Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

Sahel : des opérateurs miniers sous la menace terroriste

| Par - à Ouagadougou
Au Burkina, l’Office national de sécurisation des sites miniers a déployé 500 agents sur les 3	000 prévus.

La dégradation de la situation dans la région affecte grandement les groupes extractifs. Les coûts explosent, la production baisse, et certains projets, notamment d’exploration, sont abandonnés.

Au Mali comme au Burkina, les miniers sont confrontés à la prolifération des attaques perpétrées par les groupes terroristes, qui ont fait des milliers de victimes civiles et militaires. « La situation est sensible, nous ne pouvons pas en parler. Nous prenons très au sérieux la sécurité, la santé et le bien-être de nos employés », explique un dirigeant du canadien Iamgold sous le couvert de l’anonymat. La société cotée à la Bourse de Toronto, qui possède les mines de Sadiola (41 %) et de Yatela (40 %), au Mali, et celle d’Essakane (90 %), au Burkina Faso, a produit 882 000 onces d’or en 2018.

Alors que la production de Sadiola a chuté de 6 % en 2018, Iamgold et son associé AngloGold Ashanti ont entamé un processus de cession de leurs participations, estimées à 82 %.

L’embuscade, en novembre 2019, contre le convoi transportant les employés de la mine de Boungou, qui avait fait 40 morts et plus de 60 blessés, a ravivé l’inquiétude des compagnies opérant au Burkina. Si le canadien Semafo indique préparer la réouverture, dans le courant de cette année, du site aurifère – dans lequel il a investi 212 millions de dollars en vue de produire 226 000 onces d’or par an –, l’arrêt momentané de l’activité aura des répercussions sur la production du pays, jusque-là en pleine expansion (20 % par an). D’autant que cette fermeture suit celle du gisement de Youga, attaqué, lui, par les populations riveraines après le meurtre d’un orpailleur par un agent de sécurité.

« La production a été affectée et s’établit à 50,3 tonnes, soit une baisse de 2,3 %. Cette année, nous anticipons une reprise avec l’entrée en production des gisements de Bomboré et de Sanbrado, détenus par la junior canadienne Orezone et l’australien West African Resources », confie Toussaint Bamouni, le directeur exécutif de la Chambre des mines du Burkina.

Les quatorze mines du pays ont réalisé en 2018 un chiffre d’affaires cumulé de 1 540 milliards de F CFA (2,347 milliards d’euros), alors que le secteur a drainé plus de 2 000 milliards de F CFA d’investissements au cours de la dernière décennie.

La sécurité représente entre 10 % et 25 % des coûts d’exploitation

Selon Toussaint Bamouni, les miniers sont obligés d’investir dans la sécurité : acquisition de moyens de surveillance (drones, etc.), déploiement d’agents armés sur les sites… « Les budgets ont explosé, mais ils ne communiquent pas sur le sujet. » L’effort représenterait, d’après nos informations, entre 10 % et 25 % des coûts d’exploitation. Reste que l’Office national de sécurisation des sites miniers (Onassim), fort d’un effectif prévisionnel d’environ 3 000 hommes, n’a déployé pour l’instant que 500 agents. Ce qui couvre à peine 13 % du besoin exprimé par les sociétés.

Au Mali, qui dispose d’une dizaine de mines à la production totale comprise entre 45 et 50 t, la situation est très contrastée. Dans le Sud, les sites fonctionnent normalement. Mais dans le Nord, le climat d’insécurité a mis l’activité en berne. « Avant le début de la crise de 2012, nous avions des projets miniers avancés. Ces projets sont à l’arrêt », détaille Abdoulaye Pona, le président de la Chambre des mines du Mali.

Pour s’adapter à la menace, les compagnies forment et équipent elles-mêmes des forces de défense et de sécurité. Mais elles font aussi appel à des sociétés privées. « Les miniers renforcent leurs capacités pour faire face aux attaques terroristes. Avant, nous expliquions comment réagir en cas d’incendie et préparions les évacuations. Aujourd’hui, nous nous organisons pour intervenir en cas d’attaque », souligne Arouna Nikiema, PDG et fondateur de la Brigade burkinabè de surveillance. Présente également au Mali, l’entreprise indique que 35 % de ses revenus proviennent de prestations réalisées auprès de clients miniers.

