Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Mali : Ibrahim Boubacar Keïta appelle
à ne pas « mordre la main » tendue de la France

| Par AFP
Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, salue le président français, Emmanuel Macron, venu rencontrer les soldats français de l'opération Barkhane à Gao, le 19 mai 2017.

Le président Ibrahim Boubacar Keïta a appelé les Maliens à ne pas « mordre la main » de ceux qui leur viennent en aide, dont la France, face aux expressions d’hostilité à la présence de forces étrangères dans le pays en guerre.

Dans un message diffusé samedi soir, il a aussi annoncé le lancement officiel le 14 décembre d’un débat national pour dégager les solutions à la crise non seulement sécuritaire, mais multiforme, à laquelle le pays est en proie depuis des années.

Responsables et experts conviennent qu’il n’y aura pas d’issue au conflit du Sahel par la seule force des armes et sans action politique, alors que se propagent le jihadisme et les violences qui ont déjà fait des milliers de morts.

Treize soldats français sont morts lundi dans la collision de leurs deux hélicoptères lors d’une opération de combat de nuit dans le nord du Mali.

Le président malien a indiqué qu’il se rendrait à l’hommage rendu lundi par la France à ces soldats. « Je m’incline devant (leur) mémoire », a-t-il dit alors que des voix continuent à s’élever pour réclamer le départ des troupes françaises ou étrangères et pour les accuser de ne s’intéresser qu’aux richesses naturelles du Mali.

« Nous n’avons aucune raison de nous glorifier d’avoir tendu la main à ceux qui en avaient besoin hier », a assuré Ibrahim Boubacar Keïta en référence à l’engagement de soldats maliens pendant les guerres mondiales ou dans les missions de paix, « mais nous n’avons non plus aucune raison de mordre la main de ceux qui nous tendent les leurs aujourd’hui ».

Dialogue national

Il a par ailleurs fixé au 14 décembre le lancement officiel du dialogue national dit inclusif qu’il a mis sur les rails en mai et qui a donné lieu à des mois de consultations. Il est censé mettre les Maliens autour de la table et établir une feuille de route.

Le président malien a laissé entendre que ce lancement prendrait la forme d’un congrès et a appelé « toutes les forces vives de la Nation » à prendre part à ce dialogue, « entré dans la dernière ligne droite ».

L’initiative s’est heurtée jusqu’alors à la non-participation d’acteurs importants, comme la principale formation d’opposition, le Front pour la Sauvegarde de la Démocratie.

« Nous devrions saisir l’opportunité offerte de la mise à plat, et du diagnostic profond », a ajouté le président malien. Les conclusions et résolutions issues de ce dialogue seront mises en oeuvre par un mécanisme indépendant, a-t-il assuré.

Afrique de l’Ouest : Fatoumata Bâ prévoit de lever 60 millions d’euros
pour soutenir les start-up

| Par Jeune Afrique
L'entrepreneuse Fatoumata Bâ a fondé en 2018 la start-up Janngo, ce qui signifie "Demain" en peul.

Après avoir reçu un premier soutien de la Banque européenne d’investissement chiffré à 12,5 millions d’euros, la fondatrice du fonds Janngo Capital prévoit d’accompagner financièrement et stratégiquement 20 à 25 jeunes pousses d’ici 10 ans.

Janngo Capital, jeune fonds d’investissement de l’entrepreneuse sénégalaise Fatoumata Bâ, dont les locaux sont à Abidjan, est en chemin vers son objectif de lever 60 millions d’euros pour accompagner 20 à 25 start-up africaines durant les dix prochaines années.

Celle-ci vient de voir la Banque Européenne d’Investissement (BEI) s’engager à investir 12,5 millions d’euros dans le capital de Janngo Capital.

Interrogée par nos confrères de Jeune Afrique Business +, Fatoumata Bâ, qui avait précédemment lancé la filiale de Jumia en Côte d’Ivoire et dirigé celle de Lagos, indique qu’un nouvel investisseur pour son fonds est attendu pour début 2020, sans révéler plus de détails.

Ce sera ainsi la troisième implication publique dans le projet Janngo Capital, après celle de la BEI, et la levée en mai 2018 d’un million d’euros en phase d’amorçage, auprès de la famille Mulliez (Auchan, Décathlon…), du fonds Clipperton Finance et de la société d’import-export française Soeximex.

