Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

[Tribune] Modibo Seydou Sidibé : « On ne discute pas avec les terroristes » ?
En êtes-vous si sûr ?

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Par  Modibo Seydou Sidibé

Professeur d'économie à la Duke University (États-Unis)

Camps de déplacés dans le quartier de Faladié, à Bamako, en avril 2020.
Camps de déplacés dans le quartier de Faladié, à Bamako, en avril 2020. © MICHELE CATTANI/AFP

Malgré la présence de soldats français, la tuation sécuritaire est loin d’être stabilisée. Au point que certains suggèrent désormais un dialogue avec les jihadistes.

« Avec les terroristes, on ne discute pas, on combat ».  C’était l’une des déclarations majeures d’Emmanuel Macron dans un entretien à JA. Or l’expérience américaine en Afghanistan devrait nous interpeller.

Presque vingt ans après le lancement de cette guerre, Washington s’est résigné à négocier avec les talibans. Alors que le rapport de l’inspecteur général chargé de l’Afghanistan dresse un constat d’échec lié au manque de clarté sur les objectifs de cette opération militaire, qui aura coûté plus de 2 000 milliards de dollars et entraîné la mort de 3 500 soldats de la coalition internationale, le retrait de l’armée américaine a été entériné contre l’engagement du mouvement islamiste à ne plus coopérer avec des organisations terroristes.

Le bourbier malien

Le Sahel n’est pas l’Afghanistan, mais les parallèles ne manquent pas. La France est arrivée au Mali en 2013 pour stopper l’avancée des jihadistes vers le sud du pays. Une fois cet objectif accompli, l’armée française, accompagnée par ce qui reste de l’armée malienne, libérera Gao et Tombouctou. À l’objectif initial se sont greffés d’autres considérations qui échappent aux Maliens, et l’armée française a poursuivi vers Kidal, seule. Elle a redonné une légitimité au MNLA [Mouvement national de libération de l’Azawad], un mouvement touareg dissident alors en perte de vitesse, et précédemment associé aux jihadistes, qui s’était rendu coupable de « crimes de guerre » à Aguelhok en 2012. Et l’autonomie de facto accordée à la région de Kidal restera à jamais une pomme de discorde entre les Maliens et la France.

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CHAQUE JOUR PRODUIT SON LOT DE FUTURS JIHADISTES ET DE RÉFUGIÉS INTERNES

Aujourd’hui, le grand nord malien demeure un repère pour des trafics en tous genres, la base arrière d’une industrie de prises d’otages, et maintient une passerelle entre les mouvements armés touareg et les jihadistes. Depuis 2013, la menace terroriste a migré vers le centre du Mali, où des mouvements jihadistes ont exploité le ressentiment des Peuls contre l’administration malienne, corrompue et incapable de rendre justice dans les conflits de plus en plus courants pour l’accès aux rares ressources naturelles.

Sous équipée et mal formée, l’armée malienne en est réduite à une opposition systématique contre les Peuls, et chaque jour produit son lot de futurs jihadistes et de réfugiés internes. Au Mali, le bilan humain s’élève à 6 000 victimes. Les efforts sans précédent pour le secteur de la défense (près de 30 % du budget en 2019) ont été consentis au détriment de la fourniture des services sociaux de base. Les différents renforts dépêchés dans le Centre ont créé un vide sécuritaire au sud du pays, où les attaques de bus de campagne sont devenues le lot quotidien.

C’est dans ce contexte que le Premier ministre malien de la transition, Moctar Ouane, s’est exprimé sur la « nécessité d’une offre de dialogue avec les groupes armés jihadistes », seule solution pour ramener les Peuls dans le giron malien et séparer « le jihad économique » du fanatisme religieux.

Vœux pieux

Pour bon nombre d’observateurs, les propos d’Emmanuel Macron sur la stratégie française au Sahel interpellent. Si l’extrémisme sous toutes ses formes doit être combattu, il est impossible de dissocier la percée des jihadistes des problèmes structurels de gouvernance dans cette partie de l’Afrique. Des générations entières d’écoliers sont livrés à eux-mêmes et viendront grossir les rangs de la population illettrée, proie facile d’un islam jihadiste qui se présente drapé des habits de la sécurité et de la justice pour tous.

