Vu au Sud - Vu du Sud

Mahamadou Issoufou, président du Niger:
«Nous avons besoin de plus de Barkhane»

Mahamadou Issoufou, le président du Niger, lors d'une interview à RFI et France 24.
© RFI

[Exclusif] Huit jours après l’attaque contre la garnison d’Inates au Niger qui a causé la mort de 71 militaires, le président Mahamadou Isssoufou s’exprime pour la première fois. Un entretien accordé à Gaëlle Laleix de RFI et Cyril Payen de France 24.

FRANCE 24 : On sort de trois jours de deuil national qui ont beaucoup marqué. On a beaucoup senti cette commotion dans la société, au Niger, après la perte, il y a quelques jours, dans une garnison à quelque 300 kilomètres de la capitale, de 70 de vos soldats. Vous êtes le chef de l’État, vous êtes aussi le chef des armées. On a vu vos armées défiler aujourd’hui en jour de fête nationale. Quelle est la situation sur place ? Est-ce que c’est hors de contrôle ? On en est là, sur place ?

Mahamadou Issoufou : Non, je ne pense pas que l’on puisse dire que la situation est hors de contrôle, mais on peut dire que la situation est grave. Parce que la situation sécuritaire se dégrade de jour en jour depuis quelques temps. La menace devient de plus en plus intense et elle s’étend dans l’espace. Donc, la situation est vraiment préoccupante, non seulement pour le Niger, mais également pour les autres pays du Sahel et de manière générale pour l’ensemble des pays de la Cédéao, y compris d’ailleurs, les pays du bassin du Lac Tchad. Parce qu’il ne faut pas oublier que, dans le bassin du Lac Tchad, nous faisons face à la menace de Boko Haram.

RFI : L’attaque d’Inates est la plus meurtrière depuis 2015 au Niger. Comment expliquez-vous un bilan aussi lourd et dans quel état se trouvent aujourd’hui vos forces de défense et de sécurité ?

C’est ce que je viens de dire, la menace s’est aggravée depuis 2015. Les terroristes se sont renforcés. Ils ont pu disposer d’équipements plus lourds, plus efficaces. Ils ont dû bénéficier de renfort en encadrement pour la formation. Parce qu’on nous parle de transfert de terroristes de Syrie, d’Irak, via la Libye, où malheureusement, il n’y a pas d’État. Et donc, ce qui s’est passé à Inates traduit tout cela. C’est la conséquence de tout cela. Davantage d’encadrement terroriste, davantage de formation, davantage d’équipements et donc des attaques de plus en plus meurtrières.

FRANCE 24 : Pour faire face à ce que vous appelez cette métastase, vous avez souvent répété ce mot pour ce qui se passe et se répand, non seulement au Niger, mais dans d’autres pays membres du G5 Sahel, vous avez prôné et milité depuis longtemps pour une coalition internationale qui interviendrait de la même manière que des coalitions internationales sont intervenues offensivement et militairement dans d’autres pays. Pourquoi est-ce que la communauté internationale traine-t-elle des pieds sur la question du terrorisme dans le Sahel ?

C’est la question que l’on se pose. On ne comprend pas. Les populations du Sahel ne comprennent pas que la communauté internationale se détourne de la situation dans laquelle se trouve le Sahel. La population du Sahel ne comprend pas cette absence de solidarité vis-à-vis des peuples du Sahel. Surtout que les peuples du Sahel savent que la communauté internationale a une responsabilité par rapport à la situation actuelle. Parce qu’il ne faut jamais l’oublier, c’est quand même la communauté internationale qui a créé le chaos en Libye. Et ce qui se passe dans le Sahel est une des conséquences du chaos libyen ! Par conséquent, la communauté internationale ne peut pas, ne doit pas se défausser. Elle doit faire face à ses responsabilités. C’est un devoir pour elle d’être aux côtés de la population du Sahel dans cette lutte, dans ce combat contre le terrorisme. C’est pour cela qu’à plusieurs reprises, nous avons demandé à ce que la force conjointe du G5 Sahel qu’on a mise en place soit mise sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies. On nous l’a refusé, on ne l’a pas obtenu jusqu’ici. Et c’est pour cela également que nous avons demandé à ce que la Minusma, qui est la mission des Nations unies de stabilisation du Mali, soit placée sous un mandat plus fort, plus robuste que le mandat de maintien de la paix. Là, également, nous ne l’obtenons pas. Voilà des indications qui montrent que la communauté internationale n’est pas suffisamment solidaire des populations du Sahel.

