Législatives au Sénégal : pour l’opposition, l’étrange match des remplaçants

La coalition d’Ousmane Sonko s’apprête à aller aux législatives du 31 juillet sans ses candidats titulaires, dont la liste nationale a été invalidée début juillet par le Conseil constitutionnel.

Mis à jour le 25 juillet 2022 à 15:28
 
 
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L’opposant Ousmane Sonko, maire de Ziguinchor, à Dakar le 8 juin 2022. © Seyllou/AFP

 

l y a deux semaines, elle a démarré timidement, mais la campagne électorale bat désormais son plein à Dakar, à moins d’une semaine des législatives du 31 juillet. Si la fièvre politique est montée d’un cran, l’ambiance festive des meetings a été douchée par les pluies diluviennes qui se sont abattues pendant plusieurs jours sur la capitale sénégalaise.

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Les questions d’assainissement se sont d’ailleurs invitées dans les discours politiques après les inondations dans plusieurs communes de la banlieue de Dakar, comme Keur Massar, et l’affaissement d’une partie de l’autoroute Seydina-Limamoulaye, qui relie Dakar à l’ancien aéroport Léopold-Sédar-Senghor. « Le cauchemar des inondations revient à Dakar. Et cela met à nu la vanité des travaux de Macky Sall dans la lutte contre les inondations », a affirmé le 20 juillet sur sa page Facebook Mamadou Lamine Diallo, mandataire de la coalition de l’opposition Wallu Sénégal, construite autour du PDS.

Tandis que, depuis la Casamance où elle est en campagne, Mimi Touré, tête de liste nationale de la coalition au pouvoir Benno Bokk Yakaar, a exprimé sa « solidarité aux populations de Dakar frappées par les inondations » tout en rappelant que « près de cent milliards [de francs CFA] ont été investis pour le programme de lutte contre les inondations ».

Les suppléants sur le devant de la scène

Dans la capitale sénégalaise, les intempéries n’ont toutefois pas empêché Malick Kébé d’aller à la rencontre des populations. « Nous privilégions le porte-à-porte pour discuter directement avec les gens. Quartier par quartier, rue après rue, nous leur expliquons l’importance de voter pour Yewwi Askan Wi ». Malick Kébé, qui est responsable au niveau de la commune des Parcelles Assainies du mouvement Taxawu Sénégal, dirigé par l’ancien maire de Dakar Khalifa Sall, avait été initialement investi sur la liste des suppléants de la principale coalition de l’opposition, emmenée par Ousmane Sonko, arrivé troisième à la présidentielle de 2019.

Mais, du fait de l’invalidation de la liste nationale des candidats titulaires de Yewwi Askan Wi, l’interprète judiciaire de profession s’est retrouvé, à l’instar de 49 autres personnes, sur le devant de la scène. C’est à eux qu’incombent désormais la responsabilité de parvenir à imposer une cohabitation à Macky Sall lors des législatives. « C’était un scénario inattendu. Nous avons été très surpris. C’est la première fois qu’une liste ne va à des élections législatives qu’avec ses suppléants, s’étonne Malick Kébé, désormais investi en troisième position et tout proche d’être député. Mais nous sommes tout aussi prêts au combat que nos différents leaders. C’est une bataille qui ne nous fait pas peur. »

« Le ministre de l’Intérieur a tout fait pour éliminer nos leaders de la course. Ils ne voulaient pas voir Ousmane Sonko à l’Assemblée nationale. Mais malgré ce handicap nous croyons en nos chances de victoire », estime de son côté Bassirou Samb, responsable des jeunes de Taxawu Sénégal, investi à la 29e place sur la liste des suppléants. À seulement 30 ans, Bassirou Samb a déjà un grand parcours politique. Ancien militant du Parti socialiste à 13 ans, il est aujourd’hui le 9e adjoint au maire de Dakar, Barthélémy Dias, en charge de la Jeunesse et des Loisirs.  « Le pouvoir pense que les suppléants ne remporteront pas le combat. Mais il faut savoir que nous sommes des hommes et des femmes qui nous battons au sein de nos formations politiques. Et nous sommes parfois plus méritants que les candidats titulaires et plus proches de la base, explique Bassirou Samb. Derrière des leaders, il y a toujours des gens de l’ombre . »

« Un travail d’équipe »

Le jeune élu local ne cache toutefois pas qu’il aurait préféré être investi dès le départ sur la liste des titulaires. Les investitures au sein de la coalition Yewwi Askan Wi avaient donné lieu à des frustrations et occasionné des départs, comme celui du député Cheikh Bamba Dièye ou de Mansour Sy Djamil. « Je m’étais offusqué du fait qu’un responsable des jeunes comme moi n’ai pas été investi comme titulaire. Mais la liste des suppléants présente finalement l’avantage de compter beaucoup plus de jeunes en ses rangs. C’est un atout », se réjouit Bassirou Samb.

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La coalition de l’opposition n’a rien changé à son organisation d’origine. Les affiches de campagne à l’effigie d’Ousmane Sonko, initialement tête de liste nationale, de Malick Gakou ou de Déthié Fall n’ont pas été refaites pour y afficher les visages des nouveaux candidats. Comme tous les suppléants, chacun dans leurs communes respectives, Malick Kébé concentre ses efforts de campagne aux Parcelles Assainies, la commune dont il a la charge. Et Bassirou Samb sillonne, lui, les rues de Grand Yoff, l’une des 19 communes de Dakar, dirigée par Madiop Diop. Tandis que les cadres de la coalition font une tournée dans les différentes régions du pays.

« C’est un travail d’équipe. L’essentiel, c’est d’amener ce régime vers la cohabitation », concède Bassirou Samb. Sept millions de Sénégalais sont appelés à voter le 31 juillet lors d’un scrutin qui fera office de référendum « pour ou contre Macky Sall » à moins de deux ans de la prochaine présidentielle.