Vu au Sud - Vu du Sud

Niger : heurts en marge d’une manifestation
contre la présence des bases étrangères dans le pays

| Par Jeune Afrique avec AFP
L'armée nigériane en patrouille à Gwoza.

De petits groupes de manifestants se sont affrontés vendredi aux forces de l’ordre après l’interdiction du rassemblement de soutien à l’armée nigérienne et pour le départ des forces extérieures, notamment françaises.

Jeudi la mairie de Niamey avait décidé « d’interdire » notamment pour des raisons de « risques de trouble à l’ordre public », une manifestation d’organisations de la société civile pour « soutenir les Forces de défense et de sécurité nigériennes qui subissent de lourdes pertes dans la lutte anti-jihadiste et pour protester contre « la présence des bases étrangères » également engagées dans cette lutte.

Tôt ce matin, un important dispositif des forces de l’ordre a été déployé à plusieurs endroits de la capitale, dont la Place de la Concertation (en face du Parlement) où le meeting devait avoir lieu.

Galvaniser les troupes

Des heurts ont éclaté en début d’après-midi entre des jeunes manifestants et les forces de l’ordre qui tentaient d’empêcher leur regroupement à coups de grenades lacrymogènes.

« Notre manifestation est essentielle pour remonter d’avantage le moral de nos troupes, les galvaniser », avait expliqué la veille à la presse, Moussa Tchangari, un des organisateurs de la manifestation et figure de la société civile.

La manifestation visait également « à demander le départ des forces extérieures » notamment « la force Barkhane dont la présence constitue une menace sérieuse pour la souveraineté de tous les pays du Sahel », selon les organisateurs.

Mardi, le groupe État islamique a revendiqué l’attaque de Chinégodar, dans l’ouest du Niger (frontière malienne) qui a fait 89 morts, la plus meurtrière depuis le regain des attaques en 2015. « Au vu de l’hécatombe de Chinégodar, la CNDH s’interroge sur la sincérité de la collaboration militaire des pays alliés, lorsque des terroristes à pieds ou à motos circulent allègrement au vu et au su des drones », dit un communiqué la Commission nationale des droits humains.

Commission d’enquête

Cette commission, composée de représentant du gouvernement et de la société civile, a réclamé « une commission d’enquête indépendante pour faire la lumière sur les massacres d’Inates et de Chinégodar ».

71 soldats nigériens avaient été tués le 10 décembre 2017 à Inates, autre localité proche du Mali.

Niamey, qui combat aussi le groupe djihadiste nigérian Boko Haram dans le Sud, a toujours justifié la présence des forces américaines et françaises sur son sol par la nécessité de « sécuriser les frontières » contre des infiltrations de groupes djihadistes venant du Mali voisin.

Au Niger, la France possède une base sur l’aéroport de Niamey à partir de laquelle des avions de chasse et des drones armés depuis peu, opèrent. Les États-Unis ont une importante base de drones armés à Agadez (nord).

Présidentielle au Togo : sept candidats retenus par la Cour constitutionnelle

| Par Jeune Afrique avec AFP
Vote dans un bureau de Lomé, en 2015 (photo d'illustration).

La Cour constitutionnelle a publié sa décision vendredi et retenu sept candidats sur les dix enregistrés par la commission électorale, parmi lesquels le président Faure Gnassingbé, en lice pour un quatrième mandat.

Parmi les autres candidats, figurent Jean-Pierre Fabre, chef de file historique de l’opposition et président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), et l’ancien Premier ministre et président du Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD), Kodjo Agbéyomé.

La Commission électorale nationale indépendante (Céni) avait enregistré le 8 janvier, les dossiers de dix personnalités.

La Cour constitutionnelle a rejeté les dossiers de deux candidats, pour « insuffisance du nombre de signatures d’électeurs » en leur faveur.

Le troisième (indépendant) avait entre temps décidé de retirer sa candidature.

Révision constitutionnelle

La campagne électorale pour cette présidentielle doit démarrer le 6 février et prendre fin le 20 février. Environ 10.000 gendarmes et policiers membres d’une « Force sécurité élection présidentielle » (FOSEP) seront déployés à travers le pays en vue de sécuriser le scrutin, selon les autorités.

L’actuel président Faure Gnabssingbé, au pouvoir depuis 2005, a été réélu en 2010 et en 2015 au terme de scrutins contestés.

En mai 2019, les députés ont voté une révision constitutionnelle qui permet non seulement au président Gnassingbé de se représenter en 2020 et 2025, mais aussi de bénéficier d’une immunité à vie « pour les actes posés pendant les mandats présidentiels ».

Transition franc CFA-eco : derrière la contestation des anglophones,
une querelle ivoiro-nigériane

| Par
Muhammadu Buhari et Alassane Ouattara

La mise en place annoncée fin décembre par Alassane Ouattara d’un “eco-UEMOA”, indexé sur l’euro et garanti par la France, est vue par les pays d’Afrique de l’Ouest hors zone CFA comme un parasitage de l’instauration de « l’eco-Cedeao », monnaie unique flexible que les États d’Afrique de l’Ouest ont prévu d’adopter en 2020.

