Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Le message suprémaciste blanc en France : un nouveau discours et de nouveaux outils de diffusion |The Conversation

Gérald Darmanin a pour la première fois réagi à la dernière « opération antimigrants » de Génération identitaire. Ce mouvement politique qui se propose de résister contre « la racaille », « le raz de marée de l’immigration massive » et « l’uniformisation des peuples » n’est pas une exception politique en France.


Différents épisodes de la chaîne Youtube de Julien Rochedy, ancien président du Front National de la jeunesse. Author, Author provided

Tristan BoursierSciences Po

Depuis la médiatisation l’été dernier des discours critiques à l’égard du racisme systémique et de la colonisation, sont en même temps apparus des mouvements radicaux d’opposition, qui refusent le débat démocratique sur ces questions.

À la manière des antiféministes, les mouvements post-coloniaux ont leurs anti-post-colonialistes, leur anti-anti-racistes. Si les formules sont maladroites pour désigner ces groupes qui promeuvent publiquement des opinions racistes, c’est qu’il est bien difficile pour les sciences sociales de les identifier et de les analyser.

Beaucoup de journalistes, et parfois même des universitaires, utilisent le terme fachosphère, pour désigner de manière vague les personnes qui défendent des idées d’extrême droite. Le terme viendrait de Daniel Schneidermann qui se revendique en être l’auteur dans un entretien mené par Dominique Albertini et David Doucet.

Que veut dire « fachosphère » ?

Le terme fachosphère est en soi l’objet d’une controverse. Pour ses utilisateurs, il est une façon de dénoncer l’extrême droite dans ce qu’elle a plus diversifié. Pour les intéressés, il s’agit d’une insulte, et ces derniers préfèrent identifier leur activité comme une opération de réinforamation face à une « vague de médias gauchos », d’où l’expression « réinfosphère ». https://www.youtube.com/embed/ExEX48nkNYU?wmode=transparent&start=0 Politique : La « Fachosphère » a-t-elle gagné la bataille du Net ?

Dans la fachosphère, on retrouve des groupuscules néonazis bien sûr, mais aussi des masculinistes, des antiféministes en tout genre, des catholiques intégristes, des impérialistes, des royalistes, des personnes désirant la fin de la république, d’autres voulant une république plus autoritaire. Le seul point commun de tous ces groupes est finalement qu’ils sont perçus comme un tout par les acteurs de gauche en général.

Le terme fachosphère est donc davantage utilisé dans un cadre militant, surtout pour discréditer le discours de l’adversaire. Il est donc impératif de trouver un autre outil conceptuel, plus précis afin de nommer et de mener à bien l’analyse d’un phénomène aux dynamiques complexes : celui de la diffusion sur Internet d’un rejet radical des débats autour des questions postcoloniales.

Parler de suprémacisme plutôt que de fachosphère

Dans un travail qui sera publié en juillet, je propose d’utiliser le terme suprémacisme. Si en Europe et particulièrement en France, il est peu utilisé, il semble être le plus à même de définir l’esprit « antipostcolonial » d’une partie de la fachosphère.

En effet, ses acteurs ne font pas seulement une critique des théories postcoloniales (ce qui serait légitime dans un cadre démocratique), mais ils rejettent les questions posées par ces théories ainsi que toute possibilité de débat en affirmant une position de supériorité « naturelle ou morale » de la culture majoritaire occidentale blanche. https://www.youtube.com/embed/hWuF5NW_ito?wmode=transparent&start=0 Qui sont les suprémacistes blancs ?

Le suprémacisme est un concept fortement connoté en France qui évoque immédiatement les grands prêtres à capuches blanches du Ku Klux Klan. Pourtant, le terme désigne avant tout un type de discours bien particulier. Deux éléments composent ce discours : une croyance en l’existence biologique de races chez les humains, et une hiérarchisation de celles-ci qui conduit à placer la « race blanche » au-dessus de toutes les autres.

Le suprémacisme n’est donc pas seulement un discours raciste. Il s’agit de penser que la couleur de peau permet de comprendre le comportement des individus, car elle le détermine. De là, le discours suprémaciste va induire une hiérarchie entre des humains ou cultures plus civilisés que d’autres, plus intelligents que d’autres.

Les nouveaux discours suprémacistes

Certaines organisations de surveillance du suprémacisme états-unien font état d’une évolution de cette approche classique.

