Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

[Chronique] Les dirigeants africains privés de tourisme médical

|
 
 
Par

Damien Glez est dessinateur-éditorialiste franco-burkinabè

Glez

En ces temps de pandémie, la mise en quarantaine de certaines zones géographiques empêche de hauts responsables africains d’aller se soigner loin de leurs systèmes de santé rudimentaires…

C’est un reproche qui résonne invariablement dans les œuvres des rappeurs ou des reggaemen : au moindre furoncle, les élites politiques africaines décollent de leur tarmac caniculaire et se font admettre à l’hôpital américain de Neuilly, à la Salpêtrière de Paris ou au centre hospitalier Quirón de Marbella.

Bien huilée, la procédure des check-up délocalisés implique de gros enjeux financiers et géopolitiques, comme en témoignait « la diplomatie médicale » théorisée par Jacques Foccart. La fréquence et la durée de certains séjours médicaux font dire à des satiristes qu’Abdelaziz Bouteflika ou Robert Mugabe connaissaient mieux Genève ou Singapour que leur propre capitale.

Déboulé, à l’échelle de la planète, comme un chien dans un jeu de quilles sanitaire, le Covid-19 n’épargne pas les systèmes bien rôdés des évacuations de VIP…

Le nouveau coronavirus a jeté deux faits à la face des dirigeants africains. Primo, si tous les terriens ne sont pas égaux devant l’accès aux soins, la fine fleur du pouvoir n’est pas à l’abri de la pandémie, comme en témoigne l’infection du futur roi du Commonwealth ou du Premier ministre britannique.

Révolu, le tourisme sanitaire ?

De même, en Afrique, de hauts responsables ont contracté la maladie, comme des ministres ivoiriens, burkinabè, guinéens ou des gouverneurs nigérians. C’est dans ce même Nigeria que le propre directeur de cabinet du chef de l’État, Abba Kyari, a été placé en quarantaine après avoir été en contact avec des cas de coronavirus, dans ce même Nigeria dont le président Muhammadu Buhari a la réputation d’affectionner les longs séjours médicaux londoniens – près de cinq mois en 2017, pour une maladie gardée secrète. Or, le deuxième fait que le coronavirus impose aux élites est le lockdown aérien…

Enfermés dans leur nation comme des lions en cage, les puissants des régimes actuels doivent s’en remettre à leur propre système de santé bien moins équipé, en général, que leurs résidences hospitalières d’Europe ou du Maghreb.

En sus, la tropicalisation de leurs soins rend plus hasardeux le voile pudique jeté sur les bulletins médicaux de ceux qui gouvernent. Or, les deux mamelles de la quiétude politico-sanitaire présidentielle ont toujours été l’externalisation des interventions et l’opacité des comptes-rendus…

À l’heure où l’on annonce un « monde nouveau » post Covid-19, les plus optimistes misent sur une prise de conscience de l’élite politique africaine, obligée de « goûter » à ses infrastructures hospitalières nationales. On peut se surprendre à rêver que les frais exorbitants des évacuations sanitaires maquillées en « missions » soient injectés dans l’achat de respirateurs ou de scanners. Révolu, le tourisme sanitaire au frais de la princesse ?

 
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Alors que le monde fait face à la pandémie, sur les îles grecques, la vulnérabilité des milliers de réfugiés bloqués dans les campements surpeuplés s’aggrave à chaque instant.

37.000 personnes sont contraintes de vivre dans des installations prévues pour à peine 6.000 personnes. 
En plus de cette surpopulation terrible, des personnes très vulnérables comme les personnes âgées ou les personnes souffrant de maladies chroniques risquent d'êtres infectées par le Covid-19.

Les conditions pour se protéger du virus sont loin d’être réunies. L' accès à l’eau, aux toilettes et aux douches est extrêmement limité. Les effectifs du personnel médical et infirmier présents sont terriblement insuffisants. De plus, les personnes arrivées depuis juillet 2019 sont privées de tout accès aux services de santé publique.

Nous avons besoin de vous pour interpeller les autorités grecques. Avec l'aide de l'Union Européenne, elles doivent protéger la vie des réfugiés et les conduire dans des lieux sûrs.

