Le Mali et le Burkina face à la Cedeao : prise de bec et bruits de bottes

Les régimes malien et burkinabè considéreraient une intervention militaire internationale, au Niger,
comme « une déclaration de guerre » contre leurs pays.
Mais quels moyens auraient-ils pour un double-front sécuritaire ?

Mis à jour le 1 août 2023 à 15:05
 
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Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

 

 

 

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© Damien Glez

 

Les esprits s’échauffent et les langues s’enflamment. Évoquant, dimanche, le putsch nigérien, les dirigeants de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) n’excluaient pas un « recours à la force ». Le lendemain, un communiqué conjoint des juntes malienne et burkinabè stipulait, en stéréo, que « toute intervention militaire contre le Niger (…) s’assimilerait à une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali ». Flagrante, la surenchère verbale pose la double question de la radicalité inédite de la Cedeao et des moyens opérationnels des régimes solidaires du général Abdourahamane Tiani.

Dominos

Sur différents canaux d’analyse, plusieurs hypothèses tentent d’expliquer que la Cedeao, désormais, bande à ce point les muscles. Primo, théorisée jadis par les États-Unis, la « théorie des dominos » deviendrait palpable, alors que le nombre desdits dominos commencerait à constituer une part notable des membres de la communauté. Secundo, le frais émoulu président Bola Tinubu jouerait sa crédibilité personnelle, lui le nouvel élu d’un pays qui fut bien à la tête d’un bras armé de la Cedeao.

Tertio, pour les influenceurs du panafricanisme 2.0, la position de la Cedeao serait influencée par des puissances occidentales pour qui le Niger représente le bord de la falaise de leurs implantations militaires et économiques en Afrique de l’Ouest…

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Ces analyses laissent apparaître la position malo-burkinabè comme une légitime réponse du berger à la bergère. Mais si le colonel Goïta décrivait, à Saint-Pétersbourg, un Mali solide, sur le plan militaire, en reconquête progressive de « sa pleine souveraineté sur l’ensemble de son territoire », le capitaine Traoré reconnaissait, le 22 juillet, que la puissance de l’ennemi terroriste avait « beaucoup augmenté » et que la saison des pluies perturbait la mobilité de l’armée sur le front.

Promesses virilistes

Les voisins sahéliens pourraient-ils donc être au four de la reconquête territoriale et au moulin de la résistance anti-Cedeao ? Quels moyens humains, financiers et techniques pourraient-ils être mobilisés pour un double-front contre, d’une part, les jihadistes et, d’autre part, des forces présumées afro-occidentales ?

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Diabolisée, la France se ferait-elle Tartuffe, en démentant les supputations d’une éventuelle intervention militaire au Niger, suite à la rumeur d’une autorisation présumée des fidèles de Bazoum à conduire des frappes sur le palais présidentiel ? Dans l’autre camp, il n’est pas certain que la Russie – officielle ou wagnérienne – soit tentée par un front sahélien, en sus du front ukrainien.

Côté afro-africain, les menaces de recours à la force de la Cedeao et la prise de position malo-burkinabè à l’égard d’une éventuelle « guerre » ne seraient-elles donc qu’une guerre… des nerfs ? Attention à ce que l’un ou l’autre des deux camps ne soit pas pris au piège de ses propres promesses virilistes…