Témoignages

 

Togo : Laurent Tamegnon, un (ré)conciliateur à la tête du patronat

Depuis cinq ans, l’homme d’affaires a réussi à fédérer et à remobiliser les entrepreneurs. Une tâche ardue qu’il a menée au risque de mettre en péril ses propres sociétés. Rencontre avec un capitaine d’industrie opiniâtre, qui entame son second mandat en tant que « patron des patrons » togolais.

Par  - Envoyé spécial à Lomé
Mis à jour le 12 octobre 2022 à 16:04
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Laurent Tamegnon. © MONTAGE JA : Marcel Amouzou pour JA.

 

LE PORTRAIT ÉCO Reconduit en mars 2022 à la présidence du Conseil national du patronat du Togo (CNP-Togo) pour un second mandat de cinq ans, Coami Sedolo Laurent Tamegnon a réussi à fédérer les capitaines d’industrie du pays et à faire de leur instance faîtière un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics. Regroupant désormais 24 associations professionnelles, soit 1 400 entreprises, l’organisation avait en effet traversé une profonde crise pendant quatre ans, jusqu’à ce que le fondateur de Sanecom International en soit élu président – à l’unanimité –, en février 2017. Depuis, le conseil semble avoir retrouvé sa sérénité et, surtout, son rôle de force de proposition dans les choix stratégiques de l’État pour pérenniser le développement du Togo.

Le CNP a notamment ramené en son sein l’Association professionnelle des banques et des établissements financiers (Apbef) et l’Association des grandes entreprises du Togo (Aget), qui compte 65 entreprises membres, représentant quelque 1 100 milliards de F CFA (1,67 milliard d’euros) de bilan et 17 000 salariés au 31 décembre 2021. « Aujourd’hui, nous travaillons en tandem avec l’Aget, qui n’entreprend rien sans consulter le patronat, et vice-versa », précise Laurent Tamegnon. « Auparavant, l’Aget et le CNP entretenaient des relations mitigées. Par la concertation permanente, nous sommes parvenus à améliorer nos rapports et nous échangeons désormais régulièrement », confirme Jonas Aklesso Daou, patron de Zener (ex-Sodigaz) et président de l’Aget. Et d’ajouter : « Au début de la présidence de Tamegnon, le CNP traversait des moments difficiles. Il a su apporter une certaine sérénité et une stabilité au patronat. »

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Commis au service des entreprises

Pour réunir et mobiliser le patronat togolais, l’homme d’affaires s’est appuyé sur de solides relais, comme le vice-président du CNP, Thierry Awesso, PDG de la Nouvelle industrie des oléagineux du Togo (Nioto, filiale d’Advens Geocoton), ou encore Yiva Kodjo Badohu, le puissant dirigeant de Togo Food, qui préside par ailleurs le Mécanisme incitatif de financement agricole (Mifa).

Avant d’être élu à la tête du CNP, Laurent Tamegnon a dirigé l’Association des sociétés de zone franche (Asozof), qui rassemble une soixantaine de sociétés, représentant plus 11 000 emplois. « Il fallait défendre les intérêts de toutes ces entreprises, surtout des multinationales qui n’avaient pas bonne presse et étaient accusées de maltraiter leurs employés, se souvient le patron des patrons. La tâche a été ardue, mais elle m’a permis de gagner en expérience. » Et ces connaissances acquises dans la conduite des affaires de l’Asozof ont été le catalyseur de l’accession de l’entrepreneur à la tête du CNP.

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« Je n’avais jamais rêvé diriger le patronat. À mon premier mandat, nous sortions d’une crise qui avait affaibli le CNP. Il a fallu colmater les brèches, redonner à notre institution ses lettres de noblesses, et j’ai dû sacrifier mes entreprises pour obtenir ces résultats, confie Laurent Tamegnon. Mais nous sommes fiers que le CNP soit redevenu une force de proposition pour les pouvoirs publics. Nous faisons notamment partie du Conseil national du dialogue social, l’organe tripartite de prévention des crises. »

Nouveau fer de lance : le soutien aux PME-PMI 

Après avoir réconcilié entre eux les patrons, Laurent Tamegnon dit aborder son second mandat en étant « conscient des difficultés et des défis ». Il compte désormais prendre position au chevet des petites et moyennes entreprises, lourdement touchées par la crise sanitaire et économique. Et a commencé par s’attaquer à leur accès au financement en signant, au mois de mai, un accord-cadre avec le Fonds de solidarité africain (FSA) de 50 milliards de F CFA (76 millions d’euros), utilisables sous forme de garantie, pour l’octroi de prêts aux PME-PMI. « Nous plaidons par ailleurs auprès du gouvernement pour qu’il mette la main à la patte en apportant 50 milliards supplémentaires pour accompagner ces dernières. »

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Le président du CNP espère aussi pouvoir mener à bien un projet engagé depuis dix ans : celui de la construction du siège de l’organisation, pour l’heure encore logée dans un bâtiment construit à la Cité OUA grâce à un prêt de 200 millions de F CFA de la Banque togolaise pour le commerce et l’industrie (BTCI, devenue IB Bank Togo). Ce chantier estimé à 4 milliards de F CFA est d’autant plus attendu que le futur bâtiment du CNP devrait permettre de transférer d’Abidjan à Lomé le siège de la Fédération des organisations patronales d’Afrique de l’Ouest (Fopao), dont Laurent Tamegnon est le premier vice-président.

