Histoire

Sénégal: journée de commémoration virtuelle de la loi
sur la traite des Noirs et  l’esclavage

Capture d'écran du site de Mémoires et Partages
Capture d'écran du site de Mémoires et Partages http://memoiresetpartages.com/

Cela fait dix ans que l’Assemblée nationale sénégalaise a déclaré la traite des Noirs et de l’esclavage crimes contre l’humanité. Le Sénégal a été le premier pays du continent à le faire et reste le seul, à ce jour. En raison de la pandémie de Covid-19, l’association Mémoires et Partages, basée à Bordeaux, en France, et à Dakar, a organisé ce lundi 27 avril une journée de commémoration virtuelle, sur Facebook, pour ne pas oublier cette page d’histoire, avec des interventions d’intellectuels, militants et artistes.

 

Avec notre correspondante à Dakar, Charlotte Idrac

Il s'agit d'un devoir de mémoire, qui fait écho au 27 avril 1848, date du décret de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises à l’initiative de Victor Schoelcher.

Au Sénégal, la commémoration devait avoir lieu, ce lundi 27 avril, à la mairie de Dakar, mais dans le contexte de la pandémie c’est impossible.

Cependant, pour Karfa Sira Diallo, président de l’Association Mémoires et Partages, il faut continuer à sensibiliser, même s’il manque d’implication des autorités.

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« Le Sénégal a voté cette loi en 2010. C’était le 50e anniversaire de son indépendance. Ensuite, l’ancien président Abdoulaye Wade voulait faire passer son monument de la Renaissance africaine. Pour autant, l’Etat sénégalais est quasiment absent de cette commémoration. Macky Sall ne semble pas véritablement être intéressé par ces questions mémorielles. D’ailleurs, cette pandémie du Covid réveille, encore une fois, le souvenir d’une des conséquences de l’esclavage : la traite. On se rappelle tous les polémiques qu’il y a eu autour des tests qu’il faut faire sur les Africains. La question du racisme est une question qui est malheureusement permanente. Donc, plus que jamais, il nous faut célébrer ceux dont le sacrifice nous a permis d’être encore là et d’espérer des sociétés meilleures », a-t-il souligné.

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C’est l’occasion aussi de plaider pour que la traite des Noirs et l’esclavage soient déclarés crimes contre l’humanité dans les autres pays africains. En France, une journée du souvenir de l’esclavage et de son abolition est commémorée le 10 mai.

► À lire aussi:Sénégal: première journée nationale de commémoration de l’esclavage

 
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Indépendance: la voie particulière du Togo

Le futur président du Togo, Sylvanus Olympio lors de la déclaration d'indépendance du pays le 27 avril 1960.
Le futur président du Togo, Sylvanus Olympio lors de la déclaration d'indépendance du pays le 27 avril 1960. AFP

Ce 27 avril 1960, les Togolais commémorent les soixante ans de leur indépendance. Une indépendance qui a suivi, tout comme celle du Cameroun, un chemin différent de celui emprunté par le reste de l’Afrique francophone. Car le Togo a été un territoire sous tutelle des Nations unies, il s’est nourri de ce qui se vivait en Gold Coast britannique (l’actuel Ghana) et des milieux aisés ont rapidement su y porter des revendications nationalistes. Dès avril 1958, les Togolais prenaient ainsi l’option de l’émancipation.

Avec notre correspondant à Lomé, Peter Sassou Dogbé

« Je sais qu’ici, dans cette salle, tout en restant foncièrement togolais vous avez tous une âme française. » Le gouverneur Jean Noutary a la foi gaulliste chevillée au corps quand, ces 11 et 12 mai 1945, il s’adresse à un auditoire très majoritairement togolais. C’est lui qui a convoqué à Lomé cette commission et qui l’a chargée de se prononcer sur les recommandations de la conférence de Brazzaville. Il veut croire que son auditoire va réaffirmer son attachement à la France. Il va vite déchanter. Arrive ainsi la question de la nationalité. Les ressortissants du territoire seront-ils français ? Le chef Michel Dorkenoo du canton d’Aképé prend la « Nous sommes nés au Togo, nous sommes Togolais, nous ne demandons pas autre chose… » Un quadragénaire brille particulièrement pendant ces débats : Sylvanus Olympio.

