Justice et Paix

" Je suis homme, l'injustice envers d'autres hommes révolte mon coeur. Je suis homme, l'oppression indigne ma nature. Je suis homme, les cruautés contre un si grand nombre de mes semblables ne m'inspirent que de l'horreur. Je suis homme et ce que je voudrais que l'on fit pour me rendre la liberté, l'honneur, les liens sacrés de la famille, je veux le faire pour rendre aux fils de ces peuples l'honneur, la liberté, la dignité. " (Cardinal Lavigerie, Conférence sur l'esclavage africain, Rome, église du Gesù)

 

NOS ENGAGEMENTS POUR LA JUSTICE T LA PAIX
S'EXPRIMENT DE DIFFÉRENTES MANIÈRES :

En vivant proches des pauvres, partageant leur vie.
Dans les lieux de fractures sociales où la dignité n'est pas respectée.
Dans les communautés de base où chaque personne est responsable et travaille pour le bien commun.
Dans les forums internationaux pour que les décisions prises ne laissent personne en marge.

Dans cette rubrique, nous aborderons différents engagements des Missionnaires d'Afrique, en particulier notre présence auprès des enfants de la rue à Ouagadougou et la défense du monde paysan.

 

[Édito] Macky Sall, cinq ans de solitude

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Début de second mandat en fanfare... le chef de l’État sénégalais entend prendre directement les choses en mains et accélérer les réformes. Conséquence : un vaste chamboule-tout au gouvernement et la suppression du poste de Premier ministre. Une stratégie qui n’est pas sans risques...

Macky Sall cache décidément bien son jeu. Le président « normal », souvent comparé à ses débuts à François Hollande en raison de sa bonhomie et du contraste de sa personnalité avec celle de son prédécesseur (Abdoulaye Wade pour lui, Nicolas Sarkozy pour son homologue français de l’époque), ne s’embarrasse guère du qu’en-dira-t-on et des petits calculs politiciens.

Chamboule-tout

Chez les acteurs politiques sénégalais, beaucoup s’attendaient à un début de second mandat tranquille, dans la continuité du précédent, avec un gouvernement élargi pour remercier les multiples soutiens de la campagne présidentielle tout en conservant les fidèles de toujours. Ils se sont trompés. En lieu et place, ils ont assisté à un vaste chamboule-tout. Une vingtaine de membres de l’ancienne équipe ont été remerciés en raison de leur inefficacité ou de leurs frasques, le nouveau gouvernement ne compte plus que trente-deux ministres (plus trois secrétaires d’État), dont seize nouveaux venus (pour la plupart d’anciens directeurs généraux d’entreprises publiques ou d’institutions).

En revanche, les « transhumants » et les ralliés de la dernière heure ont été purement et simplement zappés ; l’Économie et les Finances ont été séparées ; et de supposés caciques ont été contraints de changer de maroquin. Cerise sur le lakh, le poste de Premier ministre sera froidement supprimé et jeté aux oubliettes ! Il va de soi que ce dernier point, surtout, a déclenché une polémique et suscité des cris d’orfraie dans l’opposition.

Pourtant, à y regarder de plus près, la disparition de ce poste très convoité ne changera pas grand-chose. Depuis cinquante-neuf ans (et sous trois constitutions), le Sénégal a connu quinze Premiers ministres. Aucun ne s’est signalé par son indépendance ou son autonomie à l’égard du chef de l’État. Tous ont été des courroies de transmission des volontés présidentielles, davantage que de véritables chefs du gouvernement.

Fin d’une hypocrisie

C’est si vrai que le poste a déjà été supprimé à deux reprises, en 1963 et en 1983. Aujourd’hui, le fait que Mahammed Boun Abdallah Dionne occupe la primature ou le secrétariat général de la présidence ne change strictement rien à son rôle et à ses attributions : il va continuer de coordonner l’action du gouvernement et d’exécuter la feuille de route définie par son patron. C’est en somme l’officialisation d’une situation de fait, la fin d’une hypocrisie, comme ce fut le cas, par exemple, au Bénin, avec Pascal Irénée Koupaki dans le rôle de Dionne. La situation est la même partout en Afrique, à l’exception notable de l’Éthiopie : les Premiers ministres ne disposent que de l’ombre ou de l’illusion du pouvoir. Ils servent avant tout de fusibles institutionnels.