Accompagnement en marketing, gestion et finances

À travers ce véhicule d’investissement, Fatoumata Bâ envisage de soutenir des PME et start-up ayant pour vocation de participer au développement socio-économique du continent (e-commerce, santé, éducation, médias, logistique, fintech…), notamment en Afrique de l’Ouest, mais pas uniquement. Elle refuse toute limitation de langue ou de région. Elle fixe aussi l’objectif que la moitié des financements soit adressée à des entités portées ou dirigées par les femmes.

Janngo Capital compte intervenir en tant que partenaire opérationnel des projets dans lesquels il investira, souhaitant notamment leur fournir des conseils marketing, de gestion et financiers.

Dans sa volonté d’aider les plus jeunes pousses à se lancer, l’entrepreneuse annonce qu’elle financera notamment des projets en phase d’amorçage, avec des tickets modestes de 50 000 euros, ou plus.

Prostitution nigériane: jusqu'à 7 ans de prison ferme
pour les membres du réseau

 
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Vingt-quatre personnes, dont une en fuite, étaient jugées à Lyon du 6 au 13 novembre. ROMAIN LAFABREGUE / AFP
 

Les membres d'un vaste réseau de prostitution de Nigérianes actif dans plusieurs villes de France en 2016-2017 ont été condamnés ce vendredi 29 novembre à Lyon à des peines allant jusqu'à sept ans de prison ferme.

Avec notre envoyé spécial à Lyon, Pierre Olivier

Des peines allant de deux à sept ans de prison ont été prononcées par le tribunal de Lyon. Dans la majorité des cas, trois infractions ont été retenues : proxénétisme aggravé, traite d'êtres humains et blanchiment d'argent.

Dix femmes et 13 hommes originaires du Nigeria ainsi qu'un Français avaient été jugés du 6 au 13 novembre. Considérés comme les têtes du réseau, le pasteur Stanley Omoregie, ont été condamnés à sept ans de prison. C'est également le cas de Jessica Edosomwan, actuellement en fuite. Âgée de 26 ans, elle est l'une des criminelles les plus recherchées d'Europe par Interpol.

Les prostituées qui étaient à leur tour devenues proxénètes ont elles aussi été condamnées à des peines allant de trois à six ans de prison, selon leur degré d'implication et leur ancienneté. Le garagiste français qui réparait les camionnettes des prostituées a quant à lui écopé de deux ans de réclusion.

 

Des peines jugées sévères par la défense

Ces condamnations sont moins importantes que les réquisitions du ministère public, qui avait réclamé jusqu'à dix ans de prison. Pour les avocats de la défense, elles n'en demeurent pas moins très sévères. « Ce n'est pas la première fois que devant la 16e chambre correctionnelle de Lyon il est jugé de ce qui a pu être appelé des "réseaux nigérians". Il y a deux ans, les peines maximales prononcées étaient de quatre ans », commente ainsi Me Thibaud Claus, avocat d'un des condamnés.

Maître Sébastien Sertelon, l'avocat d'un des proxénètes du réseau, souligne aussi l'importance des peines prononcées : « à mon sens, il y a une réelle volonté de la politique pénale de vouloir mettre fin à certains réseaux. Manifestement, non seulement le parquet, mais aujourd'hui les magistrats du siège, nous montrent qu'ils veulent mettre fin à ces infractions considérées comme particulièrement graves. »

Face aux prévenus, 17 prostituées s'étaient constituées parties civiles, ainsi que deux associations spécialisées dans l'action contre le proxénétisme. Elles saluent un jugement qui montre aux accusés la gravité de leurs actes. Mais l'association L'Amicale du nid dit aussi regretter que les sommes de dommages et intérêts demandées aux coupables n'aient pas été plus importantes.

À écouter aussi : Lyon: malgré l'arrestation du réseau nigérian, la prostitution est toujours là

Biens mal acquis: un rapport demande un mécanisme de restitution aux populations

 
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Cette photo prise en février 2012 sur l'avenue Foch à Paris montre un camion à l'entrée de la résidence parisienne du fils du président équato-guinéen Teodoro Obiang, fouillée par la police française dans le cadre d'une enquête pour corruption. Photo AFP / Eric Feferberg

Deux députés viennent de remettre à la garde des Sceaux un rapport sur la confiscation des avoirs criminels. Dans celui-ci ils préconisent la mise en place d'un dispositif spécifique de restitution des biens mal acquis aux populations des pays d'origine.