L’existence de milieux aisés et éduqués, la proximité de la Gold Coast (l’actuel Ghana) qui donne à voir une autre forme de colonisation, le mandat de la SDN (Société des Nations) puis la tutelle de l’ONU ont fait du Togo un territoire dans lequel nait un nationalisme précoce.  « Déjà en janvier 1933, raconte l’historien Adovi Michel Goeh Akué, quand, à l’issue de la grande crise économique mondiale, la fiscalité a été augmentée, un groupe de jeunes leaders avec l’appui des femmes a mené un mouvement – une forme d’émeute contre la fiscalité. C’était déjà une pression pré-nationaliste qui se mettait en place. » Le CUT, Le Comité de l’Unité Togolaise, qui deviendra le fer de lance du mouvement pour l’indépendance est créé le 13 mars 1941. Il s’appuie sur une association mise en place trois ans plus tôt par l’administration coloniale… Elle était alors destinée à contrer les revendications allemandes.

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La bataille de l’Indépendance à l’ONU

Les femmes ont joué un rôle particulier dans ce mouvement indépendantiste. Notamment entre 1951 et 58, quand les nationalistes étaient dans l’opposition et qu’ils ont été combattus par le pouvoir colonial. « Elles ont été des éléments très efficaces de la diffusion des idées de leur parti, explique l’ancienne professeure d’histoire de l’université de Lomé, Ginette Ekué, aujourd’hui à la retraite. Elles ont utilisé tous les moyens à leur disposition : le porte-à-porte, les cris du marché où elles opéraient. Elles créeront des chansons dont le texte était bref pour marquer les esprits… chansons-programme politiques, chansons de ralliement, des chansons dont la variété était très grande… » Leur soutien est également financier : les femmes permettront à des étudiants actifs politiquement de compenser la perte de leurs bourses, elles aideront au paiement d’amendes de leaders politiques et permettront le départ de représentants nationalistes à New-York.

Car les indépendantistes disposent d’un allié de poids : l’ONU, et plus précisément son conseil de tutelle. Tout comme le Cameroun, le Togo bénéficie d’un statut à part au sein du système colonial français. D’abord colonie allemande, il a été partagé entre zones sous mandat anglais et français après la Première guerre mondiale. Puis placé sous un régime de tutelle par l’ONU à partir du 13 décembre 1946. Dans ce régime, le « Togo Oriental » a été confié à la France. Mais l’accord de tutelle fixe un cap, l’autorité chargée de l’administration devra favoriser l’évolution progressive des Togolais vers la capacité à s'administrer eux-mêmes ou l'indépendance. Cet accord établit également un droit de regard onusien sur l’administration du territoire : le conseil de tutelle devra veiller au bon respect des obligations de la France et l’Assemblée générale des Nations unies pourra être amenée à en débattre. Ces dispositions vont faire de l’ONU une tribune pour les nationalistes.

À écouter aussiL'indépendance du Togo il y a soixante ans: avec l'historien Adovi Michel Goeh Akué

Nationalistes contre « Zotonomie zinterne »

Cette tutelle est-elle encombrante pour Paris ? En 1955, en tout cas, l’Assemblée territoriale du Togo estime que le contrôle des Nations unies est « une lourde hypothèque pour le Togo » et « croit le moment venu de soulever auprès du gouvernement français d’abord et de l’Organisation des Nations unies ensuite, la question de la fin du régime de tutelle et de l’avenir du Togo ». La République autonome du Togo est proclamée le 30 août 1956. Mais les nationalistes ne se satisfont pas de cette autonomie. Ils raillent, dans leurs journaux, la « Zotonomie Zinterne ».

Le Conseil de tutelle lui-même reste sceptique. « Pour l'ONU, l’autonomie n’est pas l’indépendance et, le référendum n’ayant pas eu lieu sous ses auspices, le Conseil de tutelle ne peut se sentir lié par ses résultats », expliquent les historiens togolais qui décrivent cet épisode dans la série d’ouvrages de référence Histoire des Togolais Des origines aux années 1960 (publiée chez Karthala). Une mission de l’ONU sera donc renvoyée sur le terrain. Et par la suite, les Nations unies préconiseront l’organisation de législatives anticipées, sous leur contrôle.