Par exemple, la Anti-Defamation League (ADL) révèle l’existence d’un suprémacisme qui serait davantage dans la posture victimaire :

« L’idéologie de la suprématie blanche aux États-Unis est aujourd’hui dominée par la croyance que la race blanche est condamnée à l’extinction par une marée montante de non-blancs […] à moins que des contre-mesures ne soient prises immédiatement. »

Cette posture victimaire est également très présente dans l’espace Internet français. Le discours suprémaciste ne s’exprime plus aujourd’hui comme il s’exprimait au XIXe siècle.

La supériorité de la prétendue race blanche est évoquée indirectement par un discours qui cherche à convaincre de l’existence d’une guerre des « races » ou des « civilisations » dont l’objectif serait l’extermination des blancs.

Un exemple de suprémacisme français

Le suprémacisme blanc connaît une sophistication qui peut s’observer depuis quelques années, notamment par la diffusion de ses thèses sur les chaînes vidéo. https://www.youtube.com/embed/u61iVvV0dCY?wmode=transparent&start=306

Ainsi, un des YouTubers suivis lors de mon enquête, Julien Rochedy, ancien président de la section jeune du FN, utilise une posture académique pour justifier une thèse suprémaciste.

Il s’appuie sur les travaux de Ruth Benedict afin de montrer en quoi les occidentaux blancs ont une supériorité morale par rapport aux « autres civilisations » qui seraient « primitives ». Pour lui, la culpabilité est une qualité morale dont les occidentaux ont hérité et qui est aujourd’hui manipulée par « certaines personnes issues d’autres cultures » afin de faire du profit sur le dos des blancs.

Julien Rochedy concède que si cette stratégie est efficace, elle ne peut pas durer, car la situation va finir par « exploser au visage de ceux qui l’utilisent » avant de terminer en rappelant que « quand l’homme occidental s’énerve, en général c’est très sérieux », avec pour illustration une explosion nucléaire.

Dans cette vidéo, Julien Rochedy ne tient pas un propos fasciste, même si dans une autre vidéo publiée par la suite, le 9 septembre 2020 il en revendique l’étiquette. Il développe une pensée suprémaciste élaborée et argumentée. Il construit son propos sous couvert de scientisme afin d’être audible sur un média qui touche un large public. On est loin des processions à comité réduit du Ku Klux Klan.

Julien Rochedy parle à des dizaines de milliers de personnes qui peuvent arriver rapidement sur ses vidéos en faisant des recherches basées sur des mots clefs très simples comme « antiracisme » ou « Black Lives Matter ».

L’état de la sphère suprémaciste française sur YouTube

Le terme suprémaciste blanc est donc plus adéquat pour qualifier sa position. Dans le cadre de mes recherches, j’ai été amené à suivre et repérer les chaînes YouTube qui développent des propos suprémacistes.

J’ai jusqu’à présent pu analyser seulement sept chaînes YouTube. Cependant, un premier repérage révèle qu’au moins une quarantaine de chaînes composeraient la sphère suprémaciste française. Concernant les sept chaînes analysées, elles cumulent déjà presque deux millions d’abonnées et leurs vidéos les plus visionnées dépassent les 300 000 vues pour aller jusque’à plusieurs dizaines de millions.

Nombre d’abonnés des chaînes YouTube politisées les plus populaires en France. Tristan Boursier

Ces chiffres sont impressionnants comparés à des chaînes YouTube de médias institutionnels, tels que TF1 qui possède 251 000 abonnés et dont les vidéos ne dépassent que rarement le million de vues. Cependant, cette visibilité des suprémacistes doit être relativisée et comparée à des chaînes identifiées à gauche sur YouTube.

Par exemple, l’émission « Ouvrez les Guillemets » présentée par Usul sur la chaîne de Médiapart dépasse régulièrement les 200 000 vues les jours qui suivent sa mise en ligne.

Le YouTube des « bonhommes »

Qui sont ces suprémacistes ? La quasi-totalité des vidéos repérées met en scène des hommes, d’apparence jeune (moins de 30 ans). Beaucoup d’entre eux cultivent une certaine idée de la masculinité hégémonique en donnant des conseils de drague à leurs abonnés ou des formations de musculation pour lutter contre la « crise de la masculinité ». Pour eux, les idées et le corps sont liés. Il faut donc être fort physiquement pour être supérieur intellectuellement. Le physique de leurs adversaires est d’ailleurs souvent attaqué et dépeint comme « fragile » ou « efféminé ». https://www.youtube.com/embed/vKcNj33gTh4?wmode=transparent&start=163 Vidéo de Valek publiée le 21 septembre 2020 où le youtubeur explique comment les hommes perdent leur masculinité à cause de féministes.

