Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

[Chronique] CFA, franc souverain

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Mis à jour le 26 août 2020 à 09h13
 
 

Par  Joël Té-Léssia Assoko

Joël Té-Léssia Assoko est journaliste économique à Jeune Afrique et ancien chef d'édition de Jeune Afrique Business+. Ivoirien, diplômé de Paris-Dauphine et de Sciences-Po Paris, il suit le secteur de la finance en Afrique.

(@ralphlessia)

Billets de francs CFA de l'Afrique centrale.

La crise malienne montre que des questions cruciales ont été éludées dans le débat autour de la souveraineté des États et du franc CFA.

L’Uemoa a-t-elle trop de pouvoirs ? La question n’est pas rhétorique. Et la crise militaire et constitutionnelle qui a suivi le soulèvement militaire du 18 août au Mali lui donne une actualité indéniable.

Au lendemain de l’événement et dans la foulée de la réunion des chefs d’État ouest-africains, la BCEAO a ordonné la fermeture – momentanée – de ses agences dans la troisième économie de l’Union (17,5 milliards de dollars de PIB en 2019), coupant l’accès à ses guichets de refinancement à tous les établissements bancaires du pays.

Manque d’autonomie

Une décision prise en fonction des textes statutaires de la BCEAO en cas de « rupture de l’ordre constitutionnel », a concédé le patron de l’une des cinq premières banques du Mali, interrogé par Jeune Afrique. Sans accès aux financements de la BCEAO, selon les estimations de ce banquier, le système – 14 banques pour un bilan de 4 665 milliards de F CFA fin 2018 – n’aurait pu assurer qu’une semaine de retraits à ses guichets, avant d’être contraint à un rationnement de ces derniers. Et ce en pleine période de versement des salaires.

Les États membres de l’Uemoa partagent surtout entre eux une souveraineté monétaire sévèrement amoindrie, du moins déléguée à la BCEAO, à son gouverneur, au comité de politique monétaire, sous le contrôle des « instances décisionnelles » – que sont le Conseil des ministres de l’Uemoa et la Conférence des chefs d’État – auxquelles la France ne participe pas.

Les pleins pouvoirs

La crise politico-militaire de la fin d’août 2020 au Mali vient rappeler ce que celle de 2010-2011 en Côte d’Ivoire avait abondamment prouvé : l’ampleur colossale du pouvoir dont disposent les instances de l’Uemoa.

En décembre 2010, le conseil des ministres de l’Uemoa, réuni à Bissau, avait franchi un pas inédit. Au plus fort de la querelle de légitimité qui sévissait à Abidjan, il avait « pris acte des décisions de l’ONU, de l’Union africaine et de la Cedeao de reconnaître M. Alassane Dramane Ouattara comme président légitimement élu de la Côte d’Ivoire ».Et ordonné aux équipes de la BCEAO, tout comme aux banques de l’Union, de n’autoriser l’accès aux comptes de l’État ivoirien qu’aux « seuls représentants régulièrement désignés par le gouvernement légitime de Côte d’Ivoire ».

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L’UEMOA EST LA SEULE INSTITUTION AUTORISÉE À DÉCIDER DE QUI ACCÈDE LÉGITIMEMENT « AU NERF DE LA GUERRE »… OU DE LA PAIX

Pour avoir bravé en 2011 ce blocus afin d’accéder aux comptes de l’État – ce qui était indispensable pour payer fonctionnaires et militaires –, l’ex-président Laurent Gbagbo, son ancien Premier ministre Gilbert Aké N’Gbo, les ex-ministres du Budget (Koné Katinan) et de l’Économie et des Finances (Désiré Dallo) ont été condamnés à vingt ans de prison en 2018.

Vraies questions éludées

Quelle que soit la lecture faite de la crise actuelle au Mali ou de celle de 2011 en Côte d’Ivoire, il est indéniable qu’un immense pouvoir régalien a été cédé par chacun des huit pays de l’Uemoa à une institution commune, seule autorisée à décider de qui accède légitimement au « nerf de la guerre »… ou de la paix.

