Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Peuls et jihadisme au Sahel : le grand malentendu

| Par - avec Aïssatou Diallo
Ces Peuls avaient fui le centre du Mali pour se réfugier dans le camp de Faladié, près de Bamako. Celui-ci a été ravagé par un incendie le 28 avril.

Au Mali, au Niger et au Burkina, nombre de jeunes Peuls ont rejoint les groupes jihadistes. Mais la majorité, soupçonnée à tort et prise pour cible, est à bout.

La liste s’allonge de jour en jour. Vingt-six personnes exécutées par l’armée dans le village de Binedama, au Mali, le 5 mai. Douze autres retrouvées mortes dans les locaux de la gendarmerie à Tanwalbougou, au Burkina Faso, le 11 mai. D’autres encore tuées par les forces de défense et de sécurité nigériennes lors d’une opération ratissage dans la région du Tillabéri, entre la fin de mars et le début d’avril. Maliens, Burkinabè, Nigériens… Tous ces civils avaient un point commun : ils appartenaient à la communauté peule.

S’ils ne sont pas les seuls à être visés, les Peuls sont souvent les principales victimes des exactions commises par les forces armées sous le couvert de la « lutte antiterroriste ». Ces derniers mois, les raids punitifs menés par des hommes en uniforme se sont multipliés à travers le Sahel. Des atrocités régulièrement dénoncées par les ONG de défense des droits humains, mais pas seulement : en avril, la Minusma déplorait ainsi la « multiplication » des exécutions extrajudiciaires perpétrées par les Forces armées maliennes (Famas) durant le premier trimestre de 2020, tandis que l’Union européenne et la France – quoique en des termes prudents – disaient elles aussi leur préoccupation.

La stigmatisation latente des Peuls transparaît très clairement chez de nombreux responsables politiques et sécuritaires sahéliens. »

Derrière cette guerre sale, une idée sous-jacente : celle que les Peuls constitueraient le gros des troupes jihadistes sévissant du delta intérieur du Niger à la zone des trois frontières. Il n’y a ni chiffre ni statistique solide qui permettent d’étayer ce constat. Seulement des estimations plus ou moins précises, élaborées sur la base de sources locales et sécuritaires. Certains groupes sont ainsi réputés pour être composés en majorité de combattants peuls : la katiba Macina, d’Amadou Koufa – filiale du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), d’Iyad Ag Ghaly ; la katiba Serma ; la faction burkinabè Ansarul Islam ; enfin, l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), d’Abou Walid al-Sahraoui.

De Bamako à Niamey en passant par Ouagadougou, il n’est pas rare d’entendre cette petite phrase – fausse mais lourde de sous-entendus : « Tous les Peuls ne sont pas jihadistes, mais tous les jihadistes sont peuls. » Et peu importe si, à travers ces différents pays, ces groupes comptent des combattants de nombreuses autres communautés. Touaregs, Arabes, Songhaïs, Dogons, Sénoufos, Mossis… Les exemples ne manquent pas, tant parmi les « petites mains » que parmi les chefs. Au Sahel comme ailleurs, les clichés ont la vie dure.

Fulfude

« Certains de nos hommes sur le terrain sont traumatisés, explique un gradé burkinabè. Quand ils entendent quelqu’un parler ful­fulde, ils ont peur. Beaucoup pensent que tous les terroristes sont peuls. C’est un vrai problème. » Or, dans les zones où les Peuls sont souvent majoritaires, il n’est pas rare que les populations parlent fulfulde, même si elles ne sont pas peules. « Par exemple, au Burkina, il y a aussi des Bellas dans les groupes jihadistes, mais, comme ils parlent fulfulde, personne ne fait la différence », poursuit l’officier.

