Vu au Sud - Vu du Sud

A la Une: l'attaque contre une église en France

 
© AFP/Pius Utomi Ekpei
 

Un prêtre égorgé dans son église hier matin à Saint-Etienne-du-Rouvray, dans le nord-ouest de la France par deux jihadistes se réclamant de l’organisation Etat islamique : l’émotion est grande sur le continent.

Le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a présenté hier sa « profonde compassion » à la France et a « réaffirmé l’engagement du Mali aux côtés de la France à lutter efficacement contre le terrorisme et l’extrémisme religieux. »

L’émotion est grande également dans la presse.

Pour le quotidien Aujourd’hui à Ouaga, « en frappant la France deux fois en l’espace de deux semaines, l’EI espère l’avènement d’une guerre religieuse, l’une des guerres les plus dangereuses, meurtrières, et difficiles à arrêter. A en mesurer par l’onde de choc, ressentie en Europe, en Amérique et en Afrique, surtout que le principal de l’église de St-Etienne-de-Rouvray, est un Congolais, l’abbé Auguste Moanda Phuati, et que nombreuse est la communauté africaine qui vient prier dans cette Eglise de Normandie, l’onde de choc donc pourrait avoir des conséquences terribles. D’Abidjan à Ouaga, en passant par Brazza et Kinshasa, le meurtre du vieil homme en soutane a provoqué la sidération, si ce n’est la colère qui le dispute à l’incompréhension. Non content de mettre à mal la laïcité, pilier de la République, l’EI tente de formater les esprits à un affrontement confessionnel. »

« Il faut savoir raison garder, renchérit Le Pays, pour ne pas jouer le jeu des djihadistes qui, on le sait, depuis des lustres, font des pieds et des mains pour rallier tous les musulmans à leur cause, afin de provoquer une guerre de civilisations que tout le monde redoute. (…) Mieux vaut faire "bloc face à une telle attaque barbare", pour emprunter l’expression du Premier ministre, Manuel Valls. (…) Rappelons-nous le groupe islamiste Boko Haram au Nigeria qui, dans sa furie, s’en prend aveuglément aussi bien aux églises qu’aux mosquées, empêchant désormais toute lisibilité dans ses actions. Restons donc unis ! C’est à ce prix que nous pouvons vaincre l’ennemi commun. »

 

Le retour du vieux lion

A la Une également, le retour de l’opposant Etienne Tshisekedi à Kinshasa… Après deux années d’exil en Belgique pour raisons médicales, l’opposant historique devrait arriver par avion privé à la mi-journée à l’aéroport de Ndjili.

« La police de Kinshasa a pris des mesures drastiques », pointe le site d’information congolais DirectCD. Seulement 15 personnes seront autorisées à accéder à l’intérieur de l’aéroport. Quarante personnes pourront prendre place devant les bâtiments. Et les sympathisants de l’UDPS seront cantonnés au-delà de la chaussée.

Comment analyser ce retour ? Pour le site guinéen Ledjely.com, « si la convergence de vues entre les opposants est bâtie autour de l’exigence exclusive et absolue du départ de Joseph Kabila, le retour d’Etienne Tshisekedi sera plutôt une opportunité pour l’opposition. En effet, en l’absence de Katumbi, l’arrivée du vieux lion peut aider à "réénergiser" le camp des opposants. La flamme de la contestation pourra ainsi être entretenue (…). Pour le pouvoir, cette perspective est d’autant plus inquiétante qu’Etienne Tshisekedi passe pour un vieux routier qui a plus d’une stratégie dans sa gibecière. »

 

Libérez Jean Bigirimana !