Dans les débats enfiévrés sur la souveraineté, que restaurerait le remplacement du franc CFA par l’eco, des questions cruciales sont éludées. La pérennité de l’Union, le maintien de sa cohésion et l’adhésion continue des populations aux diktats venus des « instances décisionnelles » – surtout lorsqu’elles sont en désaccord avec la volonté majoritaire des peuples – sont-ils garantis ?

À l’origine, être « franc » signifie simplement : être « libéré de certaines servitudes ». On l’oublie trop souvent.

Restitution du patrimoine africain : « Le musée du quai Branly n’a pas à dire la morale »

| Par 
Emmanuel Kasarhérou, président du musée du Quai Branly.

Nommé président du musée du quai Branly-Jacques Chirac, à Paris, à la fin du mois de mai, Emmanuel Kasarhérou aura notamment la lourde tâche de gérer le délicat dossier des restitutions.

Né d’un père kanak et d’une mère métropolitaine, ancien directeur du Centre culturel Tjibaou à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), Emmanuel Kasarhérou connaît bien le musée du quai Branly-Jacques Chirac où il avait assuré, avec Roger Boulay, en 2013, le commissariat de l’exposition Kanak, l’art est une parole.

C’est à un moment tendu de l’histoire du musée qu’il prend la succession de l’énarque Stéphane Martin, qui fut aux manettes de l’établissement public pendant plus de vingt ans. Après la publication du rapport Sarr-Savoy sur la restitution du patrimoine culturel africain, Emmanuel Kasarhérou va devoir consacrer beaucoup de temps à la diplomatie et au dialogue avec ses pairs des autres continents.

Il le sait : le musée ne pourra faire l’économie d’un examen de conscience et d’un regard renouvelé sur les collections – et la manière dont elles ont été constituées. Pour Jeune Afrique, il revient sur sa nomination et ses intentions.

Jeune Afrique : Votre nomination en tant que président du Quai Branly a été considérée comme un symbole du fait de vos origines kanak. Comment le prenez-vous ?

Emmanuel Kasarhérou : Bien. J’ai été le premier conservateur kanak nommé au musée de Nouvelle-Calédonie à Nouméa. La première image que vous offrez au monde, c’est votre aspect, c’est ce que les gens devinent de vos origines. Je suis fier d’être océanien, fier d’être kanak. Évidemment, c’est assez réducteur, puisque l’on est toujours un composé d’identités et de cultures, mais c’est aussi ce qui explique cette décision.

Votre mission ne va pas être simple…

Un projet de ce type, il n’en existe qu’un. Je ne connais pas d’équivalent dans d’autres pays. Le musée du quai Branly fait figure de pionnier dans sa volonté d’offrir une pleine lumière à des objets issus des quatre autres continents, au cœur du Paris iconique… Et surtout près de ce Champ-de-Mars où a eu lieu la grande Exposition universelle de 1889, où des villages du monde entier avaient été montrés – notamment un village kanak.

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IL FAUT NUANCER L’INFORMATION SUR NOS COLLECTIONS, PARCE QU’ELLE ÉVOLUE AVEC LA RECHERCHE

Pour moi, cela a du sens de donner une égale dignité à toutes les cultures du monde, c’est ce qui m’a convaincu de quitter les rivages du Pacifique.

Quelles sont les stratégies que vous entendez développer ?

Je souhaite travailler sur la manière dont nous parlons de nos collections et transmettons l’information à notre disposition. Il s’agit de mieux la nuancer, sachant que les éléments en notre possession peuvent être valables au moment où l’on parle, mais évoluent avec la recherche.

J’aimerais aussi ouvrir à d’autres sensibilités la possibilité de parler de ces objets. C’est ce que j’avais essayé de faire avec l’exposition Kanak, l’art est une parole, en 2013, alors que j’étais directeur du Centre culturel Tjibaou et de l’Agence de développement de la culture kanak.

