Chrétien en Terre sainte

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Dans cet ouvrage hétéroclite et foisonnant, le jésuite israélien aborde les thèmes qui lui sont chers, notamment la théologie de la Terre sainte et le dialogue interreligieux au Proche-Orient.

Le pape Benoît XVI au Mur des lamentations à Jerusalem, le 12 mai 2009.

Le pape Benoît XVI au Mur des lamentations à Jerusalem, le 12 mai 2009. / Ronen ZvulunGetty/AFP

Je vous écris de la Terre sainte

de David Neuhaus

Traduit de l’anglais par Elsa Boyer, Bayard, 496 p., 22,90 €

Son parcours personnel mériterait un livre à lui seul. Né en Afrique du Sud en 1962 dans une famille juive ayant fui l’Allemagne nazie, David Neuhaus immigre à Jérusalem à 15 ans. Il adopte la citoyenneté israélienne puis « rencontre le Christ » grâce à une vieille abbesse russe orthodoxe. Baptisé en 1988, ordonné prêtre en 2000, ce jésuite affable et généreux est devenue une figure incontournable du dialogue judéo-chrétien. Il est vicaire patriarcal pour les catholiques d’expression hébraïque en Israël (entre 200 et 400 membres).

Mais cet itinéraire hors norme n’est pas l’objet de son nouveau livre. À peine en occupe-t-il les dix premières pages. Le reste de cet épais ouvrage explore trois grands thèmes, en s’appuyant sur de nombreux documents du Vatican et écrits de théologiens parfois peu connus du public : la Terre sainte aujourd’hui, les relations entre juifs et chrétiens, et la Bible et la Terre sainte (1).

Il répertorie tout d’abord les défis auxquels doivent faire face aujourd’hui les chrétiens de Terre sainte (2 % de la population d’Israël et de la Palestine), pris entre un « nationalisme juif qui les marginalise et leur impose des discriminations » et un « nationalisme arabe dont ils ne cautionnent pas l’expression de plus en plus islamique ». L’auteur invite ces chrétiens (qu’ils soient arabes palestiniens, russes israéliens, expatriés occidentaux ou migrants d’Afrique subsaharienne ou d’Extrême-Orient) à approfondir leur sentiment d’appartenance à cette terre « rendue sacrée par l’histoire du salut ».

Le pèlerinage du pape François en mai 2014 fait l’objet d’un chapitre, tout comme celui de Benoît XVI cinq ans plus tôt – une visite moins fraîche dans nos mémoires… et pourtant riche en intuitions spirituelles pour le théologien Ratzinger, qui compara la Terre sainte à « un microcosme qui résume en lui le difficile chemin de Dieu avec l’humanité ». Au Saint-Sépulcre, il fut marqué par le tombeau vide, révélateur de la possibilité pour Dieu de « faire toutes choses nouvelles ».

Pour David Neuhaus, convaincu que les chrétiens ont un rôle à jouer pour la paix en Terre sainte, cette visite de Benoît XVI a rappelé deux tendances devant être réconciliées : la nécessité pour l’Église de poursuivre la voie de la réconciliation avec Israël, tout en plaidant pour que les Palestiniens soient traités avec plus de justice.

Fort de son expérience personnelle, l’auteur s’attelle aussi au sujet complexe du salut des juifs. Il rappelle les données d’un problème en apparence insoluble : le Christ est l’unique sauveur universel d’une part, et d’autre part l’alliance de Dieu avec Israël est irrévocable. Mais dans ce cas, demandent les juifs, « pourquoi aurait-on besoin de Jésus-Christ ? » Solides arguments théologiques à l’appui, l’auteur énonce que l’Église et le judaïsme ne sauraient être deux voies parallèles de salut.

Il propose enfin une lecture critique et savante du Livre de Josué, confrontant le lecteur chrétien à son malaise face à un Dieu en apparence violent et tempétueux. À tous les niveaux, l’ouvrage de David Neuhaus se présente comme une invitation au dialogue.

Mélinée Le Priol