Vu au Sud - Vu du Sud

Sur le site de Radio France internationale, cet article sur Ansar Dine

Abou Fadl (son nom de guerre), émir d’Ansar Dine.
© DR
D

En s'exprimant à la fois en arabe et en tamasheq, Iyad Ag Ghali a très probablement voulu atteindre un public plus large et ne pas se cantonner à son fief traditionnel de la région de Kidal, au nord-est du Mali. Malgré un turban de couleur blanche, son visage mangé par une barbe, on reconnaît sur la vidéo le leader touareg du groupe islamiste Ansar Dine. Derrière lui, on aperçoit également le drapeau noir des jihadistes.

Pendant dix minutes, il s'attaque à la France à mission de l'ONU au Mali, qu'il qualifie de « forces d'occupation ». La musique est connue : son objectif est de mobiliser contre les forces internationales. Mais il critique également le gouvernement malien pour avoir accepté cette présence sur son sol.

La vidéo a été enregistrée après la marche anti-forces étrangères organisée en avril dernier à Kidal. Et pour montrer qu'il a suivi ces événements au cours desquels trois civils ont été tués, Iyag Ag Ghaly affirme soutenir la jeunesse de Kidal. Tentative de récupération ? Peut-être. Si la vidéo a été envoyée ce week-end à des journalistes par des proches du leader du groupe Ansar Dine, elle circulait déjà depuis environ deux semaines.

Toujours sur le site de RFI, ce long article datant du 24 mars 2016 et donnant des détails sur tous les groupes
armés au Mali :

[Repères] Forces et groupes armés au Mali: qui est qui?

Mission de l'ONU au Mali
© Minusma

Alors que les attentats terroristes islamistes se multiplient à travers le monde, des mois après l’attaque de l’hôtel Radisson Blue de Bamako, et après les accords de paix d’Alger, des années après le début d’une guerre qui s’est enkystée dans le paysage du nord du Mali, les autorités tentent toujours de reprendre le contrôle du territoire. Le pays reste divisé, sous le contrôle de forces armées ou de petits groupes autonomes qui s’affrontent ou pactisent. Un échiquier dangereux et fragile, en constante mutation, qui menace toujours la réconciliation nationale et un véritable retour à la paix.

Pour comprendre quelles sont les forces en présence, il faut s’interroger sur l’histoire de chacune de ces composantes et sur ce que chacune nous dit de la crise qui déchire le Mali. Hors, même si la situation actuelle est directement liée à la dernière guerre qui a embrasé le Nord en 2012 et à son évolution, les causes plus profondes sont à chercher dans l’histoire et les erreurs du passé qui ont permis la division entre les Maliens du fait, entre autres, du racisme, de la corruption, de l’affairisme, de l’impunité et des promesses non tenues comme ce fut le cas par exemple avec l’accord de Tamanrasset en 1991, le Pacte national en 1992 ou l’Accord d’Alger de 2006.

Entre guerre et paix

Pour mémoire, la guerre actuelle est née des suites d’une rébellion touarègue, qui a mis en déroute l’armée malienne, mais qui s’est faite, elle-même, dominer par des groupes jihadistes, liés à al-Qaïda, qui se sont emparés du nord du Mali en mars-avril 2012.

En janvier 2013, pour arrêter la progression des jihadistes vers le Sud, la France, à la demande du président du Mali, intervient militairement dans le cadre d’une opération internationale et se lance dans la reconquête du territoire, chassant de nombreux groupes armés du Nord. Les grandes opérations militaires internationales vont ensuite laisser la place aux casques bleus et à l’armée malienne, et aux forces spéciales, notamment françaises pour sécuriser le pays.

Dans le cadre du processus d’Alger, un accord de paix a été conclu entre le gouvernement malien et les groupes armés du nord du Mali le 15 mai et le 20 juin derniers. Mais cet accord ne met pas un terme à la crise malienne. Les islamistes extrémistes, censés être définitivement isolés par cet accord, se sont redéployés et contrôlent des zones entières qui échappent toujours aux forces maliennes et étrangères. Depuis 2015, leurs actions se sont même étendues au centre et au sud du pays.
Pour encourager le processus de paix, la communauté internationale accompagne le Mali et multiplie les initiatives à travers des actions de la Minusma pour mettre en place des accords qui peinent encore à être appliqués. Dans cette perspective, une nouvelle initiative devrait rassembler à Kidal du 27 au 30 mars prochain un forum « pour la réconciliation » qui devrait réunir les ex-rivaux que sont les représentants de la plate-forme et du CMA, à savoir la coalition des mouvements armés soutenant le gouvernement et la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), ex-rébellion à dominante touarègue.