Enfin, l’inquiétude grandit à propos du sort du journaliste burundais Jean Bigirimana… Au cinquième jour de la disparition inexpliquée du journaliste, le directeur du Groupe de Presse Iwacu, Antoine Kaburahe, lance un appel aux autorités burundaises. « Ce que nous demandons relève du droit, mais aussi de l’humanité, écrit-il. Jean Bigirimana n’est pas un criminel. Au chômage depuis quelques mois, cet ancien journaliste de la Radio Rema venait d’être recruté par Iwacu. Licencié en droit, garçon discret, travailleur, Jean est un père de famille. Que ceux qui le détiennent pensent à ses deux petits garçons et sa jeune épouse. Cette famille vit dans l’angoisse depuis 5 jours. Au nom de tout le Groupe de Presse Iwacu, implore encore Antoine Kabuhare, au nom de sa famille, nous demandons que la vie de Jean Bigirimana soit préservée et qu’il puisse recouvrer sa liberté. »


 

Nous donnons généralement des informations plutôt en lien avec l'Afrique de l'Ouest. Cependant beaucoup de choses bougent en Afrique en ce moment.

 

Elections sud-africaines: les partis se disputent la figure tutélaire de Mandela

Le vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa s'exprimait, le 16 juillet 2014, sur la préservation de l'héritage de Nelson Mandela.
© RAJESH JANTILAL / AFP
 

Les élections municipales se tiendront le 3 août prochain. Le Congrès national africain (ANC) pourrait perdre la gouvernance trois grandes villes du pays au bénéfice du principal parti d'opposition, l'Alliance démocratique. Dans la dernière ligne droite avant le scrutin, les deux partis cherchent à s'attirer les faveurs des électeurs en se disputant l'héritage de Nelson Mandela.

Mais à qui donc appartient l'héritage de Nelson Mandela aujourd'hui ? La question est posée dans cette dernière ligne droite avant les municipales en Afrique du Sud. En début de semaine, l'Alliance démocratique a placardé des affiches portant ce slogan : « Honorez le rêve de Madiba, votez pour la DA ». Un message qui passe très mal auprès de l'ANC, qui a redoublé ses attaques contre le premier parti d'opposition.

Comme toujours, le Congrès national africain accuse l'Alliance démocratique d'être un parti blanc, qui souhaite ramener l'apartheid en Afrique du Sud. Le porte-parole du parti majoritaire a estimé qu'il s'agit d' « une initiative insensible pour la mémoire de Madiba, pour sa famille et son organisation, l'ANC ». Il rappelle que Mandela avait une fois évoqué l'AD comme « un parti de patrons blancs et de larbins noirs ».

Pourtant, Mmusi Maimane, premier leader noir de l'Alliance démocratique, estime que « son point de vue serait différent aujourd'hui ». Pour lui, ces attaques sont une preuve supplémentaire que  l'ANC, « incapable de créer des emplois, d'endiguer la corruption et d'offrir de meilleurs services publics », n'a plus d'autre choix que de jouer sur les divisions raciales du pays pour remporter les élections.

Le jeune leader de l'opposition préfère lui appeler les Sud-Africains à se réunir autour de « leur histoire commune ».

 

RDC: l’opposant Etienne Tshisekedi de retour à Kinshasa après 2 ans d'absence

L'opposant Etienne Tshisekedi lors de son retour à Kinshasa, RDC, le 27 juillet 2016.
© RFI/Sonia Rolley
 

L’opposant historique fait son grand retour en RDC après deux ans d'absence. Parti tôt ce mercredi matin de Bruxelles, l’avion d’Etienne Tshisekedi s’est posé comme prévu aux alentours de 14 heures, heure locale, à l’aéroport de Kinshasa. Depuis, c'est la liesse parmi ses partisans qui suivent le cortège qui l'amène jusqu'au siège de l'UDPS.

La rumeur courait depuis le matin : l’avion d’Etienne Tshisekedi devait avoir du retard, voire beaucoup de retard, pour son retour à Kinshasa. Finalement, c’est à l’heure prévue qu’il s’est posé à l’aéroport de Ndjili.