Ces YouTubers ne font donc pas que défendre une théorie de la suprématie blanche, ils prétendent l’incarner en cultivant et exposant leurs corps et leur force physique.

Le défi des suprémacistes : devenir mainstream

Pour l’instant, il est encore facile d’identifier la composante suprémaciste de ces discours. Leur radicalité a permis à leurs auteurs de se faire des communautés de niche qui ont progressé rapidement, n’ayant pas d’autres alternatives sur la plate-forme de vidéos. https://www.youtube.com/embed/cwqqeEKl6NM?wmode=transparent&start=0 Facebook se lance à l’attaque des « suprémacistes blancs ».

Cependant, cette radicalité comporte ses propres limites. Tout d’abord, la plupart d’entre eux ont été victimes de suppression de la monétisation de leurs vidéos, si ce n’est de leurs vidéos ou de leur chaîne.

Certains sont donc revenus en ouvrant une ou plusieurs chaînes, en perdant au passage une partie de leurs abonnés. Une autre limite tient au discours suprémaciste en lui-même. Ces YouTubers n’ont pas intérêt à être perçus comme tels. Le mot suprémaciste effraie.

Ils tendent donc à dissimuler la dimension raciste de leur opinion politique en présentant leurs réflexions comme « du bon sens », en utilisant des catégories larges comme « occident », « autres cultures » et « racaille » pour éviter d’utiliser le mot race, et ainsi s’inscrivent dans un suprémacisme sans race qui fait écho au concept bien établi de racisme sans race ou de racisme culturel.

Ces concepts permettent de rendre compte de la catégorisation arbitraire des humains en fonction de critères qui ne sont normalement pas innés mais qui sont présentés comme tels. Par exemple, on va réduire l’identité d’une personne à sa religion et déduire de cette religion une série de comportements présentés comme innés.

Qualifier ces YouTubers de suprémacistes au lieu de « fachosphère » permet donc de révéler plus précisément la nature raciste de leurs discours, qui ne vise pas seulement à offenser, mais à construire un propos politique d’organisation du vivre ensemble qui considère une partie de l’humanité comme inférieure.

Tristan Boursier, Doctorant en Science politique, Sciences Po

This article is republished from The Conversation under a Creative Commons license. Read the original article.

Latifa Ibn Ziaten et Antonio Guterres, lauréats du prix pour la Fraternité humaine |Vatican News

Les gagnants du Prix Zayed 2021 pour la fraternité humaine ont été annoncés ce mercredi 3 février. Latifah Ibn Ziaten, fondatrice de l’association Imad pour la jeunesse et la paix, qui a perdu son fils dans un attentat terroriste en 2012, et a transformé sa peine en une action de sensibilisation des jeunes, et António Guterres, 9e Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.

Lire l’article de Sœur Bernadette Mary Reis, Vatican News, 03.02.21

Racisme à l’ONU : enquête sur le malaise qui mine l’institution

| Par 
Mis à jour le 01 février 2021 à 10h21
Illuminations sur la façade du bâtiment des Nations unies, à New York, en septembre 2015.

Illuminations sur la façade du bâtiment des Nations unies, à New York, en septembre 2015. © UN PHOTO

 

Carrières bloquées, propos méprisants, recrutements manquant de transparence… Les Nations unies sont-elles gangrénées par les discriminations liées à la couleur de peau ? De plus en plus d’Africains dénoncent un climat délétère au sein d’une organisation censée représenter tous les peuples. Enquête.

« Lorsque vous intégrez les Nations unies, entièrement pensées et créées sur la base de l’égalité et des droits humains, vous ne pouvez pas imaginer de tels comportements. Certains collègues m’avaient prévenu, à mots couverts, dès mon arrivée. Mais j’étais dans le déni. Jusqu’à ce que je fasse à mon tour l’expérience de la discrimination, de ces regards méprisants, de ces collègues qui quittent les réunions que vous présidez avec de fausses excuses. » Ce témoignage, c’est celui d’un ancien haut responsable du Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap). Congédié au bout de deux ans, il explique à JA avoir été victime de discrimination. Et, à l’en croire, il est loin d’être le seul.