Le contrôle du Sahara

En janvier 2013, pour arrêter la progression des combattants islamistes vers Mopti, dernier verrou avant la capitale, Bamako, le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, demande une aide immédiate à la France, qui décide d’intervenir le 11 janvier 2013 avec l'opération Serval. De l'aide logistique venant de plusieurs nations arrive au fil des jours pour appuyer cette mission : c’est la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (Misma). Le 25 avril 2013, la résolution 2100 du Conseil de sécurité des Nations unies crée la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) qui prend le relais de la Misma à partir du 1er juillet 2013. La mission de la Minusma, qui dispose de 10 000 casques bleus, est de soutenir la mise en œuvre de l’accord de paix signé le 20 juin, à la fois sur le plan politique et sécuritaire. Du côté de l’armée française, Serval laisse la place à l’opération Barkhane, un dispositif de 3 000 hommes, composé en grande partie de forces spéciales, dont le commandement est basées à Ndjamena, au Tchad, et qui est chargé de continuer le combat contre les cellules jihadistes sur un ensemble territorial qui rassemble plusieurs Etats sahélo-sahariens.

Mission de la Minusma dans le nord du Mali © MINUSMA/Marco Dormino

Dans le cadre de la lutte contre les divers groupes islamistes, des pays de la région (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) décident d’unir leurs efforts et créent en 2016 le G5 Sahel (la prochaine réunion annuelle du G5 Sahel est prévue à Bamako en janvier 2017). Début mars 2016, les membres du G5 Sahel ont décidé d’installer en Mauritanie un « Centre sahélien d’analyse des menaces et d’alerte précoce (CSAMAP) » et de créer une école de guerre qui devrait s’appeler le « Collège de défense du G5 Sahel ».

L’armée et les milices

Les forces armées du Mali (Fama) comptent, depuis janvier 2015, entre 8 000 et 8 200 soldats. Une formation de l’Union européenne lancée en 2013 a permis de renforcer les capacités militaires de cinq bataillons et deux autres devraient l’être dans les mois à venir. Mais les Fama, principalement positionnées le long de la boucle du fleuve Niger, sont encore peu nombreuses sur les points chauds du Nord comme Kidal, Aguelhok ou la région de Taoudéni, seul un petit groupe est déployé sur Tessalit aux côtés des forces françaises.

Sur le terrain, à plusieurs époques, des milices d’autodéfense se sont créées et ont, dans certains cas, appuyé l’action militaire. On se souvient du Mouvement Patriotique Ganda Koi (MPGK) dirigé par Djibril Diallo, une milice songhaï de Gao, née lors de la rébellion touarègue de 1990-1996, par d’anciens soldats de l’armée malienne. Leur objectif : libérer le nord du Mali des mains d’AQMI, du MUJAO, d’Ansar Dine mais aussi du MNLA qu’ils considèrent comme des islamistes. Ils ne reconnaissent pas la réconciliation de 1992 mais restent fidèles au pouvoir de Bamako. En 2013, un rapport des Nations unies estime qu’ils sont 1842 combattants.
Autre milice Songhaï et Peule créée en 2012 près de Sévaré estimée à 1500 volontaires à sa création, c’est le Mouvement National de libération du Nord Mali plus connu sous le nom de Ganda IZO. Son chef Ibrahim Dicko, déclare : « Notre problème c'était le MNLA qui voulait créer un État dans lequel on ne se reconnaissait pas. Les islamistes, en revanche, ce sont des musulmans, comme nous ».
Le 21 juillet 2012, Ganda Koy, Ganda Izo et les Forces de libération du Nord (FLN) qui poursuivent les mêmes objectifs avec un groupe de 700 hommes se regroupent au sein de la Coordination des Mouvements et Front patriotique de résistance (CM-FPR).

Le 14 août 2014, après la défaite de l’armée malienne à Kidal, les combattants loyalistes de la tribu des Imghad (tribus touareg rivale des Ifoghas) annoncent la création du Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia). Cette milice loyaliste, de 800 à 1000 hommes, dirigée par le général El Hadj Ag Gamou qui affirme disposer d’une base entre Gao et Kidal, est un mouvement opposé à l'indépendance ou à l'autonomie du nord du Mali. Le jour de l'officialisation de la création du mouvement, son secrétaire-général, Fahad Ag Almahmoud, déclare :« Nous venons de créer le Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia) pour défendre les intérêts de notre communauté dans le nord du Mali, notamment contre le MNLA. Nous sommes pour le processus de paix, nous reconnaissons l’intégrité territoriale du Mali, et nous ne réclamons pas d’autonomie. Nous voulons travailler avec le gouvernement malien pour amener la stabilité du pays. »

En janvier 2015, la Minusma constate que plusieurs miliciens du groupe, blessés au cours des combats de Tabankort et soignés à Gao, étaient des militaires de l'armée régulière malienne qui avaient suivi une formation de la Mission de formation de l'Union européenne au Mali à Koulikoro. Officiellement, le gouvernement malien nie être l'origine de la création du Gatia.