Un comité d'accueil assez limité, composé de plusieurs dizaines de personnes, l'attendait à l'aéroport. En revanche, tout au long des routes qui traversent les quartiers populaires menant jusqu'au siège de l'UDPS, étaient rassemblées des foules parfois très imposantes. Certains bloquaient les voitures en demandant : « Où est le président Tshisekedi ? » Les observateurs estiment qu'il y avait plus de monde pour son retour que pour celui du corps de Papa Wemba.

Entouré par le cortège de ses partisans, Etienne Tshisekedi a ainsi fait route vers son domicile dans la capitale congolaise, un parcours lent et plusieurs fois interrompu par les bains de foule de l'opposant. A Limete, l'enthousiasme qu'a fait naître ce retour d'Etienne Tshisekedi ne faiblit pas chez ses partisans. A la tombée de la nuit, les dizaines de milliers de partisans ont allumé des briquets. Régulièrement, l’opposant est sorti pour saluer la foule. La population de ces quartiers populaires qu’on sait acquise au président de l’UDPS paraît comme hystérique.

« Le père de la démocratie » revient

Les jeunes disent tous la même chose : Etienne Tshisekedi est une icône, c’est le père de la démocratie, ils se reconnaissent dans son combat même s’ils ne sont pas dans sa formation politique. Des militants disent également qu’il représente la politique congolaise elle-même.

Ce retour s’est ainsi transformé en grand meeting de l’opposition. Les militants de son parti l'UDPS étaient présents en masse, mais pas seulement, car les militants de toute l'opposition ont fait le déplacement. Une dizaine de cadres de l'UDPS et des responsables du Rassemblement, la plateforme d'opposition nouvellement créée en Belgique, étaient également présents pour l'accueillir.

Ce retour de l'opposant intervient alors qu'un grand meeting politique de la majorité est prévu vendredi 29 juillet à Kinshasa. Un meeting de l'opposition, qui serait présidé par Etienne Tshisekedi, est également programmé dimanche dans la capitale. M. Tshisekedi ne s'est pour le moment pas déclaré candidat au prochain scrutin présidentiel.

L’opposant historique fait son grand retour en RDC après deux années d’absence. En août 2014, victime d'un malaise, il avait été évacué de la capitale congolaise par avion médicalisé. Sa retraite en Belgique n'a pas été seulement médicale et dans la banlieue chic de Bruxelles où il résidait depuis près de deux ans, Etienne Tshisekedi n'a pas abandonné la politique.

 

 

Soudan du Sud: l'opposant Riek Machar sort de son silence

Le leader de l'opposition sud-soudanais Riek Machar est caché dans les environs de Juba, la capitale sud-soudanaise.
© REUTERS/Thomas Mukoya
 

L'opposant sud-soudanais Riek Machar s’est enfin exprimé. Depuis quinze jours, et les combats qui ont éclaté à Juba entre ses troupes et celles du président Salva Kiir, le vice-président se cache en dehors de la capitale. Ce mercredi 27 juillet, il a donné une interview par téléphone à Al-Jazeera, dans laquelle il estime que la nomination par le chef de l'Etat, mardi, de l'un de ses anciens collaborateurs pour le remplacer, est illégale.

« Je suis toujours le vice-président du Soudan du Sud. La nomination de Taban Deng Gai est illégale. Salva Kiir n'avait aucune autorité pour le nommer à mon poste ». Voilà en substance ce qu'a déclaré Riek Machar, depuis sa cachette des environs de Juba. Il affirme qu'il avait chargé, lors de son départ de la capitale, le ministre de l'Intérieur Alfred Ladu Gore d'assumer sa fonction en attendant son retour.

