Burkina Faso : l’espoir s’amenuise

devant l’horizon de la famine et des violences

Entretien réalisé par Adélaïde Patrignani – Cité du Vatican |29 juillet 2020

Conception, Ouagadougou, le 12 avril )

Pays pauvre et enclavé de l’Afrique de l’Ouest, en proie à des attaques djiha-distes entremêlées à des affrontements intercommu-nautaires, le Burkina Faso est désormais confronté à un important risque de famine. Mgr Théophile Naré, évêque de Kaya, dans la région du Centre-Nord, nous livre son témoignage.

Le 1er juillet dernier, Caritas Internationalis lançait un appel d'urgence pour aider les personnes déplacées au Burkina Faso à survivre à la crise alimentaire. Et pour cause: selon l’organisation catholique, si aucune aide n'est fournie, plus de 2,2 millions de Burkinabè – soit 11% de la population - risquent de mourir de faim dans les mois à venir en raison des conflits en cours et des conditions climatiques extrêmes.

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Burkina Faso: les chrétiens ont le cœur «broyé», le Pape proche des victimes

La saison des pluies, qui a déjà commencé, s’annonce abondante cette année, et des pertes humaines et matérielles sont à redouter. Par ailleurs, depuis maintenant quatre ans, des groupes armés opérant le long de la frontière nord et dans l'est du pays continuent de tuer et de terroriser les habitants. La communauté chrétienne a été visée à plusieurs reprises, comme dans le diocèse de Kaya, qui a pour évêque Mgr Théophile Naré depuis mars 2019.

Une grande instabilité résulte de ces fréquentes attaques, se traduisant par l'une des vagues de déplacement les plus rapides au monde, avec des centaines de milliers de personnes manquant de nourriture, d’eau et d’un toit.

Mgr Naré fait le point sur la situation sécuritaire dans son diocèse, en particulier depuis le 12 mai 2019, où six personnes, dont un prêtre, étaient tuées pendant la messe dans une église catholique à Dablo.

Entretien avec Mgr Théophile Naré

La situation évolue en dents de scie. Quelquefois, nous avons l’impression que cela va s’arrêter, mais d’autres fois on a envie non pas de désespérer, mais de se décourager, parce que les périodes d’accalmie sont toujours suivies de grandes attaques qui font beaucoup de victimes, des attaques qui provoquent le déplacement d’un nombre encore plus grand de personnes. Je ne sais pas quand on va sortir de ce tunnel, vraiment pas.

Comment cette situation influe-t-elle sur la vie du diocèse et des fidèles?

Il y a toute une partie du diocèse qui n’est plus accessible à la pastorale ordinaire. Il y a deux paroisses pratiquement fermées. Les catéchistes eux-mêmes ont dû quitter leur village parce que la population est partie, donc s’ils restaient, il n’y aurait personne à «animer». Cela influe aussi sur la vie du diocèse dans la mesure où nos structures d’accueil, par exemple l’Ocades-Caritas, sont très fortement sollicitées pour accueillir les nombreux déplacés qui arrivent à Kaya et dans d’autres localités. Et ils arrivent en grand nombre.

À cette menace sécuritaire s’ajoute depuis quelques mois la pandémie de coronavirus. Dans quelle mesure votre région est-elle touchée?

Nous devons rendre grâce à Dieu, car il n’y a pas eu un seul cas avéré, du moins dans le territoire du diocèse, on a enregistré aucun cas. Si le coronavirus devait s’ajouter à ce que nous vivons déjà, je ne sais pas ce que nous deviendrions. Nous continuons à prendre les dispositions et à observer toutes les mesures pour, justement, nous préserver.

Au début du mois, la Caritas a alerté à propos de la menace de la famine qui pèse sur le Burkina Faso, et Kaya est cité. Que percevez-vous de cette réalité dans votre diocèse?

La menace est réelle dans la mesure où les gens ne peuvent plus cultiver leurs champs, parce qu’ils sont en train de fuir leur village. Ils ne peuvent plus accéder à leurs terres pour cultiver. Il faut savoir que la population ici est à 90-95% paysanne. Les gens vivent des travaux des champs ou des travaux d’élevage. Mais tout cela n’est plus possible dans les campagnes, car les villages ont été désertés à cause des attaques terroristes. Ceux qui voulaient y retourner pour ensemencer leurs champs ont été dissuadés par de nouvelles attaques qui ont eu lieu récemment. Ils sont donc entassés dans les centres urbains, mais ce n’est pas là qu’ils vont trouver des champs à cultiver !.. Etre là, à ne rien faire, en ayant besoin de manger, de se soigner… c’est difficile. Et cela veut dire qu’il y a effectivement une menace de famine si l’on ne fait rien pour aider.