Alliée au GATIA, il y également la branche loyaliste du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA loyaliste) qui est un mouvement politique et militaire arabe, regroupant 500 combattants. Créé pendant la rébellion touarègue de 2012, il s’est d’abord appelé le Front de libération nationale de l'Azawad (FLNA) avant d'être rebaptisé vers la fin 2012 le MAA. En 2014, le mouvement est divisé en deux tendances : l'une alliée aux rebelles du MNLA et du HCUA, et une autre, appelée le MAA loyaliste, fidèle à l'Etat malien. Selon Mohamed Lamine Sidad, secrétaire général du FLNA, le mouvement est opposé à l'indépendance de Azawad et à l'instauration de la charia, il réclame « le retour à la paix et à l'activité économique ». Le MAA se revendique non-terroriste et ayant pour principal objectif de défendre l'intérêt des populations arabes du nord Mali. Il se dit prêt à « collaborer avec la France contre le terrorisme, le narco-trafic ainsi que le crime organisé. » Pendant les pourparlers d'Alger entre les gouvernement malien et les groupes armés rebelles du nord du Mali, une branche du MAA se sépare finalement du mouvement et le 30 août 2014, annonce la création du Mouvement populaire pour le salut de l'Azawad (MPSA). Le MPSA de Boubacar Sedigh Ould Taleb son Secrétaire général, se présente comme un mouvement à caractère national politiquement, et non comme un groupe armé tribal. Il affirme reconnaître le drapeau malien, ne pas être un groupe indépendantiste et ne pas souhaiter la partition du Mali, mais réclame l'autodétermination de l'Azawad.

Voiture sur la piste de Kidal © Minusma

Les rebelles et la revendication de l’Azawad

Les populations touareg ont toujours affirmé une indépendance et une liberté de mouvement sur le Sahara et une partie du Sahel, mais l’histoire va diviser cet espace en pays avec lesquelles les touareg vont souvent se retrouver en difficulté. Les revendications identitaires et territoriales touareg vont s’exprimer à plusieurs reprises par des rébellions qui marquent l’histoire contemporaine (au Niger de 1916 à 1917 ; de 1962 à 1964 au Mali ; de 1990 à 1996 au Mali et au Niger ; 2006 au Mali ; 2007 à 2009 au Niger et au Mali ; 2012 au Mali).

A l’occasion de cette dernière insurrection, un groupe de rebelles touareg (le MNLA) à la faveur d’une offensive contre l’armée malienne proclamera le 6 avril 2012 l’indépendance de l’Azawad. Un territoire de peuplement notamment Touareg qui correspond aux trois régions du nord du Mali (Tombouctou, Gao, Kidal) dont l’indépendance ne sera jamais reconnue, ni par le Mali, ni par la communauté internationale. Mais cette revendication évoluera et en 2013, les rebelles renonceront à cette indépendance et demanderont pour l’Azawad un statut d’autonomie et de fédéralisme dans le cadre du processus de paix). Le grand acteur de cette dernière rébellion c’est Le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) qui né le 16 octobre 2011 de la fusion du Mouvement national de l'Azawad (MNA) qui se définit comme « une organisation politique de l’Azawad qui défend et valorise la politique pacifique pour atteindre les objectifs légitimes pour recouvrer tous les droits historiques spoliés du peuple de l’Azawad », et de l'Alliance Touareg Niger-Mali (ATNM), mouvement responsable de rébellions de 2006 à 2009.
Le MNLA est une organisation politique et militaire. Son secrétaire-général est Bilal Ag Cherif et Mohamed Ag Najem en est le chef de la branche militaire qui revendiquera un temps jusqu'à 10 000 combattants, en majorité touareg, issus des tribus des Idnanes, des Chamanamasses et d'une partie des Ifoghas, appuyés par près de 400 combattants revenus de Libye.

Le MNLA revendique une autonomie au sein du territoire malien et demande des avancées rapides, en matière d'accès à la santé, à l'eau, à l’alimentation à l’énergie, à l'éducation, et réclame aussi « l’ouverture d’une enquête internationale indépendante pour faire la lumière sur tous les crimes commis par l’armée malienne de 1963 à nos jours sur les populations de l’Azawad ».

