Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Nigeria, Sénégal, Mali… Quelles stratégies pour atteindre l’autosuffisance alimentaire ?

| Par 
Port céréalier d'Abidjan.

Port céréalier d'Abidjan. © Jacques Torregano pour JA

Le Nigeria a pris des mesures drastiques pour développer sa production locale de riz, emboîtant le pas au Mali, au Sénégal et à la Côte d’Ivoire.

Quelque 300 milliards de F CFA pour la Côte d’Ivoire, environ 190 milliards pour le Sénégal et autour de 163 milliards pour le Cameroun. Ce sont les montants des factures annuelles acquittées par ces trois pays pour combler leur déficit en riz en recourant aux importations.

Ces dernières années, ils se sont pourtant engagés (comme l’ensemble des États de la région, à commencer par le géant nigérian) à atteindre l’autosuffisance au plus vite. À Dakar, on l’avait annoncée pour 2017, en vain. Abuja vise 2022, Niamey 2021, et Abidjan s’est fixé la date de 2025. Questions de sécurité alimentaire et de souveraineté nationale.

En Afrique de l’Ouest, le riz, plus que toute autre céréale, est stratégique. Sous l’effet conjugué de l’essor démographique, de l’urbanisation et de la hausse des besoins individuels, la consommation de riz a été multipliée par quatre en trente ans, selon le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

Le coronavirus renforce la pression en faveur de l’indépendance alimentaire

« Or, malgré les progrès observés dans la production locale, surtout grâce à l’extension des surfaces rizicoles, la région doit importer l’équivalent de 45 % de sa consommation totale, contre 40 % au début des années 2010, et 20 % seulement dans les années 1960 et 1970 », souligne Patricio Méndez del Villar, spécialiste de la céréale au Cirad.

Se convertir à l’écologie, ça veut dire quoi  ?

À l’occasion de la saison de la Création, La Croix a recueilli le témoignage de trois chrétiens issus d’horizons divers, pour comprendre comment peut s’effectuer une conversion écologique, à la lumière de la foi.

                                                        Statue de saint François d’Assise dans un jardin.

Des aubergines, des courges, des poivrons et des tomates qui s’élèvent sur un pied d’un mètre cinquante, dans des espaces de 1,80 m sur 1,20 m… Avec une rigueur mathématique, Philippe Simon détaille les foisonnantes parcelles en permaculture qu’il a conçues dans le jardin de sa maison à Carquefou, près de Nantes. Sa première conversion spirituelle, l’ingénieur désormais retraité l’a vécue lorsqu’il a reçu le baptême des protestants évangéliques, pendant ses années étudiantes. Sa carrière au ministère de l’industrie, à Paris, à l’époque où le charbon était roi, l’a ensuite poussé à une seconde conversion, écologique cette fois, et à un déménagement dans la campagne nantaise.

Mais contrairement à son baptême protestant, la conversion écologique de Philippe n’a rien d’officiel ou d’acté. Au contraire, l’ancien ingénieur, qui a travaillé auprès d’industries souvent très polluantes, sait qu’il s’agit d’un cheminement personnel, d’une réflexion sans fin, pour tendre vers un idéal d’écologie intégrale. En cette « Saison de la création », événement œcuménique du 1er septembre au 4 octobre, les communautés chrétiennes du monde entier sont justement invitées à célébrer la beauté de la nature et à mettre cette année l’accent sur la sauvegarde de la planète, avec un « Jubilé pour la terre ». L’initiative s’inscrit dans les pas du pape François, qui invite les communautés catholiques à s’engager, à l’occasion de l’anniversaire de son encyclique Laudato si’.

Mais comment s’émerveiller de la beauté de la nature, cultiver notre rapport au monde et à Dieu, lorsque nous faisons face à des réalités parfois bien décevantes ? Chez Philippe Simon, la Bible a servi de guide : « C’est en me penchant sur l’histoire de la destruction de la Terre, dans l’Apocalypse, que j’ai mesuré qu’on ne pouvait pas transmettre à nos enfants une planète pillée de ses ressources », explique-t-il. À son échelle, Philippe a donc appris à aérer la terre de son potager, plutôt que de la retourner, puis il a installé de grandes cuves dans le jardin pour récolter l’eau de pluie et nourrir ses plantes. Désormais, le potager est une petite célébrité à Carquefou, et son église, ses voisins et ses amis profitent des distributions gratuites de légumes en tous genres.

