En Côte d’Ivoire, les dessous d’une hausse inédite des prix de l’électricité

Les prix de l’électricité vont augmenter à partir du 1er juillet pour une partie des Ivoiriens. Une décision du gouvernement qui intervient après un accord historique avec le FMI.

Mis à jour le 20 juin 2023 à 18:54
 
 

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Le bâtiment de la compagnie ivoirienne d’électricité, à Abidjan. © Nabil Zorkot/ Jaguar

 

Au sein du gouvernement ivoirien, les discussions ont été âpres. Il a finalement été décidé d’augmenter de 9,6 % les tarifs de l’électricité pour une catégorie de consommateurs afin de « sauver un secteur dont l’équilibre financier devient de plus en plus précaire », a indiqué Mamadou Sangafowa Coulibaly, le ministre des Mines, du Pétrole et de l’Énergie, le 8 juin, à Abidjan.

Cette mesure, qui entrera en vigueur à partir du 1er juillet prochain, concerne les consommateurs qui ont une puissance de plus de 15 ampères, les professionnels des lignes à haute tension et les industriels. Selon le gouvernement, cela devrait concerner 13 % des utilisateurs, soit environ 400 000 abonnés sur un total de plus de 3 millions.

Prêt du FMI contre baisse des subventions

Mais le gouvernement se refuse à employer les termes de hausse ou d’augmentation et parle « d’ajustement tarifaire ». Une décision qui coïncide avec l’entrée en application des engagements du gouvernement après son accord avec le Fonds monétaire international (FMI).

Pour rappel, le programme avec le FMI prévoit le décaissement de 3,5 milliards de dollars sur quarante mois pour soutenir l’économie ivoirienne. Après l’octroi d’une première tranche de 495,4 millions de dollars en mai dernier, l’institution de Bretton Woods s’est voulue claire : les prochaines tranches seront conditionnées par une avancée notable de l’exécution des engagements contenus dans l’accord, qui prévoit notamment une baisse des subventions de l’État destinées au secteur de l’électricité.

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Du côté du gouvernement, on affirme que cette augmentation n’est pas liée à l’accord avec le FMI. « Le coût moyen de revient d’un kilowattheure (kWh) est de 89 francs CFA, tandis que le prix moyen de vente s’établit à 73 francs CFA, ce qui fait un différentiel de 16 francs CFA par kWh, a argumenté Mamadou Sangafowa Coulibaly. Pour la seule année 2023, la perte d’exploitation est estimée à 161 milliards de francs CFA. » Selon le ministre, la pandémie de Covid-19 et la crise en Ukraine ont accentué le déficit financier. Et l’écart entre les ressources générées par le secteur et les besoins de financement s’amplifiait.

Pour rappel, à date et depuis 2011, l’État accorde une subvention de 63 milliards de francs CFA (90 millions d’euros) à la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE), qui a le monopole de la distribution et de la commercialisation de l’électricité dans le pays.

Vers un accroissement des investissements

Selon le gouvernement, les fonds qui seront dégagés devraient permettre l’amélioration de la qualité du service et un accroissement des investissements. Par exemple, la Côte d’Ivoire ambitionne de réduire le nombre d’heures de coupure de courant. Elles étaient estimées à seize heures et vingt-deux minutes en 2020 et sont montées à vingt-huit heures l’an dernier.

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Mais face aux craintes d’une inflation généralisée provoquée par cette augmentation, l’État ivoirien a entamé des négociations avec les industriels et essaie de faire preuve de pédagogie. « Il est certes vrai que cet ajustement touche une frange marginale des consommateurs, mais cela concerne ceux qui produisent en grande partie la richesse. Pour survivre, une hausse des prix des produits manufacturés n’est pas à exclure », explique un membre d’une association d’industriels, qui a requis l’anonymat. La consommation par habitant est d’environ 302 kWh contre une moyenne africaine de 572 kWh en 2019.

Selon la direction générale de l’énergie du ministère concerné, en 2019, la consommation d’électricité était partagée entre les ménages (36,6 %), les services (30,6 %), les industries minières et manufacturières (28,2 %) et le secteur de l’agriculture, ainsi que d’autres secteurs non spécifiés (4,6 %).

4 000 mégawatts en 2030 ?

La croissance de la demande en électricité a baissé, non sans conséquence pour les ambitions de la Côte d’Ivoire en matière de capacité de production. Elle est en effet passée de 10 % en 2012, à 7,1 % au cours de ces dernières années, selon Mamadou Sangafowa Coulibaly.

Et l’objectif de porter le parc énergétique d’environ 1 600 mégawatts en 2011 à 4 000 mégawatts à l’horizon 2020 est un lointain souvenir. En 2023, la capacité de production installée est de plus de 2 400 mégawatts pour une consommation aux heures de pointe qui dépasse 1 900 mégawatts. La nouvelle ambition du pays est désormais d’atteindre 4 000 mégawatts en 2030.

Cette augmentation des tarifs de l’électricité n’est pas une première en Côte d’Ivoire. En 2016, déjà, l’État avait ajusté les tarifs dans le cadre d’un programme avec le FMI.