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Côte d’Ivoire : Société générale lance sa banque privée,
2 500 millionnaires ciblés

| Par - à Abidjan

La Société générale dispose désormais d'une agence de banque privée à Abidjan, dont le cœur de cible porte sur les 2 500 millionnaires du pays, disposant d'avoirs et actifs de plus de 300 millions de francs CFA.

Le groupe bancaire français Société générale (Socgen) a ouvert jeudi 20 juin, à Abidjan, une agence de sa banque privée pour compléter son offre dans le pays. Un terrain concurrentiel, où opèrent déjà la Banque d’Abidjan (BDA), filiale du groupe Banque de Dakar, et Standard Chartered. La nouvelle entité, qui n’est pas une filiale, a été créée en partenariat avec la banque privée de la Socgen à Paris.

« Nous sommes la première banque privée à s’installer en Côte d’Ivoire avec l’ensemble des services et produits mis à la disposition de la clientèle fortunée afin de répondre à ses besoins », a confié à Jeune Afrique Franck Bonin, le directeur du développement du groupe basé au siège parisien, qui a fait le déplacement à Abidjan pour l’occasion. « Nous n’avons aucune crainte quant au développement de cette activité. Nous avons décidé de lancer ce projet après avoir identifié des besoins du marché sur ce segment », a-t-il précisé dans la capitale économique ivoirienne, accompagné d’une partie de l’état-major du groupe, avec à sa tête le président Lorenzo Bini Smaghi et Alexandre Maymat, le directeur général Afrique.

La banque sera sous la supervision opérationnelle de la filiale ivoirienne de la Socgen, dirigée par Aymeric Villebrun, qui dépend de la direction Afrique de l’Ouest, sous contrôle de Georges Wega.

Saham ou Allianz en partenaires ?

En Côte d’Ivoire, la Socgen banque privée proposera une palette de services allant du diagnostic patrimonial, à la gestion sous mandat du patrimoine, en passant par l’assurance vie, les plans d’épargne et la gestion de succession. Des facilités de rapatriement des fonds de la diaspora ou même ceux des fortunés locaux sont également envisagées.

« Nous prévoyons des conseils en investissement pour les clients », a expliqué l’Ivoirien Serge Emmanuel Konan, le directeur de la banque privée. Des partenariats sont prévus avec des groupes d’assurance comme Saham ou Allianz.



Les millionnaires ciblés

Le cœur de cible porte sur les clients disposant d’avoirs et des actifs de plus de 300 millions de francs CFA (457 000 euros). La Socgen prévoit également de lever des fonds pour une certaine catégorie de clients, à hauteur de 300 millions F CFA, pour les aider à sécuriser ce portefeuille.

Société générale banque privée Côte d’Ivoire vise les millionnaires ivoiriens en croissance permanente, dont le nombre est estimé à 2 500 en 2018. Un chiffre qui pourrait doubler au cours des cinq prochaines années, dans la perspective de la consolidation d’une croissance économique soutenue.

L’objectif de la Société générale banque privée en Côte d’Ivoire est de doubler ou tripler la capacité à gérer plus d’actifs financiers d’ici à cinq ans, voire dix. Mais Socgen n’exclut pas s’ouvrir un modèle similaire à Dakar, au Sénégal, l’une de ses fortes présences en Afrique.

L’ouverture de cette agence s’inscrit dans un contexte d’abandon de l’activité banque privée du suisse UBS et du britannique HSBC au Nigeria, grand pays qui concentre beaucoup de fortunés d’Afrique de l’Ouest, n’inquiète pas la Socgen.

Liaison ferroviaire Abidjan-Ouaga : Bolloré hésite à signer

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Quentin Gérard, directeur général de Sitarail, filiale du groupe Bolloré qui exploite le chemin de fer entre Abidjan et Ouagadougou, attend beaucoup du prochain sommet consacré au Traité d’amitié et de coopération ivoiro-burkinabè, qui se tiendra en juillet à Bobo-Dioulasso.

