Vers un glissement du calendrier électoral au Burkina Faso ?

Alors que la Cedeao tient le 9 juillet un sommet consacré aux transitions en cours au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, les doutes sont de plus en plus forts sur le respect du calendrier électoral par les autorités burkinabè, censées organiser des élections présidentielle et législatives d’ici juillet 2024.

Par Jeune Afrique
Mis à jour le 7 juillet 2023 à 08:08
 

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La Commission électorale nationale indépendante (Ceni), à Ouagadougou, au Burkian Faso, en mars 2019. © AFP.

 

Le 9 juillet, à Bissau, se tiendra un nouveau sommet des chefs d’État de la Commnauté économiques des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Une fois de plus, il y sera largement question de la transition au Burkina Faso, en particulier du respect du calendrier électoral fixé avec l’organisation régionale, lequel prévoit la tenue d’élections présidentielle et législatives au plus tard le 1er juillet 2024.

Pour tenir ce calendrier établi avec le régime de transition du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, puis validé par celui du capitaine Ibrahim Traoré après son arrivée au pouvoir, en octobre 2022, un Comité technique d’élaboration du chronogramme actualisé de la transition a été mis sur pied par les autorités burkinabè. Le 26 janvier, celui-ci a remis son rapport au Premier ministre, Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla.

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Ce dernier confirme la durée de 24 mois pour la transition, à partir du 1er juillet 2022, et liste des réformes politiques et institutionnelles à opérer. Parmi elles, la révision de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) afin de la mettre « en phase avec la Charte de la transition », l’éventualité de l’adoption d’une nouvelle Constitution par référendum, ou encore la question du financement du processus électoral – en tout, plus de 60 milliards de francs CFA (92 millions d’euros) doivent être mobilisés pour l’organisation des élections, dont 61,15 % sur le budget de l’État.

« Nous sommes en retard »

Si l’on se fie à ce chronogramme de transition, le gouvernement aurait dû lancer depuis le 15 mars des initiatives pour avancer sur ces différents chantiers. « Mais nous sommes largement en retard », explique un juriste et ex-membre de la Ceni, qui évoque un « glissement probable » du calendrier électoral au premier trimestre 2025.

Wilfried Bako, député à l’Assemblée législative de transition (ALT) et membre du Comité technique d’élaboration du chronogramme actualisé de la transition, n’est pas de cet avis. « Nous ne sommes pas si en retard que cela. Le calendrier est encore tenable, notamment parce qu’il existe des procédures d’urgences en matière électorale », assure-t-il.

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D’après lui, deux options ont été proposées au gouvernement : des élections avec ou sans référendum constitutionnel. Si le Premier ministre a commencé à plaider pour l’adoption d’une nouvelle Constitution, rien n’a encore été officiellement acté en ce sens.

Une autre question essentielle demeure : le régime de transition dirigé par Ibrahim Traoré veut-il réellement des élections ? Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla l’a répété à maintes reprises ces derniers mois : « Nous ne pouvons pas organiser des élections sans sécurité. »

L’argument sécuritaire

Cette ligne est désormais reprise par les bruyants soutiens d’« IB » – le surnom donné à Ibrahim Traoré –, lesquels s’appuient sur des indicateurs comme le taux de reconquête du territoire national, le taux de réinstallation des personnes déplacées internes (PDI) ou encore le taux de présence des services de l’État.

Pour certains observateurs, la crise sécuritaire fait figure d’argument massue pour justifier un retard dans le calendrier électoral. À cet enjeu sécuritaire s’ajoute la saison hivernale, dont l’impact sur les opérations électorales n’est plus à démontrer au Burkina Faso.

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Pour ses opposants, le gouvernement joue sur ces contraintes pour ne pas démarrer le processus électoral. « Ils peuvent dire ce qu’ils veulent, mais la Ceni est prête pour organiser des élections », explique l’un d’eux. « Le Burkina Faso doit avoir un comportement responsable vis-à-vis de la Cedeao. Quand on a un accord, on le respecte. Et si l’on ne peut pas le respecter, on le notifie », assène le professeur Abdoulaye Soma, constitutionnaliste réputé et député à l’ALT.

Depuis quelques semaines, les autorités de transition burkinabè multiplient les gestes pour montrer leur bonne foi à la Cedeao : consultations sur les réformes politiques dans les différentes provinces du pays, projets de révision du Code électoral et du cadre juridique des partis politiques… Suffisant pour bénéficier encore de la mansuétude des chefs d’État de la Cedeao le 9 juillet prochain ?