« Le pape qui voulait changer l’Église »,
clés de lecture pour un pontificat inattendu

Critique 

Ancien journaliste à « La Croix », envoyé spécial permanent à Rome entre 2009 et 2013, Frédéric Mounier décortique l’action du pape François avec minutie, entre analyse thématique des grands enjeux du pontificat et chronique écrite avec faconde.

  • Loup Besmond de Senneville, 

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                       « Le pape qui voulait changer l’Église », clés de lecture pour un pontificat inattendu
 
                                Le pape François, le 4 décembre 2013, près de neuf mois après son élection

Le pape qui voulait changer l’Église

de Frédéric Mounier

Presses du Châtelet, 432 p., 22 €

Peut-on résumer un pape et son action en moins de 450 pages ? C’est le défi que semble s’être lancé Frédéric Mounier, l’ancien envoyé spécial permanent de La Croix à Rome, où il a couvert les dernières années du pontificat de Benoît XVI et les premiers mois de celui de François, entre 2009 et 2013, avec Le pape qui voulait changer l’Église.

Ce pavé représente l’un des panoramas les plus complets en français sur l’action de François, et offre de très intéressantes clés de lecture sur le pontificat du pape argentin. Le journaliste décortique les sept années de François avec minutie. On s’engouffre donc avec lui sur les pas de cet homme en blanc venu de la Terre de feu, dont l’élection surprit presque autant que la renonciation historique de son prédécesseur. S’appuyant sur une abondante documentation – livres, articles –, ainsi que sur des entretiens menés à Rome avec certains protagonistes du pontificat, Frédéric Mounier nous rappelle ainsi que si ce pape fut élu, ce fut avec le mandat implicite de réformer une Curie, alors vue par bon nombre de cardinaux comme une machine irréformable, voire inefficace. Un changement aussi fonctionnel que spirituel que Jorge Bergoglio, tout juste devenu François, a mis sur le métier dès son accession au trône de Pierre.

Curiosité jamais éteinte

Si elles n’apportent réellement aucun élément nouveau sur le pontificat, ces pages tiennent tout à la fois de l’analyse thématique des enjeux de celui-ci et de la chronique écrite avec la faconde de l’observateur dont la curiosité n’est jamais éteinte. Il glisse parfois des souvenirs plus personnels ou des anecdotes vécues lors de ses années romaines, comme ce dîner en 2011 à Saint-Domingue avec le nonce d’alors, et sa stupéfaction, quelques années plus tard, lorsqu’il découvrit que le nonce qui l’avait alors accueilli venait d’être relevé de ses fonctions puis condamné pour pédophilie.

Car la tâche du pape est lourde, et entravée par ceux qui veulent « tuer le pontificat », écrit Frédéric Mounier. Plombée, également, par les scandales à répétition qui ont éclaté ces dernières années, qu’il s’agisse de la gestion calamiteuse des abus sexuels dans certains diocèses, ou de l’explosion de scandales financiers dans le plus petit État du monde. Autant de situations que le pape François tente, souligne Frédéric Mounier, de résoudre. Non sans déconcerter les observateurs, dont ceux qui s’échinent, depuis des années, à scruter la vie de l’Église ou celle de la machinerie vaticane.

Un pape aux périphéries

François est bien un « pape déconcertant », y compris pour les vaticanistes qui croient parfois pouvoir prévoir les comportements d’un pape. Déconcertant, d’abord, par son attention soutenue portée en particulier aux périphéries. Aux « périphéries géographiques », François a multiplié les voyages depuis 2013. Aux « périphéries existentielles », il a accordé une attention toute particulière, plaçant les migrants au centre de ses préoccupations, depuis son premier et très surprenant voyage à Lampedusa, quelques semaines après son élection.

Il est aussi le pape aux « paradoxes déroutants », qui n’échappent pas à l’œil de l’observateur avisé qu’est Mounier. « Doux pasteur et dur patron, grave et souriant, spontané et maîtrisé, casanier mais voyageur, amoureux de son Église et punitif envers elle, ni conservateur ni progressiste, apprécié par ceux qui n’aiment pas le pape et rebutant pour nombre de papolâtres… », résume-t-il. La complexité d’un pontificat et des tensions qu’il engendre tiennent ici en quelques lignes.

Tout au long de son livre, le journaliste n’a pas son pareil pour décrire les us et coutumes vaticanes, et ce qu’il appelle le « mur de coton » qui l’entoure, sorte de frontière épaisse et silencieuse garantissant des échanges feutrés et protégeant le microcosme du ­Vatican de tout éclat de voix… sans pour autant le prémunir de la violence des luttes de pouvoir.

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