Aux États-Unis, des pubs pour « réhabiliter l’image de Jésus »

Le 12 février, deux publicités autour du Christ seront retransmises lors du Super Bowl, le rendez-vous sportif le plus suivi en Amérique du Nord. Elles s’inscrivent dans une campagne d’un milliard de dollars et qui s’étale sur trois ans.

  • Alexis Buisson, 

 

Aux États-Unis, des pubs pour « réhabiliter l’image de Jésus »
 
Lancée en mars 2022, la campagne « He Gets Us » consiste en une série de courtes vidéos abordant la vie de Jésus et diffusées sur les réseaux sociaux, à la télévision ou dans la rue, comme ici à Las Vegas.ERIC JAMISON/AP

New York (États-Unis)

De notre correspondant

Le Super Bowl, finale très attendue du championnat de football américain, qui se déroule cette année en Arizona dans la nuit du dimanche 12 au lundi 13 février, sera un moment fort pour les équipes de Kansas City et de Philadelphie. Mais il le sera aussi pour Brad Hill, l’un des responsables de Gloo, une plateforme de communication numérique dédiée au monde religieux.

Il fait partie des cerveaux de la campagne « He Gets Us » (« Il nous comprend »), destinée à « réhabiliter l’image de Jésus » outre-­Atlantique. Deux de ses publicités seront diffusées pendant l’événement sportif le plus suivi aux États-Unis. « Nous aurons l’attention de plus de 100 millions de téléspectateurs », se félicite-t-il.

Si une large majorité des Américains reconnaissent l’importance spirituelle de Jésus, ses enseignements sont plus ou moins connus. Surtout, les chrétiens sont perçus par ceux qui ne le sont pas comme « hypocrites » (à 50 %), «catégoriques dans leurs jugements» (à 49 %) ou encore « arrogants » (à 32 %), d’après un sondage Ipsos réalisé en 2022 pour l’Église épiscopalienne. Les débats autour de l’avortement et de l’homosexualité, les scandales sexuels au sein de l’Église catholique mais aussi la présence de fondamentalistes chrétiens parmi les émeutiers du Capitole, le 6 janvier 2021, ont contribué à ternir leur image et, – selon les initiateurs de la campagne – à voiler, du même coup, celle du Christ.

Lancée en mars 2022, « He Gets Us » consiste en une série de courtes vidéos léchées abordant différents aspects de la vie de ­Jésus (« le rebelle », « le docteur », « la colère », « réfugié »…). Le spectateur est dirigé vers un site où il peut lire des références évangéliques au sujet de la polarisation politique, de l’égalité des sexes, de la pauvreté ou de l’immigration. Les curieux sont aussi invités à entrer en contact avec l’un des 20 000 membres du réseau de « He Gets Us ». «Nous voulons montrer que l’expérience de Jésus peut être pertinente face aux fardeaux de la société actuelle : la solitude, l’anxiété, les problèmes de santé mentale… », reprend Brad Hill.

Les vidéos de « He Gets Us » ont déjà été vues des milliards de fois sur les réseaux sociaux, à la télévision, dans la rue – elles ont notamment été diffusées sur les écrans de Times Square à New York. La cible : un public «ouvert sur le plan spirituel, mais sceptique envers le christianisme». Cette population culturellement chrétienne mais désengagée représenterait 54 % des adultes américains d’après les études menées en 2021 par les organisateurs de la campagne.

Derrière le projet se trouve The Signatry, bras fiscal de la Servant Foundation, une fondation basée à Kansas City dont le rôle est de mettre en relation de riches donateurs chrétiens avec des ONG. Le fonds a initialement investi quelque 100 millions de dollars dans la campagne (20 millions uniquement pour les deux réclames du Super Bowl). Au total, les organisateurs prévoient de mettre un milliard de dollars (928 millions d’euros) dans cette initiative sur trois ans.

Les noms des donateurs ne sont pas publics, à l’exception de celui de l’homme d’affaires David Green qui a révélé la participation financière de sa famille lors d’une émission de radio. En 2014, Hobby Lobby, la société fondée par ce milliardaire proche des milieux évangéliques, fut au cœur d’un litige remarqué autour de la liberté religieuse des entreprises familiales chrétiennes, obligées par la réforme du système de santé adoptée sous Barack Obama de rembourser les avortements de leurs employés à travers leur assurance.

« He Gets Us » ne veut pas être vue comme un outil d’évangélisation. D’après Brad Hill, le projet a été lancé avant tout par des «chrétiens inquiets de voir l’histoire de Jésus devenir source de division » : «Quand on demande au grand public les valeurs qu’incarne Jésus, il évoque son amour, la paix, l’hospitalité. Rien à voir avec la colère que l’on voit aujourd’hui dans la société. »