L'expérience Ebola mise à profit en Afrique face au risque de coronavirus

 
 
Une scientifique fait des recherches sur le coronavirus, au laboratoire de l'Institut Pasteur à Dakar, le 3 février 2020.
Une scientifique fait des recherches sur le coronavirus, au laboratoire de l'Institut Pasteur à Dakar, le 3 février 2020. Seyllou / AFP

Aucun cas de 2019-nCoV n’a encore été détecté en Afrique, mais le continent se prépare à faire face à cette épidémie venue de Chine. Les invités de l’édition spéciale de RFI expliquent comment.

« Nous sommes prêts », estimait ce vendredi matin sur l'antenne de RFI, Jean-Marie Kayembé, doyen et professeur de pneumologie à la Faculté de médecine de Kinshasa. Si le continent n'a pas encore détecté de contaminations, les pays se tiennent prêts. L'Institut Pasteur de Dakar, désigné par l'Union africaine comme l'un des deux centres de référence en Afrique pour la détection du nouveau coronavirus, a d'ailleurs réuni en fin de semaine des experts de quinze pays africains pour les préparer à faire face à la maladie.

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Une expertise et des outils

Tous ont appris d'une autre infection respiratoire, qui a fait elle à ce jour plus de 11 000 morts sur les 29 000 cas enregistrés : le virus Ebola. « Au Congo, nous en sommes à la dixième épidémie du virus Ebola, rappelle le Pr. Kayembé. Ce qui nous donne une longueur d’avance, une expérience dans la riposte contre cette maladie. Nous luttons ensemble, nous capitalisons toutes les recettes dans la prise en charge. »

Et même si l’épidémie d’Ebola n’est toujours pas endiguée, l'expérience de la gestion d'une telle maladie peut donner des outils pour lutter contre le coronavirus. « Les méthodes de contrôle de l’épidémie sont similaires, confirme le Professeur Arnaud Fontanet, responsable de la structure épidémiologie des maladies émergentes à l’Institut Pasteur interrogé sur RFI. Ebola est une fièvre hémorragique virale avec des patients qui, dans les phases terminales de la maladie, sont contagieux par tous les fluides corporels. La stratégie de lutte est basée sur l’isolement des patients, sur le suivi des contacts sur une durée qui permet de savoir s’ils ont été infectés ou pas. Et elle est aussi basée sur des restrictions de déplacements dans les zones touchées. Donc, on est en fait sur les mêmes schémas de lutte et de contrôle que ce que l’on voit et qu’on penserait mettre en place pour ce nouveau coronavirus s’il devait arriver sur le continent africain. » En revanche, rappelle le Pr. Fontanet, si l'on dispose désormais d’un vaccin contre Ebola, ce n'est pas le cas pour le 2019-nCoV.

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Bien sûr, on apprend d’une épidémie sur l’autre, a également souligné Frédéric Vagneron, chercheur associé au Centre d’humanités médicales de l’université de Zurich, sur l'antenne de RFI : au niveau local d’abord, mais aussi politique et médical. « Plus généralement, commente l’historien, il y a un partage d’informations qui est véhiculé par des organisations internationales. C’est le cas de l’OMS [Organisation mondiale de la santé] notamment qui a beaucoup développé la question de l’alerte ; l’alerte en cas d’épidémie est un peu devenue son pré carré. C’est la pandémie du sida, dans les années 1990, qui marque une grande rupture. Se développent alors des dispositifs et des infrastructures, avec l’OMS notamment, pour baliser la possible émergence et réémergence d’événements sanitaires catastrophiques potentiellement. »

« On ne sait pas comment peut se comporter ce nouveau coronavirus à l’arrivée sur le continent africain »

On le sait, l’Afrique entretient des liens très forts avec la Chine. Alors pour connaître les points d’émergence possibles du virus sur le continent africain, on a regardé les flux d’avions existants entre les deux continents, explique le médecin épidémiologiste Arnaud Fontanet. Et il y en a pas mal… « Une simulation a été publiée il y a deux jours qui indique les pays qui sont les plus exposés pour essayer d’anticiper », explique-t-il. Addis-Abeba fait par exemple partie de ces plate-formes qui constituent de potentiels points d'entrées du virus. « Maintenant, avertit le chercheur, je crois que l’important, c’est que tous les pays se préparent parce que les chemins suivis par les passagers peuvent quelquefois nous surprendre. »

Il appelle par ailleurs à une très grande vigilance. « On ne sait pas comment peut se comporter ce nouveau coronavirus à l’arrivée sur le continent africain, note-t-il. Par exemple, il n’y a pas de saisons tranchées pour la grippe car on est dans des régions tropicales. Donc elle circule un peu toute l’année. On ne sait pas non plus l’effet que la température peut avoir sur ce coronavirus. » A priori, le coronavirus préfère les températures froides. Mais difficile, selon le chercheur, de prédire comment se comporterait le virus en termes de transmission s’il arrivait sur le sol africain.

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