Un entrepreneur aux multiples casquettes

La vie de patron, Laurent Tamegnon la connaît mieux que personne. Il est fondateur et directeur général de la Société africaine de négoce et de commercialisation (Sanecom), PDG de la buanderie industrielle PHY, directeur général de la société Lorenovich International (SLI, active dans l’agro-alimentaire) et, enfin, de la société Saint (immobilier). Son parcours dans le monde des affaires togolais est fait de fortunes diverses. En 1999, Sanecom, installée dans la zone portuaire de Lomé et spécialisée dans la confection d’équipements militaires, paramilitaires et administratifs, est contrainte de mettre la clé sous le paillasson, pénalisée par la concurrence chinoise, qui proposait des tenues à prix cassés (à 5 dollars contre 11 dollars pour Sanecom). Après une restructuration, l’entreprise rouvre ses portes un an plus tard et connaît une croissance pendant vingt ans.

Aujourd’hui, elle est à nouveau en grande difficulté. « Nous sommes moribonds, dévastés par le Covid. Notre chiffre d’affaires n’atteint pas 200 millions de F CFA ces deux dernières années, contre une moyenne de 900 millions à 1 milliard avant la crise », résume l’entrepreneur. Cette baisse conséquente de régime menace la survie de l’entreprise – même si la commande de 2 millions de masques, ordonnée par le président Faure Essozimna Gnassingbé, lui a apporté une bouffée d’oxygène. Mais le patron ne désarme pas et met les bouchées doubles pour relancer l’activité de Sanecom.

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Le natif d’Atakpamé (ville de la région des Plateaux, à 160 km de Lomé) a aussi connu des revers dans l’exploitation de jatropha pour la fabrication de biodiesel, avec la société Green Leaf : l’expérience, démarrée en 2012, s’est soldée par un fiasco. « Pour lancer ce projet, nous avons investi 600 millions à Agbelouve, qui sont partis en fumée à cause d’un litige foncier », explique-t-il.

Touché mais pas coulé, le capitaine d’industrie tient le cap avec Lorenovich, sa société agroalimentaire, en rachetant un domaine de 50 hectares pour la production d’ananas bio et la pisciculture. L’essai est concluant : l’entreprise produit plus de 20 tonnes d’ananas par mois, commercialisés à l’export.

Témoignages     (lire l'article jusque au bout, tout en bas, pour trouver un article de Voix d'Afrique)

 

............Avec François Jaquinod M.AFR, 60 ans de serment

L’Apôtre des Bolon

Après son ordination sacerdotale à Carthage, le 1er février 1950, François Jaquinod a été nommé directement à Nasso, au petit séminaire de Bobo-Dioulasso, comme titulaire de la classe de 6e. Il n’y est resté qu’une année. Par la suite, il a toujours été en paroisse, essentiellement à Niangoloko (20 ans), Ndorola (15 ans), Orodara (11 ans). Finalement, en 1999, il a transmis sa charge de curé de Niangoloko à un prêtre diocésain. Depuis, il se trouve dans la maison d’accueil des Pères Blancs à Bobo-Dioulasso.

 

Ce qui m’a le plus marqué au cours de ces longues années, c’est mon séjour à Dionkélé, chez les Bolon. En 1954, je venais de passer trois années à Niangoloko et je commençais à maîtriser le Gouin, langue assez difficile. C’est alors que j’ai reçu une lettre de Mgr André Dupont m’enjoignant de partir au plus vite à Dionkélé. En vérité, je n’étais pas tellement enchanté de quitter Niangoloko pour un pays inconnu ; mais assez vite je fus pleinement satisfait de cette nouvelle affectation. La population était des plus sympathiques.

 

L’ethnie Bolon comptait environ 6 000 âmes (actuellement sur la Paroisse de Ndorola). Dionkélé, Les jeunes paysans, au CFA de Dionkélé, apprenaient à dresser des bœufs pour la culture et de nouvelles méthodes agricoles.un petit village d’environ 650 habitants, était jusqu’alors inconnu. Le Père Yves Sainsaulieu l’avait repéré : il avait découvert une vaste plaine inondable en saison des pluies ; mais, pensa-t-il avec raison, le riz y pousserait facilement ; il imaginait déjà l’implantation d’un Centre de Formation Agricole pour initier les paysans à la culture attelée et à de nouvelles méthodes de travail plus rentables.
J’ai dû apprendre une nouvelle langue, le Jula, plus facile que le Gouin : au bout de deux mois je commençais à me débrouiller et, par chance, la langue Bolon est très proche du Jula.

François Jacquinod visitant un village BolonLa Mission était bâtie sur une petite colline dominant le village de Dionkélé : une maison en argamasse1 avec trois chambres et une salle commune ouverte à tous vents. Le village est blotti, tout près, en contrebas. Vu la proximité du village, il fut aisé de connaître les gens : l’organisation villageoise bien structurée, les diverses manifestations survenant dans la vie du village, les querelles, les coutumes diverses, les fêtes annuelles avec masques, d’où l’intérêt de cette convivialité. Il me fut facile de créer des amitiés, d’être admis à partager leur vie et à faire partie de leur société solidaire. C’était pour moi la découverte d’une vie communautaire à l’opposé de l’esprit individualiste des Gouin de Niangoloko. C’était même inscrit dans la façon de construire : d’un côté, un village Bolon très groupé en un seul bloc ; de l’autre coté, un village Gouin composé de petites paillotes rondes dans des « soukalas » dispersées.

Ma première activité a été les soins donnés au dispensaire où les patients venaient très nombreux, même de villages assez éloignés, car il n’y avait pas de dispensaire dans toute la région ; certains venaient même du Mali. Puis il y eut la visite des villages environnants. Pendant trois années, j’ai aussi assuré la direction du CFA fondé par le Père Yves Sainsaulieu.