L’élection a lieu le 27 avril 1958. Après des années de boycott de scrutins qui semblaient joués d’avance, les nationalistes togolais sont bien décidés à mener la bataille. « Tout était préparé par l’administration coloniale pour gagner ces élections, explique Adovi Michel Goeh Akué. Mais il faut dire que les syndicats ont joué un rôle important. Les leaders syndicaux se sont mis en grève générale, demandant une révision de la liste électorale, ce qui fut obtenu et donc la liste fut élargie. Contre toute attente, les nationalistes ont largement remporté le scrutin et on a fait appel au leader du parti nationaliste, Sylvanus Olympio pour former un gouvernement. » En votant pour les nationalistes au travers de l’alliance CUT-Juvento, les Togolais prennent dès ce 27 avril 1958 l’option de l’indépendance. Quelques mois, même, avant le « Non » historique de la Guinée à la Communauté française.

« Sentinelle que dis-tu de la nuit ? »  

L’indépendance est proclamée deux ans plus tard, jour pour jour, dans la nuit du 26 au 27 avril 1960. Passé minuit, les couleurs du Togo sont levées et Sylvanus Olympio s’adresse à la foule. Ses premiers mots sont d’inspiration biblique « Sentinelle, que dis-tu de la nuit ? La nuit est longue, mais le jour vient. » Des mots prononcés avec énergie. Détachés. Graves. Une génération en a été marquée. Dovi Kuevi était élève. Il a suivi ce discours depuis sa chambre, sur son poste : « La voix avec laquelle ces mots ont été prononcés m’a impressionné et continue de m’impressionner jusqu’à ce jour où j’approche de mes 80 ans... »

Olympio rappelle que le Togo a été protectorat allemand, condominium franco-britannique, territoire sous tutelle de la France et qu’il retrouve sa « liberté d’antan ». La voix prend de l’ampleur : « Dès ce moment et à jamais, affranchi de toute sujétion, de toute entrave, maître de son destin, maître de ton destin cher Togo, mon cher pays, te voilà libre enfin ! Au nom du peuple togolais, je proclame solennellement l’indépendance du Togo notre patrie ! »

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► À écouter aussi :l’assassinat de Sylvanus Olympio, mémoire d’un traumatisme

Un jeune garçon suit toute la scène. Il s’appelle Horatio, c’est le fils d’un des cadres du CUT, Paulin Freitas, le ministre d’Etat chargé de l’Intérieur, de l’Information et de la presse. Un homme de confiance d’Olympio. Horatio est assis aux côtés des officiels. 60 ans après, il se souvient encore : « Devant nous, la foule qui était là rassemblée et qui suivait ce discours était folle de joie. Après ce discours extraordinaire du président Olympio on est tous allés à la plage et pour la première fois on a assisté à un feu d’artifices. Je vous jure que ce feu d’artifices, tiré de la plage vers la mer… et la lumière dans la nuit profonde, c’était féérique. On était heureux, on s’est dit : le Togo est comme un grand pays européen ! »

Le pays sera dirigé par Sylvanus Olympio pendant les premières années de son indépendance, jusqu’à son assassinat le 13 janvier 1963 par des militaires en colère. Ces militaires ont-ils servi d’instruments à une manoeuvre françafricaine ? Se débarrasser d’Olympio devait-il permettre de stopper une trajectoire qui s’éloignait trop des intérêts français ? Beaucoup s’interrogent, certains comme l’historien Têtêvi Godwin Têté en sont convaincus. Les archives n’ont certainement pas encore tout dit. 