Moins d’explorations aussi

La généralisation d’un climat d’insécurité influe également sur les activités d’exploration, qui nécessitent de sécuriser de grands périmètres de recherche. « On assiste ainsi à un ralentissement dans ce domaine, notamment dans les zones burkinabè, où l’état d’urgence a été décrété comme les régions du nord, de l’est et du centre-nord », remarque Toussaint Bamouni. Le Burkina, pourtant classé en 2017 deuxième pays le plus dynamique dans l’exploration, semble avoir perdu la confiance des investisseurs. En janvier 2019, des hommes armés ont assassiné le géologue canadien Kirk Woodman à Tiabangou (Nord-Est), contraignant Progress Minerals à abandonner ses recherches. Et certaines sociétés, telle Roxgold, ont délocalisé leurs activités dans des pays voisins.

Dans une note de conjoncture adressée aux autorités burkinabè que JA a pu consulter, le syndicat minier alerte sur les conséquences de l’insécurité. « Les recherches ont été fortement ralenties, lorsqu’elles n’ont pas été purement et simplement arrêtées. La réduction des activités des sociétés de forage et des laboratoires d’analyse en est un bon indicateur. De même, dans les mines en production, la consigne est de réduire drastiquement les coûts et d’externaliser certaines fonctions », conclut le document. Signe que l’avenir du secteur est sur le fil du rasoir, une étude du cabinet australien PwC démontre qu’un taux de rentabilité inférieur à 25 % n’est pas suffisant pour motiver le financement d’un projet minier. Or, au Burkina, ce taux s’établit à 19,7 %, contre 25 % au Ghana et 26,7 % en Namibie.


Les affaires en or des agences de sécurité

L’insécurité dans le Sahel rend de plus en plus nécessaires les agences de sécurité privées telles que le leader burkinabè des services de sécurité globale, BBS Holding, ou Securicom, spécialiste de la sécurité aéroportuaire, des biens et des personnes, ou encore la société britannique G4S. Ces entités ont vu leur chiffre d’affaires croître en moyenne de 15 %, selon nos informations.

Burkina Faso : inauguration de la première usine d’égrenage
de coton biologique d’Afrique de l’Ouest

| Par Jeune Afrique avec AFP
Le président Roch Marc Christian Kaboré à Koudougou le 30 janvier 2020.

Le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré a inauguré jeudi à Koudougou une usine d’égrenage de coton biologique, présentée comme la première en Afrique de l’Ouest, en marge du salon international du Coton et du Textile.

Cette usine d’égrenage, érigée dans les locaux de la direction régionale de la société des fibres et textiles (Sofitex), va permettre de transformer 125 tonnes de coton graines en fibres par jour. La majorité du capital de l’usine (51,02%), dont la construction a nécessité 12 millions de dollars, est détenue par l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina.

Selon l’Union, cette usine va contribuer à consolider la durabilité de la filière coton biologique et l’autonomisation des femmes qui représentent 58% des employés du secteur. « Le coton biologique est une production qui est en majorité réalisée par les femmes et les jeunes, et nous avons constaté qu’il y avait une baisse de la quantité produite, parce qu’après la production, l’usine d’égrenage de coton bio n’existait pas et cela freinait l’élan de ceux qui intervenaient dans le domaine », a expliqué le ministre du commerce Harouna Kaboré.

Deuxième producteur

« Le coton joue un rôle majeur dans la plupart des économies en Afrique de l’Ouest, car sa contribution est importante dans la formation de leurs produits intérieurs bruts et il participe fortement à la lutte contre la pauvreté en milieu rural », a indiqué le président Roch Marc Christian Kaboré. Selon lui, « le faible taux de transformation de « l’or blanc » limite drastiquement les perspectives de croissance économique et de création d’emplois pouvant être induites par cette filière ».

« Nous devons rapidement entamer le processus de transformation du coton sur place, à travers des industries en phase avec les nouvelles technologies afin de bénéficier des effets induits sur le reste de nos économies », a-t-il estimé. Pour ce faire, a-t-il précisé, les difficultés qui ont jadis entravé la dynamisation de l’industrie textile en Afrique, notamment l’accès au financement et le coût élevé de l’énergie, doivent être résorbées.

Jadis premier producteur de Coton, le Burkina Faso, où la production représente 65% des revenus ménages ruraux, a été relégué au deuxième plan par le Mali. Au Burkina Faso, 180 000 producteurs produisent en moyenne 607 000 tonnes de coton graines qui sont récoltés par an, selon la Sofitex. Sur cette production, la part de coton biologique ne représente que 2% soit moins de 12 000 tonnes, le reste représentant la production de coton conventionnel.