Les autorités des deux pays ont prévu de répondre à ses doléances concernant la mise en œuvre de la Convention de concession révisée (CCR) de la ligne.

En avril, le dirigeant a fait part de ses inquiétudes et tenté d’obtenir davantage de garanties, alors que son entreprise doit débourser 400 millions d’euros d’investissement pour réhabiliter la voie ferrée. Quelque 852 km de voies doivent être intégralement changés. La signature du contrat, déjà validé par les deux États, avait dû être reportée.

Dans un document, Quentin Gérard pointe notamment la concurrence du projet ferroviaire Ouaga-Accra (le Burkina et le Ghana sont en train de sélectionner l’entreprise pour les travaux) comme mettant en péril l’équilibre financier de la concession.

 Sitarail

Sitarail est une filiale du Groupe Bolloré qui en détient 67 %, la Côte d'Ivoire et le Burkina
en sont également actionnaires (15 % chacun). © DR

« Pas de renégociation » pour le gouvernement burkinabè

Si Bolloré veut faire évoluer le contrat, cela ne peut se faire qu’au niveau technique, réagit pour sa part le ministre burkinabè des Transports, Vincent Dabilgou. Selon lui, la liaison ferroviaire avec le Ghana n’est pas une nouveauté et est même reconnue par la Cedeao comme un projet intégrateur.

Si le transport du manganèse en provenance du gisement de Tambao (l’un des plus importants au monde) ne constitue pas une condition de la viabilité de la ligne, il ne peut toutefois être garanti à Bolloré.


>>> À LIRE – Liaison ferroviaire Abidjan-Ouaga : Bolloré s’inquiète de la rentabilité du projet


C’est au groupe français qu’il incombera de s’entendre avec le futur repreneur de la mine – auparavant propriété de la société Pan African Minerals de Frank Timis –, qui n’est pas encore connu. Pour les autorités burkinabè, le contrat de concession ne saurait être renégocié en profondeur, et l’on se prépare déjà à l’éventualité de devoir trouver un autre partenaire.

Côte d'Ivoire: l'opposition boycotte la fin du dialogue sur la réforme de la CEI

Des membres de la CEI comptent les votes dans un bureau électoral d'Abobo près d'Abidjan en 2018 (image d'illustration).
© SIA KAMBOU / AFP

Les discussions autour de la Commission électorale indépendante touchent à leur fin. Mercredi 19 juin, le gouvernement rencontrait une dernière fois les partis d’opposition et la société civile pour les conclusions sur l’avenir de la CEI. L’organe électoral, considéré comme déséquilibré à la faveur du pouvoir, devrait faire l’objet d’une réforme. Mais après cinq mois de pourparlers, les partis d’opposition ne sont pas satisfaits et ont même boudé la réunion du jour.

Après dix réunions entre le gouvernement, les partis d’opposition et la société civile, cette séance plénière marque la fin des échanges engagés en janvier 2019. Le gouvernement doit maintenant plancher sur les conclusions avant d’émettre des propositions aux différents acteurs du processus.

Partage des sièges, la pierre d'achoppement

Pour sa part, le Premier ministre se félicite de ce dialogue, qui avait débuté dans un contexte politique de tension entre le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) au pouvoir et son ex-allié du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Mais si les différentes parties prenantes se rejoignent sur certains points, la pierre d’achoppement reste sur le partage des sièges au sein de la Commission électorale indépendante (CEI).

« C’est le poids relatif des différents acteurs à l’intérieur de la CEI qui fait l’objet de divergence, explique le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Les partis politiques considérant pour certains que c’est une affaire qui est d’abord politique et qu’ils doivent être représentés en majorité ; et la société civile qui considère qu’elle doit être en majorité pour tempérer les contradictions qui peuvent apparaître ».

Le chef du gouvernement annonce une mise en place de la nouvelle CEI d’ici la fin du mois pour préparer la présidentielle de 2020. Pourtant, les désaccords sont encore nombreux. Le PDCI, la plateforme Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS), le parti Liberté et démocratie pour la République (Lider) et d’autres partis d’opposition ont boycotté la réunion.