Et de quels moyens disposez-vous pour faire face à ce risque de famine?

Tout le monde est démuni. Le peu que l’Ocades- Caritas diocésaine avait fait a déjà été dépensé, donné. Cela a été comme une goutte d’eau, on a senti que ça n’a pas soulagé grand-chose. Mais il y a l’intervention des organismes internationaux, comme le PAM [Programme Alimentaire Mondial], et d’autres bonnes volontés qui sont là et qui aident. Autrement, comme moyens endogènes, on n’a pratiquement rien.

Ici, au niveau de l’évêché, j’ai par exemple essayé de développer quelques activités pour l’auto-prise en charge des femmes déplacées. On leur accorde de petits crédits pour qu’elles puissent faire quelque chose, parce que ce n’est pas bon pour leur dignité de passer leurs journées à mendier. C’est parfois un sentiment d’impuissance qui nous saisit devant l’immensité des besoins, et la précarité de nos moyens.

Dans quel état d’esprit envisagez-vous les prochaines semaines?

Nous appréhendons car il y a la saison des pluies qui s’installe, avec des pluies diluviennes. Les pluies ont déjà causé beaucoup de dégâts. Pour les déplacés, ça va être une saison hivernale particulièrement difficile à vivre. On ne sait pas comment on va tenir jusqu’à la fin de cette saison hivernale. Et après la saison, comment faut-il faire pour vivre? L’avenir est donc assez sombre. Bon, il y a des promesses d’aide nationale et internationale. Je ne désespère pas, mais j’avoue que je suis inquiet, sérieusement inquiet.

Est-ce que vous avez un dernier message à faire passer?

Je sais qu’il y a beaucoup de gens qui prient pour nous, et ce n’est pas une contribution indifférente, car si Dieu n’y met pas la main, je ne sais pas comment nous allons nous en sortir. Et merci à toutes les bonnes volontés qui mettent la main au porte-monnaie, parce que vraiment, sans leur aide, nous serions bientôt réduits à ne savoir que faire. Mais avec la solidarité internationale, l’espoir reste permis. Donc merci à tous pour la solidarité, merci à tous pour la sollicitude. Restons en communion de prière, et gardons cet esprit de solidarité chrétienne.

 

 

« Ce qu'a abandonné l'homme politique malien,

c'est véritablement la morale et l'éthique »

ENTRETIEN. Ex-ministre de la Justice, Me Mamadou Ismaïla Konaté livre au « Point Afrique » ce que lui inspire la situation actuelle du Mali, la relation entre populations et politiques.

Propos recueillis par Olivier Dubois, à Bamako | Le Point.fr, le 23/07/2020

Mamadou Ismaïla Konaté, avocat aux barreaux de Bamako et Paris, a été ministre de la Justice du Mali. 

C'est peu dire que la situation qui prévaut actuellement au Mali est grave. Entre un président affaibli par une forte contestation de la population appuyée par des partis politiques, une grande partie de la société civile et l'aura morale d'un chef religieux à la tête d'un mouvement hétéroclite dont on ne sait pas vraiment la finalité institutionnelle visée, le Mali doit faire avec un front social interne dans un environnement où les terroristes islamistes ont peu à peu distillé un très fort sentiment d'insécurité. Ancien garde des Sceaux du Mali, Me Mamadou Ismaïla Konaté s'est confié au Point Afrique au moment où une délégation de chefs d'État de la Cedeao est passée à Bamako pour trouver une solution à la crise.

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Le Point Afrique : Dans cette crise sociopolitique qui secoue le Mali et plus particulièrement sa capitale Bamako, on constate une grande fracture entre la population malienne et les politiques. Comment l'analysez-vous ?

Mamadou Ismaïla Konaté : Cette situation n'est pas propre qu'au Mali. Dans des pays comme le Togo, le Sénégal, comme le Tchad ou la Côte d'Ivoire, on est aussi dans la défiance vis-à-vis des politiques, parce que le monde citoyen se trouve en rupture totale avec l'autorité, que celle-ci soit politique issue des élections, publique comme les fonctions publiques, locales ou même religieuses. Les comportements de l'humain vis-à-vis de la quête de pouvoir et les comportements de cet humain une fois investi de pouvoirs sont en rupture avec la morale publique, avec la légalité, en rupture avec la régularité. On n'a absolument aucune gêne aujourd'hui à mettre la main dans la caisse du Trésor public pour puiser dedans, à créer des marchés publics pour multiplier ses gains et financer l'action politique ou l'action publique.