« La stigmatisation latente des Peuls transparaît très clairement chez de nombreux responsables politiques et sécuritaires sahéliens », estime un diplomate africain implanté de longue date dans la région, qui dément toutefois l’existence d’une politique de « nettoyage ethnique » qui serait délibérément appliquée par les gouvernements. D’ailleurs, au Mali, au Burkina ou au Niger, des Peuls occupent des postes à responsabilité. Certains sont ministres, présidents d’institution, officiers ou sous-officiers… « Le problème, résume l’un d’eux, c’est que ces élites urbanisées n’ont rien à voir avec les jeunes éleveurs défavorisés qui viennent grossir les rangs des katibas à des centaines de kilomètres des salons bamakois ou ouagalais qu’elles fréquentent. »

Revenons en arrière pour comprendre comment l’on en est arrivé là. Dans les années 2000, une crise frappe durement le pastoralisme nomade sahélien. Déficits pluviométriques, sécheresse, diminution des pâturages et donc des troupeaux… Ces difficultés socio-économiques frappent de plein fouet les Peuls nomades qui vivent de l’élevage. Rapidement, des conflits locaux autour de l’accès aux ressources naturelles émergent entre éleveurs, puis avec des agriculteurs et des pêcheurs sédentaires.

Amadou Koufa, dans une vidéo de propagande diffusée le 28 février 2019 (image d'illustration).

En 2012, la crise malienne explose. « Les armes ont commencé à circuler de plus en plus librement. Ce tournant majeur a largement contribué à faire dégénérer la situation dans la zone », estime Jean-Hervé Jezequel, directeur du projet Sahel à l’International Crisis Group. Certains éleveurs peuls s’arment, pour protéger leurs troupeaux et leurs couloirs de transhumance, mais aussi pour se défendre d’autres groupes communautaires qui se sont rapprochés de certaines factions armées.

C’est dans ce contexte troublé qu’émerge la figure d’Amadou Koufa. Celui qui deviendra le premier chef jihadiste peul d’envergure se fait connaître (comme par la suite Ibrahim Malam Dicko, le fondateur d’Ansarul Islam, au Burkina) en dénonçant les injustices faites à ses « frères » : conditions de vie difficiles, rackets des forces de l’ordre, absence de services sociaux de base… Mais les élites peules – chefs religieux, maires ou notables, qu’il accuse d’entretenir les inégalités en maintenant une organisation féodale – sont également dans son viseur. « Nous n’avons jamais eu de marge de manœuvre, déplore l’un d’eux, désormais réfugié à Ouagadougou. Les gens de Koufa ou de Dicko ont tué tous les responsables de leur propre communauté, en allant du chef de village au chef de canton. C’est pour cela que beaucoup ont fui, laissant le champ libre aux jihadistes. »

Hors de contrôle

Avec son discours engagé et révolutionnaire, Koufa séduit une partie de la jeunesse peule pauvre et marginalisée du centre du Mali. La plupart de ses combattants sont, comme lui, originaires de la « zone inondée » (le delta intérieur du fleuve Niger), d’autres viennent du Séno, près de la frontière avec le Burkina. En janvier 2015, son groupe mène ses premières attaques à Dioura et à Ténenkou.

Au fil des mois, il se renforce. Et se place sous la tutelle d’Iyad Ag Ghaly, qui, en parallèle, s’est imposé comme l’homme d’Al-Qaïda au Mali. Les raids se multiplient. Après le Nord, le Centre devient hors de contrôle. Les jihadistes y sont chez eux et font régner leur loi. Bientôt la contagion gagne le nord du Burkina frontalier.

Sous-équipées, mal payées et mal considérées, les forces de défense et de sécurité semblent constamment dépassées. Elles combattent les jihadistes en faisant des descentes dans les villages où elles les suspectent de se cacher ou d’y avoir de la famille. « Il peut y avoir des actions de représailles commises contre certains Peuls, reconnaît un officier burkinabè. Mais pas parce qu’ils sont peuls, juste parce qu’ils ont ciblé nos troupes. Certains nient la réalité. Ils sont convaincus que leurs proches n’ont rien à voir avec les terroristes alors qu’ils sont à leurs côtés. »

Les chefs de katibas, à commencer par Koufa, n’hésitent plus à jouer sur la fibre communautaire pour gonfler leurs rangs.