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LES DÉCLARATIONS D’EMMANUEL MACRON ALIMENTENT TOUTES LES THÉORIES DU COMPLOT, D’UNE FRANCE PYROMANE, AGENT DU CHAOS AU SAHEL.

Et la solution militaire ne saurait réparer les atrocités commises contre les bergers peuls, ni offrir une perspective à tous les citoyens mis au ban de la société par des années de corruption au sein de l’appareil d’État. Aussi, les déclarations d’Emmanuel Macron alimentent toutes les théories du complot, d’une France pyromane, agent du chaos au Sahel, avec des desseins néocolonialistes.

La France se doit de tirer les leçons de l’expérience américaine en Afghanistan, car les vœux pieux ne sauraient être des objectifs stratégiques. A minima, la France, invitée à venir aider au Sahel, n’a pas à imposer un menu à ses hôtes. Sauf à vouloir courir le risque d’alimenter encore un peu plus « le sentiment anti-français » déjà exacerbé par ce que les Africains considèrent comme « les ambiguïtés » de la France.


 
Emmanuel Macron, le 16 novembre 2020, dans le salon doré du palais de l’Élysée © François Grivelet pour JA

Pas de leçons à donner

Une France qui n’a pas de leçon démocratique à donner lorsqu’il s’agit de maintenir au pouvoir les présidents Condé et Ouattara, et se montre volubile pour critiquer la transition au Mali. Cette incohérence cache mal un point de désaccord profond.

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CE QUI ENGENDRE LE SENTIMENT ANTI-FRANÇAIS, CE SONT LES EXCUSES OFFERTES À CERTAINS PRÉSIDENTS AFRICAINS.

Pour la jeunesse africaine, les modèles de démocratie occidentale, importés contre des aides au développement, engendrent des transformations sociales radicales, érigent la corruption en mode de gouvernance et conduisent inlassablement à des démocraties néo-patrimoniales qui excluent les jeunes, les femmes et les minorités ethniques. Dans sa forme extrême, ce rejet s’applique à tout ce qui est étranger, et donne lieu à des mouvements tels que Boko Haram.

Contrairement à ce qui est parfois dit, ce ne sont pas les campagnes de désinformation de la Russie ou de la Turquie qui engendrent le sentiment anti-français, c’est la tentation française d’offrir les services des forces spéciales à des régimes indéfendables, et des excuses à des présidents qui piétinent leur peuple à la moindre occasion.

Si le Sénégal est considéré comme un exemple de démocratie pour les Occidentaux, c’est plutôt le Rwanda qui inspire en Afrique de l’Ouest. Considérant la manière dont le régime de Kagame a répudié l’héritage colonial français, il y a lieu de s’inquiéter pour l’avenir des relations entre la France et l’ancienne Afrique occidentale française si Paris ne change pas son approche des affaires africaines.

Face à l’attitude d’une Amérique globalement indifférente, ou d’une Russie impassible, l’Afrique a besoin d’une France impartiale. À défaut, il y a fort à parier que les populations du Sahel préfèreront l’indifférence.

 
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Les relations Chine-Afrique en 2021 :
des perspectives prometteuses

La Chine accorde une grande attention à la coopération avec le continent africain pour des projets industriels et agricoles s’inscrivant dans un avenir durable et pacifique.

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© Des mesures de prévention sanitaire dans un centre de coopération agricole Chine-Afrique du Mozambique (Crédit : people.cn)

Depuis des décennies, la Chine accorde la plus grande attention à la coopération avec le continent africain, au travers d’échanges économiques et diplomatiques, de réalisations concrètes industrielles et agricoles, de projets pour un avenir durable et pacifique. Malgré les nouveaux défis liés au Covid-19, la Chine renforcera cet accord lors du prochain Forum sur la Coopération Sino-Africaine (FCSA) qui se tiendra cette année au Sénégal.

A l’occasion de la récente visite en Afrique du ministre des Affaires étrangères Wang Yi, nous passons en revue ici les différents chapitres de cette riche coopération sino-africaine : les acquis de 2020, le combat coude à coude contre l’épidémie, les actions pour assurer l’autosuffisance alimentaire, les projets d’innovation « verte » pour protéger l’environnement et assurer un développement durable, l’engagement de la Chine pour un multilatéralisme authentique. Autant de secteurs où s’ouvrent des perspectives prometteuses pour l’Afrique.

