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Tchad: Saleh Kebzabo perd son titre
de chef de file de l’opposition

Saleh Kebzabo, en mai 2001.
© AFP/Desirey Minkoh

Dans un arrêt rendu vendredi 12 avril, la Cour suprême du Tchad a décidé de la désignation de Romadoumngar Félix Nialbé comme nouveau chef de file de l’opposition. Pour sa première réaction depuis qu'il a appris son éviction, Saleh Kebzabo affirme que la Cour suprême s'est mise à côté de la loi. Il dénonce des manœuvres du pouvoir et affirme qu'il n'entend pas renoncer.

Depuis qu'un député de l'Union nationale pour la démocratie et le renouveau (UNDR) a rejoint les rangs du parti au pouvoir, le groupe parlementaire de Saleh Kebzabo ne compte plus que sept députés et l’Union pour la République et la démocratie (URD) en a huit. C'est ce qui fonde la décision la Cour suprême pour Romadoumngar Félix Nialbé, le nouveau chef de file : « C’est la démission qui a provoqué cela. Ce ne sont pas des manœuvres du régime. C’est le droit qui a été dit parce que, vous savez comme moi, que huit est supérieur à sept. »

Quant à Saleh Kebzabo, il dit sa surprise, dénonce des manœuvres du pouvoir : « La Cour suprême désigne le chef de l’opposition, ce qui n’est pas dans ses prérogatives. Elle ignore totalement l’article 8 qui dit exactement ceci : ‘le mandat du chef de l’opposition couvre toute la durée de la législature’. Il n’y a pas d’interprétation possible. Comme elle ignore cet article pour lui permettre de faire ce coup fourré, la Cour suprême se met donc à côté de la loi, ce que nous déplorons.  Et tant que le droit ne sera pas dit, je ne m’inclinerai pas. C’est contraire à mes habitudes, mais là cette fois-ci, je crois que trop, c’est trop. Dans ce pays, on ne fait que violer la loi. Il faut arrêter. »

Et comme un pied de nez au pouvoir, Saleh Kebzabo assure qu'il continuera à exercer ses fonctions : il convoquera des réunions et s'adressera à l'opinion en tant que chef de file. Saleh Kebzabo annonce par ailleurs que le congrès de son parti l'UNDR se tiendra finalement ce mardi à Ndjamena. Initialement prévu vendredi à Mongo, dans le centre du pays, le congrès avait été interdit par les autorités.

Présidentielle en Mauritanie : Ould Boubacar s’invite dans la course à la succession d’Aziz

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L’ex-Premier ministre mauritanien a annoncé sa candidature à la présidentielle de juin. Face à Mohamed Ould Ghazouani, dauphin du président sortant, il estime avoir le profil idoine pour incarner l’alternance.

Les Mauritaniens l’avaient un peu perdu de vue. En sortant de sa discrète retraite pour annoncer, le 30 mars, sa candidature à l’élection présidentielle de juin, Sidi Mohamed Ould Boubacar a décidé de jouer les invités surprises. Pour de nombreux citoyens de la République islamique, l’ex-Premier ministre et ancien ambassadeur est un fonctionnaire calme, discipliné, toujours prompt à rebondir sous les présidences successives, mais ils ne savent pas grand-chose de cet homme de 62 ans.

Sidi Mohamed Ould Boubacar, qui, pendant un an, a mûri sa décision, a d’abord noué des contacts tant du côté du pouvoir que de l’opposition. Avant de se rallier à celle-ci et de se poser en homme providentiel au moment le plus opportun, car les adversaires du chef de l’État sortant, convaincus que ce dernier allait briguer un troisième mandat – ce que lui interdisait la Constitution –, ont été pris de court par sa décision d’y renoncer.

Soutenu des islamistes de Tawassoul

Faute d’avoir su régler leurs différends, les opposants n’ont pas réussi à désigner un candidat unique pour affronter le dauphin du président, le général Mohamed Ould Ghazouani. Ould Boubacar a alors engrangé le soutien des islamistes de Tawassoul, première force d’opposition du pays. Ces derniers, qui ne souhaitaient pas présenter de candidat, cherchaient à s’allier à une personnalité non affiliée à un parti politique.

