Les traites vues d’Afrique |Sciences humaines

Des millions de destins brisés, qui enrichirent des royaumes esclavagistes africains, des trafiquants arabo-musulmans et des commerçants européens. Les traites négrières ont une histoire terrifiante.

L’esclavage a existé dans toutes les sociétés jusqu’à récemment. On ne naît pas « esclave », on le devient. Est « esclavisé » l’individu possédé comme un objet, un outil sans existence propre, ne serait-ce que parce qu’il est, en particulier dans les sociétés africaines, sans ancêtres ; c’est un étranger déraciné. L’esclavage préexistait aux traites (ou commerce) en Afrique. Le statut n’y était pas plus enviable qu’ailleurs, d’autant qu’arraché à ses ancêtres, l’esclave transmettait ce manque à sa descendance.

Les trafics internes à l’Afrique

Toujours, l’esclavage a été source de profits pour les divers partenaires impliqués : marchands, armateurs, exploitants agricoles ou autres. En Afrique aussi, les chefs tiraient avantage du trafic : ce fut le cas aussi bien des souverains côtiers et des grands traitants de mèche avec les Européens – d’où l’apparition de nouvelles entités politiques greffées sur les circuits internationaux – que des petits racoleurs et brigands dans l’arrière-pays. Il y eut donc en Afrique, immense continent morcelé en nombreuses formations politiques indépendantes, deux groupes antagonistes : les razzieurs et les razziés. Si au Sahel, les femmes esclaves étaient utilisées comme concubines, elles pouvaient dans d’autres régions être des épouses raptées : en régime « matrilinéaire », le rapt était pour l’homme le seul moyen de s’approprier sa descendance aux dépens de son épouse, puisque l’esclave était privée de lignage. Cette pratique garantissait une descendance aux hommes, palliant les effets d’une importante mortalité infantile.

La traite, et les armes que les Européens fournissaient aux royaumes esclavagistes comme monnaie d’échange pour les captifs, alimentèrent une économie de violence.… Lire la suite: Les traites vues d’Afrique, Catherine Coquery-Vidrovitch, Sciences humaines, déc. 2019-janv. 2020.

 
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