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Axe Bamako-Conakry-Ouagadougou: un programme «ambitieux» mais «difficile»

 

Ils veulent faire de l'axe Bamako-Conakry-Ouagadougou « un domaine stratégique et prioritaire ». Les ministres des Affaires étrangères malien, guinéen et burkinabè se sont réunis jeudi 9 février à Ouagadougou pour une inédite « rencontre tripartite ». Le Mali, la Guinée et le Burkina Faso sont suspendus des instances de l'Union africaine et de la Cédéao. S'ils affichent leur « attachement aux principes et objectifs » des organisations continentale et régionale, ces trois pays affichent un agenda commun qui leur est propre. Et qui semble aussi ambitieux que compliqué à mettre en œuvre.

Abdoulaye Diop, Morissanda Kouyaté et Olivia Rouamba, les ministres des Affaires étrangères du Mali, de Guinée et du Burkina Faso, annoncent une longue liste de projets communs : sur l'approvisionnement en hydrocarbures et en électricité, sur le développement du commerce et des transports à partir du port de Conakry, sur l'organisation commune de l'exploitation minière, sur la construction d'une ligne de chemin de fer reliant leurs trois capitales, ou encore sur la construction de nouvelles routes.

La liste, qui n'est pas exhaustive, est forcément alléchante. Baba Dakono est secrétaire exécutif de l'Observatoire citoyen sur la gouvernance et la sécurité de Bamako (OCGS) :

« C’est vrai que c’est un programme extrêmement ambitieux, qui rappelle d’ailleurs curieusement le programme d’investissement prioritaire qui avait été mis en place par le G5 Sahel. Ce n’est pas véritablement un fait nouveau, de prendre conscience que les investissements en termes d’infrastructures et d’axes commerciaux était également une manière de répondre à la crise sécuritaire. Dans le contexte actuel, le financement endogène de ces différentes actions va être difficile. D’ailleurs, ces États attendent un appui technique et financier par rapport à l’exécution de ce programme ambitieux. »

Parce qu'ils sont toujours en transition après des coups d'État militaires qui ont rompu l'ordre constitutionnel, le Mali, la Guinée et le Burkina Faso sont actuellement suspendus des instances de l'Union africaine et de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao). Les trois pays annoncent « des initiatives communes » pour obtenir la levée de ces suspensions, sans préciser lesquelles. S'agira-t-il d'un plaidoyer politique groupé auprès de ces institutions ? D'actions en justice, comme l'avait déjà fait le Mali lorsqu'il était encore frappé par des sanctions économiques ?

Le Mali, la Guinée et le Burkina Faso comptent enfin mettre en place « un cadre permanent de concertation ». Aucun détail sur l'échéance ni sur la forme de ce nouveau format, mais les trois pays affichent résolument leur volonté de faire bloc.

MTN Ghana échappe à une « douloureuse » de 773 millions de dollars

Si le régulateur ghanéen a fini par retirer la sanction pécuniaire qu’il avait présentée à la filiale locale de MTN, les autres entreprises ne sont pas pour autant à l’abri, tant l’État a besoin de recettes fiscales.

Mis à jour le 10 février 2023 à 12:34
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Une boutique du groupe MTN dans un mall de Johannesburg, le 4 novembre 2022. © Siphiwe Sibeko/REUTERS

 

D’un côté, MTN Ghana, qui annonce son intention de contester le lourd arriéré d’impôts que lui demande le régulateur, la Ghana Revenue Authority (GRA), à coups de chiffres pour prouver l’inexactitude du rapport d’audit accusant l’entreprise d’irrégularité fiscale. De l’autre, l’autorité de régulation, qui maintient qu’elle a parfaitement bien fait son travail dans le dossier des obligations fiscales de la société de télécommunications.

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Les deux parties ont eu une série de réunions au cours des deux dernières semaines au terme desquelles, le 3 février, la GRA a retiré sa facture de 773 millions de dollars. « Les actionnaires ont été informés qu’à la suite de discussions approfondies et productives tenues au cours de cette période de 21 jours entre MTN Ghana, MTN et les autorités ghanéennes compétentes, la GRA a entièrement retiré son évaluation », indique MTN Ghana à la Bourse de Johannesburg (JSE) où l’entreprise est cotée. « MTN souhaite en outre assurer les actionnaires et les autres parties prenantes de l’engagement de MTN Ghana à respecter les normes les plus élevées en matière de conformité fiscale et de citoyenneté d’entreprise responsable. »

À la suite de cette annonce, le marché boursier a réagi positivement, le cours de l’action MTN augmentant d’environ 7,3 %, passant de 0,82 cedi à 0,88.