Grâce à toutes les observations que j’ai rassemblées sur la vie du village, j’ai pu faire publier une première étude sur la société Bolon dans le bulletin de l’IFAN, en 1963, suivie, en 2005, d’une présentation plus complète du “Pays Bolon”, dont un exemplaire se trouve aux archives de la Maison Généralice.

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Masques Kerengoni et Kélé de Dionkélé

 

Les amitiés nées de ce séjour sont toujours bien vivantes. Je profite des fêtes religieuses et coutumières pour y aller passer quelques jours ; j’y suis toujours bien accueilli. Souvent, lorsque l’un ou l’autre Bolon vient à Bobo, il ne manque pas de venir me rendre visite.

Si je garde un souvenir spécial de ma présence au pays Bolon, je dois ajouter que j’ai été très heureux tout au long de mon séjour au Burkina, et j’en rends grâce à Dieu.

François Jaquinod
Bobo-Dioulasso

 

1. L’argamasse est un toit en terrasse dont l’armature est en bois et qui est recouvert de terre (explication demandée à François Jacquinod à Bobo par Bernard Laur pour le Lien)

 

Le Père François Jaquinod a maintenant 97 ans depuis le 7 octobre, et réside dans la communauté de Bry sur Marne en France au nord de Paris.

Il a dû être amputé de ses deux jambes assez récemment, mais garde toujours le même sourire, et aime bien communiquer avec ceux qui lui rendent visite.

 

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« Au Togo, l’alternance est pour bientôt », selon Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson

Préparation des prochaines élections, relations avec le pouvoir et les autres partis de l’opposition, lutte contre le terrorisme… La coordinatrice de la Dynamique Mgr Kpodzro, qui était la porte-parole du candidat Agbéyomé Kodjo lors de la dernière présidentielle, répond aux questions de JA.

Par  - À Lomé
Mis à jour le 9 octobre 2022 à 10:09
 

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Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, à Lomé. © Ange Obafemi/Panapress via MaxPPP

 

Secrétaire générale de la Convention démocratique des peuples africains (CDPA), à 63 ans, Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson cumule les fonctions au sein de l’opposition togolaise. Également coordinatrice de la Dynamique Mgr Kpodzro (DMK), elle a été la porte-parole de l’ex-Premier ministre Agbéyomé Kodjo alors qu’il était candidat à la présidentielle du 22 février 2020. Selon les résultats officiels – que son groupement refuse toujours de reconnaître –, ce dernier est arrivé deuxième avec 19,46 % des suffrages exprimés, derrière Faure Essozimna Gnassingbé (70,78 %) et devant Jean-Pierre Fabre (4,68 %),

La juriste, qui a par ailleurs été, en 2010, la première femme du pays candidate à une élection présidentielle, explique la situation de l’opposition aujourd’hui et ses objectifs, en particulier dans la perspective des élections régionales et législatives, prévues respectivement au début et à la fin de 2023.

Jeune Afrique : Deux ans après la présidentielle de 2020, vous persistez à réclamer la victoire de votre candidat, Agbéyomé Kodjo. N’est-il pas temps de passer à autre chose ?

Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson : Le temps ne compte pas pour mener ce combat. Cela fait plus de deux ans certes, mais cette question continue de préoccuper les Togolais comme si c’était hier. Renoncer à discuter du contentieux électoral né de la présidentielle, c’est sacrifier l’alternance au Togo, cette alternance que nous recherchons depuis plus de trente ans et qui est reconnue comme quelque chose de normal dans tout pays démocratique.

À LIRETogo : privée d’Agbéyomé Kodjo, la DMK en quête d’un nouveau souffle

Ce 22 février 2020, nous avons compris que les Togolais, en allant exprimer leur suffrage, disaient « oui », qu’ils sont d’accord pour aller enfin vers l’alternance. C’est une responsabilité énorme pour le candidat de la DMK, Agbéyomé Kodjo, et pour nous qui sommes de la DMK, de faire en sorte de ne pas leur laisser un goût d’inachevé et qu’ils voient qu’ils n’ont pas voté pour rien. Nous en appelons donc à des discussions franches sur ce sujet important, pour garantir aux Togolais que cet épisode ne se répètera pas.

Concrètement qu’attendez-vous ?

Il faut que l’on trouve des solutions durables pour apaiser les Togolais. Mais nous ne pouvons pas passer l’éponge. Nous pensons qu’il est normal d’opérer un transfert du pouvoir s’il s’avère que, au terme des discussions, il n’a pas été tenu compte des suffrages des Togolais. Ces derniers ont tellement subi qu’ils ne sont plus prêts à accepter de compromis boiteux, quel qu’il soit. Nous ne voulons d’aucun compromis aboutissant au statu quo.

À LIRETogo : malgré l’exil d’Agbéyomé Kodjo, la DMK repart à l’offensive

Quand et avec quel statut Agbéyomé Kodjo peut-il revenir au Togo ?

Comme tout Togolais, nous demandons le retour de ceux qui ont dû partir parce qu’il leur est reproché de s’être mêlé de la gestion politique du pays ou d’avoir exercé leur droit de citoyen. Agbéyomé Kodjo doit revenir, d’une part, en tant que candidat reconnu (selon les résultats, que nous contestons) être arrivé deuxième à l’issue de la présidentielle de 2020. Et, d’autre part, en tant que victime de violations des droits de l’homme, lesquelles ont été reconnues par la Cour de justice de la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest], qui a condamné l’État togolais et lui a demandé de réparer les torts causés. Créer les conditions du retour d’Agbéyomé Kodjo dans son pays fait justement partie de cette réparation.

L’arrêt de la juridiction de la Cedeao implique aussi que les poursuites judiciaires engagées par l’État togolais contre Agbéyomé Kodjo et contre tous les membres de la DMK soient annulées, car ils n’ont plus de raison d’être.