RFI : Vous évoquez très souvent la question libyenne. Mais depuis 2012, quand même, les choses ont beaucoup changé. Et aujourd’hui, on sait que la plupart des armes dont disposent les groupes armés terroristes dans le Sahel ne viennent pas de Libye, qui a ses propres problèmes en ce moment, mais viennent des prises de guerre, souvent dans les attaques comme Inates, récemment. Il y a eu Boulkessi au Mali, Nassoumbou au Burkina. Vous demandez plus d’équipements, plus d’armements. Mais aujourd’hui, est-ce-que vous pouvez garantir à vos partenaires européens que vous pourrez protéger cet arsenal qui ne va pas finir dans quelques semaines, dans quelques mois, dans les mains de l’ennemi ?

Je pense que la Libye continue à être la principale source d’approvisionnement en armes des terroristes. C’est vrai, ce que vous dîtes. Nos armées, cela leur arrive de connaître des revers et ces revers ont pour conséquence l’armement des terroristes sur nous, sur nos armées. Mais ce n’est pas la principale source qui permet aux terroristes de s’équiper. La principale source, je continue à croire que c’est toujours la Libye. Parce qu’en Libye, comme vous savez, il n’y a pas d’État. Il y a un chaos total. Donc dans ce territoire qui n’est pas contrôlé, où il n’y a pas d’autorité, les armes continuent à être répandues dans le Sahel et dans le bassin du Lac Tchad. On le sait, on a des informations précises par rapport à cela. Maintenant, vous dîtes que nous demandons plus d’équipements pour nos armées. Quelles garanties donnons-nous que ces équipements ne vont pas tomber entre les mains des terroristes ? La garantie que l’on a, ce que nous voulons en même temps que les équipements, plus de formation pour nos forces de défense et de sécurité. C’est pour cela que de plus en plus, nous sommes en train de former des forces spéciales. Parce qu’on sait que les armées classiques ne peuvent pas faire face à cette menace asymétrique à laquelle nous sommes exposés. Par exemple, si je prends le cas d’un pays comme le Niger, nous avons tout un programme de formation de forces spéciales. Et je pense qu’avec ces forces spéciales bien équipées on sera plus efficaces.

FRANCE 24 : Précisément, à cet égard, Monsieur le président, l’opération française Barkhane est parfois de plus en plus ouvertement critiquée, contestée. Peut-être qu’on est arrivé aux limites de Barkhane. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Je ne pense pas que l’on soit arrivé à la limite de Barkhane. Nous avons besoin de plus de Barkhane. Nous avons besoin de plus d’alliés. C’est ma conviction. Parce que, ceux qui critiquent la présence française ou la présence des alliés dans le Sahel oublient que, sans l’intervention Serval, le Mali serait aujourd’hui sous le contrôle des terroristes ! Peut-être que le Niger aussi ! Alors, imaginons que Barkhane s’en aille… Cela va affaiblir notre lutte. Cela va affaiblir notre camp. Au profit de qui ? Au profit des terroristes ! Vous savez, on dit souvent qu’en matière de stratégie, une des meilleures stratégies, c’est de s’attaquer aux alliances de l’ennemi. Les terroristes s’attaquent à nos alliances. Les terroristes veulent défaire nos alliances. Il ne faut pas qu’on joue le jeu des terroristes. Les terroristes cherchent des relais au sein des populations pour les aider à défaire ces alliances. Nous, on ne doit pas observer cela les bras croisés. On doit tout faire pour maintenir et renforcer nos alliances. C’est ce que nous sommes en train de faire. C’est ce que nous avons l’intention de continuer à faire.

FRANCE 24 : Mais si on parle de stratégie, précisément, je sais qu’il y a une échéance internationale importante, c’est le mois prochain, votre arrivée au Conseil de sécurité de l’ONU. Qu’est-ce que vous en attendez, qu’est-ce que cela peut changer concrètement ?