Crise en Guinée: l'appel des religieux au FNDC

 Publié le :
Manifestation à Conakry, le 14 octobre 2019, à l’appel du FNDC, rapidement dispersée par les forces de l’ordre.

Manifestation à Conakry, le 14 octobre 2019, à l’appel du FNDC, rapidement dispersée par les forces de l’ordre. CELLOU BINANI / AFP

Les autorités religieuses guinéennes poursuivent leur plaidoyer pour tenter d'apaiser la situation dans le pays, où les violences se multiplient, sur fond de bras de fer entre pouvoir et opposition autour du projet de révision de la Constitution.

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Le week-end dernier, déjà ils avaient demandé au gouvernement de reporter les élections législatives, prévues le 16 février. Et, ce mercredi, ils ont rencontré les représentants du FNDC (le Front national pour la défense de la Constitution) fer-de-lance de la contestation, pour leur demander d'observer une trêve des manifestations et de privilégier la voie du dialogue.

« Nous sommes ouverts »

Le FNDC a prévu de se réunir ce jeudi pour décider de la réponse à apporter à cet appel, explique Abdouramane Sanoh, son coordinateur national : « Nous leur avons répondu que nous sommes tout à fait ouverts et d’accord de pouvoir prendre en compte leur appel, mais nous avons demandé au président Alpha Condé de renoncer à son projet de troisième mandat, parce que c’est un projet dangereux. Nous devons nous consulter pour leur donner une position, c’est à partir de ce moment-là qu’on saura effectivement si on fait une trêve d’une semaine maximum. »

28 tués au moins

L'opposition guinéenne manifeste depuis plus de trois mois, maintenant, contre un éventuel troisième mandat du président Alpha Condé. Au moins 28 manifestants ont été tués depuis le début de cette vague de protestation.

Côte d’Ivoire : pourquoi l’Église catholique a renoncé à sa marche du 15 février

| Par
Des religieuses se tiennent devant la cathédrale Saint-Paul d'Abidjan, le 11 février 2013.

L’Église catholique ivoirienne a annoncé l’annulation de la marche prévue le 15 février en faveur d’« élections apaisées ». Le diocèse d’Abidjan justifie cette décision en évoquant un « danger d’infiltration », sur fond d’âpres débats entre partisans du PDCI et du RHDP sur la pertinence de l’événement.

« Le pasteur qu’est le cardinal [Jean-Pierre Kutwa] ne voudrait pas que le sang d’un seul de ses fidèles soit versé », a annoncé l’abbé Augustin Obrou, chargé de communication de l’Église catholique, lors de sa conférence de presse, le 26 janvier. Après dix jours de tensions, le diocèse d’Abidjan a pris sa décision : la marche pour la paix, prévue le 15 février, est annulée. « Face au danger d’infiltration et soucieux de la sécurité de ses fidèles », cette journée de prière se tiendra exclusivement au sein de la cathédrale Saint-Paul du Plateau, a-t-il précisé.

Annoncée dans un courrier du cardinal Jean-Pierre Kutwa, archevêque et chef du diocèse d’Abidjan, cette marche, dont les initiateurs espéraient qu’elle rassemblerait « environ 20 000 personnes », se voulait « une occasion pour sensibiliser à la paix et [pour] prier pour des élections apaisées dans notre pays ». L’appel, intitulé « Allons à la paix », devait conduire le cortège de la place de République, au Plateau, jusqu’à la cathédrale Saint-Paul d’Abidjan.

Alors que l’Église avait déposé un courrier d’autorisation de la marche sur la table du préfet Vincent Toh Bi et que celui-ci analysait avec ses équipes la meilleure manière de l’encadrer, Kutwa décide alors d’annuler la procession. Abdication, dénoncent certains, sagesse estiment d’autres. Pourquoi l’Église est-elle revenue sur sa décision ?

« Il faut tout simplement interdire cette marche »

L’affaire prend une dimension politique peu après l’annonce de la date du 15 février. Le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié, est le premier à réagir à ce projet, invitant ses militants à participer à cette marche.

De son côté, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP, parti du Président Alassane Ouattara) se montre plus discret. La conférence de presse, que son porte-parole Kobenan Kouassi Adjoumani comptait organiser le 22 janvier pour dénoncer cette initiative de l’Église, est annulée.