À défaut de pouvoir cultiver des plantes sur le balcon de son appartement parisien, Isabelle Priaulet cultive, quant à elle, son jardin intérieur par la philosophie. Aujourd’hui, elle est enseignante à l’Institut catholique de Lyon et auteure d’une thèse sur la conversion écologique. Pour la chercheuse, le premier acte fort de ce cheminement vers l’écologie intégrale a été le passage d’une vie professionnelle à une autre. Sensible à la question du développement durable depuis les études, elle a occupé un poste de directrice du développement durable au sein d’une entreprise financière. « Mais j’ai compris que la part consacrée à l’écologie intégrale, dans une société conçue pour faire de l’argent, ne pouvait être que dérisoire », confie-t-elle.

Alors Isabelle a voulu « faire le grand saut » et reprendre ses études en sciences des religions, avant de se lancer dans sa thèse et d’enseigner à l’Institut catholique les interconnexions entre religion et écologie à des élèves en quête de spiritualité. « Le premier acte fort de ce processus de conversion, je l’ai vécu comme un arrachement, témoigne-t-elle. Il m’a fallu la foi pour marcher sur un fil très mince, et faire le pari d’un changement de vie. »

Pour ne pas se retrouver démunie, Isabelle s’est constitué un socle spirituel et s’est replongée dans les textes de la foi chrétienne sur la beauté de la création. Car pour la philosophe, la conversion à l’écologie intégrale passe d’abord par une conversion de l’esprit avant de mener aux actes. « Si on ne se met pas en état de recevoir quelque chose de la nature, on ne saura pas la préserver, défend-elle. C’est là que la spiritualité joue un rôle, elle nous permet de prendre conscience de l’importance de notre environnement, dans une démarche d’empathie et d’authenticité ». Dans sa thèse, l’enseignante a ainsi créé des ponts entre les traditions asiatiques ou amérindiennes, proches de leur environnement, et la philosophie chrétienne de l’incarnation, pour relier le corps à la nature.

Mais si Isabelle enseigne la conversion écologique à des élèves en quête de spiritualité, elle admet aussi que ses propres enfants la bousculent dans son rapport à la planète : « La jeunesse est pressée de faire bouger les choses, face à l’urgence climatique et mes filles m’interpellent sur mes contradictions, elles me forcent à la remise en question, observe-t-elle. En fait, elles m’obligent à agir plus vite, de même que je leur apprends à réfléchir plus profondément. »

Cette nécessité de l’action, Emma Beaudoin, militante au sein du Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), l’a ressentie à la lecture de plusieurs passages de l’encyclique Laudato si’ de François. Selon la jeune femme, qui s’apprête à faire le grand saut à son tour dans la vie professionnelle, l’appel du pape à l’écologie intégrale « à faire bouger la paroisse près de chez nous et à prendre conscience qu’il ne s’agit pas d’un simple bâtiment appartenant au clergé, mais à tous les catholiques de bonne volonté ».

Dans les pas de son père, autrefois membre du MRJC, Emma prend part depuis l’âge de douze ans à ce mouvement de jeunes issus des milieux ruraux, plutôt classé du côté de ceux qu’elle nomme les « cathos de gauche ». Critique vis-à-vis du clergé et de son fonctionnement qu’elle estime trop rigide et traditionnel, la jeune militante voit la conversion écologique comme une manière de se réconcilier avec l’Église. « Le message Laudato si’ du pape François n’est pas culpabilisant, il n’a pas de connotation morale comme on pourrait se le représenter pour un texte théologique », relève-t-elle.

Pour Emma, cette humilité chrétienne permet justement de considérer l’écologie, non pas comme un dogme, une vérité, qui impliquerait que les uns jugent les autres et se montrent du doigt, mais avec humilité et ouverture d’esprit. « Certains peuvent tomber dans le piège d’un militantisme radical, très fermé, constate-t-elle. Pourtant, la vérité sur la question de la préservation de la nature et de l’importance des relations humaines, c’est qu’il n’y a aucune vérité. On est amenés à se remettre en question et à changer, durant toute notre vie. »

[Chronique] Au Sénégal, le mécontentement enfle à mesure que les eaux montent

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Par  Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Au Sénégal, les journalistes, à mots couverts, et les internautes, plus frontalement, se demandent ce que sont devenus les 766 milliards de francs CFA attribués au Programme décennal de lutte contre les inondations.