Ce que j’attends sur le plan sécuritaire, c’est que la communauté internationale, le Conseil de sécurité écoutent enfin, les appels répétés des populations du Sahel pour un soutien international beaucoup plus ample, beaucoup plus étendu. Il faut que la communauté internationale prenne ses responsabilités. Le Niger sera un avocat pour que la force conjointe, par exemple, comme je l’ai dit tout à l’heure, soit mise sous le chapitre VII. Nous allons faire le plaidoyer également pour que la Minusma ait un mandat plus offensif. Bien sûr, au-delà de la sécurité, nous allons faire un plaidoyer, aussi, pour les questions de développement économique.

RFI : Vous dîtes qu’il faut entendre l’appel des populations, mais il y a aussi, quand même, toute une partie des populations du Sahel, y compris ici au Niger, qui demande moins d’engagement international, moins de présence française, mais également d'autres forces étrangères. Et dimanche au sommet du G5, les cinq chefs d’État, vous avez conjointement demandé l’inverse. Plus de partenariats et plus d’alliances. Est-ce que, d’un point de vue démocratique, ici, il n’y a pas une fracture entre les élites politiques et la base populaire qui s’est exprimée ces dernières semaines dans les rues ?

Ce n’est pas la base populaire qui s’exprime sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas la base populaire qui s’exprime dans la rue. Ceux qui s’expriment dans la rue sont très, très minoritaires. Je ne vois pas de foule, en tout cas au Niger, en train de contester les alliances que l’on veut mettre en place pour lutter contre cette menace, qui est une menace planétaire. Et les Nigériens, en tout cas dans leur immense majorité, savent que cette menace est planétaire. Et à menace planétaire, riposte, aussi, planétaire. C’est-à-dire qu’il faut une alliance la plus large possible, la plus forte possible, pour faire face à cette menace. Nos contribuables nigériens ne peuvent pas supporter seuls les dépenses qu’exige cette lutte contre le terrorisme. Vous savez, il y a des années où on investit 19 % des ressources budgétaires dans cette guerre ! On ne peut pas continuer à supporter cela tous seuls. Surtout comme j’ai coutume de le dire, la sécurité est un bien public mondial. Le combat que nous faisons, nous ne le faisons pas pour nous seuls. Nous le faisons pour le monde. Parce que, si la digue que nous sommes en train de mettre en place ici, au Sahel, cède, l’Europe va être concernée. La frontière de l’Europe, aujourd’hui, c’est le Sahel. Ce n’est pas la Libye, parce qu’en Libye, il n’y a plus d’État. La frontière avec l’Europe, avec l’Italie, avec la France, c’est la frontière nigérienne, c’est la frontière tchadienne. Donc, si par malheur, le terrorisme arrive à nous vaincre, il viendra en Europe. Il viendra en France. Et je pense que c’est ce que les autorités françaises ont compris. Et c’est pour cela que ces autorités ont conçu l’opération Barkhane. C’est dommage qu’ils soient seuls. Nous avons besoin que d’autres Européens les rejoignent. Et d’ailleurs, il y a cette proposition qui a été faite par le président Macron que j’approuve, d’une opération Tacouba, qui concernerait aussi des forces spéciales européennes qui viendraient renforcer l’opération Barkhane. Voilà, le sens dans lequel il faut aller. Et je pense que l’immense majorité des populations du Sahel est consciente de la nécessité d’avoir des alliances plus fortes pour faire face à cette menace.

RFI : Vous dîtes qu’il n’y a pas eu des millions de personnes dans les rues. À Niamey, il y avait une manifestation prévue, dimanche. Elle a été interdite par les autorités et puis les organisateurs ont considéré qu’avec le deuil national, autant l’annuler. Mais il y aura quand même une date test ici, au Niger, qui sera le 29 décembre.

Oui, elle a été annulée, parce qu’on était en deuil. Mais je vous dis, les gens qui contestent la présence des alliés à nos côtés sont minoritaires. On les connaît. On connaît le rapport de force.

RFI : Mais les manifestations du 29 décembre seront-elles autorisées ?