J'AGIS

Au lieu de les protéger, le gouvernement grec restreint encore davantage les déplacements des réfugiés et continue de rejeter illégalement les demandes d’asile des nouveaux arrivants. Ces conditions rendent la protection des personnes dans ces camps impossible et les soumettent à un risque accru face à la menace du Covid-19. Si une épidémie éclate, les conséquences pourraient être dramatiques et des vies humaines seraient en réel danger.

Avec l’aide de l’Union européenne, les autorités grecques doivent protéger la vie des réfugiés et les conduire en lieu sûr.

Merci de votre action,

Louise Carr,
Chargée de campagne "Réfugiés et migrants"
pour Amnesty International France
 
 
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Au Burkina, la production de coton n’arrive pas à remonter la pente

| Par - à Ouagadougou
Une usine de coton, à Bobo Dioulasso.

Attendue à 600 000 tonnes, la production cotonnière du pays n’atteindra que 500 000 tonnes environ au terme de la campagne 2019-2020. Une performance qui reste en hausse par rapport à la campagne précédente.

Alors que les cours mondiaux du coton s’effondrent dans le sillage de la crise sanitaire du Covid-19, les cotonculteurs burkinabè annoncent qu’ils ne pourront pas atteindre l’objectif de production de 600 000 tonnes initialement prévu.

« Les estimations de la production sont en cours au niveau des sociétés cotonnières. Les derniers chiffres disponibles font état d’une production autour de 500 000 t. de coton graine. Mais, je crains que nous n’atteignons pas ce cap », a déclaré à Jeune Afrique, Yacouba Koura, vice-président de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB).

L’Association interprofessionnelle du coton au Burkina, l’organe paritaire de gestion devrait annoncer courant avril les chiffres consolidés de la production cotonnière.

Mais, les données provisoires révèlent toutefois une hausse par rapport aux 436 000 t. engrangées lors de la campagne écoulée, et bien plus que la moyenne annuelle de 384 400 tonnes.

La prochaine campagne pour remonter ?

Principales victimes des baisses de production, les producteurs estiment que la totalité du montant des impayés, soit plus de 11 milliards de F CFA (16,8 millions d’euros) n’a pas été soldée à la Société des fibres et textiles (Sofitex).

Cette dernière a vu son bilan chuter notablement de 247 milliards de F CFA en 2018 à près de 203 milliards de F CFA l’an dernier.

Contactée, la société dirigée par Wilfrid Yaméogo n’a pas souhaité communiquer sur le sujet.

Avec plus de 85 % de parts de marché, Sofitex est la plus importante des trois sociétés burkinabè (devant Socoma et Faso Coton) en charge de l’achat, du transport et de l’égrenage du coton, et de la commercialisation de la fibre. L’entreprise a d’ores et déjà annoncé mettre les bouchées doubles pour préparer la prochaine campagne cotonnière.

Multiples facteurs de crise

Les inquiétudes des producteurs burkinabè sur cette baisse reposent sur la météo qui a d’abord fait défaut, engendrant des semis tardifs dans les régions cotonnières de l’ouest.

Les producteurs ont par ailleurs été affectés par la crise au sein de l’UNPCB, et beaucoup de groupements ont dû jeter l’éponge. D’autres encore, confrontés aux contraintes de la pénibilité qui requiert sept traitement en moyenne, se sont résolus à abandonner purement et simplement la culture du coton, souligne Yacouba Koura.

Égrenant un chapelet de griefs comme la qualité médiocre des intrants ou encore l’insécurité à l’est du pays, notre interlocuteur se dit sceptique quant à la reprise que devrait impulser le plan de relance de la filière.

 
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Dettes des pays africains: les grands créanciers tombent d'accord sur un moratoire

Dettes des pays africains, les grands créanciers tombent d'accord sur un moratoire.
Dettes des pays africains, les grands créanciers tombent d'accord sur un moratoire. AFP/Jekesai Njikizana

La France voulait une annulation de la dette des pays africains. Pour l’instant, elle a obtenu un moratoire du club de Paris (les pays prêteurs) et du G20.

Cette année 2020, les 76 pays les plus pauvres de la planète, dont quarante pays africains, devaient rembourser un total de 32 milliards de dollars. Paris a obtenu le moratoire au niveau des créanciers bilatéraux et privés, c’est-à-dire un total de vingt milliards de dollars. La Chine, qui est l’un des plus gros créanciers de l’Afrique, a accepté ce principe. Il reste les 12 milliards de créances dus par ces pays à la Banque mondiale. Selon Paris, un accord est en bonne voie, il sera peut-être même annoncé dès cette semaine lors des réunions de printemps à Washington du FMI et de la Banque mondiale. Cette dernière s’était déclarée en faveur d’un moratoire sur la dette des pays africains.