Au Sénégal, les journalistes, à mots couverts, et les internautes, plus frontalement, se demandent ce que sont devenus
les 766 milliards de francs CFA attribués au Programme décennal de lutte contre les inondations. © Damien Glez

À saison pluvieuse spectaculaire, polémique exceptionnelle : au Sénégal, les réseaux sociaux et les médias bruissent d’interrogations sur l’emploi des fonds alloués au Programme décennal de lutte contre les inondations.

Pour comprendre l’ampleur de cette fin de saison pluvieuse sénégalaise déjà qualifiée d’exceptionnelle, il n’y a rien de plus explicite que le choc d’une image et le poids d’un chiffre. Mi-août, entre présumées fake news et fact-checking, un cliché montrait des élèves de l’école Pikine 20 B, dans la banlieue de Dakar, en train de composer leurs examens de fin d’année les pieds dans l’eau. Deux semaines plus tard, le ministre de l’Hydraulique, Serigne Mbaye Thiam, annonçait que les précipitations du week-end des 5 et 6 septembre derniers avaient dépassé, avec 124 millimètres, la pluviométrie de trois mois d’une saison des pluies normale.

Calamité et désolation

Comme dans la quasi-totalité de l’Afrique de l’Ouest – Niger, Nigeria, Mali ou Burkina –, les nuages qui ont survolé récemment le Sénégal ont déversé calamité et désolation : pertes en vies  humaines, habitations fissurées voire effondrées, hectares de terres cultivables englouties, animaux emportés par les torrents et risques de maladies et de famine.

En ce début de mois de septembre, il est trop tôt pour faire un bilan. L’heure est à la sempiternelle gestion de l’urgence, avec le plan Orsec d’organisation de la réponse de la sécurité civile déclenché par le président Macky Sall. Mais ceux qui ont encore le loisir d’écrire des articles et de poster sur les réseaux sociaux soulignent l’oubli présumé des serments et anticipent l’anesthésie des souffrances qui suit généralement ce genre de crise climatique. Si la saison 2020 semble exceptionnelle, les inondations dévastatrices sont légion dans l’histoire récente du Sénégal. Et certains habitants de la Teranga s’en souviennent.

Déguerpis et conscients des limites des autorités locales, des sinistrés indignés rappellent les promesses d’assainissement lancées par l’État au moment où les inondés choisissaient des zones d’habitation qui ne devaient pas être « à risque ». Quid des canalisations promises à l’achat des parcelles ? Quid des « investissements structurants pour l’assainissement des eaux pluviales » ou de la « restructuration des zones inondables » annoncés dans le programme du candidat Macky Sall ?

Polémiques à mots plus ou moins couverts

Il n’en fallait pas plus pour que des polémiques jaillissent de l’affliction détrempée. Les journalistes, à mots couverts, et les internautes, plus frontalement, se demandent ce que sont devenus les 766 milliards de francs CFA attribués, dès 2012, au Programme décennal de lutte contre les inondations.

Stoïques, les hauts responsables du pouvoir indiquent qu’environ 66 milliards étaient dévolus à la phase d’urgence de 2012-2013, un peu plus de 250 milliards à la phase de court terme, 2014-2016, et 450 milliards FCFA à celle de moyen et long termes, 2017-2022. Les porte-parole du programme invitent donc les Sénégalais à éponger avec patience et solidarité, en se gardant de toute accusation de détournement.

[Édito] Côte d’Ivoire : qui n’exige rien n’a rien

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Par  André Silver Konan

Journaliste et éditorialiste ivoirien, collaborateur de Jeune Afrique depuis Abidjan.

Côte d'Ivoire, Abidjan : vue aerienne du quartier d'affaires du Plateau.

Côte d'Ivoire, Abidjan : vue aerienne du quartier d'affaires du Plateau. © Macareux/ANDBZ/ABACA

Si la question cruciale des programmes politiques et des projets de société a été reléguée au second plan, c’est parce que les citoyens ne manifestent pas assez d’intérêt à leur égard.