Riek Machar prévient : pour lui, Salva Kiir « a fait le premier pas vers l'effondrement » de l'accord de paix. Il exige une fois de plus l'intervention de la force d'interposition décidée au sommet de l'Union africaine pour revenir à Juba. Une force militaire pourtant catégoriquement refusée par son rival, au nom de la souveraineté nationale. « Si la communauté internationale échoue, conclut Riek Machar, l'accord de paix aura échoué. »

Entretemps, à New York, un porte-parole du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a lui aussi émis des doutes sur la manœuvre de Salva Kiir pour mettre son adversaire à l'écart. « Les nominations politiques, a déclaré Farhan Haq, doivent être compatibles avec les dispositions énoncées par l'accord de paix. »

Burkina : première visite de Roch Marc Christian Kaboré en Côte d’Ivoire à la fin du mois de juillet

Par Jeune Afrique avec AFP

Le président burkinabè Roch Marc Christian Kaboré effectuera sa première visite en Côte d'Ivoire, fin juillet, dans le cadre d'un traité d'amitié et de coopération entre les deux pays.

« Aujourd’hui les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina sont excellentes. La preuve : nos gouvernements vont se retrouver au grand complet à la fin de ce mois à Yamoussoukro dans le cadre du traité d’amitié et de coopération. Ce sera une rencontre au sommet », a affirmé le ministre des Affaires étrangères burkinabè, Alpha Barry, en visite en Côte d’Ivoire.

La rencontre se tiendra du 27 au 29 juillet. Ce sommet régulier entre les deux voisins n’avait pas eu lieu en 2015 en raison de tensions diplomatiques.

Exil de Compaoré

Depuis la chute du président Blaise Compaoré en octobre 2014, plusieurs dossiers ont empoisonné les relations entre Ouagadougou et Abidjan, très imbriqués économiquement et démographiquement.

Ancien fidèle soutien du président Alassane Ouattara lors de la crise ivoirienne, Blaise Compaoré est exilé à Abidjan, alors que la justice burkinabè avait lancé contre lui un mandat d’arrêt dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de l’ancien président Thomas Sankara.

Blaise Compaoré a aussi été mis en accusation par le Conseil national de transition – organe législatif sous la transition démocratique – pour sa gestion lors de ses 27 ans de règne.

Alpha Barry a précisé que les autorités burkinabè n’avaient aucun contact avec l’ancien président burkinabè.

Affaire Soro

Autre affaire qui plombait les relations : la justice burkinabè enquêtait sur l’enregistrement d’une conversation téléphonique supposée entre Djibrill Bassolé, ex-ministre des Affaires étrangères du Burkina, et Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale ivoirienne et ancien chef de la rébellion soutenue par Compaoré.

Dans cette conversation, les deux interlocuteurs parlaient du putsch de septembre 2015 au Burkina, mené par l’ancienne garde prétorienne du président Compaoré, le Régiment de sécurité présidentielle (RSP).

La présence d’anciens membres du RSP en Côte d’Ivoire avait aussi contribué à tendre les relations.

Lutte contre le terrorisme 

« Nous avons réussi à surmonter ces problèmes », a déclaré le ministre Alpha Barry, indiquant qu’il y avait déjà des rencontres régulières entre les deux présidents en marge des sommets et de nombreuses rencontres ministérielles.

Il a souligné qu’il y a une « union sacrée » et une coopération très forte entre les deux pays dans la lutte contre le terrorisme. En janvier et en mars, le Burkina et la Côte d’Ivoire ont respectivement fait l’objet d’attaques terroristes causant 30 morts à Ouagadougou et  18 dans la station balnéaire de Grand-Bassam.

« Il y a eu des arrestations. Il y a des échanges d’informations. Avec le Mali aussi. Ça a permis de remonter des filières jihadistes, de Bassam jusqu’au nord du Mali en passant par Ouagadougou et le nord du Burkina », a précisé Alpha Barry.

« Presque tous les jours, nos polices et nos forces de sécurité travaillent à déjouer les coups. La préoccupation numéro un de nos États ce sont ces questions de terrorisme, de jihadisme. C’est cela qui est prioritaire, le reste devient secondaire », a-t-il conclu.