« Il entretenait de bonnes relations avec un dirigeant de Tawassoul, l’ex-vice-président de l’Assemblée nationale Mohamed Ghoulam Ould El Hadj Cheikh, précise son ami Moussa Ould Hamed, ancien patron de l’Agence mauritanienne d’information. Il n’est pas étonnant que ce parti ait jeté son dévolu sur lui. Il est proche d’eux. »


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Passé autoritaire

Outre le syndicaliste Samory Ould Beye, Ould Boubacar est parvenu depuis à fédérer derrière lui plus d’une vingtaine de formations, dont le parti Hatem, de Saleh Ould Hanena. Surtout, il compte un autre allié de poids : le riche homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou. Lequel, visé par un mandat d’arrêt de la justice mauritanienne, ne pouvait se présenter à l’élection. Mais l’ancien ambassadeur (Paris, Madrid, Le Caire, ONU) se défend d’être son candidat. « Mohamed est son ami, mais pas son seul ami », résume un proche.

Né à Atar dans une famille de militaires, Sidi Mohamed Ould Boubacar est membre des Oulad Ahmed, une tribu maraboutique sans influence politique notable et bien implantée dans le Brakna. Au début des années 1980, diplômé en droit de l’université d’Orléans (France), il est trésorier général de Dakhlet Nouadhibou. Le président Mohamed Khouna Ould Haidalla fait alors sa connaissance lors d’une tournée régionale. Quand ce dernier est renversé par Maaouiya Ould Taya, en décembre 1984, le nouveau chef de l’État le repère également.

Sous ce régime autoritaire, Sidi Mohamed Ould Boubacar a occupé de nombreux postes (directeur du Trésor public, contrôleur financier de l’État, ministre des Finances, Premier ministre, secrétaire général du PRDS, le parti au pouvoir…). Pour ses détracteurs, il est encore étroitement associé à cette époque. Mais il dit assumer, assurant que lorsqu’il était à la tête du gouvernement (de 1992 à 1995), il avait à gérer les dossiers économiques dans un contexte difficile, et il rappelle que la situation du pays s’est depuis améliorée.

Son programme est essentiellement axé sur l’économie et la justice sociale, là où selon lui « Aziz » a échoué

Le leader anti-esclavagiste Biram Ould Dah Abeid (Ira-Sawab) et le patron de l’Union des forces de progrès (UFP), Mohamed Ould Maouloud, figure historique de l’opposition, se sont également déclarés candidats. Mais son entourage est formel : seul Sidi Mohamed Ould Boubacar peut incarner l’alternance.« Il est l’homme de la situation, il a le profil idéal, assure son ami Abdallahi Ould Ewah, professeur d’économie à l’université de Nouakchott. Il rassure les conservateurs tout en étant capable de parler à l’armée. »

Son programme est essentiellement axé sur l’économie et la justice sociale, là où selon lui « Aziz » a échoué. « C’est la candidature d’un déçu, glisse un membre du premier cercle du président. En tant qu’ambassadeur à l’ONU, il s’est accroché jusqu’au bout. Si “Aziz” l’avait reconduit, Ould Boubacar serait encore à ce poste. D’ailleurs, Ely Ould Mohamed Vall l’avait sollicité pour diriger sa campagne en 2009. Il avait refusé, préférant rester diplomate. »

Ould Boubacar s’appuie désormais sur sa garde rapprochée (dont font notamment partie l’ancien ministre de l’Intérieur Mohamed Ould Maaouya et l’ancien directeur de la télévision Imam Cheikh Ould Ely) pour tenter de s’offrir, cette fois, le premier rôle.

Abebe Sélassié (FMI) : « À moyen terme, la croissance subsaharienne devrait se stabiliser à 4 % »

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Les prévisions du Fonds monétaire international (FMI) publiées vendredi 12 avril confirment le regain de croissance en Afrique subsaharienne, où les économies devraient progresser de 3,5 % en 2019 contre 3 % en 2018.

Si la croissance devrait accélérer en Afrique en 2019, selon les chiffres dévoilés par le FMI vendredi 12 avril, les pays dépendant des exportations de matières premières non transformées devraient en profiter moins que les pays dont l’économie est plus diversifiée. Abebe Aemro Sélassié, directeur du département Afrique du FMI, analyse pour Jeune Afrique les politiques qui contribueraient à une accélération du développement de la région.

Jeune Afrique : Pourquoi la croissance en Afrique subsaharienne accélère-t-elle ?