Pendant la guerre, d’autre mouvements apparaîtront comme le Front national de libération de l'Azawad (FNLA) d’Ahmed Ould Mamoud, un mouvement arabe ni sécessionniste ni islamiste qui c’était fait connaître en avril 2012 avec sa prise de contrôle de Tombouctou.

En janvier 2013, à la suite de l'opération Serval, un groupe de transfuges d'Ansar Dine se rapproche du MNLA et fonde le Mouvement islamique de l'Azawad (MIA) mais le 19 mai, le mouvement est dissout et rallie le Haut Conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) de Mohamed Ag Intalla qui lors de sa fondation le 2 mai 2013 s’appelle initialement le Haut conseil de l'Azawad (HCA). L’Aménokal Intalla Ag Attaher est désigné président et son fils Mohamed Ag Intalla en est le secrétaire général. A la création du HCA il déclare : « C’est un mouvement pacifique qui ne réclame pas l'indépendance d'une partie du nord du Mali et est contre toute idée de partition. (…) Nous sommes également contre le terrorisme. Nous voulons mettre ensemble tous les fils touareg du Nord et les autres frères pour faire la paix avec le Sud, avec tous les Maliens. » La majorité des combattants du HCUA sont issus de la tribu touareg des Ifoghas.

À l'été 2014, le MNLA, le HCUA et le MAA rebelle forment une alliance baptisée la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) et le 18 mars 2014, Ibrahim Ag Mohamed Assaleh divorce avec le MNLA et créé son propre mouvement rebelle politico-militaire, la Coalition du peuple pour l'Azawad (CPA) pour peser dans les négociations avec Bamako. Plusieurs anciens membres du MNLA, du MAA et du HCUA ont depuis rallié la CPA.

Organisations islamistes

Face à cette mosaïque d’acteurs loyalistes ou rebelles, il y a un ensemble plus diffus de mouvements jihadistes dont le projet est pour certains l’instauration d’un Etat islamique au Mali régi par la charia ou pour d’autres la création d’un grand califat mondial. Ces groupes qui se revendiquent aujourd’hui d’al-Qaïda ou de l’organisation Etat islamique dont les actions terroristes s’étendent bien au-delà des frontières, ont commencé à se réfugier au Sahara à partir de l’Algérie puis de la Libye où ils ont prospéré, empêchant au Mali tout véritable retour à la paix.

Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a été l’une des premières organisations jihadistes à s’installer au Sahara et à y prospérer. Aqmi est une organisation jihadiste terroriste d’idéologie salafiste, dont l’affiliation au réseau al-Qaïda a été approuvée par Oussama ben Laden. Ses origines sont algériennes. Avant 2007, Aqmi s’appelait le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), une organisation terroriste qui était le résultat d'une dissidence du Groupe islamique armé (GIA). Dirigé par Abdelmalek Droukdel, Aqmi opère depuis l’Algérie, la Mauritanie, et le Mali. En 2013, on estimait qu’Aqmi disposait d'environ 1 000 hommes répartis en cinq katibas ou brigades. En 2015, Mathieu Olivier et Rémi Carayol, journalistes de Jeune Afrique, écrivent : « Selon la DGSE malienne, Aqmi, en perte d'influence, ne compterait plus dans le Sahara que 200 combattants divisés en trois katibas».

En décembre 2012, le chef d’Aqmi, Abdelmalek Droukdel destitue Mokhtar BelMokhtar dit Khaled Abou al-Abbas, le commandant d’une de ses katibas (la katiba Al-Mouthalimin). Mokhtar BelMokhtar annonce aussitôt sa rupture avec Aqmi crée les Signataires par le sang pour consolider, dit-il, « le règne de la charia » dans le nord du Mali contrôlé par les islamistes et s’installe à Gao (ville alors occupée par le Mujao).

