Côte d’Ivoire : Fidèle Sarassoro, l’homme de confiance du président

Directeur de cabinet du président Alassane Ouattara depuis cinq ans, Fidèle Sarassoro est une pièce centrale du dispositif présidentiel. Ce technocrate à la longue carrière onusienne, élu député en 2021 dans le nord du pays, est maintenant cité comme un potentiel successeur au chef de l’État.

Par  - à Abidjan
Mis à jour le 2 juin 2022 à 14:55

 

Fidèle Sarassoro, directeur de cabinet du président Alassane Ouattara, le 16 février 2022. © LUDOVIC MARIN/AFP

 

Dans le mécanisme présidentiel ivoirien, il est un rouage central et essentiel. On le sait influent, il est aussi connu pour sa discrétion et son flegme. « Il n’a rien d’exubérant », résume un observateur politique. Fidèle Sarassoro, 62 ans, occupe depuis janvier 2017 le poste de directeur de cabinet d’Alassane Ouattara après avoir été pendant près de deux ans son conseiller spécial et chef de cabinet chargé de l’agenda présidentiel. « À ce degré de responsabilité, la discrétion est un critère important, voire une grande qualité », note un proche.

Lui le technocrate, l’homme de dossiers élevé au rang de ministre qui, dans une première vie a occupé de hautes fonctions à l’ONU, a aussi récemment endossé les habits d’élu de terrain, poussé dans ce sens par plusieurs cadres du nord du RHDP, le parti présidentiel, et encouragé par le chef de l’État. Chez lui, dans la région du Poro, à la frontière avec le Burkina Faso, il a été très confortablement élu député de la circonscription de Sinématiali lors des législatives de mars 2021, avec un score sans appel : plus de 99% des suffrages exprimés.

Une victoire facilitée par le retrait à son profit du député RHDP sortant, Souleymane Dogoni. « Avant d’être député, il faisait déjà beaucoup pour sa région natale. Il le fait désormais de manière officielle », estime une personnalité du Poro. Doyen des cadres de la région, son père, Hyacinthe Sarassoro, est une figure politique et intellectuelle majeure de Côte d’Ivoire, membre-fondateur du RDR et professeur de droit reconnu, qu’Alassane Ouattara avait nommé conseiller au Conseil constitutionnel en 2011, pour une durée de six ans.

« Une confiance absolue »

À cette époque, Fidèle Sarassoro est en mission en RDC, où il a été nommé représentant spécial adjoint des Nations unies. Alassane Ouattara a suivi la carrière de ce brillant étudiant, titulaire d’un doctorat en économie d’une université américaine et d’une licence en sciences économiques obtenue à Abidjan, qui avant la RDC était en poste en Éthiopie et au Togo comme coordonnateur résident de l’ONU et représentant de son programme de développement, le PNUD. « Déjà, à l’époque de la RDC, les deux hommes étaient en contact. Alassane Ouattara avait conscience de son très haut niveau de compétences, de la valeur de son expérience à l’ONU sur des terrains compliqués. Il appréciait son profil de pur technocrate, apolitique », explique une source.

Le chef de l’État lui propose de le rejoindre. Il lui confie la supervision de l’Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réintégration (ADDR) des ex-combattants de la crise politico-militaire. Une mission risquée : en juillet 2013, il réchappe à une attaque à main armée visant son convoi, entre les villes de Ferkessédougou et de Kong, pendant laquelle un des gendarmes de sa garde sera tué. Sa mission, achevée en 2015, sera globalement saluée. Cependant, la persistance de la circulation de milliers d’armes dans le pays, acquises du temps de la rébellion, et la découverte de plusieurs caches les années suivantes viendront ternir ce bilan.  « Il a accompli un travail remarquable, estime malgré tout un proche du chef de l’État. C’est quelqu’un de très apprécié. La confiance que lui accorde Alassane Ouattara est absolue. »

Cette confiance lui vaut de cumuler sa fonction de directeur de cabinet avec celle de secrétaire exécutif du Conseil national de sécurité (CNS). Pendant la crise sanitaire, c’est à Fidèle Sarassoro qu’Alassane Ouattara confie l’exécution de son plan de riposte après s’être agacé de lenteurs dans différents ministères. Ces derniers auront ordre de transférer tous les contrats et commandes liés au Covid-19 au CNS. En étroite collaboration avec le ministre de la Défense et frère du président Téné Birahima Ouattara, Fidèle Sarassoro s’attèle aussi à la gestion du dossier sensible de la lutte contre le terrorisme.

Sur le terrain

Fin février, le néo-député a rejoint le directoire du RHDP, en septième position dans l’ordre protocolaire, lui qui jusque-là n’apparaissait nulle part dans l’organigramme du parti présidentiel. Il lui arrive d’échanger quelques balles de tennis avec le secrétaire exécutif de la formation, Adama Bictogo. Son nom avait un temps circulé pour occuper la vice-présidence. Alassane Ouattara a finalement choisi d’y placer Tiémoko Meyliet Koné, dont le profil n’est pas sans rappeler celui de Fidèle Sarassoro. Comme lui, il est originaire du Nord sénoufo (Ferkessédougou), jouit d’une solide formation d’économiste, présente un profil de technocrate et une réputation d’homme discret. Seule différence notable : les dix années qui les séparent. Tiémoko Meyliet Koné a 72 ans. Depuis le décès de l’ancien Premier ministre Amadou Gon Coulibaly en juillet 2020, originaire de Korhogo, le président ne cache pas son désir de faire émerger de nouvelles personnalités politiques issues du septentrion.

Depuis son élection, Fidèle Sarassoro multiplie les déplacements dans sa circonscription et affiche ses ambitions pour Sinématiali, qu’il promet à ses habitants de développer pour en faire « un centre de développement agricole, un centre culturel, un centre de formation et surtout un centre numérique ». Fin mai, il a parrainé l’un des événements culturels les plus importants de la région voisine du Tchologo. Après trois mois passés dans les bois sacrés, les jeunes hommes des villages retrouvent leurs foyers. La fin d’un parcours initiatique ancestral qui donne lieu à deux journées de festivités, en présence d’autorités locales et nationales. L’occasion, pour le parrain de cette édition 2022, d’une plaidoirie en faveur de la préservation et la promotion de la culture. « L’initiation nous apprend entre autres la discipline, l’honnêteté, la rigueur, les valeurs du travail bien fait, l’humilité et la solidarité », a-t-il lancé aux jeunes « initiés », comme un écho à son propre parcours.

Si son nom revient comme celui d’un potentiel successeur à Alassane Ouattara, à trois ans d’un nouveau scrutin présidentiel, rien n’est fait. « Ce que l’on peut dire pour le moment, c’est que c’est un cadre dynamique du Nord. L’avenir nous le dira », tempère un haut cadre. « Évidemment, le fait qu’il devienne député n’est pas anecdotique. Cela veut dire quelque chose. Mais quoi, et surtout quand ? », s’interroge un autre. Avant de faire remarquer : « la politique s’apprend en la pratiquant. Regardez Alassane Ouattara. »