Abebe Aemro Sélassié : La croissance subsaharienne devrait continuer à se redresser cette année pour atteindre 3,5 %, un chiffre en hausse par rapport aux 3 % de 2018. Elle devrait ensuite se stabiliser à 4 % sur le moyen terme. L’amélioration de la croissance en 2019 est le fruit de la reprise économique dans de grands pays tels que le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Angola, dans un contexte d’augmentation de la production pétrolière et de diminution de l’instabilité politique.

Il est important que les pays encouragent la croissance tirée par le secteur privé

Malgré cette amélioration, les perspectives de croissance dans ces pays, et plus généralement dans tous les autres pays dotés de ressources naturelles, demeurent relativement modérées. À moyen terme, la croissance ne devrait pas atteindre le seuil de 5 % dans ces pays et l’amélioration des conditions de vie devrait y être plus lente que dans le reste du monde. En revanche, à moyen terme, environ la moitié des pays de la région, pour la majorité non dotés de ressources naturelles, devraient connaître une croissance d’au moins 5 % et voir leur revenu par habitant augmenter plus rapidement que dans le reste du monde.

Comment passer d’une croissance basée sur l’investissement public à une croissance basée sur l’entreprise privée ?

Il est important que les pays encouragent la croissance tirée par le secteur privé en supprimant les distorsions de marché, en répartissant mieux les dépenses publiques et en prenant des mesures qui privilégient l’investissement privé et la prise de risques.


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Parmi ces mesures : une amélioration de l’approfondissement du secteur financier, de l’ouverture et de l’intégration commerciales (notamment au sein même du continent dans le contexte de la zone de libre-échange continentale) ; la garantie d’un environnement d’affaires sain et la fourniture de biens publics satisfaisants – notamment des infrastructures, un système de santé et un système d’éducation suffisamment développés.

Comment les déficits budgétaires peuvent-ils être maîtrisés ?

Dans de nombreuses situations, cela peut passer par un ajustement basé sur les recettes. Nous évaluons le potentiel de recettes à 3 % voire à 5 % du PIB dans les différents pays de la région. Pour faire de ce potentiel une réalité, il faudrait améliorer les politiques fiscales et les réformes administratives. Il s’agirait d’élargir l’assiette fiscale pour couvrir de nouvelles activités et de nouveaux contribuables, de minimiser les incitations et les exemptions fiscales, d’introduire de nouveaux instruments tels qu’une taxe foncière moderne, de simplifier la procédure de paiement des impôts, etc.

Quel est le coût des conflits ?

Les conflits armés infligent des souffrances énormes et d’importants coûts économiques et sociaux. Le nombre de conflits en Afrique subsaharienne et leur intensité ont diminué significativement depuis le début des années 2000. La région demeure sujette aux conflits, avec environ 30 % des pays affectés par un conflit en 2017. Par ailleurs, la nature des conflits a changé : les guerres traditionnelles ont été remplacées par des conflits non-gouvernementaux, notamment la prise pour cible de civils par le biais d’attaques terroristes, particulièrement dans le Sahel.


>>> À LIRE : Indice 2018 du terrorisme mondial : moins de victimes mais une fragmentation des groupes


La perte de vies humaines, la destruction des infrastructures et des institutions, l’instabilité politique tout comme l’incertitude plus importante liée aux contextes conflictuels entravent l’investissement, les exportations et la croissance économique. Nos recherches montrent que les conflits peuvent diminuer la production par habitant de 15 à 20 % encore cinq ans après leur début. Les effets négatifs des conflits débordent sur les pays voisins du fait de flux migratoires et d’une baisse d’activité.

Quels sont les barrières qui limitent le développement du commerce interrégional africain ?

Les droits tarifaires entre les différentes communautés régionales économiques, et parfois même à l’intérieur des communautés économiques régionales, demeurent relativement élevés. Il est donc encourageant de constater que la Zone de libre-échange continentale (Zlec) semble prête à agir en promettant de réduire la plupart des droits tarifaires.

Les exportations interrégionales en Afrique sont plus diversifiées et possèdent un contenu technologique plus élevé que les exportations africaines vers le reste du monde

Cela stimule le commerce des produits finis. On constate que les exportations interrégionales en Afrique sont plus diversifiées et possèdent un contenu technologique plus élevé que les exportations africaines vers le reste du monde. Le commerce interrégional est composé de 40 % de produits finis, alors que les exportations vers le reste du monde sont à 75 % d’origine minière (pétrole brut par exemple).