AU VU DE LA SITUATION DE VIE CHÈRE, IL EST ÉTRANGE DE VOULOIR MOBILISER DES MILLIARDS DE FRANCS CFA DANS DES ÉLECTIONS RÉGIONALES

En 2023 auront lieu les premières élections régionales du pays, qui parachèvent le processus de décentralisation. Serez-vous au rendez-vous, comme lors des municipales de 2019 ?

Au vu de la situation de vie chère, il paraît étrange de vouloir mobiliser des milliards de francs CFA dans des élections régionales alors même que le premier niveau de la décentralisation, qui est le communal, n’est pas encore maîtrisé. Ces régionales ne sont pas opportunes et nous nous opposons à leur organisation coûte que coûte, parce qu’elles visent à installer ensuite un Sénat, lequel servira de maison de retraite et créera des charges supplémentaires pour les Togolais.

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Un autre grand sujet d’actualité est la lutte contre le terrorisme, autour de laquelle les autorités souhaitent un front uni avec les acteurs politiques. Y êtes-vous favorable ?

Le front uni s’impose, mais seuls les actes posés créeront cette alliance. Cela ne se décrète pas. Nous sommes dans un pays dont les dirigeants pensent, depuis plusieurs décennies, que tout se décrète et s’obtient de force, mais une telle pratique a ses limites.

C’est pour cela que la DMK en appelle à un sursaut patriotique. Il faut arrêter les subterfuges, comme cette rencontre avec la Première ministre, Victoire Tomégah-Dogbé, que l’on veut faire passer pour un « dialogue avec la classe politique ». Les Togolais ne sont plus dupes… D’aucuns se demandent d’ailleurs pourquoi le chef de l’État donne l’impression de ne pas vouloir rencontrer son opposition.

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Qu’auriez-vous fait si vous étiez au pouvoir ?

Je sais que ce n’est pas facile, mais j’aurais pris mon courage à deux mains et assumé mes responsabilités en tant que première responsable. J’aurais arrêté d’écouter les mauvais conseillers qui sont autour de moi et dit : « J’aime mon pays, il est en danger, je suis la seule à pouvoir faire ce qu’il faut. » Et j’aurais appelé mes opposants, mes vrais opposants – pas mes amis, comme on le fait actuellement au sein du cadre permanent de concertation –, ceux qui ne partagent pas ma vision, et nous aurions échangé, même si cela risquait de me coûter le pouvoir. Car là où il y a des échanges sérieux entre des gens de bonne volonté jaillissent des solutions qui peuvent sauver.

Entre l’Alliance nationale pour le changement (ANC) de Jean-Pierre Fabre et le Parti national panafricain (PNP) de Tikpi Atchadam, quelle place reste-t-il aujourd’hui aux partis membres de la DMK au sein de l’opposition ? 

Nous sommes ouverts et discutons avec d’autres partenaires. L’idéal est que tout le monde revienne à la raison et comprenne que nous n’en sommes pas encore au stade où nous pourrions faire jouer le pluralisme politique et la compétition entre partis… Parce que, justement, ce pluralisme nous a été jeté à la figure comme un appât, dans le but de nous diviser.

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À ce stade, nos différentes chapelles et intérêts partisans ne doivent pas prévaloir sur notre lutte politique. Il faut que nous nous unissions pour instaurer véritablement des institutions républicaines qui jouent leur rôle et pour créer les conditions d’une compétition saine entre partis politiques.

NOUS SOMMES LES HÉRITIERS DE CETTE LONGUE LUTTE QUE LES TOGOLAIS ONT ENGAGÉE DEPUIS PLUSIEURS DÉCENNIES

Croyez-vous toujours à l’alternance au Togo ?

Ô que oui ! Et je pense que nous n’en sommes plus loin. C’est pour cela que je voudrais exhorter les Togolais à davantage de détermination et à se dire que, si nous intensifions les actions, l’alternance est pour bientôt.

Les Togolais donnent l’impression d’être résignés, mais si l’on continue de les pousser à bout, nous risquons tous d’en payer le prix. Je suis convaincue qu’en continuant à nous battre, nous irons à l’alternance, parce que nous apprenons de notre cheminement. Et si la DMK est sur cette position aujourd’hui, c’est parce que, justement, nous avons tiré les leçons de ce cheminement. Nous sommes les héritiers de cette longue lutte que les Togolais ont engagée depuis plusieurs décennies.

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Vous militez depuis les années 1990. Pensez-vous à prendre votre retraite ?

[Rires] Pour moi, c’est une mission. Et cette mission, on l’exerce à vie. Peut-être que je ne resterai pas dans mes fonctions actuelles, ni n’occuperai toujours des responsabilités de premier plan. Je me bats pour la démocratie et cela suppose qu’il y ait du changement, une rotation. Ce serait normal de quitter un jour mes fonctions pour devenir une simple militante de base, jusqu’à ma mort. Et même si je n’ai plus de responsabilités, je continuerai à apporter la contribution qui correspond à ma position.

Quelle a été votre principale force ?

C’est ma conviction, celle de devoir contribuer à changer ma société positivement. C’est aussi ma foi. Les deux sont liées et me permettent de rester dans ce combat depuis plus de trente ans, même si on n’a l’impression que les choses ne bougent pas ou très peu, même si l’on reçoit des coups de toutes parts.

