Assimi Goïta et Ibrahim Traoré affichent leur proximité avec Vladimir Poutine au sommet Russie-Afrique

Plusieurs présidents africains assistent au sommet Russie-Afrique, qui s’ouvre ce 27 juillet à Saint-Pétersbourg. Parmi eux, les chefs des juntes malienne et burkinabè, pourtant peu enclins à quitter leur pays.

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Ibrahim Traoré, à l’aéroport de Ouagadougou, s’apprêtant à s’envoler pour Saint-Pétersbourg, le 25 juillet 2023. © Présidence du Faso

Ses déplacements à l’étranger sont assez rares pour être soulignés. Le 25 juillet, le capitaine Ibrahim Traoré, président de la transition burkinabè, en treillis, ganté et armé, foule le tapis rouge de l’aéroport de Ouagadougou avant de s’envoler pour Saint-Pétersbourg, où va s’ouvrir la deuxième édition du Sommet Russie-Afrique (27-28 juillet).

Après le sommet réussi de Sotchi, en 2019, et un an et demi après le début de la guerre en Ukraine, ce grand raout est un test diplomatique et économique pour Vladimir Poutine. Parmi les chefs d’État qui ont répondu présent, Ibrahim Traoré, donc, mais aussi son aîné malien, le colonel Assimi Goïta.

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Déplacements exceptionnels

Depuis son coup d’État, le 2 octobre 2022, Traoré n’a franchi qu’une seule fois les frontières burkinabè : le 2 novembre de la même année, pour une « visite d’amitié et de travail » à Bamako, marquant le début d’un rapprochement entre le Mali et le Burkina Faso. Au palais de Koulouba, Assimi Goïta et son hôte avaient évoqué la coopération militaire et sécuritaire bilatérale, ainsi que leurs relations avec la Russie.

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De son côté, le président de la transition malienne n’est guère enclin à voyager : depuis son deuxième coup d’État, en mai 2021, il n’a pas quitté son pays. Après avoir fait de la Russie son nouvel allié et protecteur, Assimi Goïta se devait de participer à ce sommet de Saint-Pétersbourg, au cours duquel Vladimir Poutine va compter ses partenaires africains. Les deux hommes ne se sont jamais rencontrés, mais ils ont eu deux échanges téléphoniques, en août 2022 et en juin 2023.

Wagner au Mali, mais pas au Burkina

Régulièrement en contact avec Ibrahim Traoré, le chef de la junte malienne œuvre depuis plusieurs mois à un rapprochement entre Moscou et Ouagadougou. En décembre 2022, les autorités maliennes avaient ainsi facilité le discret voyage en Russie d’Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla, le Premier ministre burkinabè. Un avion de l’armée de l’air malienne était venu le chercher à Ouagadougou pour l’amener à Bamako, d’où il avait rallié Moscou.

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Lors de ce voyage, la possibilité d’un déploiement des mercenaires du groupe Wagner au Burkina Faso ainsi que l’acquisition de matériel militaire avaient été évoquées. Si Goïta n’a pas hésité à faire venir des hommes de Prigojine, cela n’a, jusqu’à présent, pas été le cas de Traoré.

Un souverainiste sous pression

« Wagner ne peut pas entrer dans le schéma de la coopération avec la Russie, estimait Zéphirin Diabré, ex-chef de file de l’opposition burkinabè, à la fin de 2022. La seule option valable pour endiguer le terrorisme, c’est l’engagement des Burkinabè. » Une orientation pleinement assumée par Ibrahim Traoré, qui joue à fond la carte souverainiste depuis son arrivée au pouvoir, en privilégiant la reconquête du territoire national par les seules forces burkinabè. « Le combat pour l’indépendance totale a commencé », avait-il déclaré dans son discours à la nation, en décembre 2022.

Sous la pression des attaques jihadistes, qui se multiplient et endeuillent le pays, le chef de la transition burkinabè, en quête de soutiens, assume s’être rapproché de la Russie, qui, en mars, lui a fourni des armes et des hélicoptères d’attaque. Toujours à la recherche de financements pour mener sa guerre contre le terrorisme, Ouagadougou parle aujourd’hui d’une « coopération voulue et affirmée » avec Moscou.

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Forte délégation malienne

Soucieux de trouver « des solutions pour la sécurité et le développement du Burkina Faso […] dans un nouveau partenariat mutuellement bénéfique avec la Russie », Ibrahim Traoré serait donc en quête de nouveaux accords économiques et militaires à Saint-Pétersbourg. Le risque de déstabilisation de son régime étant réel et dans tous les esprits, son voyage en Russie n’a été annoncé qu’au tout dernier moment.

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Assimi Goïta, lui, avait prévu de se rendre à Saint-Pétersbourg il y a longtemps, et a confirmé sa venue dès le mois de février. Pour le chef de la junte malienne, l’enjeu est double : montrer qu’il est un chef d’État respectable — alors que beaucoup le suspectent de vouloir se présenter à la présidentielle, censée se tenir en 2024 –, et poursuivre la coopération économique et militaire avec la Russie.

À ses côtés, une délégation de 80 personnes, dont plusieurs ministres : Abdoulaye Diop (Affaires étrangères), Sadio Camara (Défense) et Alhousseini Sanou (Économie). « Nous nous attendons à ce que plusieurs accords soient signés. La Russie est le partenaire le plus stratégique du Mali », a déclaré un porte-parole de l’ambassade malienne à Moscou à l’agence de presse russe Tass, le 18 juillet.

« Transactions secrètes »

Outre les accords militaires en cours, des livraisons de blé à prix réduits ont déjà été signalées au Mali, Moscou étant à la recherche de débouchés depuis sa rupture avec les marchés européens. Pour Thierry Vircoulon, chercheur à l’Institut français des relations internationales (Ifri), d’autres « transactions secrètes », qui permettraient à la Russie de contourner les sanctions internationales, pourraient être au cœur des discussions à Saint-Pétersbourg.

Comme l’a indiqué, en mai, le département d’État américain, le Mali est par ailleurs soupçonné de fournir aux Russes des armes et des munitions, officiellement acquises pour sa propre armée. Elles auraient « vocation à être utilisées en Ukraine », selon les autorités américaines.