Il y a deux semaines, les ministres des Finances africains souhaitaient un moratoire portant sur 44 milliards de dollars. L’accord obtenu par la France est donc en deçà de leurs attentes, mais « c’est un premier pas », comme le soulignait ce matin Bruno Le Maire. Le ministre français de l'Économie n’exclut pas que des annulations « au cas par cas et dans un cadre multilatéral » puissent avoir lieu.

La question de l’annulation pure et simple de la dette des pays africains est importante. Beaucoup de pays dépensent davantage en remboursement de dette que pour leur système de santé, soulignait récemment un rapport de l’Union africaine. De plus, une vingtaine de pays africains sont trop endettés et sept d’entre eux sont considérés comme surendettés, dont la République du Congo, par exemple. Mais certains créanciers publics et privés ne sont pas encore favorables à une annulation.

La Chine, le plus gros créancier

Il serait par exemple intéressant de connaître l’avis de la Chine qui est l’un des plus gros créanciers de l’Afrique avec un stock de dettes estimé à 145 milliards de dollars, si l’on compte la dette de ses entreprises. Par ailleurs une partie de cette dette africaine est privée, elle est due à des entreprises, à des négociants de matière première, des banques et fonds d’investissements. Il s’agit aussi parfois d’emprunts directs des États africains sur les marchés financiers, les fameux eurobonds. Et pour cette dette « il faut encore trouver des mécanisme », affirmait récemment Albert Zeufack, l’économiste en chef pour l’Afrique de la Banque mondiale.

De son côté, le Fonds monétaire international n’a pas attendu le moratoire des créanciers publics pour agir. Dès mardi soir, la directrice générale du FMI Kristalina Georgieva annonçait que le Fonds allait payer lui-même le service de la dette de 25 pays à faibles revenus dont dix-neuf pays africains pour une période de six mois. Ce qui revient à annuler une partie de la dette de ces pays envers le FMI. L’institution de Bretton Wood joue aussi les pompiers depuis plusieurs semaines. Elle a déclaré qu’elle était prête à débourser en urgence des crédits pour les pays africains qui ont besoin d’argent afin de faire face aux conséquences économiques de la pandémie. La semaine dernière une vingtaine de pays africains avaient fait une demande, ils sont sans doute plus aujourd’hui.

Beaucoup ont reçu des fonds. Par exemple la Tunisie a obtenu 745 millions de dollars le 10 avril, le Sénégal 440 millions de dollars le 13 avril et le Ghana vient de recevoir, ce mardi 14 avril, un milliard de dollars. Cet argent est versé via deux mécanismes : la facilité de crédit rapide (FCR) et l’instrument financier d’urgence (IFR). Ce sont essentiellement des prêts à taux zéro avec un délai de remboursement très avantageux. Mais il convient de préciser que ce ne sont pas des dons. C’est de l’argent qui au final viendra s’ajouter au stock de dette des États.


■ Quelles aides pour l’Afrique au temps du coronavirus

FMI, 100 milliards de dollars
Le Fonds monétaire international l’a dit dès le début de la crise, il dispose d’une puissance de feu de 1 000 milliards de dollars pour ceux de ses 189 membres qui ont besoin d’argent. La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva est particulièrement attentive aux pays à faibles revenus, en particulier les pays africains. Les fonds disponibles en urgence ont été portés à 100 milliards de dollars. Depuis quelques semaines tous les pays africains qui en font la demande reçoivent une aide d’urgence à travers deux mécanismes, la facilité de crédit élargie (FEC), prêts à taux zéro pour les pays à faibles revenus, et l’instrument de financement rapide (IFR) , prêts à conditions avantageuses ouvert à tous les pays. De plus, le Fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes a été remanié et sera porté à 1,4 milliards de dollars. Il permet aux pays devant faire face à des échéances de dette de recevoir une compensation sous forme de dons. 19 pays africains viennent ainsi de voir dotés pour six mois, période pendant laquelle c’est le FMI qui paye leurs dettes.