Alors que le Covid-19 sévit dans le monde entier, la diplomatie chinoise a perpétué une tradition établie depuis 30 ans : réserver sa première visite de l’année à l’Afrique. Du 4 au 9 janvier 2021, le conseiller d’État et ministre des Affaires étrangères Wang Yi a effectué une visite officielle au Nigéria, en République démocratique du Congo, au Botswana, en Tanzanie et aux Seychelles. Depuis 1991, la Chine est le seul de tous les grands pays à démontrer de cette manière l’importance qu’elle accorde à l’Afrique. « C’est la manifestation de l’engagement de la Chine envers les pays africains », a souligné Xu Jinghu, représentant spécial du gouvernement chinois pour les affaires africaines. Ce message a pris cette année une signification particulière compte tenu des nombreuses difficultés liées à l’épidémie de Covid-19,

Jusqu’à la veille de la visite de Wang Yi, la Chine avait déjà envoyé des équipes médicales dans 15 pays africains, signé des accords d’allégement des dettes avec 12 pays, réduit ou exonéré les prêts sans intérêt de 15 autres qui étaient dus à la fin de 2020. Le prochain Forum sur la Coopération Sino-Africaine (FCSA) se tiendra cette année au Sénégal. Depuis la création du Forum en 2000, l’Afrique et la Chine ont successivement formulé et mis en œuvre les « Dix Programmes Majeurs de Coopération[1] » et les « Huit Initiatives Majeures[2] ». Depuis, le volume des échanges commerciaux a été multiplié par 20, et l’investissement direct de la Chine en Afrique multiplié par 100.

La visite de Wang Yi marque une nouvelle étape dans les relations sino-africaines : de nouvelles perspectives de coopération s’ouvrent dans la nouvelle zone de libre-échange continentale africaine, l’économie numérique, la réduction de la pauvreté et l’action contre le changement climatique. Résumons ici les tendances clés des relations sino-africaines en 2021.

Résultats de la coopération économique en 2020

Selon le ministère chinois du Commerce, le volume du commerce entre l’Afrique et la Chine a atteint 167,8 milliards de dollars de janvier à novembre 2020, la baisse enregistrée au premier semestre s’étant rétractée de 8,5 % les 5 mois suivants. Pendant la même période, les importations de produits agricoles en provenance d’Afrique ont augmenté de 4,4%, soit une croissance positive pendant quatre années consécutives. L’Afrique du Sud, le Nigéria, l’Angola, l’Égypte et le Congo (RDC) sont les cinq partenaires principaux de la Chine. Les produits minéraux, les machines et équipements, les métaux communs (et les produits dérivés) se classaient aux trois premiers rangs du volume des échanges commerciaux entre l’Afrique et la Chine. Les échanges des principaux produits en vrac sont restés globalement stables.

Il est à noter que les échanges économiques entre l’Afrique et la Chine se sont heurtés à de nombreuses difficultés en raison de l’impact de l’épidémie de Covid-19. Face à ces défis, la Chine a toujours travaillé main dans la main avec les pays africains pour maintenir une relation Chine Afrique sans relâche. De janvier à novembre 2020, l’investissement direct de la Chine dans l’ensemble de l’industrie africaine s’est élevé à 2,8 milliards de dollars, soit une augmentation de 0,04% par rapport à 2019 ; la valeur des nouveaux projets sous contrat signés par des entreprises chinoises en Afrique s’est élevée à 55,1 milliards de dollars, soit une augmentation de 13,3 %.

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© Des mesures de prévention sanitaire dans un centre de coopération agricole Chine-Afrique du Mozambique (Crédit : people.cn)

La mise en œuvre des « Huit Initiatives Majeures » est restée la priorité du gouvernement chinois au cours des deux dernières années, a indiqué le porte-parole du ministère chinois du Commerce. À l’heure actuelle, le taux global de réalisation de ces « Huit Initiatives » a dépassé 85 %, tandis que 70 % des 60 milliards de dollars du fonds de soutien chinois ont été mis à disposition. La Chine est restée le plus grand partenaire commercial de l’Afrique pendant 11 ans consécutifs : au cours des trois dernières années, les importations chinoises de produits agricoles africains ont augmenté en moyenne de 14 % par an, la Chine devenant ainsi le deuxième importateur dans cette catégorie; les autoroutes et les voies de chemins de fer en Afrique, construits avec l’aide de la Chine, ont dépassé 6 000 kilomètres ; près de 20 ports, plus de 80 grandes installations électriques, 130 établissements médicaux, 45 établissements sportifs et plus de 170 écoles ont été construits; enfin, les entreprises chinoises ont créé plus de 4.5 millions d’emplois sur le continent africain.