« J’avais besoin de porter plainte »

« Les règles internes de l’ONU sont impressionnantes, sa structure administrative est irréprochable, poursuit-il. Mais certaines personnes au sein de l’organisation, où le climat est extrêmement compétitif, s’allient à notre détriment à nous, les Africains. » Malgré la peur des représailles et sans se faire trop d’illusions, il décide de porter plainte devant un organe interne de l’ONU quelques mois après avoir été poussé vers la sortie.

Nous sommes en juin 2020. Sur tous les écrans du monde défilent les images de la lente agonie de George Floyd, un africain-américain tué le 25 mai par un policier, à Minneapolis. Sa mort a déclenché un tollé et la colère s’est infiltrée jusque dans les couloirs feutrés de l’ONU. « J’avais besoin de porter plainte, confie notre interlocuteur, qui a tenu à conserver l’anonymat. Je me suis dit que même si cela ne rétablissait pas l’injustice dont j’avais été victime, cela pourrait être utile un jour. Comme une empreinte formelle de ce qui est arrivé. »

L’ONU est-elle prête à avoir avec elle-même « une conversation honnête au sujet du racisme » ? C’est ce à quoi s’est engagé son secrétaire général, António Guterres, qui a reconnu lui-même, le 4 juin 2020, que ce fléau « existe également au sein des Nations unies ». « Nous n’avons pas suffisamment prêté attention aux préjugés racistes et à la discrimination », a-t-il admis devant les membres de l’ONU, auxquels il a promis « un plan d’action » et un débat ouvert.

Les ambassadeurs et représentants permanents des pays africains auprès de l’ONU ont hâte d’y participer. Le 30 décembre, ils ont rédigé une déclaration intitulée « Unis contre le racisme et la discrimination raciale, et contre toutes les autres formes d’intolérance aux Nations unies » – que la mission d’observation de l’Union africaine auprès de l’ONU a transmise à Guterres le 4 janvier suivant.

« Patrimoine génétique »

Ses signataires soulignent les plaintes qui leur sont fréquemment adressées et qui prouveraient l’existence d’« une discrimination généralisée », laquelle ferait obstacle au recrutement et à la promotion des personnes visées. « Nous encourageons fortement le Secrétaire général à intensifier ses efforts pour mettre en place des mesures visant à éliminer toute forme de racisme ou de discrimination », concluent les diplomates.

Lors de la 73ème session de l’Assemblée générale des Nations unies, au siège de New York , mercredi 26 septembre 2018.
Lors de la 73ème session de l’Assemblée générale des Nations unies, au siège de New York , mercredi 26 septembre 2018. © Richard Drew/AP/SIPA

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52% DES 2 857 EMPLOYÉS DES NATIONS UNIES INTERROGÉS AFFIRMENT AVOIR ÉTÉ VICTIMES DU RACISME

Tous les ambassadeurs contactés par JA confirment, sous le couvert de l’anonymat, avoir reçu ce genre de plaintes. Parfois depuis des lustres. Tous évoquent leur désir de voir les choses changer et le système réformé. « Nous avons reçu de nombreux témoignages d’Africains dont la promotion ou l’avancement sont gelés depuis des années et qui observent, au-delà de leur cas individuel, un problème très répandu », déclare l’un de ces diplomates.

À l’en croire, c’est une enquête interne inédite sur la perception du racisme aux Nations unies qui a contribué à délier les langues. Dans cette enquête, menée en juin 2020 par par United Nations People of African Descent (Unpad, l’organe chargé de faire le lien entre l’administration de l’ONU et ses membres d’origine africaine), 52% des 2 857 personnes interrogées affirment avoir été victimes de racisme. Carrières bloquées, mépris, exclusion, sanctions disproportionnées, harcèlement, discrimination… Le rapport d’enquête cite de nombreux exemples concrets.

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LES POSTES LES PLUS RECHERCHÉS ET LES MIEUX RÉMUNÉRÉS SONT MAJORITAIREMENT RÉSERVÉS AUX OCCIDENTAUX

« Le recrutement est fondé sur le critère de la race », soutient un sondé. « Quand il s’agit de réduire les effectifs, les employés d’origine africaine sont souvent les premiers visés », dénonce un autre. Quant aux « micro-agressions », elles n’ont rien d’original, mais ont de quoi étonner de la part d’une organisation internationale et multiculturelle.