► À écouter aussi : Godwin Tété, historien, membre de l'Alliance Nationale pour le Changement (ANC)

► Retrouvez le dossier « Indépendances africaines: le Togo » sur RFI Savoirs

 
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Crises, immigrés et marché du travail : apprendre des erreurs du passé
pour ne pas les reproduire|The Conversation

Les crises économiques sont propices aux discours xénophobes et se traduisent par des attitudes hostiles à l’égard des minorités. Cela est d’autant plus vrai lorsque des crises sanitaires sont à l’origine des crises économiques. La peste noire au moyen âge (1348-1352) a déclenché une vague de persécutions effroyables à l’encontre des juifs européens, accusés d’être responsables de l’épidémie.

Le plus inquiétant, c’est que presque 600 ans plus tard, on en retrouve les traces. C’est ce que montre une étude de 2012 : les villes allemandes dans lesquelles les pogroms des années 1920 ont été les plus fréquents et les attaques ou destructions de synagogues lors de la nuit de cristal ont été les plus importants étaient justement celles où les pogroms avaient été le plus fréquent pendant l’épidémie de peste noire.

Gravure représentant des juifs brulés durant la peste noire en 1349. Wikimedia commons

Anthony Edo, CEPII and Camilo Umana Dajud, CEPII

Chaque crise génère de la xénophobie

D’autres exemples, plus récents, de défiance exacerbée envers des minorités ethniques se sont manifestés lors des épisodes de grippes aviaire et porcine. Quant à la pandémie du Covid-19, elle a déjà produit son lot de réactions xénophobes, en France comme un peu partout dans le monde. Celles-ci pourraient s’intensifier et mener à des mesures d’exclusion des étrangers du marché du travail si, comme l’ont montré les crises passées, la dégradation de la situation économique venait à s’amplifier.

À partir de la seconde moitié du XIXe siècle et jusqu’aux années 1970, la France a eu massivement recours à la main-d’œuvre immigrée. Le taux d’immigration y était même le plus élevé au monde à la fin des années 1920.

L’histoire d’un vieux pays d’immigration comme la France est donc riche d’enseignements lorsqu’il s’agit de penser les conséquences des grandes crises économiques sur la xénophobie, le sentiment anti-immigrés et les réponses politiques qu’elles ont suscitées.

La grande dépression de 1873 a été ainsi marquée par la multiplication d’incidents graves opposant ouvriers français et étrangers : des émeutes anti-belges des années 1890 à la tuerie d’Aigues-Mortes visant les immigrants italiens en 1893. https://www.youtube.com/embed/8fQS7ibcecs?wmode=transparent&start=0 Salines Rouges : le massacre d’Aigues-Mortes (Palais de la Porte Dorée, 2018).

La montée du chômage consécutive à la crise de 1929 favorise, là encore, l’essor de discours antisémites et anti-immigrés, comme l’illustre l’affaire Stavisky en 1934. La crise économique des années 1970, qui fait suite au premier choc pétrolier, conduira, elle aussi, à une augmentation des violences physiques, notamment à l’encontre des immigrés originaires d’Afrique du Nord.

Une étude économique récente a analysé les effets de la crise de 2008 sur le sentiment anti-immigrés en Europe pour mieux préciser les ressorts de cette défiance.

En s’appuyant sur des données régionales de plus de 20 États européens, cette étude montre que la hausse du taux de chômage provoquée par la crise économique de 2008 a conduit à davantage de défiance envers la population immigrée en raison de ses conséquences économiques présumées défavorables.

Ce résultat est cohérent avec les études historiques précédentes qui mentionnent de nombreux propos publics affirmant que les immigrés menaceraient l’emploi des non-immigrés.

« Retours forcés »

Au cours des crises des années 1880, 1930 et 1970, le parlement français, considérant que les étrangers sont à l’origine des difficultés de recrutement des nationaux, va à chaque fois légiférer pour réduire leur accès au marché du travail.

Loi relative au séjour des étrangers en France et à la protection du travail national, 8 août 1893. Wikimedia

À la suite des deux premières grandes crises, l’accès aux professions libérales (avocats, dentistes ou médecins) et indépendantes (artisans et commerçants), ainsi qu’aux emplois publics (qui restent encore aujourd’hui dans leur grande majorité interdite aux étrangers non communautaires), est interdit ou restreint. Pour renforcer sa politique de protection de la main-d’œuvre nationale, le gouvernement organise aussi dans les années 1930 le rapatriement de plus de 450 000 travailleurs étrangers.