Malgré l’épidémie, la coopération sino-africaine a maintenu son élan. En Guinée, les unités n°.1 et 2 du projet de barrage hydro-électrique de Souapiti ont été connectées au réseau à la fin de 2020 pour réduire le goulot d’étranglement de la consommation d’électricité dans la région. Au Kenya, la moitié du projet des quais au port de Lamu a été terminée, ce qui facilitera l’ouverture maritime des pays d’Afrique de l’Est. Au Zimbabwe, la finalisation de la structure principale du plus grand projet de construction au sud de l’Afrique – le nouveau bâtiment du Parlement – a été réalisée avec l’assistance de la Chine. En 2020, 1 100 projets de coopération en Afrique dans le cadre de l’initiative « Belt and Road » ont continué à fonctionner, notamment dans les secteurs des chemins de fer, des autoroutes et des centrales électriques. Près de 100 000 techniciens et ingénieurs chinois sont restés fidèles à leur poste et ont apporté une contribution importante au développement local.

La Chine et l’Afrique côte à côte pour lutter contre l’épidémie

Début 2021, la situation épidémique mondiale reste tendue et les vaccins sont devenus essentiels pour prévenir et contrôler l’épidémie. Étant le premier pays à s’engager à fabriquer des vaccins reconnus comme produit public mondial, la Chine a activement préconisé la coopération internationale afin d’aider les pays en développement à en disposer. En visite au Nigéria, le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi a clairement indiqué que la Chine s’est donné la responsabilité d’assurer la disponibilité et l’accessibilité des vaccins en Afrique. Li Xinfeng, vice-président de l’Institut Chine-Afrique, a indiqué : « La coopération médicale en matière de vaccins sera au centre des préoccupations du gouvernement chinois dans l’avenir proche ; en même temps, de nouveaux progrès dans les recherches de la médecine africaine seront accomplis pour la prévention et le traitement des maladies infectieuses. »

Le 8 octobre 2020, la Chine a adhéré à la COVAX, initiative mondiale visant à assurer l’accès rapide et équitable de tous les pays aux vaccins contre la Covid-19. Le 10 décembre 2020, la Chine a commencé à fournir des vaccins à l’Égypte qui est devenue ainsi le premier pays d’Afrique à en recevoir. Le 10 janvier 2021, le président seychellois Ram Karawang est devenu le premier chef d’État en Afrique à être immunisé par le vaccin chinois. Le pays prévoit de vacciner 70 % de la population d’ici trois mois. De nombreux pays africains comme le Maroc et le Nigéria ont commandé des vaccins chinois ou négocié des coopérations médicales avec la Chine. Le 20 janvier, la cérémonie d’expédition de la 21ème équipe médicale chinoise en Ouganda a eu lieu à Kunming, dans la province du Yunnan (sud de la Chine). Elle comprend neuf experts médicaux qui remplacent ceux de la 20ème équipe, qui était sur place depuis un an et trois mois. La Chine accordera également les vaccins en priorité à l’Afrique sous forme de dons et d’assistance non rémunérée.

Il est à noter que la Chine a localisé une partie de production de vaccins en Afrique grâce au transfert de technologie, ce qui non seulement garantit l’approvisionnement continu, mais aussi accélère la distribution des vaccins sur le continent en améliorant notamment leur accessibilité grâce à des prix abordables.

Agriculture : la coopération au service de l’autosuffisance alimentaire

Lors de la visite du ministre chinois des Affaires étrangères en Afrique, Xu Jinghu, représentant spécial pour les affaires africaines du gouvernement chinois, a indiqué : « Les expériences de la Chine en matière de réduction de la pauvreté pourraient largement inspirer le peuple africain. La Chine et l’Afrique vont donc renforcer leur coopération dans la lutte contre la pauvreté, pour la reprise économique et la sécurité alimentaire. » Li Xinfeng, vice-président de l’Institut Chine-Afrique, a aussi estimé que « la coopération sino-africaine s’orientera davantage vers les moyens de subsistance des populations pour consolider l’amitié entre les peuples africain et chinois ».