C’est une gifle que viennent d’infliger à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et au président ivoirien Ouattara les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales de Gambie, du Ghana, de Guinée, du Liberia, du Nigeria et de la Sierra Leone réunis en Conseil de convergence de la Zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO).

Dans un communiqué publié le 16 janvier à l’issue de leur réunion extraordinaire à Abuja (Nigeria), ils commencent par « féliciter l’UEMOA pour sa décision de se départir du franc CFA, mais prennent note avec préoccupation de la déclaration du président de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement [le président Ouattara] de l’UEMOA, le 21 décembre 2019, de renommer unilatéralement le franc CFA « eco », d’ici 2020 ».

Ils soulignent ensuite que « cette décision n’est pas conforme avec la décision de la Conférence d’État et de gouvernement de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) d’adopter « l’eco comme nom d’une monnaie unique indépendante de la Cedeao ». Ils recommandent « qu’un sommet extraordinaire de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement membres se réunisse prochainement pour examiner en profondeur cette question ».

  • Que reprochent les signataires de la ZMAO à « l’eco-UEMOA » ?

Ils estiment que l’eco annoncé par le président Ouattara n’est qu’un avatar du franc CFA, parce que celui-ci demeure adossé à l’euro, que son taux de change est garanti par la France et qu’il n’est pas flexible comme le stipulait les documents préparatoires présentés en juin à Abidjan.

  • S’agit-il d’un affrontement francophones / anglophones ?

Il ne semble pas. En effet, le 29 décembre, le président ghanéen Nana Akufo-Addo avait applaudi la transformation du franc CFA en eco, en déclarant être « déterminé à faire tout ce que nous pouvons pour rejoindre les membres de l’UEMOA dans l’utilisation de l’eco, car cela aidera à éliminer les barrières commerciales et monétaires ».

Il souhaitait seulement que l’eco adopte un taux de change flexible. La volte-face du Ghana, qui a signé le texte, s’explique par des considérations politiques et non économiques et monétaires.

Les signataires s’inquiètent notamment du leadership pris par la Côte d’Ivoire et son président Alassane Ouattara dans cette affaire, d’autant plus qu’ils ne savent pas si celui-ci sera toujours au pouvoir après la prochaine élection présidentielle du 31 octobre.

  • La Cedeao, moins intégrée que l’UEMOA

Une partie du problème soulevé par la naissance de « l’eco-UEMOA » tient à la différence d’intégration entre l’UEMOA (8 membres, une seule monnaie, deux langues dont le français pour sept de ses membres et une Banque centrale commune) et la Cedeao (15 membres, huit monnaies, trois langues et pas de Banque centrale commune).

La seconde est en retard par rapport à la première, alors qu’elle a vocation à l’absorber un jour. Certains pays de l’Union ont eu envie d’accélérer le pas après trente ans de piétinement monétaire et de se débarrasser par la même occasion du fardeau politique du CFA.

Mais la transformation du franc CFA en eco suscite les critiques des autres membres de la Communauté, car elle constitue une préemption sur la future monnaie commune et ne respecte pas les principes adoptés en juillet par les Quinze, à savoir la flexibilité du taux de change, la centralisation partielle des réserves de change et la fédéralisation de la future Banque centrale.

  • La colère du Nigeria

C’est le Nigeria qui a mené la charge contre les annonces du président Ouattara. Avec ses 200 millions d’habitants, le pays pèse 70 % du produit intérieur brut de la Cedeao et est le premier contributeur au budget de la Cedeao, ce qui lui confère le rôle de pilote de la Communauté.

Il verrait bien sa monnaie, le naira, peser lourdement dans la monnaie commune et unique que sera l’eco. Mais Alassane Ouattara lui a damé le pion en transformant le franc CFA en « eco-UEMOA ».

Le handicap du Nigeria est qu’il fait figure de frein et pas de moteur d’intégration. Extrêmement protectionniste, il est hostile à l’adhésion du Maroc à la Communauté, a imposé depuis le 20 août 2019 un embargo strict aux produits en provenance de ses voisins béninois et nigériens, a cherché à monopoliser les postes au sein de la Commission de la Cedeao et a traîné les pieds pour adhérer à la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca).

  • La crise peut-elle dégénérer ?

Un spécialiste des questions monétaires, contacté par Jeune Afrique, ne l’envisage pas : « La mise en place de l’eco va durer tellement longtemps, compte tenu de la complexité d’une monnaie commune et des critères de convergence requis pour en faire partie, que les partenaires auront le temps de se mettre progressivement d’accord, de palabres en palabres ».