C’est-à-dire ?

J’avais tenté d’historiciser ces objets et de montrer qu’il ne s’agissait pas d’œuvres hors du temps, mais qu’elles étaient toujours liées à des contextes particuliers. Je voulais donner un double éclairage : celui de la culture d’origine et celui du monde extérieur, avec l’aide de mon complice Roger Boulay.

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JE SOUHAITERAIS FAIRE PERDRE AU MUSÉE UN PEU DE SA HAUTEUR, QU’IL SOIT PLUS ACCESSIBLE

Les objets sont intéressants en ce qu’ils sont des miroirs à plusieurs facettes : de ce que l’on est, de ce que l’on aimerait être, de la manière dont on est perçu par les autres. C’est ce mouvement dynamique de la culture que je trouve intéressant de présenter aux visiteurs, au-delà des considérations esthétiques.

Jusqu’à aujourd’hui, l’approche esthétique a souvent été première, et cela a été reproché au musée…

L’approche esthétique est la manière la plus démocratique de partager une collection. Toute personne aimera plus ou moins telle œuvre… Pour ma part, je souhaiterais faire perdre au musée un peu de sa hauteur, qu’il soit plus accessible au citoyen qui a envie de découvrir.

On ne peut pas demander aux visiteurs d’assimiler une matière scientifique complexe pour avoir accès aux objets. Il n’est pas évident d’entrer dans ce lieu qui présuppose beaucoup de lectures, un savoir historique et une connaissance géographique élargie.

On est, en outre, face à des cultures complexes, des langues variées, des visions du monde très différentes. J’aimerais donner des éléments de compréhension à quiconque vient en toute bonne foi, avec sa curiosité. La curiosité est toujours saine, c’est elle qui a permis la constitution de nos collections, avec une réelle volonté de comprendre.

Comment peut-on aller au-delà de cette approche esthétique ?

Il faut trouver un équilibre qui permette de ne pas surcharger les cartels. Je pense que cela est possible, surtout à l’ère du numérique. Le musée du quai Branly a un public physique et un public virtuel. Mon souci est de servir les deux.

Que voulez-vous dire par « public virtuel » ?

Ce musée est l’un des rares, voire l’un des seuls, à proposer toute sa collection en ligne avec les documents d’archives qui y ont trait. Si l’on veut y avoir accès, il n’est pas nécessaire de venir à Paris, on peut le faire depuis N’Djamena ou Dakar. Et si l’on a besoin de plus d’informations, les équipes, ici, sont prêtes à les fournir.

Cette idée de transparence, il faut la faire connaître, en particulier concernant le travail effectué sur les provenances des objets. C’est une demande récente qui exige un effort de reconstruction, d’archéologie parfois, pour rassembler des informations éparses. Nos recherches actuelles sont très riches et nous montrent que l’information n’est pas complètement perdue.

La provenance des collections est au cœur de la question des restitutions…

Les collections existent parce qu’il y a eu une curiosité, en Europe. Ce qui n’allait pas forcément de soi. Le projet de loi présenté récemment en Conseil des ministres sur la restitution de 26 œuvres au Bénin est, en la matière, très intéressant.

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SI LE COLONEL DODDS N’AVAIT PAS RETIRÉ CES OBJETS DU BRASIER D’ABOMEY, ILS N’EXISTERAIENT PLUS

Ce sont des prises du colonel Dodds, des objets qu’il retire du brasier qu’était le palais d’Abomey après la fuite du roi Béhanzin. S’il ne les avait pas retirées, ces pièces n’existeraient plus. Il y a cette dualité dans les objets.

Le sentiment de dépossession, je le comprends parfaitement parce que je l’ai moi-même vécu. Alors les raisons du colonel Dodds étaient sans doute particulièrement mauvaises, mais le fait est que l’on a aujourd’hui 26 œuvres qui peuvent retourner à Abomey et enrichir le palais qui, dieu merci, a été depuis reconstruit.