La coopération agricole reste essentielle pour l’autosuffisance alimentaire de l’Afrique. La Chine a accumulé de riches expériences dans ce domaine, en particulier la production du riz hybride, la modernisation agricole et les techniques d’irrigation. Depuis 2019, l’Afrique australe subit de graves échecs en matière de récolte agricole. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) des Nations Unis et la Chine ont signé un accord pour fournir une aide d’urgence au Zimbabwe, au Mozambique et à la Namibie. La Chine créera également un troisième fonds d’affectation spéciale à hauteur de 50 millions de dollars dans le cadre de la coopération Sud-Sud des Nations Unies, pour favoriser l’accès à l’alimentation et l’agriculture dans les pays en développement, notamment les pays africains. Jusqu’à présent, la Chine a construit 24 centres de démonstration de technologies agricoles en Afrique, au bénéfice de plus de 500 000 habitants des zones rurales. Au Mozambique, le Centre chinois de démonstration agricole a formé plus de 3 000 agriculteurs locaux en les aidant à élever plus de 80 variétés de diverses cultures, telles que le riz, le maïs, le coton, le soja et les graines de sésame. Le projet du Centre de démonstration agricole du Burundi est également bien avancé.

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© Au Mozambique, en avril 2020, l’équipe sino-africaine travaille ensemble pour récolter (Crédit : people.cn)

Environnement, énergies renouvelables, innovation « verte »

Lors de la 8ème session extraordinaire de la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement qui s’est tenue en novembre 2020, 54 pays africains sont convenus à l’unanimité de mettre en œuvre un plan de relance « vert » en s’engageant à promouvoir un développement économique plus sobre en carbone, plus résilient, durable et inclusif. En outre, l’« Agenda 2063 » de l’Union africaine considère également comme l’un de ses objectifs majeurs l’amélioration de la capacité des pays africains à réagir au changement climatique et à engager un développement durable.

Il existe un potentiel énorme pour la coopération sino-africaine dans le secteur de l’industrie verte. Les pays africains sont confrontés à des difficultés comme la faiblesse des infrastructures et des investissements insuffisants. De nombreux pays, dont la Chine, fournissent activement une assistance aux pays africains pour développer des industries vertes. Lors du Sommet de Beijing du Forum sur la Coopération Sino-Africaine en 2018, le développement écologique a été intégré dans les « Huit Initiatives Majeures », avec un grand nombre de projets en matière de protection de l’environnement et d’énergies propres mis en œuvre.

Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie en 2019, la Chine a entrepris des projets de production d’électricité dans 24 pays d’Afrique subsaharienne. La construction de 49 projets a commencé en 2014 et ils devraient être achevés d’ici 2024. La plupart concernent des énergies renouvelables, représentant 20 % de la capacité totale de production d’électricité installée dans la région. Le Centre de coopération environnementale Chine-Afrique a été lancé fin novembre 2020, en déclenchant des projets phares tels que le « Programme des « envoyés verts » Chine-Afrique »[3] et le « Projet d’innovation verte Chine-Afrique ». Avec l’initiative de « Belt and Road », la Chine restera un partenaire solide pour le développement vert de l’Afrique.

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© Au Mozambique, en avril 2020, l’équipe sino-africaine travaille ensemble pour récolter (Crédit : people.cn)

La Chine défend un multilatéralisme authentique

Des opinions négatives sur la coopération sino-africaine sont souvent apparues dans les médias occidentaux, telles que « les relations sino-africaines se dégradent » ou « les attitudes africaines envers la Chine ont changé ». Lors de la conférence de presse à Abuja le 5 janvier, le ministre des Affaires étrangères Wang Yi a déclaré : « La Chine respecte l’Afrique comme une scène pour la coopération internationale et non pas comme une arène de combat pour les grandes puissances. Soutenir le développement de l’Afrique est la responsabilité de la communauté internationale. Toute coopération avec l’Afrique devrait se mener sur la base du respect de la souveraineté africaine, en écoutant la voix de ses peuples. De même, la coopération sino-africaine n’est jamais fermée et exclusive, et la Chine est disposée à accueillir des collaborations trilatérales ou multipartites. »

En 2020, l’unilatéralisme, le protectionnisme et l’hégémonie sont devenus les principaux obstacles à la coopération internationale. La Chine souhaite souligner la solidarité sino-africaine pour défendre un multilatéralisme authentique. Celui-ci est fondé sur la souveraineté de tous les pays, leur égalité quelle que soit leur taille, le respect des droits légitimes au développement selon des voies choisies indépendamment.