Ce qui explique que certains vous surnomment « la dame de fer »…

Mais ce n’est pas le cas, car cela impliquerait un être surnaturel, qui ne ressent pas tout ce qu’un humain ressent. Je souffre, comme tout le monde, je ressens l’échec et je ne suis pas une super-femme. J’essaie d’avancer en dominant ma peur, qui est un sentiment naturel. Je suis juste une femme comme toutes les autres.

kiye2022
 
 
La foi véritable donne de reconnaître Dieu toujours à l'œuvre par ses hommes et de lui rendre grâce (Une réflexion du Père Vincent KIYE, Mafr) N°57
Textes du jour :
1ère lecture : 2 R 5, 14-17
2ème lecture : 2 Tm 2, 8-13
Evangile : Lc 17, 11-19
«En cours de route, ils furent purifiés.
 L’un d’eux, voyant qu’il était guéri,revint sur ses pas, rendre grâce à Dieu.» (Lc 17, 11-19)
Bien-aimés dans le Seigneur,  toute cette semaine les textes de la liturgie nous invitaient à la foi, précisant à bien d'endroits, que c'est par la foi que l'homme devient juste. Et cela, parce que la foi donne à l'homme centré sur Dieu son.refuge, à être optimiste et positif. Un tel homme apprécie chaque chose à sa juste valeur. C'est en cela qu'il devient juste puisque comptant entièrement sur Dieu, il reconnaît Dieu à l'oeuvre dans la beauté de la création et il sait lui rendre grâce.  C'est cette même attitude que nous retrouvons dans la liturgie n de ce dimanche, notamment  dans la première lecture et dans l'évangile. 

Dans la première lecture en effet, nous sommes en face du récit de Naaman le général syrien qui était lépreux et qui descendit jusqu’au Jourdain et s’y plongea sept fois pour obéir à la parole du prophète Élisée, l’homme de Dieu. Purifié de sa lèpre, il reconnu Dieu à l'œuvre par l'entremise de son prophète et retourna chez ce dernier avec toute son escorte pour rendre grâce à Dieu et déclara :« Désormais, je le sais :il n’y a pas d’autre Dieu, sur toute la terre, que celui d’Israël !Je t’en prie, accepte un présent de ton serviteur. »
Et dans l'évangile,
Jésus entrait dans un village. Dix lépreux vinrent à sa rencontre. Ils s’arrêtèrent à distance et lui crièrent :« Jésus, maître,prends pitié de nous. » Ayant exaucé leur demande, ils furent purifiés. Ironie du sort!
En cours de route, ils furent purifiés.
 L’un d’eux, voyant qu’il était guéri,revint sur ses pas, se jeta face contre terre aux pieds de Jésus en lui rendant grâce. Ce fût un étranger. 
Frères et sœurs en Christ, rendre grâce à Dieu est une expression de foi.
Seul un homme de foi peut reconnaître les bienfaits de Dieu dans sa vie. 
Cette foi qui donne de s'abandonner à Dieu en tout temps, de supporter l’épreuve, avec lui dans l'espoir de régner avec lui comme nous le dit Saint Paul dans la deuxième lecture.
Bien-aimés dans le Seigneur, chaque jour qui passe Dieu accomplit des merveilles dans notre vie. Chaque  jour il nous réitère sa confiance en nous donnant le souffle de vie, la santé ; en nous protégeant des rangers multiples en longueur de journée. Même si nous sommes sans travail,  célibataire etc, au moins nous avons le souffle de vie et la santé. Qu'en faisons-nous? Nous revenons toujours vers lui comme Naaman ou comme cet étranger guéri pour lui rendre grâce ou bien nous ressemblons à ces neufs lépreux qui n'étaient pas revenus. L'ingratitude est une expressions manque de foi en Dieu à l'œuvre dans le monde. 
Demandons la grâce de la foi authentique qui reconnaît Dieu toujours à l'œuvre dans le monde de notre temps et savons lui rendre grâce par la qualité de notre engagement au sein de l'église. Amen 
Le Seigneur soit avec vous!
✍🏾 Père KIYE M. Vincent,  Missionnaire d'Afrique 
Paroisse de Nioro du Sahel 
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Mis à part pour la gloire de Dieu, refusons-nous les légèretés les plus ridicules. Car le Seigneur nous demandera beaucoup plus de par notre statut (Une réflexion du Père Vincent KIYE, Mafr) n° 58
Textes du jour :
1ère lecture : Ep 3, 2-12
Evangile : Lc 12, 39-48
« À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup » (Lc 12, 39-48)
Bien-aimés dans le Seigneur, le contexte de cet évangile est magnifique au regard de sa composition. Trois paraboles se succèdent dont l’intelligibilité reste la conscience du devoir du chrétien que nous sommes surtout les exigences de notre statut de mis à part comme pasteur du peuple de Dieu et témoins des valeurs du Royaume des Cieux. Oui, arrêtons de vivre comme tout le monde. Le Seigneur nous demandera beaucoup plus de par notre statut.
Revenons  sur le texte de l'évangile. Jésus commence par dire à ses disciples : « Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure le voleur viendrait, il n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. » Une vérité incontestable. Notre hypocrisie ferait que nous chercherions à nous montrer correctes, droits, justes, bons etc. Nous le voyons lorsque nos supérieurs viennent en visites dans nos communautés ou dans nos différents services. Qui est fou pour risquer ? Même le plus insolant, le plus belliqueux se fait bon enfant à cette seule occasion. Entendant son Maître dire cela,  Pierre lui demande alors : « Seigneur, est-ce pour nous que tu dis cette parabole, ou bien pour tous ? » C’est la tendance naturelle de nous qui lisons et proclamons la parole de Dieu comme si elle ne concernait que les autres fidèles et pas nous. Religieux et religieuses de notre état, parfois même orgueilleux comme tout, nous nous croyons de la race des rachetés, des familiers de la parole de Dieu, ceux qui récitent les Laudes, le milieu du jour, le Vêpres et même les Complies plus que les autres chrétiens. D’ailleurs, c’est nous qui leur apprenons les prières. Nous célébrons l’eucharistie pour eux et avec eux. Magnifique ! C’est bien beau tout cela. Connaissant notre orgueil, Jésus ajoute la parabole de l’intendant fidèle et sensé à qui le maître confia la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture avant de finir par cet avertissement : « À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage. » Voilà qui met de l’eau dans notre vin. De qui Jésus parle-t-il ?  Et bien de toi, de moi, de nous à qui il a donné beaucoup de grâces notamment celle d’être responsable de son peuple saint. Prenons conscience de nos actes, nous qui vivons comme si nous étions déjà exemptés du jugement dernier et que ce n’était que pour les autres. Nous commettons parfois des crimes plus odieux que parfois les laïcs n’osent pas commettre. Aujourd’hui plus jamais, les injustices, le tribalisme, le fanatisme, l’acharnement, les jalousies, les rivalités, la haine et même le fétichisme semblent être à la une dans l’église du Christ ; surtout dans les communautés religieuses. Inspirant dégoût et peur. Etouffant les talents des uns et des autres sans compter les aspirations des plus jeunes à la vie religieuse. A nous la honte au visage. Que faisons-nous de la grâce de sa présence au milieu au milieu, lui la vérité par excellence lorsque nous mentons comme des païens ? Du don de son corps et de son sang qui nous purifient, lorsque nous cédons à des légèretés les plus ridicules, lorsque nous nous souillons comme des porcs dans un flac d’eau derrière une douche? Que faisons-nous de l’amour qu’il nous a montré lorsque nous nous détruisons mutuellement? Jésus nous lance cet avertissement pour nous dire que pour toutes les grâces dont nous sommes bénéficiaires, on nous demandera beaucoup. Car, comme le dit Saint Paul dans la première lecture « Le mystère du Christ, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse » (Ep 3, 2-12)
Oui bien-aimés dans le Seigneur, réveillons-nous de notre sommeil des distractions et de la lenteur, avant qu’il ne soit tard. Vivons en hommes religieux et réfléchis qui se laissent transformer par les effets des grâces qu’ils reçoivent en vue de la vie éternelle.
Le Seigneur soit avec vous !
✍🏾 Père KIYE Mizumi Vincent, Missionnaire d’Afrique
Paroisse de Nioro du Sahel
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Côte d’Ivoire : Ally Coulibaly, l’ombre d’Alassane Ouattara