La plupart des Ivoiriens, quels que soient leur bord politique ou leur activisme citoyen, sont unanimes : bien des choses doivent changer dans leur pays. Que ce soit du côté de la classe politique – tant dans le camp de la majorité que dans celui de l’opposition – ou du côté de la société civile.

Le 6 août, à la veille de la célébration des 60 ans de l’indépendance, Alassane Ouattara a dressé un bref bilan de ses deux mandats à la tête du pays, notant des avancées majeures et relevant les réglages à opérer. « J’entends également renforcer les actions de rassemblement et de réconciliation de tous nos compatriotes », a-t-il souligné.

Besoin de réconciliation

À deux mois de la présidentielle et alors que des violences préélectorales ont éclaté, le besoin de réconciliation est particulièrement prégnant dans un pays qui a connu une grave crise entre décembre 2010 et avril 2011 (au moins 3 000 morts). L’institutionnalisation du processus de réconciliation, à travers la création de structures qui ont été dissoutes par la suite, a montré ses limites. Résultat : le pays a vu émerger divers conflits communautaires, très souvent alimentés par des antagonismes partisans.

En l’occurrence, s’il est un sujet sur lequel toute la classe politique ivoirienne est d’accord, c’est bien celui de la nécessité d’une réconciliation nationale. D’une vraie réconciliation nationale.

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LES IVOIRIENS DEVRAIENT ÊTRE DE PLUS EN PLUS EXIGEANTS ENVERS LEURS DIRIGEANTS. »

Au-delà de celle-ci, la réflexion doit surtout porter sur une vision globale pour la Côte d’Ivoire. « Qu’est-ce que nous voulons réellement pour elle ? Que voulons-nous que soit ce pays dans le concert des nations ? » s’interroge l’écrivain Charles Pemont. De fait, il est affligeant de constater l’absence de propositions nouvelles.

Impréparation

À l’orée de la présidentielle, les trois principaux partis du pays, à savoir le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, parti au pouvoir), le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, d’Henri Konan Bédié) et le Front populaire ivoirien (FPI) – les deux branches du parti confondues, celle favorable à Laurent Gbagbo et celle favorable à Pascal Affi N’Guessan –, n’ont pas encore dévoilé leur programme pour les cinq années à venir. Ce qui laisse supposer que ces projets de société sont encore soit en cours d’élaboration, soit en cours de validation.

Dans un cas comme dans l’autre, il y a de quoi s’inquiéter tant l’impréparation et les tâtonnements dans la gouvernance peuvent nuire au pays dans les années à venir.

Les Ivoiriens comme les observateurs étrangers sont unanimes : si on en est arrivé à reléguer la question des programmes politiques et des projets de société au second plan, c’est bien parce que les citoyens ne manifestent pas assez d’intérêt à leur égard.

« Soixante ans après l’indépendance, dont trente en tant que pays ouvert au multipartisme, les Ivoiriens devraient être de plus en plus exigeants envers leurs dirigeants. Que ce soit dans les domaines culturel, économique, social ou politique, explique le politologue Sylvain N’Guessan. Si le changement est réclamé et porté par les masses, les élites seront contraintes de changer. Le contraire n’est pas évident. »

[Tribune] Au Sahel, la Grande Muraille verte est plus nécessaire que jamais

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Mis à jour le 07 septembre 2020 à 15h36

 

Par  Ibrahim Thiaw

Ibrahim Thiaw est Secrétaire général adjoint des Nations unies et Secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD)

La Grande Muraille verte, une opération de reboisement lancée au Sahel, est destinée à lutter contre le réchauffement climatique et la désertification.

La Grande Muraille verte, une opération de reboisement lancée au Sahel, est destinée à lutter
contre le réchauffement climatique et la désertification. © Jane Hahn/REDUX-REA

Reverdir une bande de 8000 km de long reliant la côte Atlantique à la mer Rouge, du Sénégal à l’Érythrée. Tel est l’ambitieux programme qui doit aider le Sahel à se relever. Mais à condition que les acteurs concernés s’impliquent vraiment.

La Grande Muraille verte du Sahel est un programme ambitieux et une réponse à la hauteur des défis de la région. Elle marque la volonté des peuples et des États de la zone de refuser le déterminisme géographique et climatique.