Méthode discutable

Que s’est-il passé pendant ces deux semaines de négociations ? Quels éléments expliquent le recul du régulateur ?

C’EST UNE COURSE À L’ARGENT

La méthodologie utilisée par le cabinet d’audit Safaritech Ltd, basé à Nairobi, pour calculer la facture fiscale de MTN pour la période en question a été remise en question. MTN n’a pas mâché ses mots, la qualifiant d’inexacte. Le rapport a été établi grâce à des enregistrements de données d’appel (CDR). Une source proche des discussions a expliqué à Jeune Afrique que des audits similaires réalisés par d’autres sociétés isolaient les enregistrements d’appels ne générant pas de revenus, ce qui n’était pas le cas pour MTN.

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Samuel Dowuona, un analyste en télécommunications, estime que l’audit réalisé est douteux, arguant que la société était novice dans la réalisation d’audits de cette nature dans le secteur des télécommunications au Ghana. « D’après ce que nous découvrons, les opérations de cette société semblent louches, et la méthode utilisée douteuse. Nous savons que KPMG a également réalisé un audit, et il est surprenant que la GRA choisisse le rapport de Safaritech. » « C’est une course à l’argent », selon lui.

Quête agressive

Au cours de ces discussions autour de la question fiscale, MTN a sans doute fait valoir des arguments solides pour justifier sa position : l’entreprise a tiré les leçons d’une expérience similaire au Nigeria en 2018, où elle a contesté avec succès une dette de 2 milliards de dollars en arriérés d’impôts qui lui avait été imposée.

Contactée, la responsable des relations publiques de la Ghana Revenue Authority, Florence Asante, a refusé de commenter le dénouement de l’affaire, déclarant que les questions fiscales entre l’agence et les institutions devaient rester dans le domaine privé.

La GRA est entièrement tournée vers sa quête de recettes fiscales, tant le gouvernement compte sur elle pour abonder un renflouement des caisses de 3 milliards de dollars attendu par le FMI. Dans le but de collecter des fonds suffisants pour l’économie ghanéenne à court d’argent, la GRA a demandé de nouveaux arriérés d’impôts à Gold Fields Ltd, Kosmos Energy Ltd et Tullow Oil Plc.

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Les trois entreprises contestent : « Le Ghana est clairement confronté à des défis fiscaux et économiques, mais nous espérons que le gouvernement ne recourra pas à des mesures fiscales déraisonnables qui mettront encore plus en péril les défis auxquels le secteur des entreprises est confronté », déplore un porte-parole de Gold Fields Ltd.

Tullow, qui se voit réclamer une facture d’environ 300 millions de dollars, a fait valoir que les évaluations étaient « sans fondement » et qu’elle espérait résoudre le problème à l’amiable avec l’agence fiscale.

Comment le Maghreb peut juguler la sécheresse

Barrages peu remplis, nappes phréatiques surexploitées, pluviométrie au plus bas… Il est grand temps que les pays d’Afrique du Nord prennent la mesure des pénuries d’eau qui les guettent. Et agissent en conséquence.

Mis à jour le 6 février 2023 à 13:06
 
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     Par Olivier Marbot

 

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Le barrage de Sidi El Barrak, à Nefza, au nord-ouest de Tunis, le 11 janvier 2023. © Yassine Mahjoub/Shutterstock/SIPA

 

Entre l’interminable bras de fer que se livrent Algériens et Marocains et l’impasse politique dans laquelle la Tunisie semble s’enfoncer chaque jour davantage, les sujets d’inquiétude concernant les trois pays du Maghreb ne manquent pas. On peut y ajouter une grogne sociale quasi permanente et ne suscitant que peu de réponses de la part des autorités, des pénuries récurrentes, une inflation qui fait fondre le pouvoir d’achat et une guerre en Ukraine qui continue à bouleverser les équilibres mondiaux.

« Perdre du temps, c’est mourir »

La vraie menace, pourtant, celle qui fait courir un risque existentiel et immédiat aux trois pays et à leur population, est climatique et concerne la raréfaction annoncée – et déjà perceptible – de la denrée la plus indispensable : l’eau.