En grande difficulté, les autorités maliennes et burkinabè ont fini par s’appuyer sur des milices communautaires pour tenter de contrer les jihadistes : Dan Na Ambassagou et ses chasseurs dogons au Mali, groupes d’autodéfense Koglweogo et leurs membres majoritairement mossis, aujourd’hui recyclés en « volontaires pour la défense de la patrie », au Burkina. Un pari risqué pour un même résultat : dans ces deux pays, les violences intercommunautaires ont flambé, et le poison de la vengeance s’est insidieusement répandu. Des deux côtés de la frontière, des civils innocents, dont des femmes et des enfants, sont aujourd’hui exécutés par des miliciens en armes parce qu’ils appartiennent à telle ou telle communauté.

Argent, motos et kalachnikovs

Koulogon, Ogossagou, Yirgou… Plusieurs massacres de masse ont ensanglanté des villages peuls. Il n’en faut souvent pas davantage pour précipiter certains de leurs habitants dans les bras des jihadistes, qu’ils perçoivent comme un recours face aux persécutions. « Il y a des jeunes dont les villages ont été attaqués par des milices d’autodéfense en toute impunité. À leurs yeux, si l’État n’assure pas la justice, c’est à eux d’aller la chercher auprès de tierces personnes », explique Abou Sow, le président de l’association Tabital Pulaaku, au Mali.

De leur côté, les chefs de katibas, à commencer par Koufa, n’hésitent plus à jouer sur la fibre communautaire pour gonfler leurs rangs. « Au départ, quand ils passaient dans les villages, les jihadistes prêchaient et dénonçaient l’attitude de ceux qui ne respectaient pas la charia, raconte un habitant de la région de Mopti. Puis ils ont insisté sur le fait qu’ils se battaient contre l’injustice et pour rétablir la sécurité. Parfois, ils donnaient même de l’argent, des motos et des kalachnikovs pour que les gens puissent se défendre. »

Il n’y a jamais eu de message gouvernemental clair sur le fait que tous les Peuls n’étaient pas des jihadistes, ni de geste symbolique fait à leur égard. »

Parfois, aussi, certains n’ont pas eu d’autre choix que de rallier les katibas. « Quand toute votre famille a été massacrée, que vous n’avez nulle part où aller et que vous n’avez aucun moyen de subsistance, vous êtes contraint de rejoindre ces groupes jihadistes malgré vous », explique Boubakary Diallo, secrétaire général des Rugga, une association d’éleveurs au Burkina. Sans compter les recrutements forcés, comme ceux pratiqués par l’EIGS dans la région des trois frontières, où des familles peules ont été obligées de fournir des combattants sous peine de représailles.

Inaction politique

Face à ces questions aussi complexes qu’explosives, les organisations de la société civile accusent les autorités d’inaction. Le Plan de sécurisation intégrée des régions du centre du Mali n’a pas apporté d’améliorations tangibles, pas plus que le Plan d’urgence pour le Sahel au Burkina. Seules quelques initiatives ont parfois permis de parvenir à des cessez-le-feu locaux, mais rien de durable ni d’étendu à de plus vastes zones.

Ex-combattants jihadistes attendant d’être désarmés, dans un camp de Sévaré (centre du Mali) dirigé par l’homme d’affaires Sékou Bolly, en juillet 2019.

« Ces problèmes n’ont jamais été pris à bras-le-corps. Il n’y a jamais eu de message gouvernemental clair sur le fait que tous les Peuls n’étaient pas des jihadistes, ni de geste symbolique fait à leur égard », s’indigne une source onusienne. Conséquence : un vrai malaise est désormais perceptible au sein de cette communauté, dont les représentants ne cachent pas leur amertume.

Ce serait une erreur de penser que c’est seulement le problème des Peuls ou d’une autre communauté. »

« Malheureusement, la situation ne s’améliore pas, et les massacres se répètent sans que rien ne change. Cela suscite beaucoup d’incompréhensions, car les États sont censés être garants de la sécurité de tous leurs citoyens », déplore Adame Ba Konaré, écrivaine et épouse de l’ex-président malien Alpha Oumar Konaré.