L’opération va permettre à Macky Sall de mettre sous le boisseau les ambitions de ceux qui, dans son camp, rêvent de prendre sa place. Et de les obliger à consacrer toute leur énergie à la mise en œuvre des réformes qu’il entend mener avant le terme de son mandat, en 2024. Sans arrière-pensées ni manœuvres politiciennes, au moins jusqu’aux législatives de 2022. Il va ainsi pouvoir préparer à son rythme une succession qui, ici comme ailleurs, s’annonce délicate, juger les uns et les autres à l’aune de leurs performances.

Polémique

Revers de la médaille, il crée la polémique et offre à ses opposants une occasion inespérée de se remobiliser. Le meilleur argument de ces derniers n’est d’ailleurs pas sans force : pourquoi le président n’a-t-il pas annoncé cette suppression pendant sa campagne électorale ? Quoi qu’il en soit, au-dessus de l’écume de l’actualité, Macky Sall achève sa mue en hyperprésident. Sans bouclier, écran de protection ou échappatoire. C’est son choix : il est désormais seul face à ses concitoyens. Il annonce vouloir gérer le Sénégal directement, sans ralentisseurs ni « goulets d’étranglement » ? Pourquoi pas. Mais il sait qu’il devra désormais assumer seul les conséquences de ses succès comme de ses échecs. La stratégie n’est pas sans risque, mais au moins les choses sont-elles claires.

Nigeria: 5 ans après leur enlèvement,
que sont devenues les lycéennes de Chibok?

Des jeunes lycéennes de Chibok rescapées de Boko Haram, à Abuja, la capitale du Nigeria, le 8 mai 2017.
© AFP/Stefan Heunis

Le soir du 14 avril 2014, il y a 5 ans jour pour jour, 276 lycéennes, âgées entre 12 et 17 ans, étaient enlevées par Boko Haram dans le nord-est du Nigeria. Le groupe jihadiste avait alors pris d’assaut leur internat pour jeunes filles du lycée de Chibok avant de les emmener de force. Aujourd’hui, que sont devenues ces lycéennes ?

Elles sont toujours 112 jeunes filles captives de Boko Haram, cinq ans maintenant après leur enlèvement. Mais certaines ont eu plus de chances, si l'on peut dire. Le soir même des faits, le 14 avril 2014, 57 d’entre elles parvenaient à s’échapper, 107 autres seront finalement libérées, soit en s’enfuyant également, soit libérées par l’armée ou bien encore au terme de négociations.

Mais la liberté ce n’est pas tout. Ces jeunes filles ont bien souvent rencontré des difficultés pour se réintégrer, pour se faire à nouveau à la vie quotidienne. Des sources médicales ont fait état de syndromes de Stockholm, le fait de développer un attachement à son ravisseur, certaines affichaient des troubles traumatiques. Il y a même des jeunes filles qui auraient refusé d’être libérées.

Certaines sont devenues mères pendant ou peu après la fin de leur captivité, elles ont été abusées. En tout cas, un membre de l’Unicef ayant rencontré quelques lycéennes libérées affirme qu’elles ont retrouvé leur famille, mais pas toutes c’est certain. Il disait aussi que la plupart des filles libérées ont repris leurs études et qu’elles ont de l’ambition.

Dès 2016 d’ailleurs, on se souvient que 21 d’entre elles avaient reçu l’aide d’un milliardaire américain pour cela. Robert Smith leur a payé leur scolarité à la prestigieuse université américaine du Nigeria, située à Yola dans l’État d’Adamawa.

