointe dans la capitale malienne, Ibrahima Abdoul Ly, le ministre des Transports et de la Mobilité urbaine, a introduit au mois d’août le principe de circulation alternée. Les principaux axes routiers sont désormais à sens unique de 7 heures à 9 heures du matin, puis entre 16 heures et 19 heures. « L’objectif est de permettre aux travailleurs qui se rendent dans le centre d’y accéder dans un temps raisonnable », explique Mohamed Ould Mamouni, chargé de la communication du ministère.

Mais la circulation alternée ne séduit pas les usagers des minibus de couleur verte, connus sous le nom de Sotrama, coordonnés par les syndicats des transporteurs. Ils dénoncent une opération « séparatiste » qui a montré ses limites.

« À cause de ces nouveaux sens interdits, notre minibus Sotrama prend des routes secondaires en mauvais état. La poussière nous enveloppe, et les secousses nous fatiguent », regrette ainsi Aminata Koné, une usagère régulière des transports publics. « Mon arrêt habituel étant sur l’un des axes touchés par la circulation alternée, le minibus me dépose de manière aléatoire à l’intérieur des quartiers, je me perds régulièrement », poursuit-elle.

3 500 minibus sur 300 itinéraires différents

À Bamako, personne ne sait exactement combien de minibus sont en circulation. Les professionnels estiment qu’ils sont plus de 3 500 pour plus de 300 itinéraires différents, un chiffre difficile à vérifier. Même pour les Bamakois les plus chevronnés, il n’est pas aisé de trouver son chemin.

Pour remédier à cette situation, une initiative a été lancée par Nathalie Sidibé, sous forme de projet de cartographie participative soutenu par la Banque mondiale. Avec ses 17 enquêteurs, cette jeune responsable associative, qui a notamment travaillé pour le Pnud et leader de la communauté OpenStreetMap Mali, répertorie lignes et arrêts des minibus Sotrama.

Les syndicats des transports au Mali ont été associés à la collecte des données, et doivent intégrer, à terme, celles qui concernent les lignes des bus à grande capacité que le ministère compte mettre en circulation pour fluidifier les transports en commun en 2020.

« Nous avons entrepris ce projet à la fin de septembre, en commençant par former nos enquêteurs aux outils, avant la phase de collecte proprement dite des données concernant les lignes et les arrêts des Sotrama. Nous en sommes désormais à l’édition des données et à leur stockage sur la plateforme internationale OpenStreetMap », explique Nathalie Sidibé.

Il reste encore à convertir ces informations dans un format spécifique, le GTFS (General Transit Feed Specification), permettant leur exploitation grâce à une application mobile.

Une start-up devrait être créée pour élaborer un plan interactif, utilisable facilement par les Bamakois sur leur smartphone, à condition de disposer des financements nécessaires pour mener à bien ce projet.

Côte d’Ivoire : les réseaux macronistes de Guillaume Soro

| Par Jeune Afrique
Alexandre Benalla et Guillaume Soro lors de la convention de La République en marche, à Paris, en juillet 2017.

Premier candidat de poids à la présidentielle ivoirienne d’octobre 2020, Guillaume Soro s’inspire d’Emmanuel Macron pour construire sa campagne.

Comme le président français Emmanuel Macron, élu à 39 ans, Guillaume Soro  a choisi de créer, à la mi-octobre, non pas un parti mais un mouvement, le GPS. Et il prend soin de renforcer ses réseaux auprès du président français.

Il a ainsi revu à plusieurs reprises Alexandre Benalla, dont il avait fait la connaissance lors de la convention de La République en marche, en juillet 2017. Depuis, l’ex-chargé de mission d’Emmanuel Macron a créé Comya, une société grâce à laquelle il dit vouloir se reconvertir dans la sécurité privée et l’intelligence économique en Afrique.

C’est Ousmane Touré, qui connaissait déjà Benalla, qui a été chargé de faire l’intermédiaire. Ce membre du premier cercle de Soro a été rappelé l’année dernière de son poste de diplomate au sein du service social de l’ambassade ivoirienne de Paris et affecté au service économique du ministère des Affaires étrangères à Abidjan.

Camp de base à Paris

En France, Guillaume Soro a noué des liens avec François de Rugy lorsqu’ils étaient à la tête de leurs Assemblées nationales respectives, ainsi qu’avec M’jid el Guerrab, député de la 9e circonscription des Français de l’étranger (Maghreb et Afrique de l’Ouest). Mais il s’appuie également sur de très vieux amis, comme Olivier Pacteau. Il avait rencontré cet homme, qui a œuvré à la campagne de Macron, à la fin des années 1990, lorsqu’ils étaient tous deux militants estudiantins à Paris.

À l’étranger depuis plus de six mois, Guillaume Soro a établi son camp de base à Paris, où il possède un appartement. Il n’a néanmoins pas demandé de rendez-vous au Quai d’Orsay. Malgré les menaces judiciaires (et sécuritaires, il en est convaincu) qui pèsent sur lui, il envisage de rentrer en Côte d’Ivoire prochainement pour organiser la Convention de son nouveau mouvement. Il devrait être à Abidjan avant la visite du président français, au début de décembre.