Après avoir un temps cohabité, voire coopéré ponctuellement pour certaines opérations, le GSIM et l’EIGS se livrent désormais une guerre pour le leadership jihadiste dans la région. Depuis le début de l’année, les accrochages se sont multipliés entre les différentes katibas du centre du Mali à la zone des trois frontières, faisant plusieurs dizaines de morts dans chaque camp. Koufa, Sahraoui et leurs lieutenants essaient donc d’attirer de nouveaux combattants, en particulier au sein des communautés peules qu’ils utilisent déjà comme viviers.

« Ils s’en servent comme de la chair à canon, lâche un officier des renseignements à Bamako. Mais ce serait une erreur de penser que c’est seulement le problème des Peuls ou d’une autre communauté. Toute la région s’enfonce dans la crise. Si rien n’est fait, la situation va largement se détériorer. »

Afrique de l'Ouest: les femmes surexposées au coronavirus

Ndeye Marième Ly Diagne, responsable des programmes de l'ONG Equipop au Sénégal.
Ndeye Marième Ly Diagne, responsable des programmes de l'ONG Equipop au Sénégal. Libre de droit

Des activistes pour la défense des droits des femmes et l’ONG Équilibres et populations (Equipop) publient ce lundi dans sept pays africains une tribune féministe intitulée « Droits et santé des femmes à l’épreuve du Covid-19 ». Une initiative qui vise à interpeler les décideurs politiques sur la condition des femmes qui, selon eux, sont surexposées au virus. RFI a joint Ndeye Marième Ly Diagne, responsable des programmes d’Equipop au Sénégal

RFI : Cela fait 25 ans cette année que la 4e conférence mondiale sur les femmes s’est tenue en Chine avec une centaine de chefs d’État du monde entier. Des engagements ont été pris pour supprimer les obstacles systémiques qui empêchent une avancée dans les droits des femmes. Quelque chose a-t-il changé ?

Ndeye Marième Ly Diagne : Pas grand-chose n’a changé en 25 ans, bien que nous voyons maintenant que les femmes ont accès à des positions plus importantes dans la sphère politique et sociale. Mais on se rend compte qu’aujourd’hui c’est toujours le statu quo pour les droits des femmes. Pour la majorité, elles sont reléguées au second plan et la parité n’est pas respectée, surtout dans la sphère socio-professionnelle.

Qu’est-ce qui fait encore obstacle aujourd’hui à l’avancement des femmes dans les pays africains ?

La société, la culture, les perceptions. Aujourd’hui, on se retrouve dans une société où la vision de la position de la femme n’a pas changé. Les femmes sont toujours reléguées au deuxième plan. La plupart du temps, par exemple au niveau politique, on leur donnera des fonctions de ministre de la Femme, de l’Enfant ou de la Santé. Au niveau du gouvernement ou au niveau professionnel, elles occupent rarement des positions importantes où elles jouent un rôle de décision. Cela est dû au fait que les femmes sont toujours pensées comme étant des personnes qui doivent rester à la maison et s’occuper de la famille, ou bien vue les hormones – ce qu’on a eu à entendre – elles n’arrivent pas à gérer ou à être de bons managers, bien qu’il a été prouvé plus d’une fois que les femmes font une meilleure gestion que les hommes.

Dans la tribune qui est parue ce lundi dans la presse, vous dites que la crise sanitaire a des conséquences disproportionnées sur les femmes et les filles. Comment ces conséquences se traduisent-elles sur la vie des femmes ?

Cette crise n’a fait que dévoiler la réalité de ce que les femmes vivent. Nous nous sommes rendu compte pendant cette crise et à travers l’enquête qui a été faite avec les associations activistes que les femmes sont surexposées au virus.

Mais pourquoi les femmes sont les plus exposées au Covid-19 ?

Elles sont plus exposées parce que c’est elles qui sont dehors, c’est elles qui s’occupent des malades, particulièrement les sages-femmes, les infirmières, donc toutes ces personnes qui ont en tout cas le premier contact avec le malade, des femmes qui ont cette dualité des charges aussi bien au niveau des hôpitaux qu’à la maison. Dans la plupart des cas, elles sont non seulement exposées, mais elles n’ont même pas les moyens de se protéger contre cette pandémie.