Témoignage : des familles dans l’attente de nouvelles

Yakubu Nkeki, préside le collectif des familles de Chibok. Il déplore le manque de transparence des autorités concernant les discussions avec les jihadistes. « Après 5 ans, on constate un sérieux traumatisme parmi les familles. Nous, les parents des filles de Chibok, nous demandons au gouvernement de redoubler d'efforts pour les retrouver. Si au moins les autorités pouvaient nous dire si elles sont en vie ou non. Cela nous aiderait. C'est très difficile pour nous tous. Nous n'avons aucun détail, aucune information fiable sur l'endroit où nos filles sont détenues. C'est triste. Le traumatisme est tel, que plusieurs parents en sont morts. Nous avons besoin de savoir. Nous avons besoin d'informations crédibles. Nous voulons en savoir plus sur l'état des négociations. »


Reportage : les difficultés de scolarisation dans le nord-est du pays

Quelques chiffres qui aident à comprendre. Depuis le début des violences, 1 400 écoles ont été détruites, selon l'agence onusienne pour l'enfance. L’année dernière encore, 180 nouveaux enlèvements, parfois dans les écoles justement. Mais derrière les statistiques il y a l'humain et le quotidien.

Les enfants sont les premiers touchés pour Pernille Ironside, responsable de l'agence onusienne pour l'enfance au Nigeria. « Plus de 2,8 millions d’enfants ont un besoin urgent d'accéder à l'éducation de base. La plupart d'entre eux n'ont pas été à l'école pendant des années, certains n'y ont même jamais été. Beaucoup d'entre eux ont souffert d'un grand traumatisme après avoir été déplacés ou avoir fui les combats. »

Mais pour enseigner, encore faut-il qu'il y ait des professeurs. Au moins 2 295 d'entre eux ont été tués depuis le début des violences. Au total, près d'1,7 million de personnes ont été déplacées, alors dans les camps la situation est très compliquée. « Il y a des professeurs parmi les déplacés qui sont volontaires pour enseigner, poursuit Pernille Ironside, il y a même des militaires qui sont volontaires pour enseigner, mais c'est juste qu'il n'y a pas assez de moyens humains et de ressources pour s'assurer que le système éducatif fonctionne. »

Or, ce qui ne s'apprend pas aujourd'hui c'est autant de perdu pour demain. Pernille Ironside est vraiment inquiète, cette situation ne s'arrange pas et aura forcément des conséquences sur le futur de tous ces enfants.

Marché de l'eau: l'ex-ministre Mansour Faye a-t-il favorisé Suez au Sénégal?

Le siège de Suez, dans le quarier de la Défense, près de Paris, le 20 juin 2012.
© JOEL SAGET / AFP

L’ancien ministre sénégalais de l’Hydraulique Mansour Faye a-t-il favorisé Suez lors de l’attribution du marché de l’eau ? L’hebdomadaire français Le Canard enchaîné a révélé jeudi 11 avril la livraison de cinq camions-bennes pour le ramassage des ordures à la ville de Saint Louis avant l’appel d’offres. Des camions Suez pour la ville dont le maire n’est autre que Mansour Faye lui-même. Les intéressés se défendent de tout conflit d’intérêts.

En octobre 2015, la ville de Saint Louis reçoit cinq camions-bennes de la part de Suez. Il s’agit d’un don, d’après la mairie. Les véhicules ne sont pas tout neufs. Quinze ans, d’après un responsable de l’entreprise. Aux commandes de l’opération, Alioune Badara Diop, proche du maire Mansour Faye. Trois ans plus tard, la commission d’attribution des marchés publics dépendant du ministère de Mansour Faye décide d’attribuer le marché de l’eau à Suez.

Pour Le Canard enchaîné et certains proches du dossier, ces cinq camions-bennes donnés gratuitement ont comme un parfum de corruption. Dans un communiqué, la mairie de Saint Louis dénonce des accusations sans fondement. Quant à Alioune Badara Diop, il dit avoir eu l’idée de récupérer ces camions en les voyant stationnés dans un dépôt en France. Il souligne : « La mairie a pris en charge les frais de transport des véhicules ».