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Le constat n’a rien d’un scoop et ne se limite en aucun cas à l’Afrique du Nord. Au Forum mondial de l’eau organisé à Dakar en mars 2022, le président sénégalais Macky Sall insistait sur la « place vitale » de la gestion de l’eau sur le continent tout entier, rappelant que les besoins en matière de financement seraient multipliés par six à l’horizon 2030. Plus synthétique, et évoquant de son côté l’ensemble des mesures nécessaires pour combattre le réchauffement climatique, le secrétaire général des Nations unies, António Gutteres, lançait quant à lui au moment de la sortie du rapport du Giec : « Perdre du temps, c’est mourir. »

Rien de tout cela n’est nouveau, mais lorsqu’on observe les mesures prises pour assurer l’accès à l’eau des populations, on se demande tout de même si la gravité de la situation est vraiment présente dans les têtes. Pour en revenir au Maghreb en commençant par le Maroc, les spécialistes évoquent un taux de remplissage des barrages d’à peine 30 %, des nappes phréatiques surexploitées et une politique de dessalement et de retraitement des eaux usées ou pluviales encore balbutiante.

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Le bilan n’est pas plus glorieux en Algérie, qui entame une quatrième année de sécheresse record et vient de subir deux saisons estivales marquées par des incendies meurtriers. Le barrage de Koudiat Asserdoun, l’un des plus grands du pays, affichait début 2023 un taux de remplissage de 3 %, tandis que les besoins en eau de la capitale, officiellement estimés à 700 000 m3 par jour, atteindraient plutôt 1,2 à 1,3 million de m3, selon les experts.

En Tunisie enfin, où la pluviométrie est au plus bas, on parle de barrages remplis à 31 % et on s’inquiète de la très faible proportion de terres cultivables équipées de systèmes d’irrigation. Avec, comme chez les voisins, des conséquences connues et déjà observables : problèmes d’approvisionnement en produits agricoles nécessitant de recourir aux importations, incendies, exode rural…

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Les mesures à prendre pour inverser la tendance ? Elles sont connues, à défaut d’être facilement finançables. Les hydrologues en dressent inlassablement la liste : dessalement de l’eau de mer, récupération de l’eau de pluie, traitement des eaux usées, utilisation plus raisonnable de la ressource, recours à des techniques d’irrigation plus efficaces et fin des cultures trop gourmandes en arrosage…

Avec quel argent ?

Rapports et promesses s’accumulent, et impossible de reprocher aux gouvernements de ne pas communiquer sur le sujet. Le Maroc, champion des barrages depuis les années 1950, a son Plan national de l’eau et a annoncé l’an dernier la naissance d’une Agence nationale de gestion de l’eau. La Tunisie a présenté sa stratégie, sobrement intitulée « Eau 2050 », tandis qu’en Algérie, les autorités planifient la construction d’un solide réseau de stations de dessalement.

Mais à quel horizon ? Avec quel argent ? Faute de pouvoir répondre à ces questions, on peut au moins prédire sans grand risque de se tromper que la mi-2023 sera – encore – catastrophique sur les rives de la Méditerranée.

Au Burkina Faso, des deepfakes au service de la transition

Propagande 3.0. au Sahel : des vidéos faisant l’apologie de la junte burkinabè utilisent des avatars créés par un logiciel d’intelligence artificielle.

Mis à jour le 6 février 2023 à 15:45
 
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@ Damien Guez
 
 
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« Bonjour au peuple africain et plus particulièrement aux habitants du Burkina. » Incrustée dans un drapeau burkinabè, une jeune femme en jogging, au teint ni clair ni foncé, exprime ses salutations, mais en anglais. « Nous sommes des Américains d’Afrique et panafricains », précise un homme affable en chemise mauve. « Nous devons soutenir le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration [MPSR] et le président Ibrahim Traoré », renchérit une autre demoiselle aux cheveux lisses.

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Devenus viraux depuis le deuxième putsch burkinabè de 2022, ces appels circulent sur les réseaux sociaux du Faso, en particulier sur les toujours très populaires Facebook et WhatsApp – notamment sur les pages de militants pro-Traoré, qui engrangent parfois des centaines de milliers d’abonnés. Des activistes qui aiment tout autant dénigrer les témoignages estampillés « occidentaux » que promouvoir les paroles discordantes des ressortissants d’Europe ou d’Amérique. Mais dans ces vidéos, en réalité, point d’opinions sincères…

Réalisme en trompe-l’œil

Si la manipulation a de beaux jours devant elle, la technique est têtue. Face au caractère aseptisé de ces déclarations d’affection à « I.B. », des geeks ont retracé l’origine des visages présentés. Les prétendus aficionados de la junte burkinabè ne sont que des avatars – noms de code « Anna », « Matt » ou « Evelyn » – qui font partie de la banque d’images du logiciel d’intelligence artificielle Synthesia. Pour synchroniser les propos tenus avec l’articulation labiale des personnages animés, les réalisateurs des vidéos ont, après avoir ajouté le drapeau burkinabè, employé la technique du deepfake, qui permet de mettre en bouche n’importe quels propos créés de toutes pièces. Une technique d’animation au réalisme en trompe-l’œil.