Ce qui fait l’essence même de la culture est ce lien profond qui relie les gens à leur histoire. Ce n’est pas forcément un lien matériel, c’est un lien fait de paroles, d’immatériel.

Quand avez-vous commencé ce travail sur les provenances ?

Ce travail a commencé à la fin de 2018 et concerne l’ensemble des collections. Ce qui est pointé du doigt en Afrique est valable pour les autres continents. Amérique du Nord, Amérique du Sud, Indochine, Océanie… La question de la légitimité se pose partout dans les mêmes termes.

Mais pour la recherche sur les provenances – qui se fait en interne, sans moyens spécifiques -, on a décidé de donner la priorité aux collections d’Afrique. Un important travail sur les biographies de donateurs a été engagé, et cette entreprise d’attribution est complexe.

Quand on dit qu’un objet vient probablement de telle ethnie et probablement de telle région, c’est une construction intellectuelle. C’est la même chose, parfois, pour des maîtres flamands ! Nous passons notre temps à attribuer et à réattribuer.

Vous allez vous retrouver au cœur de la bataille des restitutions dans les années à venir.

J’entends parfois dire : « Le patrimoine est à l’extérieur. » Il faudrait nuancer. C’est le patrimoine considéré par les musées européens et leur regard particulier qui est à l’extérieur.

Mais le patrimoine, pour une société orale, c’est à 90 % de l’oralité. C’est la langue, toute la littérature orale, la danse, le chant, les savoir-faire. C’est d’ailleurs pour cela que ces cultures sont toujours là.

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JE VEUX ÉCLAIRER AVEC MES COLLÈGUES AFRICAINS CES HISTOIRES COLONIALES QUI NOUS LIENT

Restons donc modestes : ce que nous présentons en tant que musée n’est qu’une infime partie d’un patrimoine matériel sauvegardé pour des raisons X ou Y, parfois bonnes, parfois mauvaises, mais en tout cas qui est là et doit enrichir le regard des visiteurs. Quand on vient dans un musée, c’est pour apprendre sur l’autre, mais aussi pour apprendre sur soi, pour faire un pas de décentrement.

Quelle va être votre stratégie en la matière ?

Pour raconter une histoire complexe, mais partagée, il faut être au moins deux. Je n’ai pas encore pu me déplacer auprès de mes collègues africains, à cause de la crise sanitaire, mais je souhaite que l’on collabore pour éclairer ces histoires coloniales qui nous lient. Avoir deux voix, pour pouvoir exprimer des ressentis qui ne sont pas les mêmes.

On a beaucoup insisté sur ceux qui voyageaient, mais il y a toute une réflexion à avoir sur les personnes qu’ils ont rencontrées. À titre d’exemple, nous avons commencé à identifier dans notre fonds celles qui ont été photographiées. Cela a l’air évident, mais il y a un énorme rattrapage à faire.

Deux voix, cela signifie deux commissaires d’exposition ?

Oui, mais aussi réfléchir sur la manière dont on raconte l’histoire. Pour moi, le patrimoine est l’occasion de créer du lien culturel. Qu’ils soient ici, déposés au Sénégal ou restitués au Bénin, les objets racontent une histoire complexe, et c’est cette complexité que je trouve intéressante.

Vous êtes une sorte de diplomate ?

Ce n’est pas de la diplomatie, c’est de la nuance. Le musée n’a pas à dire la morale, il doit d’abord écouter, et j’essaie pour ma part de renouer de façon différente avec mes collègues du monde entier. C’est la relation que je souhaitais quand j’étais moi-même de l’autre côté de la barrière, dans un musée du Sud regardant vers le Nord.

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IL EST INTÉRESSANT DE SE DEMANDER QUELLES TRACES SUBSISTENT DU PASSÉ, ET POURQUOI

Il y a des moments de tension extrême dans les rapports humains et dans ces moments, on ne peut rien faire, il faut attendre que le climat redevienne serein et permette de nouveau le dialogue.