On verra le contexte dans lequel elles vont se dérouler. Et n’oubliez pas, Madame, que nous sommes en guerre et je n’accepterai pas que des actions de démoralisation des forces de défense et sécurité se déroulent sur mon territoire, au Niger. La sécurité des populations nigériennes doit être placée au-dessus de tout.

FRANCE 24 : Pour parler du président français Emmanuel Macron que vous évoquiez à l’instant, il a indiqué qu’il allait se rendre ici à Niamey dans quelques jours. On sait qu’il y a eu un petit nuage qui est passé dans les relations avec le G5 Sahel et la France, suite à la proposition de se réunir à Pau, il y a deux semaines. De quoi parlons-nous ? D’un malentendu, de crispations ? C’est dissipé ? Quelle est la nature des relations, aujourd’hui ?

Non, il n’y a pas de nuages, il n’y a pas de crispations. Je sais que vous, les journalistes, vous cherchez toujours les nouvelles à sensation. Ici, il n’y a rien de sensationnel à chercher. Nos relations sont normales, vraiment. Ce sont des relations entre alliés et il est normal que les alliés se retrouvent pour discuter de comment harmoniser leur stratégie, comment harmoniser leur position pour être plus efficaces contre l’ennemi que l’on a que représente le terrorisme. Je pense que c’est cela, le sens de l’invitation du président Macron. On se rendra effectivement à cette invitation, le 13 janvier prochain à Pau, et je pense que tous les chefs d’État sont d’accord là-dessus.

RFI : Justement, le président français a demandé des clarifications. Aujourd’hui, est-ce que tous les chefs d’État ont les idées claires sur ce qu’ils veulent et est-ce qu’ils vont parler d’une seule voix ?

Mais les chefs d’État ont toujours eu des idées claires ! Et, nous et le président Macron, nous avons toujours eu les idées claires. Mais on a toujours besoin de se voir pour affiner la réflexion, pour affiner les stratégies, afin, comme je l’ai dit, d’être plus efficaces. On a besoin de résultats. Comme je le disais tout à l’heure, la menace progresse. La menace s’aggrave. Les terroristes nous infligent des pertes de plus en plus importantes. Cela doit nous amener à nous retrouver pour réviser nos stratégies afin d’être plus efficaces. Je salue, d’ailleurs au passage, le soutien que le président Macron apporte au Sahel, que la France apporte au Sahel à travers l’opération Barkhane. Parce que, je pense que le président Macron voit très loin, voit les conséquences de ce que serait une défaite de nos Etats dans la lutte contre le terrorisme. Imaginons. Fermons les yeux… Imaginons que l’on soit vaincus par les terroristes. Qu’est-ce qui va se passer ? Mais, c’est le Sahel qui va être sous l’emprise du terrorisme et c’est toute l’Afrique qui va être concernée. Or, l’Afrique, aujourd’hui, c’est 7 à 10 millions de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché du travail. L’Afrique, demain, dans les années 2040-2050, c’est 30 millions de jeunes par an qui vont arriver sur le marché du travail ! Si la situation sécuritaire se dégrade, qu’est-ce qui va se passer ? Il n’y aura pas de développement. Il n’y aura pas d’emplois pour tous ces jeunes. Cela va alimenter la migration, cela va concerner la France. Cela va concerner l’Europe…Et je pense que le président Macron voit clair, il voit cela, ce qui va se passer dans vingt ans, dans trente ans… C’est cela qui va se passer, si le terrorisme arrive à triompher ! Cela veut dire plus de migration, cela veut dire, d’abord, plus de chômage, moins de croissance, moins d’emplois. Plus de chômage, plus de migration… Et cela va concerner l’Europe ! Je pense que c’est pour cela que le président est à nos côtés. Et j’espère que, de plus en plus de responsables européens seront conscients de cela et viendront également dans le cadre de l’opération Tacouba nous renforcer et renforcer l’opération Barkhane. 

RFI : Il y a des voix qui s’élèvent quand même dans la rue pour dire qu’aujourd’hui une des solutions à l’insécurité serait de dialoguer avec les terroristes. Est-ce que c’est une solution qui vous semble envisageable ?