Le ministre des Affaires étrangères Wang Yi a eu l’occasion récente de mettre en garde contre un pseudo-multilatéralisme : « Nous nous opposons à la création de la politique des blocs fermés au nom du multilatéralisme ; à l’imposition de règles établies par une poignée de pays à la communauté internationale sous prétexte du multilatéralisme ; et à l’idéologisation du multilatéralisme dans le but de forger des alliances fondées sur certaines valeurs visant des pays spécifiques ».

Ce débat sur le fondement du multilatéralisme mérite réflexion. Dans les relations sino-africaines, il convient de noter qu’un multilatéralisme authentique dépasse de loin la portée des relations bilatérales sino-américaines, et constituera un enjeu majeur pour la paix et le développement mondial.

Une économie africaine résiliente, un avenir prometteur

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) a été officiellement mise en place le 1er janvier 2021. C’est un signe très encourageant malgré des obstacles aux niveaux des procédures douanières et des infrastructures nécessaires pour faciliter le libre-échange. Pendant l’épidémie, l’économie de l’Afrique subsaharienne a fait preuve d’une forte résilience, et de nombreux pays de la région ont montré des signes de stabilisation et de reprise. Le dernier rapport de la Banque mondiale sur les « Perspectives économiques mondiales » prédit que l’économie subsaharienne rebondira de 2,7 % en 2021. Le rapport a estimé que les pays africains exportateurs de produits agricoles seront moins touchés par le Covid-19, tandis que des pays tournés vers l’exportation en général accéléreront leur reprise économique avec le retour progressif de la demande des puissances mondiales. Toujours selon le rapport, de nombreux pays africains ont lancé des plans de sauvetage pour assurer la sécurité alimentaire, augmenter les investissements publics et accélérer l’utilisation de la technologie numérique. Ces politiques de stabilisation ont commencé à porter leurs fruits. La Banque mondiale a ainsi conclu que l’efficacité du vaccin, la capacité de répondre aux changements climatiques et la gestion des risques d’endettement seront les trois facteurs principaux qui détermineront le redressement économique africain.

Bien que l’épidémie ait eu un impact sérieux sur l’économie mondiale, la coopération « Belt and Road » de la Chine n’a pas cessé de progresser. Lors de la visite de Wang Yi en Afrique, la République démocratique du Congo et le Botswana ont signé le mémorandum d’accord, devenant respectivement les 45e et 46e pays partenaires dans le cadre de l’initiative « Belt and Road ». La Chine et le Nigéria sont aussi convenus d’approfondir leur coopération dans ce cadre, pour impulser la construction des infrastructures et des parcs de libre-échange, ainsi que l’accélération de l’industrialisation nigérienne. En Tanzanie, la Chine va également renforcer ses coopérations « Belt and Road ».

En attendant la prochaine conférence ministérielle du Forum sur la Coopération Sino-Africaine en 2021 au Sénégal, le gouvernement chinois conduit ses actions en étant convaincu que le développement durable en Afrique sera le moyen à long terme de construire une communauté de destin commun. À cette fin, cette conférence se concentrera sur trois piliers : la coopération vaccinale, la relance économique et un développement durable et inclusif. Pour la Chine, ces promesses signifient non seulement des perspectives communes, mais aussi des responsabilités qu’elle se doit d’assumer.