Il est intéressant de se demander quelles traces subsistent du passé, et pourquoi. Il y a plus d’absences que de présences, et c’est grâce à ces présences que l’on peut se mettre à discuter. Sans témoins, il ne resterait rien, si ce n’est la mémoire. Il y a tout à construire sur la mémoire des cultures orales.

Que retenez-vous du rapport de Felwine Sarr et Bénédicte Savoy ?

L’un des apports du rapport est de pousser les musées à s’interroger sur les collections issues des périodes coloniales. C’est une vraie question, qui a encouragé la recherche sur les provenances et nous permettra d’identifier des ensembles relevant d’une prise par violence ou par contrainte. Ces deux critères nous permettront d’isoler des œuvres qui pourront par la suite faire l’objet de discussions si les pays le souhaitent.

Que vous inspire l’expression « décoloniser les musées » ?

Je comprends la terminologie, qui est là pour ébranler et susciter des réactions. Les modes d’appropriation d’objets, les terminologies, doivent être questionnés, comme la manière dont on rédige nos cartels.

Les historiens et les anthropologues peuvent aussi s’intéresser aux ethnonymes. Durant la période coloniale, il a fallu « ranger les gens dans des cases », alors on a fabriqué des cases qui ne sont sans doute pas justes par rapport à la fluidité des groupes humains.

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LES OBJETS PROVIENNENT DE GROUPES CULTURELS, PAS DE NATIONS QUI N’EXISTAIENT PAS À L’ÉPOQUE

Les objets proviennent de groupes culturels, pas de nations qui n’existaient pas à l’époque. Il y a toute une série de conventions sur lesquelles il faut que l’on réfléchisse, parce qu’on les a utilisées par facilité.

Ce qui compte, c’est de mettre en valeur les gens qui ont créé ces pièces, de donner des explications sur leur fonctionnalité et de raconter l’évolution du regard porté sur elles. Quand elles ont été possédées par des artistes, cela leur donne aussi une autre densité.

Y a-t-il au musée du quai Branly des objets que vous aimeriez voir en Calédonie ?

J’ai déjà fait cet exercice, il y a vingt ans, en obtenant des dépôts de longue durée et en organisant de grandes expositions. La collection de Nouméa est belle et accessible. La Calédonie s’est donné les moyens d’acheter son patrimoine.

Cela peut paraître un peu étrange, mais les musées français achètent aussi le mobilier de Versailles vendu à la Révolution. J’ai fait mon marché – si je puis dire – il y a longtemps.

Le dépôt est une alternative à la restitution ?

La voie des dépôts était facile parce que la Calédonie est toujours dans la sphère de la République, mais cela est possible aussi avec des musées étrangers. Nous-mêmes avons ici des éléments de grande valeur, comme la pierre-lyre, dépôt de la République du Sénégal depuis 1967. Cette dynamique et cette réciprocité sont essentielles.

La Calédonie vous manque-t-elle ?

L’endroit d’où l’on vient est important. Mais il faut savoir partir aussi. Dans le Pacifique, on traduit cette idée avec une image : on aime l’arbre pour ses racines, mais parfois il faut savoir en faire une pirogue pour pouvoir aller dans une autre île. Je suis plutôt pirogue en ce moment…

Des milliers de paysans mauritaniens agissent contre l'accaparement de leurs terres

Sur une piste mauritanienne.
Sur une piste mauritanienne. Hugues/Flickr
Texte par :RFISuivre
3 mn

Les quelque 9200 paysans qui peuplent la région du Brakna de Dar el Barka dans le sud mauritanien manifestent depuis quelques jours contre la cession par l’État de leurs terres de culture de céréales à un investisseur arabe du Golfe. Depuis 2015, l’investisseur qui s’est associé à deux hommes d’affaires mauritaniens, détient un permis foncier pour la mise en valeur d’une superficie de 3200 hectares de terres agricoles. Mais le projet est bloqué du fait de l’hostilité des populations autochtones.