En 2011, pour étendre l'insurrection islamiste du Maghreb à l’Afrique de l'Ouest suite à une divergence de point de vue avec Abdelmalek Droukdel, l'émir d'Aqmi, une scission d'Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) crée le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Cette organisation armée jihadiste et salafiste fondée et dirigée par Hamada Ould Mohamed Kheirou comptait pendant la guerre du Mali, entre 500 et 1 000 combattants répartis en quatre Katiba.
Le 22 août 2013, une partie du Mujoa et des Signataires par le sang annoncent leur fusion en un seul mouvement sahélien, djihadiste et salafiste qui prend le nom d' Al-Mourabitoune-Al-Qaïda du jihad en Afrique de l'Ouest plus connu sous le nom de Al-Mourabitoune (« Les Almoravides »). Al-Mourabitoune revendique de nombreux attentats dont celui du Radisson Blue de Bamako du 20 novembre 2015 qu’il affirme avoir mené avec Aqmi. Le 4 décembre 2015, le chef de Al-Mourabitoune, l’émir Mokhtar Belmokhtar se rallient à nouveau officiellement à Aqmi.
Autre organisation et pas des moindre issue de chez les Touaregs Ansar Dine ou Ansar Eddine (« les défenseurs de la religion ») est un groupe armé jihadiste terroriste et d’idéologie salafiste dirigé par Iyad Ag Ghali, un des principaux chefs de la rébellion Touareg de 1990-1996.

En 2015, Ansar Dine revendique pour la première fois des attaques au sud du Mali, notamment près la frontière ivoirienne. Le groupe annonce alors son intention de mener des attaques en Côte d'Ivoire, en Mauritanie et dans d'autres pays de la région.

Enfin le dernier en date, le Front de libération du Macina (FLM) qui apparaît en janvier 2015 est un groupe armé jihadiste d’idéologie salafiste dirigé par Hammadoun Kouffa. Le FLM est composé d'anciens combattants du Mujao, majoritairement peuls et leur objectif est le rétablissement de l'empire du Macina.D’après la DGSE malienne, le FLM comptait fin 2015 près de 170 hommes, principalement peuls.

Le 23 novembre 2015, le FLM revendique avoir mené avec le soutien d'Ansar Dine l’attentat du Radisson Blu de Bamako alors que le même attentat avait été revendiqué par Al Mourabitoune et Aqmi trois jours plus tôt.

 

 

 

 

Il y a un an que des accords étaient signés à Alger mais s'il y a des avancées concrètes sur le papier, sur le terrain des blocages persistent. Il y a une véritable crise de confiance entre les groupes armés et le gouvernement (textes pris sur le site de RFI)

Mali: un an après l’accord d’Alger, de nombreux blocages persistent

Le Mali organisait samedi, en présence d'une dizaine de chefs d'Etat africains et plus de 20 pays représentés, la signature officielle de l'accord de paix d'Alger. Bamako, le 15 mai 2015.

© AFP PHOTO / HABIBOU KOUYATE

Par RFI Publié le 20-06-2016 Modifié le 20-06-2016 à 16:00

 

 

Il y avait eu des youyous ce 20 juin 2015, il y a tout juste un an à Alger, au moment de la signature de l’accord de paix par le représentant de la CMA, la Coordination des mouvements de l’Azawad. Un accord pour le nord du Mali déjà validé et signé un mois plus tôt par le gouvernement. A ce moment-là, la médiation avait salué un nouveau départ pour le pays, pour cette région secouée par une série de rébellions et une occupation jihadiste. Un an après ces youyous et cet espoir, où en est-on aujourd’hui ?

Tout au long de cette année, le principal acquis, c’est que globalement le cessez-le-feu a été respecté. Il y a bien eu quelques escarmouches, mais il n’y a plus de combats entre l’armée malienne et les groupes armés.

Il y a également eu la nomination et l’installation des gouverneurs des deux nouvelles régions du Nord : Taoudéni et Menaka. Et puis ce dimanche, il y a eu la signature officielle de la loi instituant les autorités intérimaires.

Problème de confiance

Des étapes importantes, parce que c’est cette transition qui doit permettre aux groupes armés et au gouvernement de cogérer les régions, les cercles et les communes du Nord pendant un moment. Et puis, ce qui est intéressant, c’est qu’il y a un chronogramme d’application de cette loi instituant les autorités intérimaires.

S'il y a des avancées concrètes sur le papier, sur le terrain des blocages persistent. Il y a une véritable crise de confiance entre les groupes armés et le gouvernement. Les groupes armés disent qu'ils n'ont pas confiance dans le gouvernement. Et en privé, les responsables du gouvernement estiment qu'ils sont de mauvaise foi et ne veulent pas enlever le check-point.

Blocage avec le DDR

Ce qui bloque, c’est véritablement le processus qu’on appelle DDR, pour Désarmement, Démobilisation et Réinsertion. Vingt-quatre sites de cantonnement sont identifiés, mais comment cantonner les troupes ? Comment les mettre en place ? Comment équiper ces sites ? Cela pose problème, et cela n’avance pas.

L’accord de paix insistait aussi sur les patrouilles mixtes que devaient faire les forces armées maliennes et les combattants sur le terrain. Au cours de cette année, il n’y a eu qu’une seule patrouille mixte. Enfin, il y a la dégradation de la situation intérimaire. Il y a beaucoup, beaucoup d’inquiétude sur ce point.