[La marche] va fragiliser notre unité nationale en construction

Si l’Église catholique a assuré n’avoir « subi aucune pression qui aurait motivé » la décision de l’évêque, plusieurs personnalités politiques réputées proches du RHDP ont toutefois invité publiquement à l’annulation de la marche. « Il faut tout simplement interdire cette marche », martèle Soumaïla Doumbia (alias Doumbia Major), un ancien proche de Ibrahim Coulibaly qui s’est rapproché du RHDP depuis plus de deux ans. Au motif, selon lui, qu’elle « va fragiliser notre unité nationale en construction ».

« Non à la marche du 15 février sinon, nous appellerons tout le peuple à les rejoindre pour cette marche », menace pour sa part Touré Al Moustapha, ancien jeune patriote proche de Laurent Gbagbo, qui a rallié le RHDP lors de la crise postélectorale de 2011.

Sur les réseaux sociaux, les appels à la violence se font sans retenue, obligeant le procureur de la République Richard Adou à lancer un appel à témoin en vue de retrouver deux individus ayant ouvertement invité au meurtre de chrétiens.

Tensions entre le pouvoir et l’Église

La marche « Allons à la paix » intervient dans un contexte de tensions entre les catholiques et le pouvoir Ouattara. Le 19 janvier, à l’issue d’un conclave à Korhogo, fief du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, les évêques avaient énoncé quatre conditions pour une élection présidentielle transparente en octobre 2020, notamment la réconciliation et l’indépendance de la Commission électorale indépendante (CEI), dont la composition suscite la controverse. Une sortie critiquée par le ministre Sidi Tiémoko Touré, porte-parole du gouvernement : « Les prises de positions doivent être mesurées », a-t-il suggéré.

De nombreux ministres n’ont par ailleurs pas encore digéré l’homélie osée du cardinal Kutwa, prononcée devant le président Ouattara, le 30 décembre 2019, à l’occasion d’une messe en faveur de la paix. « Je vous demande humblement, monsieur le président de la République, vous qui détenez le pouvoir de la grâce présidentielle, de bien vouloir accepter de faire sortir du cachot tous ceux qui ont été arrêtés, à la suite des derniers événements que connaît notre pays », avait-t-il déclaré, une semaine après l’arrestation d’une quinzaine de personnalités proches de l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro.

Terrorisme au Burkina Faso: la négociation comme solution?

Des soldats maliens, membres de la force conjointe G5 Sahel, en patrouille en novembre 2017 près de la frontière avec le Burkina Faso.
Des soldats maliens, membres de la force conjointe G5 Sahel, en patrouille en novembre 2017 près de la frontière avec le Burkina Faso. Daphné BENOIT / AFP

Dans le contexte de recrudescence d’attaques terroristes, plusieurs voix s'élèvent au Burkina Faso pour dire que la solution ne peut pas être que militaire, mais qu'elle doit être aussi politique, voire inclure un dialogue avec les groupes armés. À l'instar de ce que tente de faire Bamako.

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Face à un bilan humain qui s'alourdit de semaine en semaine, le parti de l'ex-président Blaise Compaoré incite le gouvernement à ne fermer aucune piste pour sortir de l'impasse. Le dialogue et la négociation font partie de ces pistes, explique Achille Tapsoba premier vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès : « Le président Blaise Compaoré, qui en son temps avait des contacts avec ces groupes armés, a proposé sa contribution aux autorités actuelles du Burkina Faso qui lui ont opposé une fin de non-recevoir. Dans la situation actuelle, il faut envisager la négociation, cela peut être un apport important dans la lutte contre le terrorisme. »

Le sujet n'est pas tabou, il a même été évoqué lors du dialogue politique l'été dernier. Mais la démarche s'annonce compliquée au Burkina Faso, explique l'opposant Augustin Loada, président du Mouvement patriotique pour le salut : « La difficulté majeure dans le cas du Burkina, c'est que nous ne savons pas exactement quels sont les interlocuteurs. Dans le cas du Mali, il y a des répondants. Mais dans le cas du Burkina, en-dehors des griefs exprimés par les populations locales, il n'y a pas de revendications qui permettraient de savoir quelles sont exactement les demandes qui sont formulées en filigrane par les groupes terroristes. »

La présidence a pour l'heure toujours affiché son refus de discuter avec ces groupes.

► À Lire aussi : Qui sont les jihadistes en Afrique de l’Ouest? (1/2)