En 1977, le gouvernement envisage, là encore, le départ d’un nombre important d’immigrés pour résorber la progression du chômage. Cette volonté politique se traduit par la mise en place de mesures de retours volontaires assorties d’une prime.

Mais, l’échec de cette politique conduira le gouvernement à décider en 1978 une politique de « retours forcés », afin de réduire la population étrangère d’au moins 100 000 personnes par an pendant cinq ans. Face aux difficultés de sa mise en œuvre, la France abandonnera ce projet en décembre 1979.

L’effet négligeable des immigrés sur le chômage

L’aggravation du chômage en période de crise peut donc conduire à des politiques publiques visant à restreindre l’accès de la main-d’œuvre étrangère au marché du travail. Leur logique repose sur une vision malthusienne qui présuppose un volume d’emplois fixe.

Or, il n’en est rien, comme nous l’avions montré dans des travaux récents : les immigrés ne sont pas seulement des travailleurs, ils consomment et entreprennent, ce qui stimule l’activité économique et la création d’emplois. Par conséquent, la plupart des travaux empiriques sur les effets de l’immigration sur les salaires et le taux de chômage montrent qu’ils sont en moyenne négligeables.

Qu’en est-il des politiques de retour ? Celles-ci permettent-elles de favoriser l’emploi des nationaux ?

Deux études récentes, menées aux États-Unis, fournissent des éléments de réponse à ces questions. La première étudie les effets de la suppression du programme « Bracero » qui prévoyait l’envoi chaque année, entre 1942 et 1964, d’un contingent de travailleurs saisonniers mexicains à destination des exploitations agricoles américaines pour une durée maximale de six mois.

La remise en cause de cet accord bilatéral avec le Mexique, débutée sous l’administration Kennedy, reposait sur la conviction que les travailleurs mexicains exerçaient une pression à la baisse sur les salaires des nationaux.

Sa suspension aurait donc dû inciter les entreprises concernées à élever leurs rémunérations pour attirer la main-d’œuvre nationale. Les résultats de l’étude montrent qu’il n’en est rien : les salaires versés dans le secteur agricole n’ont pas été affectés par cette politique migratoire car la mécanisation, dès 1965, du processus de récolte a pallié la pénurie de main-d’œuvre.

Des travailleurs mexicains attendent un permis pour pouvoir se rendre aux États-Unis dans le cadre du programme « Bracero », en 1954. Los Angeles Times/Wikimedia

La seconde étude exploite le rapatriement de plus de 400 000 résidents américains d’origine mexicaine entre 1929 et 1934. La dépression économique des années 1930 avait conduit les autorités américaines à expulser des milliers de travailleurs d’origine mexicaine (dont environ 30 % pourtant nés aux États-Unis) afin de redynamiser l’emploi. Toutefois, les résultats de l’étude montrent que cette politique d’expulsion n’a eu aucun effet sur l’emploi des nationaux entre 1930 et 1940.

Certaines estimations indiquent même que les régions dans lesquelles le rapatriement a été le plus intense sont aussi celles où le taux d’emploi des nationaux a le plus diminué. Selon les auteurs, l’expulsion de milliers de résidents d’origine mexicaine, parmi lesquels des entrepreneurs, aurait déprimé l’économie locale et la demande de travail vis-à-vis des nationaux.

Effets contre-productifs

Ces deux études montrent qu’il est nécessaire de prendre en considération trois points fondamentaux lorsqu’il s’agit de penser les effets des politiques de retour sur les conditions d’emploi des nationaux :

  • Premièrement, les immigrés ne font pas qu’accroître la concurrence sur le marché du travail, ils contribuent aussi au dynamisme des économies par leurs effets sur l’activité entrepreneuriale et la consommation.
  • Deuxièmement, les travailleurs étrangers rapatriés et les chômeurs nationaux ne sont pas nécessairement substituables dans le processus de production du fait de leurs différences de qualifications et de compétences. Ainsi, le retour de travailleurs étrangers dans leur pays d’origine ne se traduit pas mécaniquement par leur remplacement par des nationaux et en conséquence par la baisse du chômage.
  • Troisièmement, le rapatriement de travailleurs étrangers peut, au moins à court terme, déstructurer l’appareil productif et avoir des effets contre-productifs pour les économies.