 
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Le billet mensuel du diocèse de Ghardaia, en Algérie, daté du 30 mai 2016, est disponible.

(lire la suite)

Textes pris sur les site de "Jeune Afrique"

 

Au départ, un soulèvement contre un homme fort, réputé indéboulonnable, qui, soit en voulant se maintenir au pouvoir, soit en brusquant la société ou le jeu politique, a fait le geste de trop. De ces gestes qui suscitent l’ire du peuple et qui, comme une étincelle, mettent le feu au pays. Les digues s’effondrent. La peur jusque-là viscérale cède à l’envie, finalement, de renverser la table. Trop, c’est trop… Pourquoi aujourd’hui et pas hier ? Pourquoi pour tel acte et pas tel autre ? Pourquoi ici et pas ailleurs ? L’Histoire regorge de ce type de mystères insondables. Personne ne peut fournir la moindre explication rationnelle et acceptable. Peu importe.

Le chaos post révolutionnaire : inévitable?

La suite ? La « révolution » dont on se rengorge. Sur le moment, tout est beau, le peuple reprend son destin en main, bravo ! Puis vient le temps de la transition, entre cet hier forcément abhorré et ce demain dont nul ne sait à quoi il ressemblera.

C’est aussi celui de la chasse aux sorcières, pendant laquelle tous ceux qui sont plus ou moins apparentés au régime précédent en prennent pour leur grade, celle aussi durant laquelle les « résistants de la vingt-cinquième heure » font du zèle, sans doute pour éviter que l’on ne s’intéresse à leur propre parcours.

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Burkina Faso : où va la révolution ?

Généralement, passage par la case prison pour les plus emblématiques. Généralement aussi, retour à la vie publique, avec ou sans condamnation, après tout de même une sévère période au purgatoire, quelque temps plus tard. L’époque est aux bilans sans nuances, les bébés sont jetés avec l’eau du bain : avant, c’était l’enfer, demain, ce sera le paradis. Promis…

Après l’éphémère, le transitoire, la remise à plat, la bataille pour le pouvoir. Après tant d’années où le fauteuil du chef et les strapontins de ses affidés n’étaient pas disponibles, tout est à conquérir. On rase gratis, on égrène les promesses comme les perles d’un chapelet, on s’évertue à effacer les étapes de son passé, quitte à détourner l’attention en désignant à la vindicte populaire son voisin, son ancien ami, son cousin, son collaborateur.

Être chef d’État, dans ces pays où l’exigence des populations est à son paroxysme, n’est pas une sinécure

On vante les mérites des pères fondateurs, parés subitement de toutes les vertus et dont on oublie trop facilement les errements ou l’autoritarisme – Sankara au Burkina, Bourguiba en Tunisie, par exemple – d’autant plus facilement que leurs successeurs désormais honnis ont tout fait pour les effacer de la mémoire collective.

Ceux qui remportent les élections historiques qui scellent le retour ou l’avènement de la démocratie après les phases de transition sont presque toujours issus de l’ancien régime. Dès le lendemain, fini les flonflons, la fête est terminée. Parvenir au pouvoir est une chose, assumer ce dernier en est une autre.

Le plus dur commence. Face à tant d’attentes et après une plus ou moins longue période d’incertitude et de paralysie économique, impossible de ne point décevoir. Et l’on s’aperçoit qu’être chef d’État, dans ces pays où l’exigence des populations est à son paroxysme, n’est pas une sinécure. C’est arrivé à Tunis hier, cela se passe au Burkina aujourd’hui.

 

Publié le 08 juin 2016 à 17h05

par Marwane Ben Yahmed
Marwane Ben Yahmed est directeur de publication de Jeune Afrique

 

 

Les collectionneurs François et Marie Christiaens entourés des sculptures lobi dans l’exposition « Les bois qui murmurent. La grande statuaire lobi », à l’Ancienne Nonciature, Bruxelles.
© Siegfried Forster / RFI

François et Marie Christiaens partagent la même passion pour l’art des Lobi, mais pas toujours le même avis sur la raison d’être de leur goût pour cette culture ancienne, située au confluent du Burkina Faso, du Ghana et de la Côte d’Ivoire. Faut-il respecter le serment des Lobi de rester cachés ou son engouement pour « le vrai art » ? Leur collection, une des plus importantes au monde, a permis de monter la première exposition sur la grande statuaire lobi : « Les bois qui murmurent », qui a lieu jusqu’au 12 juin à l’Ancienne Nonciature de Bruxelles. Rencontre.