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Rien ne dit que ces visages existent – ils peuvent être le fruit du morphing de plusieurs faciès, utilisé la plupart du temps pour transformer de visu un visage en un autre. Et tout porte à croire que les propriétaires des traits qui ont contribué à leur conception ne connaissent pas le Faso…

Synthesia bannit l’utilisateur

Délit de bonne guerre ? Certes, les propagandistes du jour auraient pu, de façon plus traditionnelle et tout aussi courante, faire interpréter ces mêmes « dialogues » par des comédiens rémunérés. Et ces vidéos ne charrient aucune fake news gravissime, sinon le fait erroné que ces personnes virtuelles auraient prononcé de telles phrases et qu’elles-mêmes existeraient. Mais ces films de communication ne prétendent guère être des contenus journalistiques. En d’autres circonstances, des deepfakes plus mal intentionnés avaient ainsi attribué de fausses déclarations à des personnalités célèbres.

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Contacté par un fact-checker, le président de la société Synthesia a tout de même déclaré : « Ces vidéos enfreignent nos conditions d’utilisation et nous avons identifié et banni l’utilisateur en question ».

L’opposition ivoirienne aux abonnés absents

Lors de la dernière présidentielle, les leaders de l’opposition étaient vent debout contre la candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat. Depuis, nombre de ses cadres se sont rangés derrière le chef de l’État, faisant de son parti, le RHDP, le grand favori des prochaines élections locales.

Mis à jour le 6 février 2023 à 19:11
 

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Le président ivoirien Alassane Ouattara (au centre) lors d’une rencontre avec ses prédécesseurs Henri Konan Bedie (à g.) et Laurent Gbagbo, au palais présidentiel, à Abidjan, le 14 juillet 2022. © LEGNAN KOULA/EPA/MAXPPP

C’est l’époque où l’opposition ivoirienne bandait les muscles. Le 10 octobre 2020, sous un soleil de plomb, ses principaux leaders prennent la parole devant leurs partisans réunis sur la pelouse et dans les gradins du stade Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan. À trois semaines de l’élection présidentielle, ce « giga meeting » – mise en scène de leur unité contre la candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat – entend marquer les esprits.

Les discours de Marcel Amon-Tanoh, d’Albert Mabri Toikeusse, de Pascal Affi N’Guessan, de Mamadou Koulibaly ou encore de l’ancien président Henri Konan Bédié sont volontairement très offensifs. Le mot « dictature » claque à plusieurs reprises dans l’enceinte sportive. Les militants sont chauffés à blanc.

LE PARTI PRÉSIDENTIEL A CERTES PERDU SES ALLIÉS SUR LE PAPIER, MAIS IL N’A JAMAIS ÉTÉ AUSSI FORT.

Au lendemain de la réélection d’Alassane Ouattara (ADO) – scrutin que finira pas boycotter l’opposition –, l’annonce de la création d’un Conseil national de transition (CNT) précipite l’arrestation ou la fuite d’une partie de ces leaders. Deux ans et demi plus tard, à l’aube des élections locales (municipales et régionales) qui doivent avoir lieu en octobre et novembre 2023, que deviennent-ils ? Si l’on veut en trouver trace, il suffit simplement de regarder dans le camp adverse : celui de la majorité.

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Monopole

En janvier 2022, après avoir présenté ses excuses au président, Marcel Amon-Tanoh – ancien ministre et compagnon de route d’ADO pendant trente ans – était nommé au poste de secrétaire exécutif du Conseil de l’Entente, institution sous-régionale basée à Abidjan ; fonctions qu’il occupe toujours aujourd’hui.

Albert Mabri Toikeusse et son Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) ont eux aussi fait leur retour dans le giron présidentiel, tandis que Pascal Affi N’Guessan a annoncé lors de ses vœux de futures alliances électorales avec le parti au pouvoir « à l’occasion des consultations électorales de 2023 et de la présidentielle de 2025 dans la dynamique d’une gestion conjointe de l’État ».

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Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié craquelle quant à lui sous le poids des défections en faveur du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Dernier ralliement en date – et non des moindres –, celui de l’ancien directeur de cabinet d’Henri Konan Bédié, Narcisse N’Dri, qui devrait figurer sur la liste RHDP dans la région du Bélier.