Les périodes de crise sont propices aux poussées xénophobes et au sentiment anti-immigrés, ce qui peut conduire les décideurs publics à cibler les travailleurs immigrés dans l’espoir de rétablir rapidement l’économie.

Toutefois, les études disponibles montrent qu’enrayer la montée du chômage en temps de crise par des mesures de restrictions d’accès au marché du travail et des politiques de retour de la main-d’œuvre étrangère est inefficace. Durant les périodes de crise, ce sont bien les politiques macroéconomiques de stabilisation de l’activité et de relance qui sont primordiales pour endiguer la progression du chômage.

Anthony Edo, Economiste, CEPII and Camilo Umana Dajud, Économiste, CEPII

This article is republished from The Conversation under a Creative Commons license. Read the original article.

 
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Guinée: il y a 60 ans, un complot fondateur

Le président guinéen Ahmed Sékou Touré, ici en novembre 1959 à Londres.
Le président guinéen Ahmed Sékou Touré, ici en novembre 1959 à Londres. PLANET NEWS LTD / AFP

Il y a 60 ans éclataient au grand jour, en Guinée, les premiers détails d’un complot visant le régime du président Sékou Touré. Ce « complot des armes » a été un moment fondateur pour la gouvernance de Sékou Touré. Un moment d’histoire à redécouvrir, à l’occasion du confinement, dans une grande enquête historique à (re)lire sur RFI Savoirs.

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Ce 19 avril 1960, Sékou Touré s’exprime devant les cadres du PDG, le Parti démocratique de Guinée. Il dénonce des activités de subversion « encouragées par l’étranger ». Dans une conférence de presse organisée les jours suivants, il décrit l’installation de camps et de dépôts de munitions aux frontières du Sénégal, du Soudan (l’actuel Mali) et de la Côte d’Ivoire.

Au fil des jours, les éléments deviennent plus précis : des caisses d’armes et de munitions ont été trouvées dans le Fouta Djalon, dans les localités de Mali et de Youkounkoun. Des personnes sont arrêtées à Conakry et condamnées sans que leur lien avec ce complot soit démontré au public.

L’affaire rebondit au Sénégal, où les autorités découvrent des caches d’armes destinées à l’opposition guinéenne. En remontant le fil de cette affaire, elles retrouvent la trace d’officiers français du 11e Choc, le bras armé des services français, qui ont encadré toute l’opération avant de disparaître.

Ces découvertes sont pour le moins embarrassantes au moment où les liens de Paris avec l’Afrique francophone sont en train de se reconfigurer dans le cadre de la « Communauté française ». Dans une lettre confidentielle envoyée le 13 mai à Charles de Gaulle, le président du conseil sénégalais Mamadou Dia interpelle le dirigeant français sur une affaire qui met en jeu « certains des fondements moraux sur lesquels nous avons voulu bâtir notre Communauté rénovée » et appelle à « une épuration de certains éléments militaires anciens stationnés à Dakar ».

« Les Gouvernements sénégalais, soudanais et malien (La fédération du Mali, qui regroupe à l’époque Sénégal et Soudan français, ndlr), précise-t-il, feront tout ce qui est en leur pouvoir pour que les entreprises de ces irresponsables n’altèrent en rien le succès de notre construction nouvelle ».

L’opération, qui a porté le nom de code de « Persil », impliquait en fait des personnalités aux plus hauts niveaux des autorités françaises. Notamment Jacques Foccart. Le puissant conseiller Afrique de De Gaulle a reconnu être lié à ce complot dans le livre d’entretiens qui rassemble ses mémoires. 

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CLIQUEZ SUR L'IMAGE POUR ACCÉDER AU DOSSIER SUR RFI SAVOIRS. Collection privée de «Matraque»

Le dossier RFI-Savoirs est à lire ici aussi

 
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