En France, les biens mal acquis ne correspondent à aucune notion juridique. À ce jour, en cas de confiscation, des mécanismes généraux de restitution existent mais ils sont « insatisfaisants et même choquants dans les dossiers des biens mal acquis », soulignent les rapporteurs. Car, concrètement, ces dispositifs supposent que l'État spolié demande la restitution.

Or, il arrive que « le maintien au pouvoir des dirigeants mis en cause ou leur proximité avec les instances gouvernantes entrave la capacité ou la volonté de l'État d'engager cette démarche », pointent les rapporteurs.

Second problème : même si l'État étranger en fait la demande, rien ne garantit une redistribution aux populations pourtant « véritables victimes » des dirigeants corrompus stipule le rapport.

Guinée équatoriale, du pouvoir mal acquis aux biens mal acquis

Enfin, faute d'action, les biens confisqués sont reversés au budget de l'État français, « de manière injustifiée », la France n'étant pas victime.

L'AFD mise à contribution

Les députés proposent donc un dispositif spécifique. Légalement, les biens mal acquis seraient rattachés aux infractions de blanchiment et recel de corruption internationale.

Une fois la confiscation définitivement actée par la justice, les fonds saisis ou générés par la vente des biens seraient transmis à l'Agence française de développement sur une ligne budgétaire dédiée.

À charge pour l'AFD de mettre en œuvre des projets qui bénéficient directement aux populations, sur la base d'un accord entre le pays victime et le ministère des Affaires étrangères français, au sein duquel une cellule dédiée serait créée.

Dans les pays où l'AFD n'est pas compétente, une coopération avec des instances régionales ou internationales, type Banque de développement, est préconisée.

À noter que l'inclusion de la société civile locale dans le choix des projets n'est pas spécifiquement mentionnée. Les rapporteurs disent la souhaiter, mais préfèrent un dispositif élaboré au cas par cas.

Transparency 27/11/2019 - par Laura Martel Écouter

Marc-André Feffer, président de l'ONG Transparency, qui plaide depuis des années pour l'élaboration d'un dispositif ad hoc se dit globalement satisfait des propositions.

Confiscation des biens mal acquis: les ONG malgaches dénoncent une reculade


Bien mal acquis : où en est-on?

Seule affaire à ce jour à avoir fait l'objet d'un procès : celle de Téodorin Obiang. Le fils du président de Guinée équatoriale, lui-même vice-président du pays, a été condamné fin 2017 à trois ans de prison avec sursis, 30 millions d’euros d'amende avec sursis et à la confiscation de ses biens saisis dans l'Hexagone, estimés à plus de 150 millions d’euros.

C’est la première fois qu’un haut dirigeant étranger en exercice était condamné en France pour des faits de blanchiment, notamment de corruption. Le procès en appel débutera ce 9 décembre.

En revanche, les enquêtes concernant le chef de l'État congolais Denis Sassou Nguesso et feu le président gabonais Omar Bongo, visés aux côtés des Obiang dans la plainte déposée en 2008, sont toujours en cours.

Selon nos informations, dans le volet congolais, quatre ou cinq membres de la famille Sassou Nguesso ont été auditionnés en octobre dernier.

Concernant le Gabon, des perquisitions ont été menées en janvier dernier dans des appartements parisiens de la famille présidentielle et certains héritiers d'Omar Bongo ont récemment recu une convocation du juge. L'instruction pourrait être close l'an prochain précisent des sources proches du dossier.

Enfin, le parquet national financier a ouvert, fin 2018, une enquête préliminaire suite à une plainte de l'ONG Sherpa visant l'acquisition de biens immobiliers en france par l'entourage du président djiboutien Ismael Omar Guelleh.

Comment fabrique-t-on l’immigration irrégulière en France? |The Conversation

La plupart des mesures qu’Édouard Philippe a annoncées « pour améliorer la politique d’immigration, d’asile et d’intégration en France » relèvent en réalité de la lutte contre l’immigration irrégulière.