Vous dites même dans la tribune que 70% des personnels de santé et des travailleurs sociaux sont des femmes dans les pays (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger et Sénégal) où vous avez mené votre enquête. Est-ce qu’une tribune suffit pour faire avancer les choses ?

Une tribune ne sera forcément pas suffisante pour faire avancer les choses, mais ce que cette tribune peut faire, c’est éveiller les consciences des décideurs, des chefs d’État, des bailleurs de fonds, de la société sur la condition de la femme. La tribune ne va pas aujourd’hui régler tous les problèmes, mais en tout cas cette tribune permettra de mettre à plat ce que les femmes vivent dans leur quotidien, que la société puisse voir à quel point la condition de la femme doit être améliorée parce que c’est le moteur de toute façon. C’est le moteur de développement, c’est le moteur dans l’avancée d’un pays parce que bien qu’on soit considérés comme des citoyens de deuxième classe, nous constituons la majorité de la population. Donc il est important que les besoins des femmes soient pris en compte, non seulement au niveau communautaire, mais aussi au niveau étatique.

À la Une: coronavirus, l’exception africaine

À Nouakchott, le G5 Sahel veut renforcer les progrès accomplis

Le sommet du G5 Sahel à Nouakchott, le 30 juin 2020.
Le sommet du G5 Sahel à Nouakchott, le 30 juin 2020. Ludovic Marin /Pool via REUTERS

Les pays du G5 Sahel et leurs partenaires internationaux se sont retrouvés à Nouakchott ce mardi 30 juin. Ils ont exprimé leur volonté d'amplifier les progrès enregistrés, selon eux, contre les jihadistes ces derniers mois.

Avec notre envoyé spécial à Nouakchott, François Mazet

Les dirigeants présents à Nouakchott ont d'abord salué les progrès effectués depuis six mois : renforcement de Barkhane, succès militaires dans la zone des 3 frontières, améliorations au sein du G5 Sahel depuis la mise en place d'un état-major commun. « Les efforts se poursuivent, les progrès sont significatifs, mais restent insuffisants », a concédé Mohamed Ould Ghazouani.

« Ce sommet de Nouakchott nous a offert l’occasion d’échanger autour de l’évolution de la situation sécuritaire dans la région. A la lumière non seulement de la recrudescence de la violence en Libye et ses incidences négatives sur toute la sous-région, mais aussi de la dangereuse extension des terroristes à de nouvelles régions. » Référence à l'attaque de Kafolo dans le nord de la Côte d'Ivoire le 11 juin dernier, qui illustre la crainte d'un déplacement des djihadistes des zones où ils sont sous pression, vers les pays côtiers.

Ghazouani plaide pour l'annulation de la dette des pays les plus pauvres

Si la lutte anti-terroriste a connu des succès, les autres « piliers » de Pau piétinent : aide au développement, redéploiement des Etats et autonomisation des armées nationales.

Mohamed Ould Ghazouani a particulièrement insisté sur la nécessité d'annuler la dette des pays les plus pauvres pour lutter contre les crises économique, sociale, sécuritaire et sanitaire, amplifiées par la pandémie de Covid-19

« La question de la dette extérieure des pays pauvres s’est posée comme problématique majeure dans l’agenda de la diplomatie nationale. Le G5 a lancé un appel pour l’annulation de la dette des pays les plus pauvres, qu’il a réitéré lors des différents Forums internationaux. Le moratoire décidé par le G20 au profit des pays africains constitue une avancée qui doit être saluée, mais nous pensons aussi qu’elle est insuffisante pour résoudre les problèmes liés à l’endettement excessif, fortement accentués par les conséquences socio-économiques de la pandémie de Covid-19. »

Lutte contre l'impunité

Dans leur communiqué final, les dirigeants se sont aussi engagés à renforcer la judiciarisation des zones de conflit, c'est-à-dire la lutte contre l'impunité. Un point sur lequel le président du Conseil européen Charles Michel et le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres ont particulièrement insisté, soulignant au cours de la conférence la nécessité de faire respecter les droits humains. Antonio Guterres a également dit souhaiter un renforcement de la Minusma.

