Pourquoi Laurent Gbagbo n’a pas obtenu son passeport 

| Par Jeune Afrique
Mis à jour le 31 juillet 2020 à 16h40
Laurent Gbagbo à La Haye, en janvier 2019.

Si la demande de passeport ordinaire et de laissez-passer déposée le 28 juillet par Laurent Gbagbo à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Bruxelles est officiellement en cours de traitement, la procédure pourrait s’éterniser. Voici pourquoi.

Selon nos informations, Alassane Ouattara (“ADO”) est toujours réticent à voir Laurent Gbagbo rentrer à Abidjan avant l’élection présidentielle prévue le 31 octobre – au moins, pas avant la fin de la procédure devant la Cour pénale internationale (CPI) -, bien que son Premier ministre défunt Amadou Gon Coulibaly l’avait encouragé à favoriser ce retour. S’il ne prendra aucune décision officielle, ADO entend gagner le plus de temps possible.

Discussions informelles

Ces derniers mois, des discussions informelles ont été ouvertes par le biais de plusieurs intermédiaires, notamment proches du président nigérien Mahamadou Issoufou. Toujours selon nos informations, Alassane Ouattara se serait dit prêt à gracier Laurent Gbagbo – condamné en janvier 2018 à 20 ans de prison en Côte d’Ivoire, dans l’affaire dite du « braquage de la BCEAO », la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest -, en échange de sa neutralité politique. Le chef de l’État ivoirien redoute notamment qu’il concrétise son alliance avec son opposant Henri Konan Bédié, le candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Il estime également que son retour fait peser un risque de déstabilisation.

Mais Gbagbo entretient toujours le doute sur ses intentions. Alors que la branche du Front populaire ivoirien (FPI) qu’il dirige devrait en faire son candidat, l’intéressé ne s’est toujours pas positionné officiellement. S’il a confié à des proches qu’il entendait tout faire pour l’être, plusieurs sources estiment qu’il s’agit plus d’un moyen de pression pour contraindre le pouvoir à négocier, qu’une réelle volonté de retour aux affaires.

Retrait de la liste électorale

Désireux de rentrer dans son pays, Gbagbo avait chargé ses avocats d’entamer des démarches afin d’obtenir un nouveau passeport dès l’assouplissement des conditions de sa liberté conditionnelle, effective le 28 mai. Une requête avait été déposée par le greffe de la Cour pénale internationale (CPI) le 10 juin. Si elle a bien été réceptionnée par les autorités ivoiriennes, celles-ci n’y ont, pour le moment, pas répondu. Face à ce mutisme, une demande de passeport diplomatique a alors été faite mi-juillet à Abidjan auprès du ministère des Affaires étrangères par Michel Gbagbo, le fils de l’ancien président.

Fin juillet, Laurent Gbagbo s’est personnellement déplacé à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Bruxelles, au grand étonnement du personnel et de l’ambassadeur Abou Dosso, qui ne l’a pas reçu dans son bureau mais dans le hall de la chancellerie.

Et le 31, Me Habiba Touré, l’avocate de Laurent Gbagbo, a dénoncé dans un communiqué le fait que ce dernier s’est vu « retirer le droit de vote ». « Le président Laurent Gbagbo a vu son nom tout simplement retiré de la liste électorale provisoire remise aux partis politiques par la CEI (Commission électorale indépendante) », a-t-elle écrit.

L’ex-chef de l’État avait en effet été condamné dans l’affaire dite du « braquage de la BCEAO » à 20 ans de prison pour, entre autres, « vol en réunion par effraction ». Selon l’article 4 du nouveau Code électoral, « ne sont pas électeurs les individus frappés d’incapacité ou d’indignité notamment […] les individus condamnés à une peine d’emprisonnement sans sursis pour vol, escroquerie, abus de confiance […] ».