C'est l'ensemble des comportements de ce genre qui font qu'aujourd'hui le citoyen défie l'autorité. Il voit l'autorité dans son attitude flagrante de violation du droit, de violation de la loi et de rupture totale concernant son intervention vis-à-vis de l'intérêt général. C'est tout cela qui fait qu'aujourd'hui les citoyens ne se retrouvent pas dans les actions qui sont entreprises en leur nom par les autorités politiques ou publiques, et la justice n'est pas tout à fait la bonne réponse parce qu'elle-même se trouve dans un contexte d'instrumentalisation totale. Les gens n'ont pas d'autres possibilités que d'aller occuper les rues, et malheureusement souvent la violence n'est pas loin. Lorsqu'on a tout cela, on ne doit plus s'étonner d'avoir des foules dans la rue qui s'en prennent aux ouvrages publics, aux personnalités publiques avec qui la confiance est totalement rompue. Voilà la réalité de l'Afrique aujourd'hui, du point de vue de la démocratie, voilà la situation de l'État de droit et la situation de la justice.

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Les contestataires qui veulent mettre en place un « Mali nouveau » sont dirigés par des hommes politiques, d'anciens ministres pour certains, donnant l'impression qu'on est plus dans une guerre entre anciens amis qui ont du mal à faire leur bilan. Ils sont très incisifs à l'endroit du chef de l'État en place et de son gouvernement. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

Je crois que la démarche de tout individu vis-à-vis du pouvoir doit passer par le suffrage, et le suffrage doit permettre aux gens qui l'exercent d'ouvrir les yeux, les oreilles et de regarder là où ils mettent les pieds. La question fondamentale aujourd'hui, c'est que l'identification de l'individu doit se faire au regard non seulement de ses capacités intrinsèques, mais surtout de la morale et de l'éthique. Ce qu'a abandonné l'homme politique malien, c'est véritablement la morale et l'éthique. Voler aujourd'hui n'est pas une tare, se retrouver en situation de conflit d'intérêts n'est pas non plus une difficulté, une prise de participation illégale dans les marchés publics n'est pas non plus un problème, parce que l'on est assuré qu'en amont on est protégé par l'auteur du décret qui vous a nommé et qu'en aval on a le contrôle de la justice. Entre les deux, il y a un vide absolu et ce vide, il est perçu par les citoyens qui sont les voisins du ministre, qui sont membres de sa famille ou qui sont simplement des employés de son ministère. Ainsi, le fossé s'élargit.

On a vu une personne arriver au pouvoir avec un patrimoine global de 100, et douze mois après, lorsqu'il quitte le pouvoir, son patrimoine est de 10 000. Les gens sont offusqués par cela. Cela envoie le message que le meilleur moyen de s'enrichir, c'est aussi de mettre un pied en politique et d'être nommé ministre. Il faut que la morale et la rigueur de la morale reviennent dans le champ politique et public, que nous puissions mettre en œuvre un certain nombre de mécanismes qui permettent de dissuader d'y aller pour les raisons invoquées.

Quand j'étais ministre de la Justice, nous avons déployé cette mécanique de déclaration du patrimoine qui s'est arrêté dans des conditions inacceptables. Le chef de l'État m'avait donné son aval, mais il a freiné des quatre fers parce que son entourage pouvait être concerné. La chose publique doit être sacrée. Elle ne doit se faire que dans les conditions de la loi, d'une part, et dans l'intérêt général, d'autre part. Tant qu'on n'aura pas une justice profondément indépendante, composée de juges quasi irréprochables, on sera toujours dans un contexte de hiatus entre ce que l'on dit et ce que l'on fait. Cela fera dire au citoyen : « Ce sont tous les mêmes. »

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Que pensez-vous de la mission composée de chefs d'État de la Cedeao qui négocie une sortie de crise après une autre mission qui n'est pas parvenue à un accord ?