Cela dit, les réductions tarifaires doivent être complétées par des politiques visant à réduire les goulets d’étranglement non tarifaires au commerce. Les goulets d’étranglement les plus importants se rapportent aux infrastructures et à la logistique commerciale ; il s’agit notamment des services douaniers et des procédures de contrôle.


>>> À LIRE : Philippe Le Houérou (IFC) : « Dans les années qui viennent, le commerce intra-africain pourrait augmenter de 52 % »


Parmi les autres barrières non tarifaires qui devraient être supprimées figurent les quotas, les licences, les subventions et l’application restrictive de mesures telles que les règles d’origine et les mesures sanitaires et phytosanitaires. Il est également important d’intégrer davantage les services financiers en élargissant les systèmes de paiement régionaux et en introduisant un système d’échange entre les banques centrales. De même, un centre de compensation multidevises pourrait servir de support à l’intégration commerciale.

Plus généralement, la libéralisation du commerce des services pourrait requérir une coordination des politiques commerciales ainsi que des réformes réglementaires domestiques.

Le Tchad suit attentivement
le putsch militaire au Soudan

Des manifestants soudanais devant le ministère de la Défense protestent contre le conseil militaire qui a remplacé le président déchu Omar el-Béchir.
© REUTERS/Stringer

Si le président tchadien Idriss Déby, arrivé au pouvoir il y a 29 ans en lançant une offensive à partir du Soudan, avait rendu visite à Omar el-Béchir à Khartoum une semaine avant sa chute, sur le plan diplomatique, le Tchad dit souhaiter le mieux pour le peuple soudanais. Les relations entre les deux pays peuvent toutefois changer drastiquement.

Idriss Déby fait partie des derniers chefs d’État à avoir rencontré Omar Hassan el-Béchir en tant que président de la République, lors d’une visite express à Khartoum jeudi 4 avril. Elle intervenait après le passage à Ndjamena de l’influent chef des services de renseignements soudanais, Salah Gosh.

De nombreux observateurs avaient alors déduit qu’il s’agissait d’un appel à l’aide de M. el-Béchir à Idriss Déby. Mais selon nos informations, les deux chefs d’État n’ont évoqué que la situation sécuritaire à leurs frontières communes.

Le président tchadien Idriss Déby arrive à Khartoum, reçu par son homologue soudanais Omar el-Béchir, le 4 avril 2019. © Ebrahim Hamid / AFP

L’ethnie d'Idriss Déby dans la contestation au Soudan

Ce sont surtout des Zaghawas, l’ethnie du président tchadien, qui ont pris les armes contre les pouvoirs en place à Khartoum et à Ndjamena, qui fait également face à un mouvement de contestation.

À Ndjamena, on surveille ce qui se passe à Khartoum comme le lait au feu. « Notre attitude dépendra de l’évolution de la situation », indique une source sécuritaire.

Vendredi 12 avril, à l’ouverture du sommet des chefs d’États et de gouvernement des États sahélo-sahariens qui se tient à Ndjamena, le cas du Soudan, qui fait partie de l’organisation, sera dans tous les esprits.

Après un passé tumultueux, le Tchad craint la tension avec le Soudan

Dans un tweet ce jeudi 11 avril, le porte-parole du ministère tchadien des Affaires étrangères a indiqué qu'il suivait « avec attention la situation au Soudan, ce pays voisin. Nous souhaitons que la volonté du peuple soudanais connaisse un dénouement pacifique ».

Après la démission d’Omar el-Béchir, les relations entre le Soudan et ses voisins pourraient changer et le Tchad a eu par le passé une histoire tumultueuse avec le pays. En 2008, les deux pays se sont mutuellement accusés de soutenir des mouvances rebelles et la tension dans la région du Darfour s’est crispée.

Selon Abderaman Koulamallah, leader politique et ancien porte-parole de la rébellion tchadienne, il est difficile de dire comment vont évoluer les relations entre les deux pays. Auteur du livre La Bataille de N’Djamena, paru en 2008, il indique que la plus grosse crainte est « un regain de tension au niveau du Darfour », avec une « situation instable avec des rebelles qui vont reprendre du poil de la bête. »

Ce qui se passe n’est pas clair pour tout le monde. Mais, pour l’instant, je pense que le gouvernement tchadien s’adaptera au régime qui sera mis en place au Soudan. Vous savez que nous partageons 1 084 kilomètres de frontière avec le Soudan et il est inimaginable que le Tchad et le Soudan ne puissent pas trouver un point de chute pour stabiliser leurs relations, dans l’intérêt des deux peuples.
La seule crainte, de mon point de vue, c’est de voir une situation instable avec des rebelles au Darfour, qui vont reprendre du poil de la bête, parce que le pouvoir central sera affaibli...