Passage en force de l'exécutif

Dans un communiqué commun, ils dénoncent un passage en force de l’exécutif, qui, d’après eux, veut imposer une simple recomposition de la Commission, au lieu d’une véritable refonte de celle-ci.

Mali: les populations du centre du pays face aux attaques à répétition

Le village de Sobane, dans le centre du Mali, le 11 juin 2019: des images de destruction et de désolation.
© REUTERS/Malick Konate

Le centre du Mali endeuillé par les attaques à répétition. Lundi, au moins 38 personnes ont été tuées dans deux localités ciblées par des hommes armés, non loin du Burkina Faso. Une attaque qui n’a toujours pas été revendiquée. Ailleurs, dans le centre du pays, d'autres attaques ont été signalées mercredi et ce jeudi 20 juin, notamment sur les axes routiers. Un contexte qui pèse sur le quotidien des habitants.

Ce contexte de violences dans la région alimente les craintes des populations, notamment à Bandiagara, ville située à 1h30 de route de Sévaré où un imam et des habitants ont fui ces derniers jours.

C'est la rumeur d'une attaque ciblée contre une communauté qui les aurait fait fuir, et même si un démenti a été apporté, la crainte d'une attaque est restée alimentée par les incidents à répétition qui ont lieu dans la zone ces derniers temps.

La ville se vide...

« Depuis trois jours, la ville est en train de se vider, témoigne un habitant qui préfère garder l'anonymat. Des familles entières sont parties. Tout le monde a peur, que ça soit des Dogons, Peuls ou autres ethnies vivant à Bandiagara. Personne ne se sent en sécurité. Nous n’avons plus d’espoir. »

Pas d'espoir en l'absence de sécurité. Les seules patrouilles dont parlent les habitants sont celles de la milice dogon « Dan Nan Ambassagou ». Les forces armées maliennes (Fama) et la force des Nations unies (Minusma) ne jouent pas leur rôle, explique cet autre habitant : « La Minusma, non seulement voit les groupes armés, mais souvent elle les dépasse et ne leur dit rien. En cas d’attaque, ils n’interviennent pas. C’est vraiment l’inactivité totale. Quant aux Fama, là aussi, quand il y a des attaques, on voit leur convoi passer, trop tard. Souvent, c’est juste le lendemain qu’ils viennent ».

En vain, les habitants de Bandiagara ont plaidé pour l'installation d'un camp de l'armée malienne chez eux. Attendre à chaque fois des renforts de Sévaré à 65 km n'est plus possible, répètent-ils aujourd'hui.

Carence de l’État

L’Association malienne des droits de l'homme (AMDH) interpelle les autorités et leur demande d'agir vite. Le président de l'AMDH, maître Moctar Mariko dénonce l'absence de l'État dans la zone et l'impunité des auteurs de ces attaques qui favorise le cycle de violence : « Chacun s’est armé pour se protéger. Les milices sont en train de suppléer la carence de l’État. En ce sens, je veux parler de l’absence des administrations maliennes, l’absence des forces de sécurité du Mali dans cette zone pour protéger les populations. Et c’est un laisser-aller total ».

Moctar Mariko pointe aussi les problèmes d'amalgame ou d'impunité. « À chaque fois qu’il y a une violence quelque part, quand il y a une communauté, on a aussi tendance à les instrumentaliser les uns contre les autres. Il y a un amalgame et une confusion totale au centre du Mali. Et les gens ont aussi ce sentiment de frustration parce que pour toutes ces violences, il n’y a jamais eu de poursuites. Et comme il n’y a pas d’ouverture sérieuse d’enquête, les gens se sont dit : il faut mieux s’armer et se défendre parce qu’on ne sait pas quand la justice viendra à notre secours. »

Enrayer le cycle de violence

Afin de lutter efficacement contre cette situation, maître Moctar Mariko suggère à la fois de renforcer l'armée malienne, consolider le dialogue intercommunautaire et appliquer la justice pour permettre le retour de la paix.