La médiation, dans le cadre de la Cedeao, ne vient pas pour imposer son opinion aux autres. Elle vient prendre la température de la situation réelle. Je pense que la chose à ne pas faire est de venir imposer un point de vue. Il faudrait plutôt chercher à connaître les opinions des uns et des autres. La première mission a échoué à cause de l'impréparation et aussi parce que cette mission a été totalement absorbée par l'opinion que lui a sans doute indiquée le chef de l'État, et du coup, les rôles ont été inversés, la contestation s'est retrouvée à subir les offres du chef de l'État, alors même que la contestation était en train d'imposer ses vues dans le cadre de son mémorandum. Je ne suis pas sûr que la deuxième mission qui négocie va être capable de régler le problème parce que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Il aurait fallu que cette mission fût précédée d'un certain nombre de personnes qui descendent dans la rue pour aller prendre le pouls des uns et des autres, une mission de prospection. Les chefs d'État au lieu de faire de la médiation, ils vont mettre en avant les qualités dont sont pourvus les Maliens : la solidarité, la religion, l'intérêt national. Des énonciations qui ne permettront pas de régler les difficultés.

J'ai bien peur que cette mission n'arrive à colmater que quelques brèches et qu'ensuite les problèmes se représentent encore. Ce sont des questions fondamentales qui sont posées. C'est la qualité de la gouvernance du chef de l'État et ce qui apparaît comme une irresponsabilité totale du chef de l'État. Pour ses engagements et les actes qu'il doit prendre, il est en retrait, il exerce ses prérogatives via des personnes, ce qui crée des décalages. Le premier concerne les détournements de l'argent public et les crédits de l'État, l'absence de justice, une hyperdomination des pouvoirs occultes néfastes pour la justice et le pays. C'est tout cela qu'il faut régler. N'oublions pas que chacun de ces chefs d'État connaît autant de difficultés chez lui. La responsabilité directe des chefs d'État et celle de la Cedeao sont posées. S'ils n'arrivent pas à régler cette crise malienne dans des conditions optimales et conformes au droit, à la Constitution et à nos traditions, ils prendront un risque dont eux seuls répondront.

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La dissolution de la Cour constitutionnelle, une des exigences des contestataires, annoncée par IBK, contrevient à la loi. Dans ces conditions, comment le président peut-il prononcer sa dissolution ?

Nous sommes face à un flagrant délit qui montre qu'un certain nombre de chefs d'État, dont le nôtre, n'ont cure du droit et de la loi. Quand vous voyez les conditions par lesquelles le chef de l'État est intervenu pour prendre un décret après un discours où il a dit qu'il va abroger le décret de nomination des membres de la Cour constitutionnelle non démissionnaires… C'est le genre d'impair qu'il ne faut jamais commettre. Même dans des États ultradictatoriaux, on ne verrait pas ça. Personne de sensé ne prendrait un décret pour abroger la nomination d'un juge et, de surcroît, un juge constitutionnel. C'est un crime de lèse-majesté, c'est de la haute trahison, un abus de pouvoir excessif qui n'a aucun fondement légal ou constitutionnel.

Les trois magistrats restants lui ont adressé un recours gracieux, en droit, cela donne la possibilité au président de rectifier la faute qu'il a commise. Mais il ne semble pas prendre la mesure de la faute énorme qu'il a commise pour rectifier. Au bout de quatre mois, la décision du président peut être attaquée devant la section administrative de la Cour suprême dans un délai de deux mois.

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L'ampleur des mobilisations que l'imam Dicko lance fait-elle de lui, actuellement, le premier opposant politique au Mali alors que Soumaïla Cissé, le chef de file de l'opposition, a disparu depuis plus de 100 jours ?

C'est une originalité malienne qu'il faut peut-être analyser sous bien des angles : sociologique, juridique, constitutionnel, et même de la mobilisation citoyenne dans le champ de l'action publique. C'est vrai qu'on a comme une confusion des rôles à ce niveau-là. La société civile qui était jusque-là en alliance avec la société politique a toujours été sur le champ politique pour faire des revendications politiques. Mais on se rend compte aujourd'hui que la société cultuelle, car la communauté musulmane est l'une des communautés les plus importantes au Mali, est présente dans cet attelage qui a donné l'occasion à un chef musulman de donner de la voix, notamment l'imam Dicko. Quand une occasion comme celle-ci se présente, il y a toujours une autre société qui prend le relais, c'est la société religieuse. Sauf que l'imam Dicko a pris bien soin de créer une association politique qui est d'ailleurs présidée par son plus proche lieutenant.