Elles reflètent aussi l’ambition d’Emmanuel Macron de peser sur la politique européenne de l’asile. Pour convaincre ses partenaires européens d’« accueillir mieux », il considère qu’il faut être « plus efficace pour reconduire ceux qui n’ont pas vocation à rester en Europe ».

Speranta Dumitru, Université Paris Descartes

Mais que faut-il exporter du modèle français en Europe ? Sa complexité, qui en fait le premier pays producteur d’obligations à quitter le territoire en Europe ? Ou bien sa fermeture à l’immigration économique ?

La France, championne des obligations à quitter le territoire

On pense souvent que l’immigration irrégulière désigne simplement les étrangers arrivés sans autorisation sur le territoire. Dans les médias et les lieux de pouvoir, on s’étonne alors que le taux d’expulsion ne soit pas plus élevé. En réalité, les étrangers qui vivent régulièrement en France pendant des années peuvent devenir des sans-papiers.

Pour le comprendre, prenons l’exemple récemment médiatisé de Geneviève, cette doctorante en situation régulière qui a failli être expulsée pour avoir trop travaillé.

Après un Master de droit en France, Geneviève travaille pour financer son diplôme de doctorat (BAC+8). Mais les étudiants, s’ils sont étrangers, n’ont pas le droit de travailler plus de 60 % de la durée légale de travail. S’ils dépassent ce seuil, ils risquent le non-renouvellement, voire le retrait, de leur carte de séjour et deviennent des sans-papiers.

Geneviève a travaillé quelques heures de plus (65 %) et la préfecture lui a adressé une obligation de quitter le territoire (OQTF) et même une interdiction de revenir en France (IRTF). La préfecture a ainsi grossi les rangs de l’immigration irrégulière dont on déplore le taux d’expulsion trop bas.

Ce cas n’est pas isolé. La France n’est pas seulement la championne européenne des obligations à quitter le territoire. La productivité de son administration est, elle aussi, impressionnante : une OQTF sur cinq (22 %) délivrées dans toute l’Union européenne est le fruit du travail d’un fonctionnaire français.

Obligations quitter le territoire (Eurostat, 2018). Eurostat

En matière d’immigration irrégulière, il est difficile de savoir combien de personnes sont devenues, comme Geneviève, des sans-papiers et combien sont arrivées en France sans-papiers.

Mais une enquête du Ministère de l’Intérieur a permis d’estimer que les personnes arrivées légalement et devenues sans-papiers étaient bien plus nombreuses (63 %) que celles arrivées sans-papiers (37 %). Leur durée de présence en France avant la réadmission au séjour était aussi plus longue que celle des personnes arrivées sans-papiers. Les hommes sont en France depuis 8 ans en moyenne, contre 6 ans pour les femmes, avant d’obtenir à nouveau des papiers.

L’immigration irrégulière : la fabriquer pour la combattre

La lutte contre l’immigration irrégulière gagnerait en efficacité si on cherchait à comprendre comment la France est devenue premier pays producteur d’obligations à quitter le territoire en Europe.

Le premier facteur est la complexité de la loi. L’opinion publique, même éduquée, ne la comprend plus. Mais c’est au nom de l’opinion publique que les politiques changent la loi, tous les deux ans en moyenne, en la rendant toujours plus complexe. L’effet est presque mécanique : chaque nouveau critère transforme des étrangers présents de façon tout à fait régulière, en sans-papiers.

Un second facteur est le niveau de risque associé au simple renouvellement du titre de séjour. Aucune erreur n’est permise car la loi prévoit qu’un refus de renouveler un permis de séjour soit accompagné d’une obligation à quitter le territoire. Comme si cela ne suffisait pas, depuis 2016, les OQTF sont assorties, dans de nombreux des cas, d’une interdiction de retour en France.

Sans comprendre que la création de l’immigration irrégulière est largement endogène, l’actuel gouvernement érige cette lutte en politique internationale. Il propose même de détourner une partie de l’aide au développement au profit de la France.

Vingt mesures pour améliorer la politique d’immigration, d’asile et d’intégration en France (6 novembre 2019). Comité interministériel immigration

Travailler, un risque de devenir sans-papiers

L’une des mesures annoncées par le gouvernement est l’ouverture (au débat) de l’immigration de travail. Il s’agirait de mettre à jour la liste des métiers sous tension.