Mais pour dialoguer, il faut être deux. Les terroristes ne veulent pas de dialogue. Les terroristes veulent détruire les États tels qu’ils existent actuellement pour remettre en place des califats. C’est ça qu’ils veulent les terroristes ! Et nous, on ne veut pas de cela ! Non, nos positions ne sont pas conciliables ! C’est quand il y a des perspectives de conciliation que l’on peut faire le dialogue. Mais il n’y a aucune perspective de conciliation d’accord entre nous et les terroristes. Il faut les vaincre et les vaincre définitivement. C’est l’objectif que l’on s’est fixé.

Niger: hommage du président Issoufou aux soldats morts à Inates

Le président Issoufou rend hommage aux soldats nigériens morts lors de l’attaque d’Inates, le 13 décembre 2019.
© RFI/Moussa Kaka

Un deuil national de trois jours a commencé ce vendredi au Niger. Et ce matin, les corps des 71 soldats tués lors de l’attaque contre la garnison d’Inates sont arrivés à Niamey. Le président Mahamadou Issoufou leur a rendu hommage.

C’est une cérémonie émouvante qui s’est ténue ce vendredi matin sur le tarmac de l’escadrille nationale de Niamey. Les 71 corps, drapés des couleurs nationales, vert, blanc, orange, ont été soigneusement alignés par les sapeurs-pompiers. Au premier rang des corps, celui du commandant de la garnison d’Inates et ses adjoints, tous morts les armes à la main.

Pour cette circonstance exceptionnelle de levée des corps, le président Issoufou a tenu à leur rendre un hommage mérité. « Sous tes ordres commandant Alhassane Anoutab, tes hommes se sont battus comme des lions. » Et le président Issoufou de continuer : « Je suis venu ici exprimer la situation de grande révolte qui m’anime face à un ennemi qui agresse de manière perfide. » « Mon commandant vous et vos hommes ne ressentiront jamais la honte que ressentent les lâches », a ajouté très ému le président Issoufou.

Décorations à titre posthume

Devant leurs frères d’armes, leurs parents, amis et connaissances, le grand imam de la mosquée de Niamey a dit une Fatiha, une prière aux morts, pour le repos éternel des âmes des vaillants soldats. Étaient également présents tous les partenaires militaires occidentaux et des diplomates.

Avant leur enterrement au carré des martyrs, dans l’enceinte de l’escadrille nationale, le président Issoufou, chef suprême des armées, a décoré le commandant Anoutab et l’a élevé au grade supérieur de lieutenant-colonel. Il lui a décerné une Croix de Vaillance avec palme à titre posthume. Quant aux 70 autres soldats, ils ont tous été élevés au grade supérieur et décorés.

 

Affaire Nobert Zongo: le décret d'extradition
de François Compaoré bientôt pris

François Compaoré, frère de l'ancien président burkinabé Blaise Compaoré, lors d'un sommet à Ouagadougou.
© Ahmed OUOBA / AFP

Au Burkina Faso, cela fait vingt-et-un ans que le journaliste d’investigation Norbert Zongo et les trois personnes qui l’accompagnaient ont été assassinés à une centaine de kilomètres au sud de Ouagadougou. Le décret d’extradition de François Compaoré, frère cadet de Blaise Compaoré soupçonné dans cette affaire, sera bientôt signé selon l’ambassadeur de France à Ouagadougou.

Comme chaque année, les organisations de défense des droits de l’homme et les journalistes ont encore manifesté. Dépôt de gerbes de fleurs sur les tombes. Rassemblement à la Bourse du travail avec toujours le même slogan depuis l’assassinat du journaliste et de ses compagnons : « Vérité et justice ».

Les autorités judiciaires du Burkina avaient obtenu de la justice française une décision favorable à l’extradition du frère cadet de l’ancien président, qui est soupçonné d’être impliqué dans l’assassinat du journaliste. Norbert Zongo enquêtait sur l’assassinat de son chauffeur, David Ouedraogo.