Emmanuel Macron s’est pour sa part dit « convaincu que la victoire est possible au Sahel ». « Nous sommes en train d’en retrouver le chemin grâce aux efforts qui ont été consentis au cours des six derniers mois », a déclaré le président français à l'issue du sommet. Il a toutefois averti que les forces du G5 Sahel devraient se montrer « exemplaires » dans leur combat, en réaction à des accusations d'exactions de la part de certaines d'entre elles.

« Face aux faits graves qui ont été rapportés, des enquêtes seront menées », a-t-il ajouté. « Le Sahel ne doit pas plonger dans un cycle de violence et de représailles. C’est précisément ce que recherchent les groupes terroristes et ce qu’ils ont réussi à faire dans le passé. »

 
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[Tribune] Après le confinement, le saut dans l’inconnu du coronavirus

|
 
 
Par

Médecin, Secrétaire générale adjointe du réseau des économistes de santé du Maghreb et écrivaine

Malte Mueller/Getty Images

Si de nombreux pays se déconfinent, la pandémie de Covid-19 continue de bouleverser notre quotidien. Et tant qu’aucun vaccin ne sera trouvé, nous devrons apprendre à vivre avec.

Le déconfinement, prochaine phase de la lutte contre l’épidémie de coronavirus, était très attendu. Mais tant qu’il n’y aura pas de vaccin, le coronavirus restera une « hantise ». Personne ne peut plus nier la gravité de la maladie, la vitesse de sa contagiosité et la lourdeur socio-économico-psychologique du confinement. Et personne ne peut affirmer que cette pandémie ne se reproduira pas dans le futur.

Soyons optimistes, il est possible de vivre au quotidien, en « communauté espacée », avec un virus tel que le Covid-19. La Corée du Sud, et la Suède en sont l’exemple. Mais cela suppose qu’individuellement nous nous sentions responsables et que nous nous rappelions continuellement que la seule solution que nous maîtrisons actuellement est la distanciation sociale.

Condoléances à distance

Alors quel sera le prix à payer dans notre quotidien ? On va d’abord assister à une mutation globale de l’ADN de notre vie sociale. Cet aspect des choses est rarement abordé lors de nos discussions, de nos webinaires et même de nos conférences en ligne, où chacun préfère s’intéresser à l’impact économique de la pandémie, au prix du pétrole ou aux variations des devises.

L’impact sur la vie sociale est pourtant l’une des grandes catastrophes provoquées par le virus. Pensons à l’ostracisation prolongée des sujets âgées et malades – pour les protéger bien sûr. Au changement radical de nos habitudes sociales, du bannissement de nos traditionnelles embrassades et poignées des mains et à l’adoption du « namaste », mode de salut asiatique… Et que dire de nos réunions familiales en vidéoconférence, de nos danses et de nos chants partagés uniquement via Zoom ou Jitsi Meet ?

Maintenir la distanciation sociale, c’est aussi oublier l’énergie romantique des restaurants et nos déjeuners familiaux du dimanche, c’est enterrer nos morts en groupes de moins de dix personnes et en silence, sans pouvoir faire nos prières en bonne et due forme. C’est continuer à vivre les grands moments de la vie en mode digital, s’envoyer des condoléances à travers des messages audios sur WhatsApp ou via des SMS et des commentaires sur les réseaux sociaux.

C’est surtout vivre en mode « masqué » puisque dans les transports, les supermarchés, le travail, les magasins, il va falloir désormais porter la bavette.

Des clientes portant des masques pour se protéger du coronavirus font la queue devant une boulangerie, à Dakar, le 25 avril 2020 (illustration).

