Dialogue national au Tchad: « il faut de la retenue », selon A. Koulamallah, ministre de la Communication

Abderahman Koulamallah, ministre tchadien de la Communication. © Ibnchoukri/wikimedia.org

Le Tchad se dirige vers le dialogue national. Si la date n'est pas encore fixée, le débat, lui, s'installe déjà sur les ondes. La HAMA, la Haute Autorité des Médias, a mis en demeure RFI sur la diffusion de déclarations contraires à l’éthique et au bon vivre ensemble entre les Tchadiens. La parole ouverte à l'occasion de ce dialogue risque-t-elle de conduire à une montée des tensions ? Pour en parler, nous recevons le ministre tchadien de la Communication Abderahman Koulamallah.

 

RFI : Comment décririez-vous le climat dans lequel se sont déroulées les consultations préparatoires au dialogue national au Tchad ?

Abderahman Koulamallah : Le climat est absolument apaisé. Beaucoup de membres de l’ancienne opposition dirigent des comités de ce dialogue et nous travaillons en toute fraternité, nous travaillons pour en tout cas un Tchad meilleur.

Avec les consultations préparatoires au dialogue national, la parole s’est libérée, a dit Acheikh Ibn Oumar, le ministre de la Réconciliation nationale. Est-ce que vous voyez un danger à cette libération de la parole ?

La parole s’est libérée, parce que nous avons eu la volonté - et nous avons toujours la volonté - que les gens s’expriment librement. Ce n’est pas un cadeau que nous faisons aux gens. C’est un droit inaliénable, la liberté de s’exprimer, la liberté de s’organiser, la liberté de contester... Mais tout doit se faire dans les règles du droit et aussi dans la retenue. J’ai entendu des propos malveillants venus de certaines personnes qui se revendiquent des intellectuels, qui accusent des ethnies d’être la cause des maux du Tchad. Ce qui préoccupe la jeunesse tchadienne aujourd’hui, c’est le problème de l’emploi. C’est leurs perspectives d’avenir et non pas de savoir si tel est Gorane, tel est Sara, tel est Baguirmien, tel est Zaghawa… Non, il faut de la retenue ! 

Mais est-ce que l’on peut régler les problèmes et fonder un nouveau vivre ensemble sans que chacun puisse vider son sac ?

Est-ce que vous pensez qu’il faut vider son sac aujourd’hui, ou est-ce qu’il faut attendre le dialogue pour vider son sac ? Pourquoi se presser ? Pourquoi vouloir à tout prix faire le dialogue avant l’heure ? Vous savez, beaucoup de sujets sont mis sur la table pour ce dialogue. Quand on parle de fédéralisme au Tchad - je vous donne un exemple au hasard - le fédéralisme fait partie des propositions que le Comité d’organisation du dialogue a mis sur la table ! Il ne faut pas en faire un sujet politique pour diviser les Tchadiens !

La parole est libérée, mais en même temps les manifestations de certains mouvements sont interdites. Est-ce qu’il n’y a pas là une contradiction ?

Mais vous me parlez d’interdiction de manifestations ? Absolument pas !

Les transformateurs n’ont pas pu manifester récemment…

Mais nous sommes un État de droit. Quand des manifestants disent : nous ne respectons pas le tracé que l’on nous donne, c’est impossible ! Ceux qui veulent être des insoumis à la loi, ils trouveront la loi devant eux !

Où en est-t-on des démarches pour associer les politico-militaires à ce dialogue ?

C’est une des avancées majeures du Conseil militaire de transition, du président de la République et du gouvernement, d’avoir mis en place un comité spécial, dont le but principal est de rencontrer les politico-militaires. Ils ont rencontré tous les politico-militaires existants connus et un pré-dialogue est mis en place. Ce pré-dialogue permet aux politico-militaires de faire part de leurs revendications particulières. Les politico-militaires ont posé certains préalables et ces préalables viennent d’être validés par le gouvernement. Ces préalables demandent un pré-dialogue que nous avons accepté. Mais la question de la réconciliation avec les politico-militaires relève exclusivement du Comité spécial, à qui nous avons donné toute la latitude de discuter sous, bien sûr, l’œil bienveillant du président du Conseil militaire de transition et du gouvernement.

Le dialogue a pris du retard, en raison d’un problème de moyens financiers. Diriez-vous qu’aujourd’hui le Tchad a les moyens d’organiser cette grande consultation ?

Tout le monde disait « Nous allons venir aider le Tchad… », les bailleurs se sont positionnés, des pays se sont positionnés… Mais pour l’instant, nous ne voyons pas grand monde. Nous lançons de nouveau un appel aux bailleurs, de ne pas laisser le Tchad, même si nous prenons nos responsabilités pour financer avec nos maigres ressources un dialogue crédible.