Avec notre correspondant à Nouakchott,  Salem Mejbour

Les travaux d’aménagements sont régulièrement interrompus comme ce fut le cas ces dernières 72 heures par les manifestations des populations de la localité de Dar el Barka et celles de Regbé 1 et 2 dans la région du Brakna. Les paysans se disent dépossédées de leurs cultures ancestrales. Leurs délégués ont donné une conférence de presse vendredi à Nouakchott pour dénoncer l’accaparement de leurs terres.

Leur porte-parole, Abdourahamane Ly, a réaffirmé l’attachement des populations à leurs terres. « Ces 3200 ha de terres nous appartiennent. Il n'est pas question que quelqu'un vienne d'ailleurs pour faire ce qu'il veut. Ca nous ne sommes pas d'accord. Il faut que les gens soient consultés, qu'on leur demande leur avis. Nous sommes dans un pays de droit. »

Le forum des associations de défense des droits de l’homme apporte son soutien aux populations de Dar el Barka. Car pour faire aboutir un projet de ce genre, il y a des préalables incontournables, explique le président du Fonadh Mamadou Sarr.

« Il faut d'abord afficher pendant 60 jours sur l'ensemble de la commune pour voir s'il n'y a pas de prétendants à ces terres. Ce qui n'a pas été fait. Après, il faut faire une étude d'impact, ça n'a pas été fait. La troisième étape est de se réunir en comité, au niveau du département, avec la présence des maires concernés, ce qui n'a pas été fait. »

 

Le gouvernement du Brakna a rencontré samedi 22 août les représentants des paysans de Dar el Barka et celles de Régbé. Il a promis d’écrire au gouvernement afin qu’une solution soit trouvée.

Mali : où et dans quelles conditions IBK est-il détenu ?

| Par Jeune Afrique
Mis à jour le 21 août 2020 à 00h03
Ibrahim Boubacar Keïta , lors de son arretsation, le 18 août 2020.

Arrêté le 18 août, Ibrahim Boubacar Keïta est depuis détenu à l’intérieur du camp militaire de Kati, à quinze kilomètres de Bamako.

Contrairement aux rumeurs qui ont inquiété sa famille proche, Ibrahim Boubacar Keïta est toujours détenu au camp militaire de Kati. Un peu plus tôt, des fausses informations avaient fait état d’un transfert de l’ancien président malien vers une villa de Bamako.

Mais, selon une source de Jeune Afrique, qui a pu lui parler dans la soirée du 20 août, IBK se trouve toujours à Kati, « se porte bien » et n’a pas été maltraité.

Les putschistes se refusent à parler de « détention ». Officiellement, c’est « pour sa propre sécurité » que les militaires du Comité national pour le salut du peuple (CNSP) détiennent l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta, qui a été contraint à la démission dans la soirée du 18 août.

IBK est donc toujours détenu sous bonne garde au sein du camp militaire de Kati, dans une chambre qu’une source contactée par Jeune Afrique décrit comme « acceptable ». L’ancien chef de l’État, dont la santé nécessite un suivi quotidien, est entouré de son médecin personnel et de son aide de camp.

La détention d’IBK surveillée par l’ONU

Il a par ailleurs pu entrer en contact avec sa famille et son majordome s’occupe de lui apporter ses repas, mais aucune autre visite ne lui a été autorisée.

Les conditions de détention de l’ex-chef d’État sont surveillées de près par des membres de la Minusma présents à Bamako, qui rendent compte au secrétaire général de l’ONU, António Guterres, lequel s’est tenu informé de la situation au Mali dès le déclenchement du coup d’État.

La Minusma est en contact régulier avec les putschistes, notamment avec le colonel Sadio Camaral’un des visages du CNSP aux côtés du colonel-major Ismaël Wagué, porte-parole des putschistes, du lieutenant-colonel Assimi Goïtaqui s’affiche comme le président du comité, et des colonels Modibo Koné et Malick Diaw.