Florilège : « Un collègue a parlé des Africains comme de personnes qui vivent encore dans les arbres » ; « un collègue a fait remarquer que je n’avais pas besoin qu’on me dépose en voiture parce que je courais vite, grâce à mon patrimoine génétique » ; « on m’a complimenté sur mon élocution, en me disant que je parlais comme si j’avais été élevé dans un autre pays [que le mien] » ; « quand je me suis plaint d’un acte de racisme flagrant, on m’a dit que j’étais trop sensible et que je n’avais pas d’humour »…

« On pourrait penser que tout cela est anecdotique, il n’en demeure pas moins que cela reflète la perception d’une partie du personnel », est-il écrit dans le rapport de l’Unpad, qui conclut que « la discrimination et les préjugés racistes sont vécus par les uns et observés par les autres au quotidien ».

Chasses gardées occidentales

« L’ONU est-elle raciste ? » s’interrogeait déjà JA en octobre dernier, alors que le magazine Foreign Policy venait de publier une enquête évoquant la mainmise des Occidentaux sur l’organisation. « Oui », répond en substance l’Unpad. « Oui », répondent aussi la plupart des diplomates, hauts fonctionnaires et membres de l’ONU interrogés dans le cadre de cet article, et le problème est « structurel ».

Le fait que l’organisation ait eu deux dirigeants africains en soixante-seize ans d’existence, l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali (1992-1996) et le Ghanéen Kofi Annan (1997-2006), n’y change pas grand-chose. L’ONU peine à promouvoir l’égalité parmi ses 37 000 employés : les postes les plus recherchés et les mieux rémunérés restent majoritairement réservés aux Occidentaux.

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (Ocha) est un cas d’école. Créé en 1991, cet organe du secrétariat général est dirigé depuis 2017 par le Britannique Mark Lowcok. Avant lui et depuis 2007, trois autres responsables du gouvernement du Royaume-Uni ont été à sa tête – dont une Noire, Valerie Amos. Aucun Africain ne fait aujourd’hui partie des seize membres de l’équipe dirigeante de l’Ocha : ils constituent pourtant 23% de ses effectifs selon Foreign Policy. À l’inverse, les Occidentaux sont surreprésentés dans les bureaux du siège new-yorkais, où, dans certaines branches, ils occupent plus de 70 % des postes.

Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. © United Nations
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LES AMÉRICAINS REPRÉSENTENT 7% DES EFFECTIFS TOTAUX. « CELUI QUI PAIE, C’EST CELUI QUI COMMANDE », RÉSUME UN CADRE ONUSIEN

Si les Britanniques ont fait de l’Ocha leur chasse gardée, chacun des membres du Conseil de sécurité semble avoir préempté un organe de l’ONU en fonction de ses intérêts propres.

Les Français, par exemple, exercent leur influence au Département des opérations de maintien de la paix. Certes, le secrétaire général a pris soin de nommer des Africains à la tête de missions de maintien de la paix déployées sur le continent : le Sénégalais Mankeur N’Diaye à la Minusca (Centrafrique) ; l’Algérienne Leïla Zerrougui, à qui succédera bientôt la Guinéenne Bintou Keïta, à la Monusco (RD Congo) ; le Tchadien Mahamat Saleh Annadif à la Minusma (Mali) et l’Éthiopien Kefyalew Amde Tessema à la Fisnua (Abyei, zone contestée à cheval entre le Soudan et le Soudan du Sud).

Mais c’est un Français, Jean-Pierre Lacroix, qui dirige le département, comme c’est le cas depuis vingt-quatre ans. La Chine est quant à elle à la tête du Département des affaires économiques et sociales depuis plus de dix ans. Les États-Unis règnent sur le Département des affaires politiques.

Africains sur le carreau

En filigrane se pose la question financière. Aujourd’hui, plus de la moitié du budget de l’ONU (qui est de 3,2 milliards de dollars pour 2021) est financée par cinq contributeurs. Les États-Unis, de loin les premiers donateurs, contribuent à eux seuls à 22 % du budget. Les ressortissants américains représentent 7 % des effectifs totaux, soit plus que n’importe quel autre pays. « Celui qui paie, c’est celui qui commande », résume un cadre de l’organisation.