Pour comprendre la timidité de cette mesure, il faut savoir que la carte de séjour « salarié » est la plus difficile à obtenir en France. L’employeur qui déciderait de recruter un étranger doit d’abord déposer une demande d’autorisation de travail.

Le code du travail prévoit un dossier complexe :

  • L’employeur doit prouver que l’emploi a été publiquement annoncé pendant plusieurs semaines et qu’il est resté vacant.
  • Il doit vérifier que l’emploi fait partie des métiers déclarés « sous tension ».
  • Il doit montrer l’adéquation entre l’emploi et les qualifications de l’étranger.
  • L’employeur doit montrer qu’il respecte la législation du travail et de la protection sociale. Par le passé, les ministres de l’Intérieur ont recommandé aux préfets de bien vérifier que l’entreprise respecte les obligations de formation professionnelle des salariés, de recours aux travailleurs handicapés, de l’instauration de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences…
  • Le recruté doit avoir respecté toutes les dispositions réglementaires (avoir travaillé, comme Geneviève, 65 % de la durée légale pendant ses études, est une raison de refus de l’autorisation de travail).
  • L’employeur doit montrer que la rémunération est de la même nature que celle offerte aux autres employés de l’entreprise.
  • Les parties doivent payer des taxes (55 % du salaire mensuel brut pour l’employeur et 250 euros pour le recruté).

L’employeur n’a pas droit à l’erreur car le travailleur étranger court le risque de devenir sans-papiers. Si l’administration n’a pas répondu dans les deux mois, l’autorisation de travail est refusée. Dans ce cas, l’autorisation de séjour sera, elle aussi, refusée et le travailleur recevra une obligation à quitter le territoire.

Aujourd’hui, la proposition du gouvernement de revoir la liste des métiers sous tension pourrait modifier un arrêté pris par Brice Hortefeux en 2008. Cet arrêté dispense l’employeur souhaitant recruter un étranger de remplir les deux premières conditions susmentionnées, mais seulement pour un nombre très limité de métiers, défini par région. Pour la Bretagne, par exemple, seuls 27 métiers sont concernés, alors que la région connaît des difficultés de recrutement pour plus de 130 milles postes.

Si la proposition du gouvernement va dans le bon sens, elle ne dispensera ni les employeurs de la demande d’autorisation de travail, ni les candidats du risque de devenir des sans-papiers. Les entreprises qui auront trouvé un candidat devront attendre plusieurs mois l’accord de plusieurs administrations pour pouvoir l’embaucher. Si elles n’ont pas le choix, elles attendront et finiront par accroître l’immigration de travail au-delà de 10 % de l’immigration totale.

Admission par motif France 2007-2018 (12 juin 2019). MI-DSED

Pour un étranger qui souhaiterait travailler en France, il sera toujours mieux de passer par l’immigration familiale, dont les titres de séjour sont pour la plupart dispensés de la demande d’une autorisation de travail.

Faut-il exporter le modèle français en Europe ?

Si la France produit le plus grand nombre d’obligations à quitter le territoire, elle n’attire en revanche qu’environ 3 % de l’immigration économique en l’Europe.

En 2018, les titres de séjour pour motif économique délivrés en France ont été moins nombreux qu’en République tchèque, petit pays dont la population est six fois moins nombreuse et le PIB, 12 fois plus petit. Inutile de comparer la France à la Pologne, où l’immigration économique est 10 fois plus grande, ni à la Grande Bretagne (3 fois plus) ou l’Allemagne et l’Espagne (2 fois plus). La France est plutôt comparable à la Hongrie, dont le gouvernement est réputé xénophobe et le PIB, 18 fois plus petit.

Immigration économique en Europe en 2018. Eurostat

Les mesures du gouvernement ne rendront pas la France plus ouverte à l’immigration économique que les pays du Groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, Slovaquie, République tchèque), réputés hostiles à l’immigration.

Pour « regarder en face » la politique migratoire, ne faut-il pas déjà cesser de parler « d’accueil » ? Cette métaphore détonne dans un système qui cherche à expulser le plus grand nombre d’étrangers.

Speranta Dumitru, Maitre de Conférences, Université Paris Descartes

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