[Analyse] Togo : du PIB « rebasé » au PND réajusté

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Par  Fiacre Vidjingninou

Vue de la ville de Lomé, au Togo.

Vue de la ville de Lomé, au Togo. © Jacques Torregano pour JA

Le 22 septembre dernier, le Togo annonçait le rebasage de son PIB, lequel a bondi du même coup de plus de 36,5 %. Une opération qui permet au pays d’adapter son plan de développement à la réalité économique et sociale, et d’accroître ses capacités d’endettement.

Avec à peine plus de 3 100 cas déclarés, dont 65 décès au 8 décembre, soit 4 cas pour 100 000 habitants, le Togo a été jusqu’à présent relativement épargné par la pandémie de Covid-19. Un miracle qui ne s’est pas produit sur le plan économique. Le gouvernement togolais a dû revoir le taux de croissance de son PIB à la baisse pour l’année 2020, à « seulement » 0,7 %, voire 0 % selon les projections publiées par le FMI en octobre. Pas si mal, certes, au regard de la récession qui frappe la plupart des économies du continent et de la planète. Mais les prévisions du Plan national de développement (PND) 2018-2022 en sont totalement bouleversées.

Aussi, à deux ans de l’échéance de ce document stratégique destiné à transformer structurellement l’économie togolaise pour « une croissance forte, durable, résiliente, inclusive, créatrice d’emplois décents pour tous, etc. », ses rédacteurs vont devoir déployer de nouveaux trésors de modélisation.

Moins de dépendance

Ce plan de développement rédigé, notamment, avec l’expertise du socialiste français Dominique Strauss-Khan, s’articulait autour de trois axes majeurs : faire du Togo une plateforme logistique et un hub financier d’excellence ; développer des pôles de transformation agricole, manufacturiers et d’industries extractives ; consolider le développement social et l’inclusion.

Sous l’effet de la pandémie de Covid-19, l’équilibre entre ces trois volets est évidemment rompu, le gouvernement étant contraint de procéder à une réallocation des ressources, en particulier en faveur du troisième axe relatif au social. Une opération qui contribuera sans doute à renchérir la faramineuse enveloppe de 4 622 milliards de F CFA (plus de 7 milliards d’euros) prévus pour financer le PND.

D’ores et déjà, dans un contexte de récession économique mondiale et d’incertitudes pour les entreprises, la stratégie de mobilisation de ces ressources, initialement basée sur l’appui du secteur privé national, à hauteur de 65 %, et la contribution d’investisseurs étrangers, à hauteur de 35 %, sera inévitablement revue. Comme l’a reconnu Sani Yaya, le ministre de l’Économie et des Finances, dès le 25 août, lors de la revue de la performance des réformes, c’est tout le modèle économique du pays qu’il faut repenser pour le rendre moins dépendant de l’extérieur et plus résilient face aux chocs exogènes.

Nouvelle feuille de route 2020-2025

On attend donc du processus de révision du PND une nouvelle feuille de route 2020-2025. Si les trois axes stratégiques initiaux demeurent, ils devraient être complétés par de nouvelles priorités : il va s’agir d’améliorer, d’une part, l’efficacité de l’action publique à travers la modernisation et la digitalisation de l’administration et de l’économie, d’autre part, la productivité des acteurs privés et, enfin, d’assurer une meilleure résilience des systèmes sanitaires, éducatifs et sociaux pour faire face aux crises futures.

Pour soutenir la croissance, les économistes qui travaillent sur le projet prévoient des investissements cumulés de 2 800 milliards à 3 400 milliards de F CFA sur les cinq prochaines années, ce qui, selon le meilleur scénario, devrait porter le taux de croissance à 7,8 % en 2025, alors que le PND initial tablait sur l’atteinte d’un taux de croissance de 7,6 % dès 2022.

Opération de réévaluation

Malgré la pandémie de Covid-19 et ses conséquences économiques et sociales, le Togo ne réduit pas ses ambitions, il augmente juste quelque peu la longueur du chemin pour parvenir à ses fins. L’opération de rebasage réalisée en septembre dernier afin de mettre à jour le système de calcul des comptes nationaux a sans nul doute contribué à garder l’optimisme du pays intact.

Grâce à cette réévaluation, pour 2019, le PIB du Togo a été revu à la hausse de 36,5 % et le taux d’endettement réajusté à 51,9 %, le pays retrouve donc des marges de manœuvre pour accroître les investissements publics et mener des actions à fort impact social, lesquelles devraient, on l’espère, aider les acteurs économiques privés à faire face au coronavirus et à ses conséquences.