Ce qui est sous-jacent, c'est réellement la question de la laïcité. Nous sommes tous imbus du concept de la laïcité occidentale qui dit que le champ politique ne doit pas être pris d'assaut par les sociétés religieuses. Pour autant, est-ce qu'on a le droit d'interdire aux sociétés religieuses dans leur composante humaine d'exprimer leur opinion publique ? C'est le cumul des deux qui posent des difficultés. Mais tant que les hommes politiques se départissent de la morale, il se trouvera toujours des religieux, qu'ils soient musulmans, catholiques ou autres, pour rappeler un certain nombre de valeurs. C'est l'absence de valeur dans l'action politique justement qui donne l'occasion aux gens d'être en rupture de confiance et de favoriser d'autres phénomènes de surgir. Je pense qu'il faut encore questionner la laïcité au regard de nos réalités, politiques, sociales ou institutionnelles.

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Pensez-vous que la contestation aurait été différente si Soumaïla Cissé avait été présent dans sa fonction de chef de file de l'opposition ?

Incontestablement. Parce qu'il a quand même une plus grande aura politique que tous les autres. Il a déjà un parti politique assez fort et il a été deux fois le challenger du chef de l'État lors des élections présidentielles. Il avait aussi le plus grand nombre de députés à l'Assemblée nationale. S'il était physiquement présent, la présence de l'imam Dicko aurait sans doute été moindre. Il aurait été mieux à même de coordonner l'ensemble des acteurs politiques qui sont aujourd'hui sur-le-champ et qui n'apparaissent pas véritablement comme des politiques, si ce n'est derrière l'imam Dicko. Il aurait été aussi sans doute un très bon interlocuteur vis-à-vis de la communauté internationale. L'absence de Soumaïla Cissé a été un gros déficit, un gros manque dans les événements de ces dernières semaines au Mali.

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Le président IBK avait annoncé à la mi-juin la libération pour « bientôt » de Soumaïla Cissé. Il n'en est toujours rien. Comment expliquez-vous ce manque de communication et de clarté sur les initiatives gouvernementales visant à faire libérer Soumaïla Cissé ? Dans quelle mesure êtes-vous impliqué vous-même pour amener tout l'éclairage sur cette affaire ?

Ma première démarche était tout à fait amicale à l'endroit de Soumaïla Cissé que je connais bien. Ce lien d'amitié et de fraternité que j'ai toujours eu avec lui depuis près de 30 ans m'a donné l'occasion d'être présent et de me battre comme les gens de son parti politiques, ses amis politiques et ses proches. Je suis aujourd'hui l'un des avocats des enfants de Soumaïla Cissé qui ont décidé de saisir un comité spécialisé au niveau du système des Nations unies pour justement déférer cette question-là, et je pense que ce comité a dû à son tour saisir l'État du Mali qui doit faire la preuve, dans un certain nombre de situations qui lui ont été présentées, des actions évidentes et pertinentes qu'il a mises en œuvre pour retrouver Soumaïla Cissé.

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Depuis quelques semaines émergent sur la Toile des articles qui tendent à soutenir la thèse d'un enlèvement pour raison politique de Soumaïla Cissé. Qu'en pensez-vous ?

Forcément, l'enlèvement de Soumaïla est politique. D'abord, parce que Soumaïla a été enlevé dans des conditions inadmissibles pendant qu'il était en campagne pour les élections législatives. L'État lui a donné toutes les assurances qu'il ne risquait rien en allant battre campagne dans le cercle de Niafunké. Soumaïla Cissé n'est rien d'autre qu'un homme politique. Il est un chef de parti, un député réélu et le chef de file de l'opposition. Ce n'est pas une moindre chose que de signaler qu'il a été deux fois candidat à l'élection présidentielle. Pour quel autre motif Soumaïla Cissé a-t-il été enlevé si ce n'est pour des motifs politiques ? C'est d'ailleurs parce que c'est politique qu'on a tendance à demander des comptes à l'État, parce que, dans tout ce comportement de l'État, il y a des défaillances, des manques, des fautes. C'est tout cet ensemble qui permet aujourd'hui à la famille de Soumaïla Cissé de se retourner vis-à-vis de l'État pour lui demander des comptes, afin d'aller au-delà des discours, et visiblement, pour l'instant, les comptes qui sont rendus sont loin d'être satisfaisants. C'est pour cette raison que nous avons saisi ce comité spécial pour savoir ce qui est réellement entrepris en ce moment pour faire libérer Soumaïla Cissé. Nous attendons, d'ailleurs, les preuves que doit nous donner l'État malien aujourd'hui.

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