Il existe pourtant un risque, ajoute-t-il, à savoir « que la réaction des anglophones trouve un écho parmi les chefs d’État et de gouvernement de l’UEMOA qui ne sont pas vraiment convaincus par l’eco tel qu’il a été présenté par Ouattara ». Le président béninois, Patrice Talon a par exemple témoigné plus d’empressement dans ses prises de distance avec le franc CFA. Une crise de la zone monétaire de l’Union serait potentiellement grave pour la région.

 

Côte d’Ivoire: colère des taxis, taxis collectifs et minibus de Yopougon

Scène de rue à Yopougon, Abidjan, Côte d'Ivoire.
© Wikimedia/Arno B

Yopougon et son million d’habitants sont au ralenti depuis mardi matin. Les taxis, taxis collectifs ou minibus sont en grève et engagent un bras de fer avec la mairie de la commune la plus peuplée d’Abidjan.

Les taxis, taxis collectifs ou minibus protestent contre un arrêté de la fin décembre instaurant une série de nouvelles taxes pour lutter contre l’incivisme, en particulier sur la route. Avec des amendes multipliées par 10. En effet, quand griller un feu coûte 2 000 francs CFA partout dans Abidjan, il faut depuis peu payer 25 000 FCFA dans la commune de Yopougon. Près de 10 000 F quand vous jetez des ordures sur la voie publique et jusqu’à 50 000 francs pour un attelage brinquebalant.

Ce sont là quelques-unes des nouvelles taxes municipales décrétées fin décembre par la mairie et destinées à lutter contre les incivilités quotidiennes. Les chauffeurs de taxis, de woro-woro (les taxis collectifs) des gbakas (les minibus) ont donc décidé de se mettre en grève ce mardi et de bloquer Yopougon.

« Depuis le 23 décembre, il y a eu plus de 1 700 amendes, à 10 000 F minimum. Ça nous fait perdre parfois jusqu’à trois jours de recettes. C’est de la persécution. Trop d’impôt tue l’impôt », dénonce Medoua Soumahoro, le président d’une des organisations représentant les chauffeurs. « Tant que ces nouvelles amendes ne seront pas supprimées, on ne roulera pas », assure-t-il.

La mairie ne fléchit pas

Du côté de la mairie de Yopougon, on ne fléchit pas. « C’est un arrêté qui concerne tout le monde, pas que les transporteurs. Il s’agit de lutter contre l’incivisme comme quand on fait du nettoyage ou de la démolition de constructions sauvages », se défend le maire RHDP, Gilbert Koné Kafana.

À Abidjan, les conducteurs de gbakas ou chauffeurs de taxis sont régulièrement épinglés pour leur non-respect des règles élémentaires du Code de la route et le danger qu’ils font courir aux autres usagers. Ce genre d’arrêté pourrait inspirer d’autres communes d’Abidjan. Mais en cette année électorale, et face à un secteur des transports organisé, ces mesures drastiques pourraient au contraire être difficiles à maintenir pour la mairie.

Mali: la CMAS de l'imam Dicko affiche son ambition pour les législatives

L'imam Mahmoud Dicko lors du lancement de son mouvement CMAS en septembe 2019 à Bamako.
© MICHELE CATTANI / AFP

En août  dernier naissait la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’imam Mamoud Dicko (CMAS). Il avait lui-même en qualité de « parrain » participé au lancement des activités de la coordination qui se veut un mouvement politique. Depuis ce week-end, la CMAS a commencé l'installation de ses structures dans les six communes de Bamako, avec un objectif  : participer aux prochaines élections législatives.

La coordination des mouvements associations et sympathisants, la CMAS de l’imam Mahmoud Dicko, poursuit dans la capitale, avant l’intérieur du pays, son implantation avec un objectif affiché : participer aux prochaines élections législatives dont la date officielle n’est pas encore connue.

« Nous sommes en train de structurer ce mouvement, explique à RFI Issa Kaou Djime, coordinateur et porte-parole de la CMAS, proche de l’imam Dicko. Nous avons dit clairement que c’est un mouvement politique et un mouvement politique, ce sont des ambitions politiques. Nous espérons avoir des candidats sur des listes, avec des partis politiques qui partagent nos valeurs ».

Le positionnement politique de la CMAS : ni opposition, ni majorité. Mais elle critique « la mauvaise gouvernance ». Avant d’officialiser, elle sera également présente au rendez-vous lors de la présidentielle malienne de 2023.

« L’objectif c’est vraiment d’aller à la conquête du pouvoir, poursuit Issa Kaou Djime. Nous, héritiers politiques de l’imam Dicko, nous allons aux élections présidentielles ».

Le signal est désormais clair : l’influent Imam Dicko et ses partisans font un pas de plus  sur la scène politique malienne, avec beaucoup d'ambition. De plus en plus de jeunes intellectuels maliens prennent la carte de la CMAS qui se présente comme la troisième voie pour sortir le Mali de la crise.