En poste depuis 2021, le conseiller spécial appartient au cercle d’intimes du chef de l’État depuis plus de trente ans. Portrait d’un érudit, tour à tour ambassadeur et ministre, devenu l’un des hommes clés du système Ouattara.

Mis à jour le 6 octobre 2022 à 19:54
 

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Ally Coulibaly, alors ministre de l’Intégration africaine, au côté du président Alassane Ouattara lors de la cérémonie d’ouverture du sommet de l’UA, au Palais des congrès de Niamey, le 7 juillet 2019. © ISSOUF SANOGO / AFP

Ce 8 juin 2021, dans l’immense hall du ministère des Affaires étrangères, en plein cœur du quartier des affaires d’Abidjan, Ally Coulibaly s’apprête à passer le relais à Kandia Camara. Celle qui fut ministre de l’Éducation pendant dix ans prend du galon. Désormais, il lui incombe la lourde tâche de diriger la diplomatie ivoirienne. Une année durant, ce fut celle d’Ally Coulibaly. « Je vais me retirer dans mon village et m’adonner à ma passion, la littérature », affirme-t-il au détour du discours qu’il prononce devant plusieurs dizaines de collaborateurs.

Dans l’assistance, où règne une ambiance bon enfant, l’annonce de ce départ anticipé de la vie politique fait sourire. Qui peut croire à la retraite d’Ally Coulibaly dans sa résidence de Niéméné, son village natal, situé dans le département du Dabakala (Nord-Est) ? Personne. Enfin, certainement pas tout de suite.

Un mois et demi plus tard, Ally Coulibaly sera nommé, à 70 ans, conseiller spécial auprès du président Ouattara. « Auprès du président et non pas conseiller du président », fait-il remarquer. Une subtilité souhaitée par le chef de l’État pour mieux marquer leur proximité. « Tu es le seul à avoir cette fonction », lui dit-il au moment de sa nomination.

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Petit frère

Au départ, l’idée d’un portrait qui lui serait consacré ne l’enthousiasme guère. « Pourquoi voulez-vous parler de moi ? Je suis au service d’Alassane Ouattara et de son action, c’est tout ce qui compte, c’est tout ce qu’il faut dire. » Certes. Mais comment parler de l’action du président ivoirien sans parler d’Ally Coulibaly ? Comment évoquer la trajectoire politique du chef de l’État sans dire un mot de celui qui fait partie de son cercle d’intimes depuis la fin des années 1980 ? « Vous allez le décrire comme un fidèle du président ? Non, il faut trouver un mot plus fort », s’amuse un responsable politique un temps opposant.

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Et en effet, qualifier Ally Coulibaly de « fidèle » paraît un peu réducteur tant la relation qu’ont noué les deux hommes a depuis longtemps débordé du cadre de la politique. En mars 2022, Alassane Ouattara s’est rendu aux obsèques de la mère de son conseiller. « Elle le considérait comme son fils, dit ce dernier, ému. Il leur arrivait de se parler sans que je sois prévenu ».

Dans le privé ou lors de leurs échanges téléphoniques, quasi-quotidiens, Ally Coulibaly appelle immuablement Ouattara « mon grand frère ». Le président lui répond par un affectueux « mon compagnon ». « On peut ne pas être d’accord sur tout, mais [le chef de l’État] sait que ma loyauté lui est acquise à jamais. Ce n’est pas un alignement aveugle, nous discutons, mais nous avançons dans le même sens, depuis toujours », explique-t-il.