RFI : C’est la première grande exposition sur la statuaire lobi, pourquoi avait-elle été ignorée pendant si longtemps ?

François Christiaens (FC) : Les Lobi n’ont jamais été considérés. Ils se sont d’ailleurs toujours cachés du monde. Ils n’ont jamais voulu être connus. On les a découverts un peu par hasard, parce que personne ne s’y intéressait. A ce moment-là, cela nous a donné le virus d’aller voir et de gratter un peu ce qui se passe chez eux.

Marie Christiaens (MC) : Pendant la colonisation, les Lobi avaient fait le « serment de la bouche », c’est-à-dire de ne pas s’associer aux Blancs, aux missionnaires, aux chrétiens, etc. Ils étaient très rebelles. D’une certaine manière, cela les a protégés. Leur art a été découvert très tard. Quand un art est découvert, le premier reflex des Occidentaux est le rejet. L’art africain, en général, est passé par là. Il est entré très tardivement dans les musées. Les Lobi suivent ce même processus : d’abord rejet, ensuite assimilation - on dit que cela ressemble à… —, mais, il y aura un troisième temps, la vraie reconnaissance, et l’exposition va y contribuer. Cela sera vraiment gagné quand on dira d’une statue contemporaine : « c’est un Lobi ».

Dans l’exposition, on est tout de suite face à l’icône de votre collection : une figure masculine portant la coiffure yu-bilami. Une sculpture magnifique, avec un regard très ferme et une présence incroyable. Qu’est-ce qu’il y a typiquement « lobi » pour vous ?

FC : Pour moi, ce sont ces gens qui se tiennent debout, qui se mettent face à leur destin. Ils poussent sur leurs jambes et se tiennent debout. Pour moi, c’est ça l’essentiel.
MC : Ces statues sont toujours des statues qui portent des esprits des ancêtres. Là-bas, quand quelqu’un décède, petit à petit, le double (thuu) de la personne se détache de la personne. Le « thuu » devient le « thil ». L’esprit ne doit pas être errant et trouver une sculpture. Cela va être le réceptacle de l’esprit. La personne qui a son ancêtre chez lui, va le mettre sur un autel et va consulter l’ancêtre.
FC : Chez les Lobis, absolument tout est spirituel. Nous [Occidentaux] venons du livre. Toute notre spiritualité vient du christianisme qui est basé sur le livre. Eux, ils n’ont pas d’écrits, donc pas de lecture. Donc, ils sont restés extrêmement primitifs. Par rapport au livre, ils ont peut-être 20 000 ans de retard par rapport à nous. Et pourtant, ils vivent en même temps que nous. Cela m’a fasciné.
MC : Non, ce n’est pas du retard. C’est exactement la même démarche spirituelle, mais elle ne s’emploie pas de la même manière. On ne peut pas appeler cela du retard.
FC : Dans les grands principes de fonds, on s’aperçoit qu’on a tous les mêmes questionnements sur la vie, la mort, l’après-vie…

Statuaire lobi, figure masculine portant la coiffure yuu-bilami. H 80 cm. Exposée dans « Les bois qui murmurent. La grande statuaire lobi » à l’Ancienne Nonciature, Bruxelles. © Siegfried Forster / RFI

Selon vous, quelle est aujourd’hui la fonction de ces œuvres ?

MC : Malraux parle toujours de la métamorphose de l’objet rituel en objet d’art. Il y a aussi une phrase de Claude Roy : « L’art, c’est ce qui tient vivante l’idole morte en tant qu’idole. L’art, c’est ce qui dans un objet continue à servir quand il ne sert plus à rien. » Je pense qu’on est passé du sacré religieux, du rituel authentique en lien avec l’univers et les esprits à notre culture d’aujourd’hui qui n’est plus tellement religieuse. Maintenant, le sacré, c’est l’art. On est passé de la religion à l’art. D’ailleurs, Malraux disait que l’art et la religion sont les deux choses que l’homme a trouvé à opposer à la mort.
 
Qu’est-ce qui a déclenché chez vous cette passion pour l’art lobi ?
 
