Tchad-Israël : les dessous du rapprochement entre Idriss Déby Itno et Benyamin Netanyahou

 | Par Jeune Afrique
Mis à jour le 11 septembre 2020 à 17h58
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et le président tchadien Idriss Déby Itno, au palais présidentiel, à N'Djamena, en janvier 2019.

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et le président tchadien Idriss Déby Itno,
au palais présidentiel, à N'Djamena, en janvier 2019. © BRAHIM ADJI/AFP

Depuis deux ans, Idriss Déby Itno et Benyamin Netanyahou s’attèlent à renforcer les relations entre le Tchad et Israël. Enquête exclusive sur ce rapprochement diplomatique et sécuritaire.

Côté tchadien, un homme est à la manœuvre : l’un des fils du président, Abdelkerim Idriss Déby. C’est lui qui a rencontré le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou le 8 septembre à Jérusalem pour évoquer la poursuite du rapprochement diplomatique entre leurs deux pays.

Formé à l’école française de N’Djamena et à l’académie militaire américaine de West Point, le fils de la première épouse d’Idriss Déby Itno, Hadja Halimé, a été directeur de la coopération militaire au ministère des Affaires étrangères. Il travaille sur le dossier israélien depuis mi-2018.

Selon nos informations, Idriss Déby Itno l’avait alors désigné pour accompagner l’homme d’affaires franco-israélien Philippe Hababou Solomon dans l’État hébreu, afin de remettre une lettre au Premier ministre, Benyamin Netanyahou. Le président tchadien, qui venait de rétablir les relations diplomatiques de son pays avec le Qatar, y exprimait son souhait de se rapprocher de Tel Aviv.

Le fils du président et le chef du Mossad

Dore Gold, l’ancien ambassadeur d’Israël à l’ONU, a joué également un rôle actif en ce sens. Fin novembre 2018, le chef de l’État tchadien s’est rendu en Israël pour rencontrer Netanyahou. Il était accompagné de son conseiller à la sécurité, Djiddi Saleh, ex-directeur général de l’Agence nationale de sécurité (ANS) et de son fils.

Depuis, les clés du dossier sont entre les mains d’Abdelkerim Idriss Déby. Désormais directeur de cabinet adjoint du président et président du conseil d’administration de l’Agence nationale des investissements et des exportations, il négocie avec Meir Ben-Shabbat, le chef du Conseil de sécurité nationale, et avec Yossi Cohen, directeur du Mossad et patron officieux de la diplomatie du Premier ministre.

Selon nos sources, ce sont ces deux hommes qui ont la confiance de Netanyahou sur ce dossier. Issu du parti Bleu-Blanc de Benny Gantz, ministre de la Défense et premier rival politique de « Bibi », le ministre des Affaires étrangères, Gabi Ashkenazi, est quant à lui laissé à l’écart.

Rééquiper le service de renseignement

Netanyahou, qui a effectué une visite à N’Djamena en janvier 2019, s’active pour obtenir du Tchad, pays musulman traditionnellement favorable à la cause palestinienne, qu’il ouvre une ambassade à Jérusalem, ce qui constituerait pour lui une victoire politique importante. Le sujet a d’ailleurs été évoqué le 8 septembre entre le Premier ministre et le fils d’Idriss Déby Itno, bien que la diplomatie tchadienne démente cette information.

Côté tchadien, les enjeux de cette visite étaient surtout sécuritaires. Ahmed Kogri, patron de l’ANS, était présent au côté d’Abdelkerim Idriss Déby et a pu échanger avec Yossi Cohen. Alors que son armée est équipée de blindés israéliens RAM MK3 depuis près de quinze ans, N’Djamena espère avant tout renouveler les équipements de son service de renseignement, lequel bénéficie de la technologie israélienne depuis le milieu des années 2000.

Plusieurs entreprises de l’État hébreu sont sur les rangs, notamment Verint, dirigée par l’ancien officier de l’armée israélienne Dan Bodner, et NSO, fondé par Shalev Hulio. Déjà présentes dans nombre de pays africains, ces sociétés sont spécialisées, notamment, dans les systèmes d’écoute et de surveillance électronique.

Tel Aviv ne compte en revanche pas se positionner sur le dossier de l’exploitation minière du Tibesti, très coûteuse en infrastructures. Selon nos sources, IDI, qui a reçu des offres d’investisseurs qataris par l’intermédiaire d’Hababou Solomon et d’Alexandre Benalla, l’ancien chargé de mission du cabinet d’Emmanuel Macron, espère séduire une « major » minière à même de financer le lancement de l’exploitation.