Restent Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, rentrés en Côte d’Ivoire. Mais, tandis que le premier est occupé à bâtir son nouveau parti, le Parti des peuples Africains-Côte d’Ivoire (PPA-CI), le second dit vouloir d’abord œuvrer pour la réconciliation.

LE PERSONNEL POLITIQUE SÈCHE SES HABITS LÀ OÙ LE SOLEIL BRILLE.

« Le parti présidentiel, qui s’est renforcé lors de la constitution du RHDP en nouant une alliance avec le PDCI, a certes perdu ses alliés sur le papier, mais il n’a jamais été aussi fort », constate le chercheur et sociologue ivoirien Fahiraman Rodrigue Koné.

Participer au pouvoir politique

« Le PDCI est dans l’opposition depuis vingt-cinq ans. Certains cadres du parti ne comptent pas sur une alternance lors de la présidentielle de 2025 et ont envie d’avoir une place du côté du pouvoir. Par ailleurs, des élus locaux savent qu’ils s’assurent de conserver leur mandat s’ils reçoivent le soutien du RHDP. Il ne faut pas négliger des raisons plus prosaïques d’ordre financier », avance l’historien Jean-Noël Loucou, membre du PDCI.

« Il faut avoir un élément essentiel en tête : le jeu politique ivoirien se détermine par la capacité d’un parti à pouvoir nourrir un réseau de clientèle, et pour cela il faut avoir le pouvoir. Pour emprunter une terminologie très connue en Côte d’Ivoire, on sait que le personnel politique sèche ses habits là où le soleil brille », analyse Fahiraman Rodrigue Koné.

L’OPPOSITION N’EST PAS AUDIBLE.

Pour Jean-Noël Loucou, ancien directeur de cabinet d’Henri Konan Bédié à la présidence, ces départs en cascade depuis 2018 et l’éclatement de la coalition RHDP doivent être relativisés. Cela rappelle certains épisodes retentissants, comme le départ de Laurent Dona Fologo dans les années 2000 ou celui de Daniel Kablan Duncan à la fin des années 2010. « Le PDCI résiste », assure-t-il. Jean-Noël Loucou se montre beaucoup plus alarmiste au sujet de l’absence de débats publics et de l’incapacité de l’opposition à porter des propositions. « L’opposition ivoirienne est en pleine reconstruction. Elle est plus préoccupée par cette tâche que par celle d’être une force de proposition. Résultat, elle n’est pas audible. »

« Crise de démocratie »

Vie chère, éducation, logements…Le PPA-CI organise régulièrement des points presse pour commenter des sujets d’actualité. Mais avec quel écho ? Le parti de Laurent Gbagbo et ses partenaires de l’opposition ont récemment brouillé les pistes en apportant leurs votes à la candidature du RHDP Adama Bictogo à l’Assemblée nationale. Justin Koné Katinan, porte-parole du PPA-CI, avance dans ce cas précis « un jeu d’intérêt circonstanciel ».

AU PPA-CI, NOUS NOUS BATTONS POUR LA CONQUÊTE DU POUVOIR.

« Ce n’est pas pour cela que l’opposition a cessé d’exister. Au PPA-CI, nous restons attachés à notre statut d’opposant. Nous nous battons pour la conquête du pouvoir », assure-t-il. Sa formation ne cédera pas aux sirènes du parti au pouvoir, qui « domine tout et achète tout, y compris les consciences », dit-il. Son analyse est claire : « La situation de l’opposition est symptomatique d’une crise de la démocratie en Côte d’Ivoire ». Loin de partager cet avis, Pascal Affi N’Guessan estime que l’opposition ivoirienne « continue d’errer ».

« C’est un acteur en léthargie qui ne s’est pas remis du contre-coup de la crise post-électorale de 2010. L’opposition n’a pas su se réinventer après cette crise et s’est progressivement fragilisée. Les facteurs sont multiples. Les partis ne sont pas enracinés autour d’une doctrine politique solide », constate Fahiraman Rodrigue Koné, qui pointe l’absence de renouvellement générationnel mais aussi « l’héritage du logiciel de parti unique laissé par Houphouët-Boigny », dont la conséquence a été la naissance de « partis uniques en miniature ».

Un diplomate en poste à Abidjan s’interroge : « Est-ce que le RHDP a besoin de tous ces ralliements ? Il est déjà assez puissant. Qu’est-ce que ces ralliements lui apportent ? Il n’est menacé par personne, même en cas d’alliance de ces opposants ».