L'Europe rate une occasion unique de construire une nouvelle relation avec les pays africains.

Nous venons de recevoir un excellent article de Maria Arena, membre de La Commission du commerce international (INTA) du Parlement européen pour le groupe socialiste. Il traduit exactement la pensée du SEDELAN, ce que depuis plus de dix ans nous essayons de faire comprendre. Nous sommes heureux de vous le proposer ci-dessous.


Assemblée

Aveuglée par une politique de libre-échange poussée à l'extrême, la Commission européenne s'apprête à imposer à plusieurs États africains, dans l'indifférence quasi-totale, des Accords de Partenariat Économique (APE) déséquilibrés par un rapport de force à l'avantage du continent européen.

Malgré les mises en garde nombreuses et répétées sur les effets dramatiques de tels accords sur le développement de la plupart des pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique), une partie de la classe politique, des négociateurs et États-membres, mettent en sourdine leur impact sur les populations au nom d'un ultralibéralisme débridé, mais censé profiter à tous.

En coulisse, la Commissaire au Commerce Cécilia Malmström est donc sur le point de réussir un véritable coup de force : faire ratifier par les pays ACP des accords de libre-échange dont la majorité ne veut pas ! De son côté, le Parlement européen doit se prononcer mi-juillet, en commission de commerce international, sur l'accord conclu avec le groupe du SADC (Botswana, Lesotho, Mozambique, Namibie, Afrique du Sud et Swaziland) alors que la Commission européenne espère signer l'APE avec les pays de la Communauté d'Afrique de l'Est (Kenya, Burundi, Ouganda, Tanzanie, Rwanda) dans les prochaines semaines.

L'agenda s'accélère, poussé et alimenté par des Commissaires brandissant des accords soi-disant profitables pour tous les signataires. Il n'en est rien.

L'Union européenne, première puissance économique mondiale représentant près d'un tiers du commerce mondial des biens et services, a "subtilement" réussi à obtenir l'ouverture du marché d'un bloc de pays non-industrialisés, parmi les plus pauvres au monde, et ne couvrant ensemble qu'à peine 1% du commerce mondial... Une aubaine pour le puissant commerce européen !

Négociés depuis déjà 2002, les APE visent avant tout à mettre définitivement fin aux préférences commerciales unilatérales accordées par l'UE aux pays ACP depuis 1975 dans le cadre des Conventions de Lomé.

Certains prétendent aujourd'hui que ces préférences unilatérales étaient une concession faite par l'UE aux pays ACP. C'est une réécriture grossière de l'histoire. Soyons clairs: ces préférences n'ont été accordées par l'Europe que dans l'unique but de maintenir une relation exclusive avec ses anciennes colonies et de répondre aux besoins d'importations en matières premières à tarif préférentiel.

Alors que l'Accord de Cotonou juin 2000 prévoyait la conclusion des APE pour 2007, il a fallu attendre 2014 pour que la majorité des accords soient signés pour les sept régions délimitées (Afrique de l'Ouest, Afrique de l'Est, Afrique Centrale, Communauté de développement d'Afrique australe, États d'Afrique orientale et australe, États des Caraïbes et les États du Pacifique). Et entre-temps, seul l'accord avec les Caraïbes a été conclu et ratifié.

Un autre monde est possibleCette lenteur des négociations est le signe que, contrairement à ce qu'affirment les Commissaires européens, les ACP ne sont pas tous demandeurs de ces APE, certainement pas aux conditions proposées.

Décidée à étouffer les réticentes, la Commission use et abuse de mesures de pression, entre ultimatums et menace de fermeture du marché européen à tarif préférentiel pour les pays hors PMA (Pays les Moins Avancés).

La nouvelle date butoir imposée par la Commission est ainsi désormais fixée au 1er octobre 2016, date à laquelle six pays africains (Ghana, Côte d'Ivoire, Kenya, Botswana, Namibie et Swaziland) perdront leurs accès préférentiels au marché européen si l'APE n'a pas été signé et ratifié.