Inégalités scolaires et traçage

Et que dire des inégalités sociales que la pandémie va contribuer à accentuer ? Avez-vous pensé, après ces deux mois de « classes virtuelles » et d’enseignement à distance avec les moyens du bord, au travail que nos enfants vont devoir rattraper ? Qu’en est-il des étudiants qui ne disposaient pas d’un smartphone, d’une tablette ou d’un réseau internet ? Qu’en est-il des déserts technologiques qui persistent en Afrique ? Certains enfants auront à payer les pots cassés de cette pandémie et resteront en décalage parce qu’ils auront raté la moitié du programme scolaire de l’année 2020.

Même côté loisirs, nous sommes appelés à vivre dans la nostalgie. Finies les baignades en piscine, désormais réservées aux nantis qui disposent d’un bassin personnel ou qui peuvent se permettre une résidence en resorts de luxe. Tant que la recherche médicale classera le Covid-19 comme une maladie mystérieuse qui n’a pas encore livré tous ses secrets, la notion de vacances scolaires sera transformée, le voyage ne sera plus accessible au commun des mortels.

En fait, c’est toute notre organisation quotidienne qui s’en trouve bouleversée. Un grand nombre de personnes ont découvert le travail à domicile avec cette pandémie. Avec le télétravail, nos réunions sont de plus en plus contrôlées, notre vie privée est de plus en plus exposée, nos propos sont de plus en plus mesurés et précis et notre rendement et nos heures de travail sont bien calculés.

Le secret médical est de moins en moins préservé, avec toutes les applications que nous téléchargeons et toutes les autorisations d’accès à nos données personnelles que nous cochons… Sans compter le système de traçage qui accompagnera désormais nos déplacements, nous faisant courir le risque d’un isolement ou d’une quarantaine au moindre contact suspect.

On le sait, nous allons cohabiter longtemps avec le coronavirus. On sait également que le monde post-confinement n’aura rien à voir avec celui de l’avant. Nous nous posons déjà beaucoup de questions, mais d’autres n’apparaîtront qu’avec le temps… Et d’autres aspects de notre vie seront affectés dans les mois et les années à venir.

 
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Prisonniers morts en détention au Tchad: une ONG dénonce une bavure

Une vue de Ndjamena, capitale du Tchad. (Image d'illustration)
Une vue de Ndjamena, capitale du Tchad. (Image d'illustration) Xaume Olleros / AFP

La Convention tchadienne pour les droits humains (CCDDH) a publié, ce dimanche, les conclusions de son enquête sur la mort jugée suspecte en avril dernier de 44 prisonniers, présentés par les autorités comme des membres de Boko Haram, arrêtés au cours des opérations militaires qui ont eu lieu fin mars dans la région du lac Tchad. Ils avaient été retrouvés morts dans leur cellule.

Les autorités avaient évoqué la piste d'un suicide collectif par empoisonnement. Pas convaincue, la CCDDH a mené sa propre enquête. Elle conclut à une bavure. Selon elle, ces 44 prisonniers sont morts par suffocation, de faim et déshydratés, bref à cause de leurs mauvaises conditions de détention. Elle conclut aussi que ces prisonniers n'étaient pas des combattants de Boko Haram capturés au cours d'opération militaires.

Nous avons la certitude que ces prisonniers n’ont pas été capturés sur un champ de bataille. Ces gens avaient été arrêtés cinq jours après la fin de l’opération «Colère de Bohoma». Et le porte-parole de l’armée avait donné un bilan officiel. Il avait parlé de 1000 morts, il n’avait pas parlé de prisonniers. Donc, après cinq jours, il a été demandé aux responsables administratifs locaux de la province du lac de trouver des prisonniers, parce qu’il ne parait concevable qu’une armée qui tue 1000 ennemis ne puisse pas faire de prisonniers. Il faut des prisonniers afin de faire croire que l’armée tchadienne est également capable de préserver la vie des prisonniers. Alors qu’en réalité, les vrais éléments de Boko Haram pris sur le champ de bataille sont systématiquement exécutés. Ces gens sont en fait des gens arrêtés sur dénonciation d’un comité d’autodéfense, dévié de sa mission quand le nouveau gouverneur est arrivé, transformé quasiment en une véritable agence de renseignements qui a outrepassé ses prérogatives en désignant des gens au hasard comme étant de Boko Haram.

 
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