« Notre Assemblée générale est composée de 193 membres, mais les décisions reviennent in fine à cinq pays [les États-Unis, la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni, membres du Conseil de sécurité], expose le directeur régional d’une agence de l’ONU sur le continent africain. Ce système totalement perverti se retrouve dans les agences et les cabinets, où les ressortissants des pays donateurs ont des droits particuliers. »

Amer, il confie avoir déjà été forcé de recruter un ressortissant d’un pays contributeur en raison de sa nationalité et non de ses compétences. Plusieurs membres de l’organisation décrivent le même système vicié, qui permet à certains responsables occidentaux d’embaucher – ou de faire embaucher – leurs ressortissants en contournant les règles de recrutement et de transparence.

Les Africains, eux, sont laissés sur le carreau. « Les Nations unies se sont bâties sur un modèle occidental, rappelle un ancien cadre. Les pays occidentaux dominent aussi bien les arcanes de la politique internationale que celles des ressources humaines. Ce système, très pernicieux, contribue à perpétuer le déséquilibre racial. »

En juin dernier, l’ambassadeur du Botswana à New York, Collen Vixen Kelapile, alors représentant du groupe africain, avait évoqué la question du racisme au cours d’une réunion avec le secrétaire général.

À quand la tolérance zéro ?
Natalia Kanem, directrice du Fonds des nations unies pour la population (Fnuap)

Natalia Kanem, directrice du Fonds des nations unies pour la population (Fnuap) © UN Photo/Loey Felipe

Soulignant l’importance que le groupe attachait à « une représentation géographique équitable » et à l’amélioration des mécanismes de justice interne, il avait aussi rappelé à António Guterres son engagement pour une politique de tolérance zéro en cas de mauvaise conduite. « Nous avons entendu votre prise de position ferme et sans équivoque contre le racisme, avait-il conclu. Nous voulons savoir quelles sont les mesures prises par l’ONU. »

Dans une note interne, le secrétaire général venait de demander aux employés de l’organisation de s’abstenir de manifester en faveur du mouvement Black Lives Matter. Face au tollé que cette note avait provoqué, il avait rapidement fait machine arrière.

À la même époque, une vingtaine de haut-fonctionnaires africains ont publié une tribune pour dénoncer le racisme et appeler à une action concertée des Nations unies. « Un flop », regrette aujourd’hui un cadre onusien. Si la déclaration a gêné, c’est aussi parce que l’une de ses signataires, la Panaméenne Natalia Kanem, fait l’objet de vives critiques en interne.

Depuis le décès du Nigérian Babatunde Osotimehin, en 2017, elle dirige le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap). Plusieurs membres ou ex-membres de ce fonds évoquent, sous le couvert de l’anonymat, des cas de licenciements abusifs de ressortissants africains. Elle-même afrodescendante, Kanem a fait une partie de sa carrière sur le continent et a été défendue par les pays africains, qui ont soutenu sa candidature.

Au Conseil de sécurité de l’ONU.
Au Conseil de sécurité de l’ONU. © Mary Altaffer/AP/SIPA

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LA POLITIQUE DE TOLÉRANCE ZÉRO EST-ELLE VÉRITABLEMENT APPLIQUÉE ?

À la suite d’un audit réalisé en 2019 par un organe interne des Nations unies, le représentant du groupe africain avait alerté sur certaines dérives de management, lors d’une réunion du conseil d’administration du fonds. Il évoquait « des fraudes et des irrégularités financières », ainsi que des cas « de harcèlement au travail et d’abus d’autorité ». « Certains problèmes […] inquiètent grandement le groupe africain », ajoutait le diplomate. Une déclaration « très forte », selon un autre fonctionnaire du Fnuap, mais là encore restée sans suite. La directrice se serait défendue quant à elle de toute accusation de racisme devant le conseil d’administration.

La politique de tolérance zéro est-elle véritablement appliquée ? De nombreuses sources évoquent le souci de « ne pas faire de vagues », voire la crainte de représailles en cas de plainte auprès des différents organes de règlement des litiges (le Bureau de la déontologie, le Bureau de l’ombudsman et des médiations, le Bureau des services de contrôle interne…). En dernière instance, les cas peuvent être transmis au tribunal interne de l’ONU, mais les procédures sont complexes et souvent méconnues.

