[Édito] Au Burkina, l’éloge de l’entre-deux

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Damien Glez est dessinateur-éditorialiste franco-burkinabè

Damien Glez

Qu’il s’agisse de la présidentielle à venir, de la réponse à la pandémie de coronavirus ou aux récentes attaques terroristes, le Burkina Faso avance entre pessimisme et optimisme.

Tiède, le Burkinabè ? Pondéré, il avance avec autant de prudence que de résilience. Et 2021 pourrait être une année de renouveau pour le modeste Faso.

Pays de consensus et de mesure, le Burkina Faso exhale, ces derniers mois, un parfum d’entre-deux. Un entre-deux politique, alors que s’allonge la liste des candidats à la présidentielle et que l’insurgé assourdi se désintéresse ostensiblement des scrutins à venir ; un entre-deux judiciaire, alors que l’évolution des symptomatiques dossiers Thomas Sankara et Norbert Zongo semblent décliner un cha-cha-cha de pas en avant et de pas en arrière ; un entre-deux sécuritaire, alors que de récentes attaques terroristes viennent d’infirmer la théorie d’une anesthésie du jihad par la pandémie mondiale.

Entre sévérité et laxisme

En matière de coronavirus, justement, le citoyen est engoncé entre pessimisme et optimisme. Comme dans la fable de l’homme qui tombe du cinquantième étage d’un immeuble en se disant, à chaque niveau, « jusqu’ici tout va bien », le Burkinabè lambda a entendu l’augure d’une hécatombe ingérable pour un système de santé indigent. Mais il écoute aussi les discours sur l’Afrique miraculée, possiblement sauvée par sa pyramide des âges ou son climat.

D’entre-deux est également qualifiée la batterie de mesures prises par le gouvernement pour contrer la propagation du Covid-19 : couvre-feu sans confinement, comme pour un virus noctambule ; sévérité dans l’application dudit couvre-feu, tandis que le masque obligatoire semble être contrôlé avec laxisme ; fermeture et réouverture de lieux de commerce ou de culte, au gré des pressions de lobbyistes.

Bien sûr, tout est question de timing et de paris parfois moins populistes qu’il n’y paraît. Qui nierait qu’un masque nécessite un budget, tandis que le fait de rester chez soi n’est lié qu’à une bonne volonté justement source d’économie ?

« Tâtonnement », hurlent les réseaux sociaux, qui, en matière de mesures d’accompagnement, ne voient que rarement midi à leur porte. « Amateurisme », voire « culpabilité », renchérissent ceux qui devinent plus que de l’approximation dans le compte rendu du décès d’une élue d’opposition, Rose Marie Compaoré-Konditamdé, première victime officielle du Covid-19, le 18 mars.

Entre passé vivace et renouveau annoncé

Après tout, ces mandats présidentiel et parlementaires qui tirent à leur fin n’étaient-ils pas, par nature, ceux d’un entre-deux historique ? Après la transition inconstitutionnelle de 2015, improvisée à la suite de l’insurrection populaire, est venue une sorte de transition républicaine, avec le raccommodage de la IVe République.

Le Burkina se doit de voter massivement pour faire de 2021 « l’année de son année » tant fantasmée.

La page politique des années Compaoré est toujours en train de se tourner, la majorité actuelle étant largement composée de piliers de l’ancien régime tout autant qu’une partie des bancs de l’opposition.

Entre-deux, entre le solde d’un passé encore vivace et le renouveau annoncé, le Burkina Faso ne doit-il pas envisager les scrutins à venir comme le véritable carrefour de son histoire contemporaine ? Considérons que le Pays des hommes intègres a eu un quinquennat pour purger et régénérer sa classe politique. Il se doit de voter massivement, en 2020, pour faire de 2021 « l’année de son année » tant fantasmée.