FC : La passion du collectionneur est aussi une addiction. Et une addiction est une névrose [rires].
MC : Notre passion a commencé par un livre du musée Dapper qu’un ami nous a offert : Le grand héritage. On l’a amené en vacances et on a passé une nuit blanche. En rentrant des vacances, on est allé à Bruges et on a acheté des statues. C’étaient des fausses ! C’est le ticket d’entrée obligatoire [rires]. Avant, on était très intéressé par l’art contemporain. Mais plus on allait dans l’art contemporain, plus on se noyait. L’art pour l’art. On ne savait plus ce qui était authentique ou ce qui était fabriqué pour le marché. Et là, tout d’un coup, on était devant des choses qui n’ont jamais été faites pour être de l’art, mais pour des fonctions rituelles. C’était un retour aux sources. Une vraie régénérescence.
FC : On a découvert une authenticité, après avoir ramé dans l’art contemporain. Là, l’artiste veut être connu. Alors que chez les Lobi pas du tout ! C’est un art spirituel qui vient des rituels, de la tradition. Pour nous, c’est ça, le vrai art.
 
Les sculptures lobi viennent du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Ghana. Avez-vous rencontré les gens et les cultures sur place ?

FC : On y est allé plusieurs fois. Mais, vous savez, ils sont très vigilants. Ils ont fait le « serment de la bouche ». On n’a jamais pu voir un autel. C’est interdit. D’abord, on n’a jamais voulu acheter une pièce sur place, pour ne pas passer pour des voleurs. On a toujours acheté normalement, dans les galeries à Paris ou à Bruxelles.
MC : Souvent, on a l’impression que les collectionneurs sont des dépouilleurs, des voleurs du patrimoine. Mais, en fait, on est dépositaire d’un patrimoine. Nous, on va mourir, mais les statues vont continuer à vivre.

Buthib kotin, statuaire lobi, figure féminine. Ancêtre inachevé qui renvoie à une forme de folie. H 95 cm. Exposée dans « Les bois qui murmurent. La grande statuaire lobi » à l’Ancienne Nonciature, Bruxelles. © Siegfried Forster / RFI

Aujourd’hui, y a-t-il une contradiction entre le « serment de la bouche » des Lobi et votre pratique d’exposer leurs œuvres ?
 
FC : Oui, il y a une contradiction complète.
MC : Non, on a rencontré des Lobi sur place. Ce sont des sociétés acéphales [sans pouvoir centralisé, ndlr], il n’y a pas de roi. Mais il y a une petite ethnie chez les Lobi, les Gan, c’est la seule petite royauté. Nous avons rencontré le roi des Gan et on s’est présenté comme collectionneurs. On avait peur qu’il nous dise : « écoutez, vous volez, vous êtes des pilleurs ». Mais, c’était le contraire. Il nous a dit : « Merci, vous sauvez les pièces qu’on ne peut pas garder sur place », parce que les conditions de conservation ne sont pas bonnes là-bas. Il a insisté : « Montrez-les, ne les laissez pas enfermés dans des armoires. C’est notre patrimoine. »

Où est la contradiction alors ?

FC : Les Lobi n’avaient pas du tout envie d’être montrés. Pour moi, il y a une contradiction. Cela me pose quand même des problèmes. On récupère les statues, on leur donne une deuxième vie, mais cela n’est pas leur vraie vie. Ce n’est pas la leur.

Vous dites que vous êtes même prêts à rendre les sculptures aux ethnies…

FC : S’ils savent les garder. Parce que, si demain, on les rend, on va les retrouver le lendemain sur le marché du Bruxelles. J’ai des pièces de Kinshasa que le musée de Tervuren [le Musée royal de l'Afrique centrale, à Tervuren, Belgique, ndlr] avait rendues à Kinshasa qui, le lendemain, les avait mises en vente. Moi, j’en ai acheté sans le savoir.
MC : C’est quelque chose qui se passe encore maintenant. Quand vous voyez les conditions économiques et de vie là-bas… Une statue, pour eux, ce n’est pas encore l’essentiel.

Comprenez-vous le débat autour des masques Hopi où les tribus exigent le retour de leurs objets sacrés ?

FC : Oui, mais on même temps, ce sont des débats complètement idiots, puisque ce qu’il faut c’est qu’ils soient sauvés. Après, s’ils sont sauvés par leur pays d’origine ou par quelqu’un d’autre… On est tous des frères humains.
MC : En Occident, il y a un travail de conservation qui est fait. Le Burkina Faso n’est pas prêt de pouvoir faire une exposition comme celle-ci. C’est ici que cela se passe maintenant. On verra plus tard quand nous serons morts. On est des dépositaires…

Vue de la première grande exposition : « La grande statuaire lobi - Les bois qui murmurent » dans l’espace de l’Ancienne Nonciature, Bruxelles. © Siegfried Forster / RFI

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Les bois qui murmurent, la grande statuaire lobi, une exposition conçue par Serge Schoffel à partir de la collection de François et Marie Christiaens, du 8 au 12 juin, à l’Ancienne Nonciature, Bruxelles.