« Dans les cas de racisme, la jurisprudence demande des preuves exceptionnelles. Et, [dans ce type d’affaires], trouver des données objectives est très compliqué », explique un conseil africain de ce tribunal, qui assure en outre que les procédures disciplinaires tendent à être beaucoup plus sévères lorsque le fautif est un Noir. « Le système ne fonctionne pas et manque d’indépendance, poursuit-il. Le drame, c’est que les États africains sont incapables de jouer leur rôle et d’exprimer leur solidarité. »

La déclaration du 4 janvier est-elle le signe que les ambassadeurs africains, parfois critiqués pour leur inaction, entendent se saisir du problème ? Pour donner plus de poids à leur déclaration, les membres de leur groupe régional avaient décidé d’adresser le texte aux 193 États membres. Une vingtaine ont accepté de le cosigner. Parmi eux, aucun pays donateur.

António Guterres, candidat à un second mandat

Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres à Washington le 23 juin 2018.

Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres à Washington le 23 juin 2018. © Cliff Owen/AP/SIPA

Depuis le 11 janvier 2021, le neuvième secrétaire général de l’ONU brigue officiellement un second mandat. Avant de prendre ses fonctions, en 2017, António Guterres (71 ans aujourd’hui) a été Premier ministre du Portugal (1995-2002), puis Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR) de 2005 à 2015.

Pour son premier déplacement dans le cadre d’une opération de maintien de la paix, en octobre 2017, il avait choisi la Centrafrique. Réputé préférer les discussions à huis clos aux déclarations tonitruantes, le diplomate n’a – pour l’instant du moins – aucun adversaire déclaré.

« Le Conseil de sécurité apprécie les dirigeants qui ne le défient pas, ce qui est exactement le cas d’António Guterres, commente Louis Charbonneau, directeur chargé de l’ONU au sein de l’ONG Human Rights Watch. Sa stratégie a consisté à éviter toute confrontation avec les grandes puissances : États-Unis, Russie ou Chine. »

S’il est réélu, à la fin de 2021, décidera-t-il de placer la lutte contre le racisme au cœur de ses (nouvelles) priorités ?


 macron

[Chronique] Sénégal : des centaines de pélicans retrouvés morts dans le parc du Djoudj

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Par  Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Glez

Le parc ornithologique sénégalais de Djoudj a été fermé au public après la découverte de 750 pélicans morts.

À peine élucidé le mystère des 350 éléphants décédés, en 2020, dans la région botswanaise du delta de l’Okavango, voilà une autre hécatombe animale qui déroute les scientifiques africains. En ce premier mois de 2021, ce sont au moins 750 pélicans qui ont été retrouvés morts dans le parc national ornithologique de Djoudj, dans le nord du Sénégal. « 740 jeunes et dix adultes », précise un communiqué du ministère de l’Environnement.

Les oiseaux ont été découverts sans vie lors d’une patrouille, le 23 janvier, et les autorités sénégalaises ont annoncé, quatre jours plus tard, la « suspension de l’accès public » aux 16 000 hectares de cette troisième réserve ornithologique du monde, espace classé au patrimoine de l’Unesco.

Au-delà de la compassion « animaliste » – ce sont les pélicans d’Amérique qui étaient classés parmi les espèces menacées – , les Sénégalais s’interrogent sur la cause des décès, craignant la propagation d’un agent pathogène inconnu.

Autopsies

Si le parc des oiseaux du Djoudj est situé au nord de la ville Saint-Louis, c’est à l’ouest du Sénégal qu’un foyer de grippe aviaire a été découvert récemment. Début janvier, dans la région de Thiès les autorités ont signalé la présence du virus hautement pathogène H5N1. Dans une ferme d’élevage de volaille, cette nouvelle pandémie aurait décimé 58 000 oiseaux sur un total de 100 000 que comptait la structure. Les oiseaux restants ont été abattus pour tenter de contenir la contagion à d’autres volatiles ou même à l’espèce humaine, selon l’Organisation mondiale de la santé.

À la suite des premiers éléments d’une enquête scientifique, les autorités vétérinaires sénégalaises excluent pourtant un lien entre ce foyer sénégalais de grippe aviaire et l’hécatombe des pélicans de Djoudj. Bocar Thiam, directeur national des parcs nationaux, affirme que « la grippe aviaire ne touche que les oiseaux granivores », alors que les pélicans, uniques représentants de la famille des Pelecanidae, sont des piscivores.

Le ministère en charge des questions animales a ordonné des autopsies sur place et l’envoi de prélèvements au laboratoire national de Dakar. Les résultats devraient être disponibles en début de semaine prochaine. Les touristes « verts » friands du spectacle des trois millions d’oiseaux de 400 espèces différentes présents au parc du Djoudj devront prendre leur mal en patience.