Le collectif en lutte contre l’impunité depuis 1998 exige aujourd’hui que la France clarifie sa position sur l’extradition de François Compaoré, frère cadet de l’ex-président burkinabè. « Nous demandons de nous clarifier et surtout de nous rassurer quant à l'effectivité de cette extradition de François Compaoré, un des derniers verrous à faire sauter pour faire des bonds en avant dans l'examen de ce dossier qui n'a que tant duré », résume Chrisogone Zougmorré, président du collectif.

Nous avons le sentiment que la justice française a fait son boulot. Par contre, nous avons le sentiment que le gouvernement français traîne des pieds pour prendre le décret d'extradition de François Compaoré. [...] La justice burkinabè a prouvé ses capacités à juger cette affaire avec impartialité.

Abdoulaye Diallo, du Centre national de presse Norbert-Zongo
14-12-2019 - Par Michel Arseneault

« Des garanties juridiques »

C’est le 29 octobre 2017 que le bras de fer de François Compaoré avec la justice française débute. Ce jour-là, il est arrêté à Paris sur la base d’un mandat d’arrêt international émis par Ouagadougou. Pendant près de deux ans, ses avocats multiplient les procédures pour contester ce mandat et la demande d’extradition. Mais finalement, le 4 juin dernier, la Cour de cassation, la plus haute juridiction judiciaire, valide l’extradition. Le feu vert de la justice est donné, la main passe alors à l’exécutif, car c’est le Premier ministre qui signe les décrets d’extradition. Or, six mois plus tard, ils sont nombreux au Burkina et en premier lieu le procureur du Faso à s’interroger sur ce qui pourrait bloquer. D’autant que fin 2017, le président Macron avait déclaré à Ouagadougou qu’il ferait « tout pour faciliter » cette extradition.

Luc Hallade, l’ambassadeur de France au Burkina Faso, assure que le décret d’extradition de François Compaoré sera bientôt pris. Il l’a dit à une délégation des  organisations professionnelles de médias qui s’est rendue à la représentation diplomatique pour exprimer son indignation face à la lenteur dans le traitement du dossier du côté de la France. « Ce décret d'extradition sera pris conformément à ce que la justice a décidé. Simplement on se donne quelques garanties juridiques du fait que ce décret puisse être exécuté dans les meilleures conditions. »

Selon le diplomate français, une partie de son mandat au Burkina Faso est de faire en sorte que cette question d’extradition de François Compaoré soit réglée dans les meilleurs délais.

Mais même si ce décret est finalement signé, il restera un recours à François Compaoré : saisir le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française cette fois. Son rôle : vérifier que le décret est conforme au droit français et à la convention européenne des droits de l’homme. Il peut ainsi décider de l’annuler, par exemple, si la personne visée risque la peine de mort. L’abolition de la peine capitale en mai 2018 au Burkina avait été ainsi lue par certains comme une mesure préemptive pour éviter cet écueil. Autre motif d’annulation possible : si le Conseil d’État estime que la demande d’extradition a une motivation politique. Un argument que les avocats de François Compaoré martèlent déjà et ne manqueraient donc pas d’utiliser.

→ Réécouter Appels sur l'actualité : [Vos réactions] Connaîtra-t-on un jour la vérité sur la mort de Norbert Zongo?

Chronologie et chiffres clés

Guinée : dix choses à savoir sur Damantang Albert Camara,
le nouveau ministre de la Sécurité

| Par
Albert Damantang Camara est le nouveau ministre de la Sécurité guinéen.

Alors que la question de la révision constitutionnelle suscite de vives tensions en Guinée, Alpha Condé a fait le choix du consensus, le 11 novembre, en nommant cet homme pondéré ministre de la Sécurité.

1. Sang neuf

Comme son ami Moustapha Naïté, devenu depuis ministre des Travaux publics, Damantang Albert Camara a fait partie des jeunes cadres sur lesquels Alpha Condé a misé pour rajeunir et dynamiser sa campagne lors de l’élection présidentielle de 2010. Aujourd’hui, à 55 ans, il incarne la nouvelle génération du RPG - Arc-en-Ciel (au pouvoir).