L’ampleur d’une telle ambition dépasse parfois l’imagination. Comment reverdir une bande de 8000 km de long, reliant la côte Atlantique à la mer Rouge, traversant une mosaïque de onze pays aussi divers que le Sénégal et la Mauritanie à l’ouest ou Djibouti et l’Érythrée à l’est ? Avec quelles sources de financement ? Y a-t-il, derrière ce projet, une réelle volonté politique ?

Cent millions d’hectares

L’idée n’est pas nouvelle. Elle a été portée sur les fonts baptismaux par l’Union africaine en 2007. Cent millions d’hectares stériles devaient être transformés afin de pouvoir produire de nouveau.

Cela devrait permettre la création de millions d’emplois, notamment en milieu rural, pour satisfaire aux besoins élémentaires d’une jeunesse qui, autrement, pourrait être tentée par l’immigration illégale, voire le terrorisme et le trafic illicite.

Dans les campagnes, des millions de femmes devraient pouvoir valoriser leur production grâce à l’électrification rurale, notamment avec l’énergie solaire. L’apport technologique et énergétique permettrait de réduire les pertes énormes liées au manque d’infrastructures de conservation et de transformation ainsi que d’accès aux marchés.

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LA RESTAURATION ÉCOLOGIQUE NE PEUT RÉUSSIR QUE LORSQUE LES COMMUNAUTÉS Y TROUVENT LEUR COMPTE

La Grande Muraille verte, c’est plus que planter des arbres, bien que ces derniers soient bien sûr essentiels. C’est aussi améliorer les productions agricole et pastorale, créer les conditions nécessaires à leur pérennisation, transformer l’économie rurale et la rendre économiquement plus attractive, etc. C’est essentiel, parce que nous ne réussirons que si les communautés y trouvent leur compte.

À Mbar Toubab, au Sénégal, 150 000 variétés de plants d'acacia poussent dans un jardin de la Grande Muraille verte.
À Mbar Toubab, au Sénégal, 150 000 variétés de plants d'acacia poussent dans un jardin de la Grande Muraille verte. © Jane Hahn/REDUX-REA

L’accès aux énergies renouvelables peut enfin être généralisé grâce à la baisse substantielle du coût du kWh et à l’amélioration de la productivité énergétique. Les politiques nationales ont aussi évolué favorablement, et ce en dépit de la priorité accordée aux investissements en milieu urbain. En investissant dans la Grande Muraille verte, nous pourrons créer des chaînes de valeur, transformer les produits locaux sur place – plutôt que les exporter sous forme brute – et créer des emplois verts et durables.

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COMME LES OLYMPIENS, NOUS DEVONS ALLER PLUS VITE ET PLUS HAUT

Les résultats provisoires des douze premières années de mise en place de la Grande Muraille verte sont plutôt encourageants : près de vingt millions d’hectares sont déjà restaurés. Mais, comme les olympiens, nous devons aller plus vite et plus haut, faire plus fort, afin d’atteindre les objectifs de 2030.

Pour y parvenir, nous devons naturellement mobiliser des financements, nationaux et internationaux, à la hauteur des enjeux. Mais la quête d’efficacité nous appelle aussi à changer de paradigme dans la mise en œuvre du programme qui, à ce jour, est quasi exclusivement géré par les services forestiers.

Changer de paradigme

L’approche en silo ne fonctionne pas. Il faut un nouveau business model plus inclusif, qui associe les autres institutions sectorielles. Surtout, il faut impliquer davantage les élus locaux ainsi que le secteur privé – c’est fondamental. Une révision de l’architecture et de la gouvernance du programme est donc à prévoir.

« Il nous appartient de réaliser ce rêve », dit la chanteuse et artiste malienne Inna Modja, figure principale du film The Great Green Wall, produit par le Brésilien Fernando Meirelles, auteur du célèbre film La Cité de Dieu. À terme, la Grande Muraille verte constituera la plus grande structure vivante sur Terre. Au point que certains anticipent qu’elle sera la huitième merveille du monde, au bénéfice des générations actuelles et futures. Car comme dit le proverbe : « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. »

Les mots d’Inna Modja rappellent ceux de Nelson Mandela : « It always seems impossible until it’s done. » Cela paraît toujours impossible, jusqu’à ce que cela devienne réalité.