« L’armée malienne doit monter en puissance, dit-il. Mais le problème au Mali, c’est que nous sommes un territoire très vaste. Et l’État n’a pas les moyens de faire déployer l’armée malienne sur toute cette zone. Donc, il faudrait équiper l’armée malienne et cela doit passer par la coopération soit avec Barkhane, soit avec la Minusma pour aider l’État du Mali à sécuriser les populations au Centre. Il y a deux choses à faire, c’est passer par la sensibilisation et inviter toutes les communautés au dialogue. »

Pour le président de l'AMDH, il est également urgent de faire appliquer la loi et de rendre justice : « Tous ces phénomènes, toute cette barbarie, ces tueries, c’est parce qu’au départ, l’État du Mali a été très laxiste. Il n’y a jamais eu de véritables poursuites. Donc dans ces conditions, nous sommes en train, au Mali, de faire la promotion de l’impunité. Je pense aussi que le dialogue peut résoudre ce problème, mais tout cela passe d’abord par la justice. Il faudrait que les gens comprennent que chaque acte qui va contre les lois, règlements et contre les conventions internationales signées par le Mali doit être poursuivi ».

Procès du putsch manqué au Burkina Faso:
le temps des plaidoiries

Le général Gilbert Diendéré au premier plan (g.) à côté de l'ancien ministre des Affaires étrangère Djibrill Bassolé. Ils sont les principaux accusés dans le procès du putsch manqué de septembre 2015.
© AHMED OUOBA / AFP

Retour au tribunal militaire de Ouagadougou pour les accusés dans le cadre du procès du coup d’État manqué de septembre 2015. Suspendues à la suite d'un mouvement d’humeur des avocats burkinabè, les plaidoiries ont repris mardi 11 juin, après seize mois de procès. Les 84 accusés doivent répondre des faits d’attentat à la sureté de l’État, coups et blessures, meurtres, entre autres chefs.

« Vous avez rendez-vous avec l'histoire du Burkina Faso ! », a lancé au tribunal Me Souleymane Ouédraogo, l’un des avocats des victimes dès le début des plaidoiries.

« Sévérité » à l'égard des accusés qui auraient nié...

Outre le général Gilbert Diendéré, présenté comme le principal cerveau du coup d’État, les avocats des parties civiles souhaitent que soient également reconnus coupables des faits d’attentat à la sûreté de l’État onze sous-officiers, ceux qui ont joué un rôle dans la préparation, l’arrestation et la séquestration des autorités de la transition. Maître Prosper Farama demande au tribunal d’être sévère à l’égard des accusés qui auraient nié tous les faits. « En appliquant avec la plus grande sévérité la loi à ceux des accusés qui seraient reconnus coupables et qui n'auraient démontré aucun sentiment de repenti. Et en étant aussi du mieux possible clément à l'égard de ceux qui auront exprimé une certaine reconnaissance des faits et un repenti. »

Maitre Olivier Yelkouni, l’un des avocats du général Gilbert Diendéré, attend surtout que le droit soit dit au vu des faits exposés devant le tribunal et non sur la base des repentances. « La loi ne prévoit pas de repentances, la loi prévoit que s'il y a une preuve de l'infraction, prononcez la culpabilité. S'il n'y a pas de preuve, ne prononcez pas la culpabilité. Si vous doutez, ne prononcez pas la culpabilité. »

L'armée « doit être républicaine »

Dans une salle d’audience où le public n’était pas au rendez-vous, maître Ouedraogo Souleymane a souligné que « la décision du tribunal doit permettre à l’armée burkinabè de savoir qu’elle doit être républicaine ».

Le 16 septembre 2015, des soldats de l’ex-régiment de sécurité présidentielle (RSP) interrompaient le Conseil des ministres et mettaient en place un Conseil national pour la démocratie, dirigée par le général Gilbert Diendéré, ex-chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré. Suite aux manifestations et l’opposition d’une partie de l’armée, le coup d’État échoue mais plusieurs personnes sont tuées ou blessées.