Destins scellés

« J’ai très vite cru en l’homme », poursuit-il en évoquant sa rencontre « en deux temps » avec Alassane Ouattara. « Un coup du destin », croit-il. En 1987, il est directeur de l’information de la toute-puissante Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI), où il est entré en 1972 comme rédacteur en chef adjoint, et croise brièvement à Abidjan celui qui occupe les fonctions de directeur Afrique du Fonds monétaire international (FMI).

L’année suivante, leurs destins vont se sceller. Vamoussa Bamba, qui deviendra ministre de l’Éducation de Félix Houphouët-Boigny, les présente à l’occasion des obsèques du gouverneur Abdoulaye Fadiga, dont Ouattara a été un proche collaborateur à la BCEAO. « Je venais de faire la connaissance de l’un des hommes qui donneraient à la suite de mon existence une dimension et des perspectives auxquelles rien ne me prédestinait », écrit Ally Coulibaly dès les premières pages de son livre Alassane Ouattara, ce que je sais de l’homme, préfacé par son ami Ibrahim Sy Savané, actuel ambassadeur de Côte d’Ivoire en Tunisie. Mais c’est trois ans plus tard qu’une nouvelle rencontre entre les deux hommes sera déterminante, pour l’un, comme pour l’autre.

« À la une »

Au début des années 1990, Ally Coulibaly, qui a gravi tous les échelons de la RTI, en est devenu le directeur général. Mais l’ancien reporter radio est aussi devant les caméras. Il lance une émission politique qui marquera toute une génération d’Ivoiriens : « À la une », deux heures de débats entre des personnalités politiques et des journalistes.

Le 1er octobre 1992, le Premier ministre s’installe autour de la table. « Je me souviens parfaitement de la date, il s’agissait du premier véritable grand oral de Ouattara », se souvient l’un des amis et anciens confrères d’Ally Coulibaly.

Ce jour-là, deux mots font l’effet d’une bombe : « On verra », lâche Alassane Ouattara lorsqu’il est interrogé sur ses éventuelles prétentions à la magistrature suprême. Chacun y voit la volonté du Premier ministre de succéder à Félix Houphouët-Boigny, alors malade, et un affront à l’égard d’Henri Konan Bédié, président de l’Assemblée nationale. « Ally est devenu la cible de tous ceux qui n’ont pas apprécié qu’il donne une telle visibilité à Ouattara. Et ils étaient nombreux. Le destin d’Ally, de mon point de vue, a basculé à ce moment-là », poursuit l’ancien confrère.

Un mois plus tard, un autre « À la une » fera des remous. Coulibaly, formé à l’école supérieure de journalisme de Dakar et à l’Institut français de presse (IFP) de Paris, invite Laurent Gbagbo sur son plateau. Le multipartisme vient de s’imposer, avec la reconnaissance officielle du Front populaire ivoirien (FPI) en 1990, et l’homme de presse entend faire découvrir le pluralisme aux Ivoiriens. « Je tenais à l’équilibre », insiste-t-il. Les autorités, beaucoup moins. Félix Houphouët-Boigny finit par le convoquer. « Je crois avoir convaincu [le président] de faire confiance aux journalistes et de la nécessité que s’expriment toutes les opinions ».

Par la suite, il recevra d’autres opposants, comme Francis Wodié, du Parti ivoirien des travailleurs (PIT), ou Bamba Moriféré, du Parti socialiste ivoirien (PSI). Après la prestation de Gbagbo à la RTI, un journal pro-FPI titrera un « Bravo Coulibaly » très embarrassant pour le présentateur alors soucieux de ne pas apparaitre comme partisan.

Mentors

Le journalisme, Ally Coulibaly en rêvait depuis longtemps. Enfant, il écoutait avec assiduité Radio Côte d’Ivoire et se passionnait pour les programmes sportifs, notamment les matchs de football commentés par Guy Maunoury. Il participait également au journal de l’école, La nouvelle étoile, lors de ses années de lycée dans un établissement catholique – lui est musulman pratiquant – et montait sur les planches pour déclamer les Fourberies de Scapin, de Molière. « C’était un très bon élève, très travailleur. Il avait de grandes facilités, ce qui pouvait en agacer certains », se souvient le professeur Yacouba Konaté, son ami d’enfance.

Au cours de sa formation supérieure, ce fils d’un artisan et d’une commerçante descendante d’une grande lignée de marabouts s’entoure de mentors comme le patron de presse français Hervé Bourges (décédé en 2020), membre du conseil d’administration de l’école de journalisme de Dakar, le journaliste André Fontaine, du Monde (décédé en 2013), ou encore l’écrivain Bernard Schaeffer.

Au Sénégal, le jeune Ally se découvre une passion pour la géopolitique et les relations internationales. Son professeur est alors Ibrahima Fall, qui deviendra le ministre des Affaires étrangères du président Abdou Diouf. « Tout était passionnant quand Ibrahima Fall racontait le monde. Cette passion ne m’a jamais quittée », se souvient Coulibaly.

Après la mort de Houphouët-Boigny, en 1993, Ally Coulibaly sera poussé vers la sortie de la RTI. « Quand j’ai appris qu’Henri Konan Bédié se rendait à la RTI pour se proclamer président, j’ai refusé de l’accueillir. Je ne concevais pas qu’on prenne le pouvoir à la télé. Je l’ai payé cher », se souvient-il. De fait, les années suivantes seront celles de la traversée du désert.