Banque Mondiale, 14 milliards de dollars pour l’Afrique et sur quinze mois 160 milliards supplémentaires pour les pays en voie de développement
La deuxième grande institution financière mondiale a, elle aussi, sorti le chéquier avec en ligne de mire les aides aux entreprises, quelle que soit leur taille. Pour l’Afrique, la Banque mondiale est bien décidée à épauler tous les secteurs et insiste notamment sur les besoins du secteur informel, sachant que l’immense majorité des travailleurs en Afrique sont dans ce cas. Huit des 14 milliards de dollars iront aux entreprises.

BAD, Banque africaine de développement, 10 milliards de dollars
Le plan annoncé par la BAD est le plus ambitieux jamais élaboré par l’institution panafricaine. 1,4 milliard de dollars sur les 10 iront directement au secteur privé. Le reste est réparti entre une aide directe aux États et le renflouement du Fond africain de développement.

Union européenne, 14 milliards d’euros
Annoncée par la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, l’enveloppe ira à 90% aux pays africains, et en particulier aux entreprises qui bénéficieront de 8 milliards d’euros sur les 14 proposés. Il s’agit en grande partie de fonds disponibles via les FED, les Fonds européens de développement, et de réallocation de ressources déjà budgétisés pour les pays du Sud. La France qui participera à ce plan annonce en plus 1,2 milliards d’euros en aide sanitaire et alimentaire pour un groupe de dix-neuf pays.

Afreximbank, 3 milliards de dollars
La banque d’import-export africaine a elle aussi concocté son plan de soutien à l’Afrique. Les fonds qu’elle rend disponibles serviront aux pays qui en ont besoin à financer les opérations de commerce international sur lesquelles ils sont engagés. Il s’agit essentiellement de facilité de crédit accordées aux Banques centrales.

 
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Burkina Faso : pour les déplacés, la crise humanitaire pourrait aussi être sanitaire

| Par - Envoyée spéciale à Kaya
Un camp de personnes déplacées à Kaya, Burkina, installé sur un terrain privé mis à disposition de la ville. Le 10 mars 2020.

Au Burkina, les attaques contre des villages ne cessent pas. Le nombre de personnes déplacées vivant dans des situations très précaires augmente. Tout comme le risque de contracter le coronavirus et de voir l’épidémie se propager.

« C’était un matin de la fin du mois de février. Des hommes armés ont fait irruption dans le village. Ils étaient sur des motos et tiraient sur tout ce qui bougeait », raconte d’une voix calme Minata, 47 ans. Elle fait une pause, le regard dans le vide. Son fils de 3 ans sanglote pour attirer son attention. Minata lui adresse un sourire, puis reprend.

« Nous nous sommes cachés dans la brousse. On les entendait crier qu’ils ne voulaient plus nous voir dans le village. Pourquoi ? On ne sait pas. Ils voulaient juste que nous partions. Alors nous avons passé la nuit dans la brousse. Le lendemain, à l’aube, quelques femmes sont reparties chercher les corps. Ils avaient tué une dizaine de personnes, dont sept membres de ma famille. Nous les avons enterrés près du village. »

Minata a perdu sept membres de sa famille lors d'une attaque d'hommes armés dans son village. Kaya, le 10 mars 2020.

Les survivants de l’attaque de Silmadjé ont dû fuir en laissant tout derrière eux. Ils se sont retrouvés par petits groupes à Pinsa, dans le centre-nord du Burkina. De là, comme près de 200 000 personnes avant eux, ils ont rejoint Kaya au début de mars. Cette ville d’environ 70 000 habitants a vu sa population tripler en quelques mois. Des maisons de fortune sortent de terre partout autour de la ville.

« Le flux de déplacés ne tarit pas »

« Ils sont répartis dans plusieurs petits camps, mais presque 80 % d’entre eux sont accueillis dans des familles ou dans les villages voisins. Les habitants les hébergent par solidarité. Ils viennent parfois du même village. Mais ils sont débordés, tout comme les organisations humanitaires, explique Casimir Segueda, gouverneur de cette région, qui abrite le plus grand nombre de déplacés du pays. Nous les aidons avec les moyens dont nous disposons, mais comme les attaques se poursuivent le flux de déplacés ne tarit pas. » Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), en février, près de 800 000 Burkinabè ont fui leur domicile.

