Hubert Julien-Laferrière :

«Avec les Burkinabè, contre le terrorisme!»

TRIBUNE. Qui peut encore imaginer qu'un État pourrait, en fermant ses frontières, ne pas subir dans son pays les dérèglements que connaîtrait le voisin ?

Par Hubert Julien-Laferrière député secrétaire du groupe d'amitié France-Burkina Faso

 

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Le Point.fr | 07/08/2020

Pour le député du Rhône Hubert Julien-Laferrière, à partir des histoires humaines entre Français et Burkinabè, on peut construire une coopération efficace.

La crise que nous traversons nous a démontré, s'il en était encore besoin, à quel point nous vivons dans un monde interdépendant. Santé, sécurité internationale, biodiversité… « Le monde d'après » ne peut donc s'affranchir de la perspective d'un nouvel équilibre dans les relations internationales, d'une refondation de la solidarité entre les nations, entre les continents. Tout en abandonnant paternalisme et misérabilisme, la France, l'Europe et l'Afrique doivent devenir des partenaires qui se respectent, se comprennent et tirent profit de ce qui les relie. Pour le développement comme pour la sécurité collective.

Burkina : « une partie de notre cœur là-bas »

Élu local à Lyon en charge de l'international et de la coopération avec la capitale Ouagadougou pendant des années, j'ai connu, comme de nombreux Français, élus locaux ou nationaux, ONG, entreprises…, le Burkina Faso, havre de paix. Nous sommes nombreux en France à avoir une partie de notre cœur là-bas, au « pays des hommes intègres », où nos coopérations, nos relations professionnelles, ont forgé des amitiés profondes.

Alors quel déchirement de constater que ce pays qui nous est si cher lutte désormais contre un terrorisme meurtrier, depuis ce 15 janvier 2016, jour des attaques terroristes couplées du restaurant Capuccino et de l'hôtel Splendid de Ouagadougou, qui avaient fait 30 victimes. Une double attaque qui a marqué les esprits et les cœurs, et qui reste gravée dans la mémoire des Burkinabè et de tous les amoureux de ce pays si attachant. Ces attentats ont plongé le pays dans une spirale meurtrière qui se propage. En cinq ans, le Burkina Faso a subi au moins 580 attaques djihadistes, pour la plupart entre 2019 et 2020. Près de 359 d'entre elles ont été dirigées contre des civils, entraînant la mort de plus de 1 500 personnes.

Solidarité militaire française

La France est présente, comme au Mali et au Niger, par son aide au développement, et avec le G5 Sahel et la force conjointe dans une stratégie militaire qui intègre les forces de sécurité locales. Cette présence est indispensable, pour la sécurité des populations du Sahel et la stabilité de la région. Mais, alors que nos militaires, avec les armées sahéliennes, assurent une lutte de tous les instants contre le terrorisme qui frappe les populations locales, on voit monter au Burkina Faso, comme chez ses voisins du Sahel, un « french bashing », une remise en cause de la présence militaire française qui serait pour certains Africains le paravent d'un néocolonialisme. Pendant ce temps, d'autres grandes puissances accroissent leur influence économique sur le continent. Il est donc impératif, dans le même temps, d'encourager les stratégies locales d'endiguement du terrorisme grandissant qui impliquent les populations.

Une stratégie intégrant grandement les populations

Avec les moyens qui sont les siens, le Burkina Faso a tenté de mettre en place de nombreuses politiques pour assurer aux populations des régions les plus touchées à la fois des perspectives économiques et la sécurité. Avant même que l'hydre terroriste ne s'abatte sur les populations, le pays avait décidé d'agir. Le président Roch Kaboré s'était même rapproché des services israéliens afin de mettre en œuvre une stratégie qui remonte à la pré-indépendance de l'État d'Israël. Cette stratégie, dans les zones rurales de ce qui devint par la suite l'État d'Israël, se fondait sur l'édification de fortifications simples mais efficaces, une formation militaire pour les civils et l'installation sur les terres cultivables, lesquelles aideront plus tard à la définition des frontières israéliennes.

Conjuguer sécurité et développement économique

C'est cette politique, adaptée à la réalité locale, qui est actuellement utilisée dans les zones rurales frappées par le terrorisme au Burkina Faso. Une politique qui comprend le renforcement sécuritaire et le développement agricole comme moteur d'une relance de l'activité économique.

Premier volet, le défi sécuritaire, avec la formation d'une véritable réserve civile, les Volontaires pour la défense de la patrie : formation de deux semaines, fourniture d'équipement et coordination avec les forces de sécurité nationales, indispensable pour éviter les risques d'autonomisation de milices privées. Nombreux sont les affrontements au cours desquels les volontaires ont contribué à repousser les attaques, souvent au prix de leur vie.

Second volet, les perspectives économiques pour les populations vulnérables, par la mise en place d'un programme de développement de l'agriculture dans les zones rurales, avec à l'étude de nouvelles techniques d'irrigation, d'élevage… pour aboutir à l'autosuffisance alimentaire et au développement des exportations. Car on ne mobilise pas les populations si l'on n'est pas capable de leur offrir des perspectives de développement et de revenus.

Augmenter la confiance des populations

Dans cette lutte du Burkina Faso contre le terrorisme, c'est non seulement la sécurité du pays qui est en jeu, mais également la confiance de la population dans ses autorités publiques et donc la cohésion de toute une nation. Sans les populations, sans cette confiance, les forces de sécurité ne seront jamais suffisantes pour vaincre les djihadistes.

La France agit au Burkina et au Sahel. Elle est présente militairement, son aide publique au développement augmente dans la région et implique davantage qu'auparavant les acteurs locaux. Malgré tout, son influence recule en Afrique au profit d'autres grandes puissances, en premier lieu la Chine, dans sa stratégie de maîtrise des infrastructures, en particulier minières et portuaires…

Continuer à enrichir nos histoires humaines

Le rapport que nous avons à ce pays et à ce continent est pourtant différent à bien des égards de celui qu'entretiennent avec lui d'autres puissances internationales, il s'inscrit dans un respect mutuel et dans la volonté qu'il puisse s'engager dans le progrès pour toutes et tous et la stabilité. Et notre relation avec le Burkina Faso est riche également de ces histoires humaines auxquelles elle doit beaucoup. L'Histoire a lié nos deux peuples et nos deux nations. La lutte contre le terrorisme doit être notre priorité et elle ne sera possible que si les populations locales comprennent que c'est avec elles et pour elles que nous travaillons.

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