Togo, Côte d’Ivoire, Burkina Faso : ce que le changement climatique va coûter
aux travailleurs africains

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Mis à jour le 22 juillet 2021 à 09h52
Culture d’oignons au Sénégal.
Culture d'oignons au Sénégal. © Rose Skelton pour TAR

Agriculteurs, ouvriers, maçons… Selon un rapport de l’Organisation mondiale du travail (OMT), les fortes chaleurs exacerbées par le changement climatique coûteront cher aux « cols bleus » africains.

49,6°C à Marrakech à la mi-juillet, selon les estimations de la direction générale de la météorologie. Après le Canada et les États-Unis, c’est au tour de l’Afrique du Nord de subir une vague de chaleur sans précédent.

Dans les villes marocaines, le mercure pourrait dépasser les 50 degrés, « une première pour le pays », indique l’organisme rattaché au ministère marocain de l’Équipement, du Transport, de l’Infrastructure et de l’Eau. Cela représente un écart de cinq à douze degrés par rapport à la normale saisonnière.

Si ces vagues de chaleur sont pour l’heure exceptionnelles, elles risquent de se normaliser dans les années à venir, aggravant les conditions de vie et de travail. En témoigne l’étude Working on a warmer planet (Travailler sur une planète plus chaude) réalisée par l’Organisation mondiale du travail (OMT). Cette étude prend en compte quatre secteurs clés : l’agriculture, l’industrie, la construction et les services.

Une zone « particulièrement vulnérable »

En raison de son exposition géographique, « l’Afrique est la région la plus vulnérable au stress thermique », indique le rapport. Cette accumulation de chaleur dans l’organisme empêche le travailleur de maintenir une température corporelle normale et l’expose, entre autres, à de graves problèmes physiques et sanitaires.

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SI RIEN N’EST FAIT, LA MIGRATION VERS DES ENDROITS PLUS FROIDS SERA LA SEULE SOLUTION

Concrètement, lorsque les températures avoisinent les 33-34°C, « un travailleur opérant à une intensité de travail modérée perd 50 % de sa capacité de travail », indique le rapport de l’organisme onusien. En effet, l’exposition à la chaleur provoque des insolations, qui peuvent dans certains cas, conduire au décès.

Les emplois extérieurs et physiques tels que l’agriculture et la construction sont particulièrement touchés par ce phénomène. Bien qu’à l’intérieur, le secteur industriel est également confronté à la chaleur, lorsque les installations dans les usines ne permettent pas une évolution contrôlée des températures.

Dans la majorité des cas, les travailleurs concernés ne sont pas couverts par des assurances maladie. De fait, ils n’ont pas les moyens d’aller se faire soigner ou d’obtenir un arrêt de travail.

Si rien n’est fait dans les années à venir pour contrer ce phénomène, la chaleur aura un impact sur la santé de quatre milliards de travailleurs dans le monde. « La migration vers des endroits plus froids sera la seule solution », alerte l’Organisation mondiale pour les migrations (OMM).

7 % d’heures de travail perdues en 2030

Sur le continent, l’Afrique de l’Ouest est la région la plus touchée par le stress thermique. Selon l’OMT d’ici 2030, le pourcentage d’heures de travail perdues par an atteindra des niveaux proches de 5 %, contre 3 % en 1995.

Le pays le plus touché d’Afrique de l’Ouest sera le Togo avec une estimation de 7,2 % d’heures de travail perdues par an en 2030, contre 4 % en 1995. Dans ce pays, en 2030, les secteurs de l’agriculture et de la construction subiront chacun une perte annuelle de 11 % d’heures travaillées. Les pertes dans l’industrie seront de 5 % et celles dans les services de 0,9 % indique l’OMT.

Parmi les autres économies africaines où ces pertes seront les plus élevées, on retrouve le Burkina Faso (7,1 %), le Niger (6,8 %), la Sierra Leone (6,7 %), le Bénin (6,8 %) et la Côte d’Ivoire (6 %). Le Sénégal, quant à lui, perdra 3,4 % d’heures de travail en 2030 et la République démocratique du Congo 2,7 %.

Plus concrètement, en 1995, la perte de productivité annuelle due à la chaleur équivalait à trois millions d’emplois à temps plein. En 2030, c’est près de 14 millions d’emplois qui seront perdus, dont neuf millions dans la seule Afrique de l’Ouest, 2,2 millions en Afrique centrale et 1,6 million pour l’Afrique de l’Est.

Recul du PIB

La baisse du nombre d’heures travaillées va entraîner un recul du PIB. En 2030, huit des dix pays exposés au plus fort impact sur le PIB se situeront en Afrique de l’Ouest.

Selon un scénario dans lequel le réchauffement climatique serait de 1,5 degré celsius d’ici à 2030, le Burkina Faso perdrait 9 % de son PIB, le Togo 8,5 %, la Côte d’Ivoire 7 %, le Soudan et le Tchad 5 % selon les données de l’OMT.

En 1995, les pertes étaient de 0,9 % du PIB à  l’échelle du continent (280 millions de dollars). Elles seront de 1,8 % en 2030 (2,4 milliards de dollars).

Pour rappel, selon le ministère burkinabè de l’Agriculture, le secteur agricole représente 35 % du PIB et emploie 82 % de la population active du Burkina Faso, contre une moyenne de 16 % du PIB et 53 % de la population active en Afrique subsaharienne (d’après les données de la Banque mondiale).

Dialogue social

Du fait de la poussée démographique, l’organisation mondiale du travail (OMT) prévoit une hausse du nombre de travailleurs sur le continent dans les prochaines années.  Ainsi, en 2030, le secteur agricole – qui représentait 89 % du nombre total d’heures perdues en 1995 sur le continent – rassemblera 47,7 % des 610 millions de travailleurs en Afrique.

Or, le secteur agricole reste extrêmement « vulnérable » selon l’OMT. « Les employeurs et les travailleurs devraient discuter ensemble de l’aménagement des horaires de travail, en plus de l’adoption d’autres mesures de sécurité et de santé au travail », précise le rapport de l’organisme onusien selon lequel « le dialogue social est un outil pertinent pour améliorer les conditions de travail sur une planète qui se réchauffe ».