[1]En décembre 2015, à l’occasion du Sommet de Johannesburg et la 6ème Conférence ministérielle du Forum sur la Coopération Sino-Africaine, le Président chinois Xi Jinping a initié « Dix Programmes Majeurs de Coopération » dans les domaines de l’industrialisation, la modernisation agricole, les infrastructures, le service financier, le développement vert, la facilitation du commerce et des investissements, la réduction de la pauvreté et l’amélioration du bien-être de la population, la santé publique, les échange entre les peuples, la paix et la sécurité.
[2] Le Président chinois Xi Jinping a annoncé, lors du Sommet de Beijing et la 7ème Conférence ministérielle du Forum sur la Coopération Sino-Africaine en septembre 2018, la mise en œuvre des « Huit Initiatives Majeures » : l’initiative pour la promotion industrielle, l’initiative pour l’interconnexion des infrastructures, l’initiative pour la facilitation du commerce, l’initiative pour le développement vert, l’initiative pour le renforcement des capacités, l’initiative pour la santé, l’initiative pour les échanges humains et culturels, et l’initiative pour la paix et la sécurité.
[3] Le programme des “envoyés verts” vise à former pour l’Afrique des professionnels qualifiés dans les domaines tels que la gestion de la protection de l’environnement, la lutte contre la pollution et pour l’économie verte, afin de renforcer les capacités des pays africains et contribuer à leur développement vert.

Mali : les dessous des négociations pour la libération de Boubacar Keïta

| Par Jeune Afrique
Boubacar Keïta

 Boubacar Keïta © DR

Le 9 février, le fils d’Ibrahim Boubacar Keïta a rejoint sa famille – dont son frère Karim – à Abidjan, alors que la situation de l’ancien président se normalise. Voici ce qui a débloqué la situation.

Selon nos informations, après plusieurs lettres restées sans réponse, Boubacar Keïta a adressé le 18 janvier un nouveau courrier au vice-président de la transition, Assimi Goïta. Dans ce message que Jeune Afrique a pu consulter, le fils de l’ancien président donne des gages de bonne volonté aux autorités, afin précise-t-il, de leur « faciliter la tâche. »

La réponse de Goïta

« Je soussigné, Boubacar Keïta, assigné à résidence depuis les événements du 18 août 2020 par les autorités de la transition malienne, accepte d’être libéré à la condition de ne pas tenir pour responsables lesdites autorités en ce qui concerne ma sécurité lors de mes déplacements hors de mon lieu de résidence », écrit-il.

Le fils de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) était en effet officiellement maintenu à Sébénikoro pour des « raisons de sécurité ». Il avait dénoncé le durcissement de ses conditions de détention et insisté sur son droit à voir son avocat et à recevoir des visites de sa famille.

Cette fois, il a également assuré aux autorités qu’il ne les poursuivrait pas devant les instances de la Cedeao comme il les en avait menacées.

La « Decharge Securitai… by jeuneafrique

De son côté, le colonel Goïta a accusé réception de la lettre de Boubacar Keïta le 3 février. Il lui a répondu « prendre acte » de son engagement. Boubacar a alors pu récupérer son passeport et subir un test de dépistage du Covid-19 avant de s’envoler vers la Côte d’Ivoire.

La réponse d’Assimi Goï… by jeuneafrique

Médiations présidentielles

En coulisses, des chefs d’État voisins ont œuvré afin d’améliorer la situation de la famille Keïta. Alpha Condé s’est personnellement impliqué dans une médiation auprès du vice-président malien pour que Boubacar Keïta puisse quitter sa résidence et pour que les restrictions imposées à IBK soient allégées. Ces dernières semaines, la situation de l’ancien président s’est ainsi progressivement normalisée. Le dispositif sécuritaire qui entourait Sébénikoro a été levé et remplacé par le service de sécurité personnel d’IBK.

Ibrahim Boubacar Keïta, qui a droit à quinze gardes du corps, en a déjà choisi une douzaine. Il a également pu nommer les membres de son cabinet, comme le prévoit la loi qui confère des avantages aux ex-présidents. Il s’est entouré d’une petite équipe, dont un directeur de cabinet en la personne de Baba Akhib Haidara, ancien médiateur de la République, un chargé de mission, Sabane Mahalmoudou, un médecin, le colonel Brehima Boly Berthe, et une informaticienne, Konate Zeinaba Attaher Maïga.

Sabane Mahalmoudou et Brehima Berthe sont des fidèles d’IBK. Début septembre, ils faisaient partie des proches qui l’ont accompagné à Abou Dhabi pour qu’il y reçoive des soins médicaux. Dans les prochains jours, l’ancien président doit se rendre en Côte d’Ivoire, où il rencontrera Alassane Ouattara, et en Guinée, où Alpha Condé l’a invité.