« Dans la ligne de mire du pouvoir »

1994. Le Rassemblement des républicains (RDR) prend vie. Ally Coulibaly participe activement à cette naissance. Son profil s’impose pour prendre le porte-parolat et gérer la communication du parti. Dans le premier cercle du président, où se croisent des technocrates et des politiques pur jus, Coulibaly a compris une chose essentielle : en politique, la communication est une arme redoutable. Il a longtemps été la plume d’Alassane Ouattara, l’homme derrière les formules qui font mouche, contribuant à façonner l’image d’homme d’État de son aîné.

Parallèlement, l’ancien journaliste se fait élire député dans la circonscription de Boniérédougou, dans sa région d’origine. Avec Amadou Gon Coulibaly, le Premier ministre (décédé en 2020), il est parmi les premiers élus RDR à intégrer l’hémicycle. « Nous ne combattions pas uniquement pour prendre le pouvoir, mais pour la justice, l’égalité et l’acceptation de tous », explique Ally Coulibaly.

« En tant que porte-parole, il était dans la ligne de mire du parti au pouvoir », que dirigeait Henri Konan Bédié, se souvient le ministre Gilbert Koné Kafana, président du directoire du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). En 2000, Koné Kafana et lui sont interpellés lors d’une manifestation contre l’invalidation par la Cour suprême de la candidature d’Alassane Ouattara aux législatives et incarcérés dans la même cellule pendant plusieurs mois. « J’avais utilisé un mégaphone dans le Stade Félix-Houphouët-Boigny, où nous manifestions, voilà ce qu’on me reprochait », précise Ally Coulibaly. Malgré l’enfermement, il ne cesse d’être en contact avec Ouattara, réfugié en France.  « Il ne court pas derrière les honneurs, il a une seule ambition : le combat commun autour du président », assure Gilbert Koné Kafana.

Sur tous les plateaux télé

En 2011, en pleine crise post-électorale, Alassane Ouattara, avec qui Ally Coulibaly a partagé l’exil aux débuts des années 2000, le choisit comme ambassadeur de Côte d’Ivoire en France. Il se rêvait plutôt ministre dit-on à l’époque, ce qu’il réfute : « J’avais été son conseiller diplomatique, il m’a dit que je devais occuper ce poste dans ce contexte politique très sensible. »

À Paris, l’ambiance est délétère. Il est accueilli par un personnel pro-Gbagbo pour le moins méfiant. Les locaux du 102 avenue Raymond Poincaré, dans le 16e arrondissement, sont dans un piètre état. La facture de fuel n’a pas été réglée, plongeant l’endroit dans un froid polaire en cette fin d’hiver 2011. Des portes sont fracturées, des coffres-forts éventrés, l’ancien ambassadeur nommé par Gbagbo, Pierre Kipré, n’a pas rendu les clés. Ally Coulibaly ne s’en formalise pas et fait ce qu’il sait faire de mieux : communiquer. Il reçoit la presse et écume les plateaux télévisés pour porter le message de son patron, retranché à l’Hôtel du Golf depuis la présidentielle. Certains journalistes français lui trouvent alors une ressemblance physique avec son « grand frère », de neuf ans son aîné.

En 2012, Ally Coulibaly est rappelé à Abidjan pour prendre la tête du ministère de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’extérieur, où il remplace d’Adama Bictogo, l’actuel président de l’Assemblée nationale, alors soupçonné d’être impliqué dans le scandale des déchets toxiques du Probo Koala. Ce portefeuille est un ministère des Affaires étrangères bis. « Une de mes premières missions a été d’essayer de convaincre Dioncounda Traoré, le président de la transition malienne, de revenir occuper son poste à Bamako alors qu’il était soigné à Paris après avoir été molesté par des militaires. » Pendant les sept années passées à ce poste, il étoffe un peu plus son carnet d’adresses, nouant des relations solides au-delà des frontières africaines.

La compagnie des livres

Lecteur compulsif et auteur à ses heures perdues, il préfère la compagnie des intellectuels et des écrivains à celle des politiques. « C’est un artiste, il lui arrive d’être dans la lune », s’amuse une source. L’érudit sait en jouer, avec un certain succès. « Vous ne trouverez pas beaucoup de monde pour dire du mal d’Ally Coulibaly », affirme un proche du président. « Je suis atypique, je le sais », sourit celui dont la bibliothèque compte 3 000 ouvrages et qui connait son libraire parisien par son prénom – ce dernier lui met des piles de livres de côté, qu’il récupère lors de ses séjours dans la capitale.

Quand il apprécie un livre, il se démène pour récupérer les coordonnées de son auteur, par tous les moyens. Il a ainsi contacté Jean-Pierre Langellier, après avoir dévoré sa biographie de Léopold Sédar Senghor. « Je savais qu’il aurait un prix , je le lui ai dit, il n’y croyait pas. Il a bien eu le Goncourt de la biographie en 2022 ». Les deux hommes finissent par se rencontrer à Paris et partager un dîner « passionnant ».

« J’ai toujours aimé les livres, ils occupent une place de choix dans ma vie », affirme Ally Coulibaly, qui en offre par dizaines à ses amis, sans occasion particulière. Il en conseille aussi au président. « J’attire son attention sur des ouvrages intéressants, c’est un grand lecteur. Dernièrement, il m’a confié avoir beaucoup aimé La tragédie du pouvoir, un livre d’Édouard Balladur sur Georges Pompidou ».

Si un jour il écrivait ses Mémoires, pourrait-il choisir pareil titre ? Après avoir été ambassadeur, ministre et conseiller auprès du président, Ally Coulibaly continue de s’interroger : « Suis-je vraiment un homme politique ? Je me pose la question. »

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