"La camisole de force des APE", comme l'avait si bien décrit l'ancien directeur du Monde Diplomatique Ignacio Ramonet, se fait donc plus pressante que jamais sur les pays africains. Les "accords de partenariat économique" n'ont jamais aussi mal porté leur nom, car de partenariat, d'accord négocié entre deux parties sur un même pied d'égalité, il n'en est nullement question.

Ce ne sont ni des partenariats, ni des "outils de développement" comme le prétendent la Commission européenne ou la DG Trade.

Les APE priveront les pays africains signataires de plusieurs milliards de recettes douanières, réduiront leur marge de manoeuvre dans l'orientation de leur politique de développement, les contraindront à échanger selon les termes imposés par la Commission européenne, et ce sans considération pour leur situation économique réelle, leurs besoins et leurs priorités. Quant aux exportations africaines, elles resteront fortement soumises aux règles d'origine européenne très contraignantes.

Finalement, en quoi ces APE seraient-ils davantage bénéfiques au développement africain puisqu'ils n'apportent rien de plus que ce que l'Europe accorde aux ACP depuis plus de 40 ans ?

En imposant son rythme de travail et ses conditions, l'Europe rate une occasion unique de construire une nouvelle relation avec les pays africains, qui reléguerait enfin au passé cette position de dominant-dominé du XIXe siècle. C'est regrettable. Et déplorable.


Koudougou, le 8 juillet 2016

Maurice Oudet

Président du SEDELAN

UgeuxUn article du Père Bernanrd Ugeux, Missionnaire d'Afrique en R.D.C.

Un défi à la créativité malgré des moyens limités

L’Afrique représente un potentiel immense en termes de moyens de communication. Les grands opérateurs téléphoniques ont réalisé l’importance d’emporter des parts de marché et de territoire dans ce continent où les moyens de communication matériels – comme les routes ou les aéroports - laissent souvent à désirer. Le moyen actuellement le plus répandu et le plus abordable financièrement pour la plupart des populations est la radio. Que ce soit les radios locales à ondes moyennes ou en fréquences modulées, ou les grands réseaux internationaux en FM en ville et par les ondes courtes en milieu rural. Ce qui rend encore plus surprenante l’intention de Radio Vatican de sacrifier la radio au profit du numérique alors que la plupart des campagnes d’Afrique sub-saharienne ne sont pas électrifiées ! Ensuite, il y a le téléphone qui est devenu d’autant plus utile qu’il permet des transactions financières à bas prix. Par exemple, en RDC, véritable sous-continent, une étudiante qui ne peut payer ses frais d’examens à Kinshasa peut se les faire envoyer le jour même par sa mère de n’importe centre couvert par un réseau, même à 2000 km de là, via le système « money » d’une des compagnies de téléphone. Une petite révolution…

En outre, de nos jours, il existe le défi que représentent les médias sociaux sur lesquels se penchent de plus en plus les Eglises, de toute dénomination (cf. l’excellent petit livre de Meredith Gould, The Social Media Gospel, pas encore traduit en français). Un exemple, récent, le journal La Croix a lancé un site pour l’Afrique ( http://urbi-orbi-africa.la-croix.com/). Par ailleurs, les Evêques africains veulent renforcer leur collaboration en termes de communication sociale. Les évêques participant à la rencontre du Comité épiscopal panafricain des communications sociales (Cepacs) ont demandé aux conférences épiscopales du continent, jeudi 9 juin 2016 à Accra (Ghana), « de revitaliser leurs bureaux de communication sociale de manière à répondre aux besoins de l’apostolat de la communication pour l’évangélisation ». Une des raisons de cette préoccupation est sans doute l’invasion de l’Afrique par toutes sortes de médias parfois de mauvaise qualité ou qui diffusent des idées « mondialisées » dont le contenu éthique pose problème (surtout dans le domaine de la bioéthique), sans oublier la propagande de Boko Haram ou d’ISIS.

