Union africaine : une enquête interne lancée pour corruption, népotisme et menaces

| Par Jeune Afrique
Le siège de l'Union africaine, à Addis-Abeba.

 Le siège de l'Union africaine, à Addis-Abeba. © Tiksa Negeri/REUTERS

 

Le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs de l’UA est au cœur d’une enquête interne. Certains employés ont engagé un bras de fer avec leurs dirigeants, accusés, entre autres, de népotisme, de favoritisme ou de corruption. « Jeune Afrique » en livre les dessous en exclusivité.

C’est un document de 26 pages, que Jeune Afrique a pu consulter, qui a mis le feu aux poudres. Rédigé en juillet par des salariés du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (MAEP), une structure qui dépend de l’Union africaine (UA), il détaille des allégations de « mauvaise gouvernance, corruption, népotisme, favoritisme […], menaces, chantage, intimidation et renvois arbitraires », au sein de l’organisation basée à Johannesburg, en Afrique du Sud.

« Le MAEP devrait être à la pointe de la promotion des valeurs de l’Union africaine [UA] comme le respect, la loyauté, l’intégrité, l’impartialité, la transparence, la responsabilité, l’efficacité et le professionnalisme. Pourtant, son secrétariat continental semble aller dans la direction tout à fait opposée », peut-on y lire.

Un million de dollars disparu ?

Selon nos informations, le document a été transmis aux principaux responsables de l’UA, dont Cyril Ramaphosa, le chef de l’État sud-africain, qui en occupe actuellement la présidence. Plusieurs accusations y sont détaillées, qui mettent notamment en cause le directeur général du secrétariat, le Sud-Africain Edward Maloka, et sa compatriote Mamathimolane Makara, directrice des services corporatifs.

« Le processus de recrutement et de licenciement du secrétariat continental du MAEP est le plus cacophonique et non objectif que vous trouverez jamais dans les organes de l’Union africaine », écrivent les lanceurs d’alertes. Ceux-ci détaillent, employé par employé, des présumés « conflits d’intérêts », situations de « favoritisme » (notamment via une « distribution de bonus ») ou renvois arbitraires.

Plusieurs autres situations précises sont évoquées dans cette note qui reprend en partie les conclusions d’un audit déjà effectué en interne en 2018. Selon les auteurs, qui réclament sur ce point une enquête indépendante, une donation de l’État nigérian de 1 million de dollars datant de 2018 aurait ainsi « disparu » du compte bancaire du MAEP.

Le Mécanisme aurait également, selon ses employés à l’origine du document, engagé la société sud-africaine Valerie M Travel Services « sans aucun appel d’offres approprié ». Dans le contrat liant cette entreprise au MAEP, un accord disposerait en outre que « la carte de crédit » de ce dernier « serait conservée par Valerie M Travel Services ». Cette compagnie, précise le document, est détenue par « un ami » de Mamathimolane Makara.

Commission d’enquête

Le document résume en outre plusieurs incongruités de fonctionnement : l’impression, sur son compte du MAEP, de t-shirts destinés à l’église personnelle de Liziwe Masilela, directrice de la communication ; l’utilisation d’un bus du Mécanisme pour acheminer les invités au quarantième anniversaire de Mamathimolane Makara à Bloemfontein, à 400 kilomètres de Johannesburg.

Le 6 août dernier, le directeur du personnel du MAEP, Ferdinand Katendeko, a émis une circulaire engageant tous les salariés à « rester calmes » et à « ne pas être distraits » par le « document anonyme en circulation ». « La direction prend le sujet au sérieux […] et ira au fond des choses », précise Katendeko dans ce courrier que Jeune Afrique a consulté.

Selon nos sources, l’UA a mis en place une commission d’enquête pour enquêter sur ces allégations. Celle-ci a notamment commencé à interroger certains salariés du Mécanisme concernés.