Enfin, selon nos sources, le domicile personnel d’IBK a été placé sous la surveillance des putschistes, afin d’éviter un pillage.

[Chronique] Projet d’hôpital de Bobo-Dioulasso : le gouvernement burkinabè verdit sa copie

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Mis à jour le 19 août 2020 à 16h49

 

Par  Damien Glez

Damien Glez est dessinateur-éditorialiste franco-burkinabè

Glez

Prévu initialement en pleine forêt classée, un centre hospitalier burkinabè sera finalement relocalisé. Une victoire écologiste inédite face à un gouvernement qui vient de manger son chapeau.

À chaque Chine son hôpital burkinabè. Après la parenthèse diplomatique taïwainaise de 1994-2018 déjà incarnée par un centre hospitalier de référence –l’hôpital Blaise Compaoré rebaptisé « Tingandogo »–, la République populaire de Chine ragaillardie entend offrir à la province du Houet un vaste centre hospitalier. Mais un détail agitait le landerneau politico-environnemental du Faso : la construction du joyau sanitaire – 60 milliards de francs CFA [91,5 millions d’euros] – devait sacrifier 16 hectares de la forêt classée de Kua.

Dix-huit mois après le début de la grogne écologiste, c’est de façon laconique que le Premier ministre vient d’annoncer la relocalisation du projet. Le 13 août dernier à Bobo-Dioulasso, Christophe Dabiré invoquait une étude d’impact de nature à justifier le choix d’un nouveau site.

Une annonce sans tambour ni trompette d’une étude alors non publiée. « Très bientôt, cet hôpital sera une réalité » sur une implantation « pas éloignée de Kua », a lancé le chef de gouvernement sous des applaudissements toujours bienvenus à quelques semaines d’élections générales

Une « forêt qui n’existe pas »

Si l’État semble faire profil bas, c’est qu’il avait jusque-là traité la fronde avec morgue et ironie. À l’Assemblée nationale, le même Christophe Dabiré avait moqué les happenings des agents des services des Eaux et Forêts et les pétitions des citoyens, qualifiant le débat de « tempête dans un verre d’eau ». Le ministre des Affaires étrangères avait même affirmé sur Facebook, lors d’un déplacement in situ, avoir visité une « forêt qui n’existe pas »…

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D’UNE SUPERFICIE ESTIMÉE À 350 HECTARES ET CLASSÉ DEPUIS 1936, LE SITE ABRITE UNE NAPPE PHRÉATIQUE QUI CONSTITUE LA DEUXIÈME SOURCE D’EAU LA PLUS IMPORTANTE D’AFRIQUE DE L’OUEST.

Les défenseurs de l’environnement ne manquaient pourtant pas d’arguments. Alors que le Burkina Faso perd chaque année 4% de son massif forestier, la forêt de Kua revêt une importance plus que bucolique pour les habitants de l’Ouest. D’une superficie estimée à 350 hectares et classé depuis 1936, le site abrite une nappe phréatique qui constitue la deuxième source d’eau la plus importante d’Afrique de l’Ouest. Une source d’alimentation en eau potable qu’il aurait été incongru de confronter aux déchets inévitables d’un CHU.

Le militantisme des écologistes de tout poil était encouragés par deux faits. Primo, le bailleur de fond chinois se montrait ouvert à « tout autre site réunissant toutes les conditions ». Secundo, les procédures de déclassement avaient hâtivement contourné le ministère en charge de l’Environnement, de l’Économie verte et du Changement climatique pour saisir directement une mairie de Bobo-Dioulasso arc-boutée sur des consultations coutumières et religieuses. Or, Kua est une forêt classée par les autorités nationales, et non locales.

Le recul du gouvernement fera sans doute jurisprudence, lorsqu’il sera à nouveau question de déclassement de « forêts qui n’existent pas ». Surtout en période pré-électorale…