2. Communicant

Calme, sachant peser ses mots, il fait plutôt l’unanimité à Conakry. « C’est un fin communicant », dit-on de cet homme qui fut, pendant plusieurs années, le porte-parole du gouvernement. En cette période de crise politique, « il doit son poste à sa capacité à rassembler », résume un ancien ministre.

3. Petit-fils de…

Damantang Camara, son grand-père, fut un membre fondateur du Parti démocratique de Guinée (PDG), de Sékou Touré. Fidèle allié du père de l’indépendance, il occupa de nombreux postes ministériels et finit sa carrière, à la mort de Sékou Touré, au poste de président de l’Assemblée populaire nationale.

4. « Repat »

Formé en France en droit des entreprises et en management commercial, l’actuel homme de la Sécurité commence sa carrière dans l’Hexagone, au sein d’une banque où il s’occupe du recouvrement de créances. En 1999, il choisit de rentrer au pays.

5. Entrepreneur

Après quelques années passées chez Total Guinée en tant que commercial et responsable juridique, il crée son propre cabinet de conseil et dirige des études portant sur le secteur de la sécurité et de la réforme de la justice en Guinée.

6. Longévité

Ministre de l’Enseignement technique, de la Formation professionnelle, de l’Emploi et du Travail de 2012 à 2018, puis porte-parole du gouvernement et, aujourd’hui, chargé de la Sécurité, il détient un record de longévité ministérielle sous la présidence d’Alpha Condé.

7. Mentor

Le chef de l’État est son mentor en politique et il lui voue une fidélité sans faille. Il s’est très tôt dit favorable à une révision de la Loi fondamentale. « Connaissez-vous une Constitution dans le monde qui ne puisse être modifiée ? » a-t-il lancé à l’opposition.

8. La vie après

« La politique n’est pas toute ma vie », insiste-t-il, en ajoutant que si Alpha Condé venait à quitter les affaires il en ferait aussitôt de même. Quand il « tournera cette page », il se consacrera, dit-il, au consulting, mais cette fois au niveau international.

9. Mélomane

Ses amis connaissent son goût pour la musique et, en particulier, pour le jazz. L’un de ses artistes préférés est le saxophoniste guinéen Maître Barry, leader du groupe African Groove.

10. Audace

Certains membres de son entourage n’ont pas compris pourquoi il avait choisi de revenir au gouvernement dans ce contexte de tension. « Pourquoi a-t-il accepté ce poste ? » se demande même un ministre.

Côte d'Ivoire: lancement du registre national des personnes physiques

Le président de la République, Alassane Ouattara (photo), a inauguré lui-même le registre national des personnes physiques.
© residence.ci

La Côte d’Ivoire vient de lancer officiellement son registre national des personnes physiques. Cette nouvelle base de données biométriques va permettre d’enregistrer efficacement les naissances et les informations d’état-civil de chaque personne résidente sur le territoire. Une petite révolution dans un pays qui peine - pour le moment - à répertorier l'ensemble de ses nouveaux-nés.

C’est le président de la République, Alassane Ouattara lui-même, qui a inauguré le registre national des personnes physiques. Devant les caméras, le chef de l’État ivoirien a précédé ses vingt-six millions de compatriotes en se faisant enrôler pour l’établissement de sa nouvelle carte nationale d’identité.

Numéro national d'identité unique

Désormais, toute personne qui s’enregistre dans le RNPP se verra attribuer un numéro national d’identité unique, dès la naissance, ou lors d’une opération d’identification comme un renouvellement de pièce d’identité et ou d’une entrée sur le territoire d’un étranger résidant ou de passage sur le territoire ivoirien.

Ce nouveau registre va déjà permettre de réduire drastiquement les fraudes sur l’identité et faciliter les tâches administratives comme l’obtention d’un document pour un citoyen, par exemple.

Lutter contre les citoyens « fantômes »

Avec 2 500 machines d’enrôlement réparties dans tout le pays, ce nouvel outil de recensement va surtout aider à lutter efficacement contre le nombre de citoyens « fantômes » non déclarés à l’état-civil. En 2011, ce chiffre était estimé à quatre millions de personnes, avec un taux d’enregistrement des naissances plafonnant à seulement 45 %.

Côte d'Ivoire: l'opposition mobilise contre la nouvelle carte d'identité payante