La Société des Missionnaires d’Afrique a clôturé les travaux de son Chapitre Général ce 12 juin 2016. Un mois de réflexion et de partages a renforcé les relations entre les 44 délégués, permis un travail de réappropriation du charisme du fondateur et un engagement vers des chantiers nouveaux et plus adaptés à un monde, une Eglise et des sociétés africaines en changements de plus en plus rapides. Les médias ont été abordés dans toutes leurs dimensions. Tout d’abord dans la dimension concrète de la technologie puisque les plus de mille membres ont pu suivre quasiment en temps réel tous les événements du Chapitre vie Facebook et l’intranet de notre site. Lors d’une récollection, l’exposé fut aussitôt en ligne et 100 confrères l’avaient écouté dans les heures qui ont suivi, certains du fin fond de l’Afrique grâce à leur smartphone….

Mais ceci n’est pas le plus difficile. Il suffit de posséder les équipements nécessaires des deux côtés de la ligne de transmission. Dès notre fondation, le Cardinal Lavigerie, avait donné comme instruction qu’un missionnaire arrivant pour travailler dans une région dont il ne connaissait pas la culture devait prendre le temps (parfois plusieurs mois) d’apprendre la langue et les coutumes du peuple concerné avant de commencer son ministère. Dans une Afrique qui se mondialise rapidement, le langage numérique est la nouvelle langue à apprendre. En effet, aujourd’hui, tout au moins dans les villes, un nombre croissant de personnes (certes encore minoritaires) ont accès à internet – au moins dans des cyber-cafés – ou peuvent s’acheter un smartphone à des prix écrasés par les producteurs chinois comme Huawei. Ils ont ainsi également accès à WhatsApp, Facebook, Twitter, etc. En outre, il existe de plus en plus de lieux dans les quartiers défavorisés où pour quelques centimes on peut regarder des films sur des écrans plats de bonne taille. Le problème, c’est que ce sont souvent la violence et le porno qui emportent le plus l’intérêt. Il ne faut pas s’en entonner. Une étude récente indique qu’un pourcentage élevé de sites visités mondialement (!) sont les sites pornos. D’après le site gentelgeek.net, 35 % des téléchargements dans le monde sont du porno. Il faut donc apprendre non seulement à manier l’outil de la communication, mais aussi considérer comment en faire un instrument éducatif et, pour les Eglises, de formation religieuse, parfois à distance.

La question n’est pas de savoir si les médias sociaux sont une bonne ou une mauvaise chose, c’est un outil qui se répand à une vitesse fulgurante et dont, comme pour tout outil, l’utilité ou la nocivité dépendent de la façon de les utiliser. Il est donc nécessaire de se former aux médias sociaux, de les utiliser à bon escient en en faisant non seulement des plateformes d’information et de formation mais aussi des lieux d’interactivité où les gens peuvent poser leurs questions. Il existe aussi de nombreux éléments éthiques à prendre en compte. Dans ce domaine, il est nécessaire que les congrégations internationales collaborent avec les Eglises locales qui n’ont pas toujours les moyens ou l’expertise pour en tirer profit. Il faut aussi lancer des groupes de réflexion et de travail sur les réseaux sociaux pour donner une orientation sur l’esprit, l’optique et l’éthique de l’usage de ces médias. Il s’agit d’équiper les acteurs à tous les niveaux. Cela demande de gens formés en amont à cette expertise, qui possèdent les moyens pour former les acteurs pastoraux. Il faut aussi exploiter ou créer des contenus utiles et attrayants et, pourquoi pas, mettre en ligne de nouvelles apps comme vient de le faire le réseau de prière du Pape (Apostolat de la prière).

Au travail chers confrères !

Bernard Ugeux