Minata et d’autres habitants de son village ont trouvé refuge dans une ferme, à la périphérie de Kaya. « Le maire a contacté le propriétaire et lui a expliqué que nous venions d’un village près de chez lui. Il a accepté de nous laisser nous y installer », raconte Sambo, la cinquantaine.

Des bidons de 25 litres sont alignés près d’un robinet, à l’entrée du camp improvisé. Deux fois par jour, le gardien de la ferme donne de l’eau aux familles. Les Peuls sont installés d’un côté de la ferme, les Mossis de l’autre. Entre les arbres fruitiers et les tentes, les enfants ont fait des lieux leur terrain de jeu. Quelques hommes s’affairent à monter une tente du HCR, sous un soleil de plomb. La nuit, les enfants et les femmes s’y entassent. Parfois, une vingtaine par abri. Les autres dorment dehors.

Assistance alimentaire

Sambo était orpailleur. Il est habile de ses mains. C’est lui qui a construit les latrines du camp, financées par l’ONG Oxfam. Quand il a fui précipitamment son village, il est parvenu à emporter un précieux trésor : deux plaques solaires. Les déplacés s’en servent pour recharger leurs téléphones portables, moyennant quelques francs CFA. Pas de quoi nourrir ses deux femmes et ses enfants, mais Sambo a le sourire : il a une source de revenus, il n’est pas le plus à plaindre.

Pour ne rien arranger, de nombreux villages de la région n’ont pas pu cultiver leurs terres à cause du contexte sécuritaire et de la mauvaise saison pluvieuse

« Depuis que nous sommes arrivés ici, il y a de cela près d’un mois, nous n’avons pas reçu de vivres, soupire Aïssata. Les enfants qui étaient à l’école franco-arabe au village sont maintenant obligés d’aller ramasser des bouteilles de plastique en ville. Leur revente nous permet d’avoir de quoi faire bouillir la marmite. »

Les deux plaques solaires de Sambo permettent de recharger les téléphones des déplacés du camp. Kaya, le 10 mars 2020.

Le fait que les déplacés aient dû abandonner leurs champs et leur bétail complique évidemment leur situation. Pour ne rien arranger, de nombreux villages de la région n’ont pas pu cultiver leurs terres à cause du contexte sécuritaire et de la mauvaise saison pluvieuse. Résultat, plus de 1 million de Burkinabè ont aujourd’hui besoin d’une assistance alimentaire.

« Nous sommes confrontés à des situations dramatiques, estime Constant Zango, président de l’ONG Alliance technique d’assistance au développement [Atad]. La gestion de ces déplacés ne doit pas se résumer à distribuer des vivres ou à donner du cash. Nous avons ciblé des écoles dans le Centre-Nord et dans le Sahel. Avec l’appui de partenaires, nous les soutenons en leur livrant des fournitures scolaires, et nous dispensons une formation psycho-sociale aux enseignants afin qu’ils puissent s’occuper de ces enfants parfois traumatisés. Nous menons également des activités allant dans le sens de la cohésion sociale, car il faut penser à l’après-crise. L’autre point sur lequel nous travaillons consiste à former des femmes et des jeunes à l’entrepreneuriat et à financer leurs projets. »

La crainte d’une crise sanitaire

Beaucoup d’acteurs sur le terrain redoutent que la crise humanitaire se double d’une crise sanitaire. Le 7 avril, plus de 250 personnes ont été testées positives au coronavirus. Face à l’épidémie, l’hygiène est plus que jamais nécessaire.

« Avec les moyens dont nous disposons, nous avons installé des lave-mains, distribué du savon, du chlore et des bidons dans les camps, détaille Simon Ouédraogo, lui aussi membre d’Atad. Nous faisons également du porte-à-porte chez les familles d’accueil. Les gens sont conscients qu’il faut éviter à tout prix d’être atteint par le virus et de le propager.

Le président Roch Marc Christian Kaboré a annoncé une série de mesures pour faire face à la pandémie de Covid-19. Au total, l’effort public se chiffre à plus de 394 milliards de F CFA (600 millions d’euros), et prévoit de renforcer ces mesures pour les populations les plus vulnérables. Même s’ils ne sont pas cités, les déplacés, eux aussi, pourraient en bénéficier.

 
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