Les mouvements armés pourraient «reprendre du poil de la bête», selon Abderaman Koulamallah, leader politique et ancien porte-parole de la rébellion tchadienne
12-04-2019 - Par Gaëlle Laleix
 

« L’appareil d’État du Soudan ne changera pas »

Bien qu’Omar el-Béchir ait dirigé le Soudan d’une main de fer pendant près de trente ans, Abderaman Koulamallah insiste qu’il s’agit d’un système « un peu collégial », avec des « luttes internes » au sein de ce groupe, mais qui a « toujours montré une certaine solidarité, une certaine stabilité ».

Je pense que le vice-président du Soudan, les grands cadres du Soudan, tous ceux-là sont des gens qui ont pu jouer un rôle très important dans la direction du pays. L’appareil d’État ne changera pas, le ministre de la Défense est là : dans sa voix tremblotante, on voit bien qu’il parle au nom de plusieurs personnes. Ce n’est pas une décision seulement de l’armée, mais une décision qui regroupe les politiques du Soudan, les services de sécurité et l’armée. Ça, j’en suis absolument certain.

«Béchir ne gouvernait pas seul», dit Abderamane Koulamallah
12-04-2019 - Par Gaëlle Laleix
 
 

Soudan : le soulèvement continue
malgré la destitution d’Omar el-Béchir

| Par et

Après l'annonce de la destitution du président Omar el-Béchir et la mise en place d'une transition gérée par l'armée, les manifestants soudanais, encouragés par les mouvements politiques, ont continué de manifester, rejetant les promesses des militaires.

L’annonce du ministre de la Défense, le général Awad Ibn Awf, de la mise en détention du président Omar el-Béchir, n’a pas satisfait les Soudanais. Malgré la série de mesures prises et l’annonce de l’installation d’un Conseil de transition militaire, présidé par le général Ibn Awf, les manifestants sont sortis contester, appelant à une transition démocratique et à un pouvoir civil. Ils entendaient ainsi condamner « les tentatives militaires » de prise de pouvoir.


>>> À LIRE – Soudan : Omar el-Béchir destitué par l’armée


Les partisans du mouvement « Al Intifadha », emblématique depuis le début des soulèvements, ont condamné l’annonce d’Ibn Awf et appelé les manifestants à sortir dans les rues de Khartoum « jusqu’à la réalisation des revendications légitimes du peuple ». Des expressions comme « IbnAwf ne nous représente pas » ou « non aux figures de l’ancien régime » fleurissent depuis ce matin sur les réseaux sociaux et dans les slogans des manifestants.

Manifestation à Londres

L’association des professionnels soudanais (SPA), épine dorsale du mouvement, a également condamné l’annonce des forces armées et appelé les Soudanais à sortir dans les rues jusqu’à « la chute du régime ». Des manifestations, organisées par la SPA, ont également eu lieu devant l’ambassade soudanaise à Londres.

Le parti Al oumma a quant à lui publié sur sa page Facebook, quelques minutes avant la diffusion du message de l’armée, un communiqué dans lequel il appelle le peuple à refuser toute personnalité émanant du régime déchu. « Nous vous appelons à continuer de manifester jusqu’à ce que nos revendications de liberté, de transition démocratique et de gouvernement civil soient instaurées », écrit-il

Non aux « Kozz Kozz »

La société civile a continué de manifester après l’annonce des forces armées. Les expressions non aux « Kozz Kozz » (les pro-Béchir), « on ne change pas un Kozz par un Kozz » et « Soudan bela Kezan » (Soudan sans le tyran) ont été criées par les manifestants en réponse aux annonces des forces armées

Des affrontements ont également eu lieu dans la capitale, entre forces de l’ordre et manifestants qui entendent résister et continuer leur soulèvement. Parmi les mesures annoncées dans la journée par Ibn Awf, un couvre-feu a été décrété dès jeudi soir.