Suez explique que cette pratique – envoyer de vieux camions en Afrique – « est courante pour la plupart des opérateurs ». Trois ans plus tard, la victoire de l’entreprise face à la Sénégalaise des Eaux (SDE) reste contestée. Car dans son offre pour reprendre le marché de l’eau urbaine au Sénégal, Suez était plus chère que l’opérateur historique.

Affaire Kieffer en Côte d’Ivoire: quinze ans après,
l’affaire risque d’être classée

Guy-André Kieffer, disparu le 16 avril 2004 à Abidjan, en Côte d'Ivoire.
© Photo: www.guyandrekieffer.org
 

En Côte d’Ivoire, à quelques jours du 15e anniversaire, le 16 avril 2004, de la disparition du journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer sur un parking d'un supermarché à Abidjan, Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités ivoiriennes et françaises à tenir leurs engagements pour faire la lumière dans ce dossier. L'organisation de défense de la liberté de la presse craint que l'affaire soit classée, si rien n'est fait.

« Il serait inacceptable que ce dossier soit classé par la justice des deux pays alors que tous les témoins n’ont pas été interrogés et que les responsables n’ont pas été arrêtés », souligne Baudelaire Mieu, correspondant de RSF en Côte d'Ivoire, joint par RFI.

Guy-André Kieffer enquêtait sur les milieux troubles du commerce du cacao et sur d’éventuelles malversations dans la filière. Comme presque chaque année depuis 2004, sa famille et ses proches regrettent l’enlisement de l’enquête. Cette absence de progrès dans l’enquête est particulièrement inquiétante, comme l’explique Baudelaire Mieu : « L’absence de progrès dans l’enquête est d’autant plus inquiétante que certains des protagonistes cités sont morts. Michel Legré, très proche du président Laurent Gbagbo, qui avait donné rendez-vous à Guy-André Kieffer le jour de sa disparition, est mort en 2016. Il avait, dans un premier temps, avoué avoir servi d’appât pour attirer le journaliste sur ordre du régime, avant de se rétracter. L’ancien ministre des Finances de Laurent Gbagbo, Bohoun Bouabré, dont le nom a été cité dans cette affaire, est pour sa part décédé en 2012. »

« En 2016, l’ancien chef de la sécurité de Simone Gbagbo, Anselme Seka Yao dit Seka-Seka avait été accusé, par un ex-chef des milices pro- Gbagbo, d’avoir exécuté et incinéré le journaliste sur ordre de l’ex-première dame. Depuis, aucun de ces protagonistes n’a été inquiété par la justice et nous craignons que ce dossier soit classé si l’enquête n’est pas relancée », a encore dit le correspondant de RSF en Côte d'Ivoire, Baudelaire Mieu.

A (RÉ) ÉCOUTER → Entretien avec C. Boisbouvier : Bernard Kieffer: « Le frère perdu », un livre contre l'oubli

Violences intercommunautaires dans le centre du Mali : le président IBK face à l’indicible

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Dans la région de Mopti, les attaques visant les Peuls se multiplient. Et les mesures prises par le chef de l’État pour enrayer la spirale de la violence tardent à rassurer la population.

Son visage est à peine visible, dissimulé derrière de grandes lunettes noires et un chèche blanc, qu’il passe parfois sur son nez pour masquer l’odeur de mort qui flotte encore dans l’air. Ce 25 mars, Ibrahim Boubacar Keïta déambule, impuissant, au milieu des cases calcinées du village d’Ogossagou, dans le cercle de Bankass.

Quarante-huit heures plus tôt, des hommes habillés en chasseurs dogons y ont assassiné plus de 160 civils peuls, dont des vieillards, des femmes et des enfants. Un massacre dont les images – insoutenables – ont rapidement circulé sur les réseaux sociaux. Si les violences intercommunautaires sont devenues récurrentes dans le centre du Mali ces dernières années, jamais encore le bilan n’avait été aussi lourd.


>>> À LIRE – Massacre de plus de 130 civils peuls à Ogossagou : le Mali sous le choc


« Le président a été très affecté par ces horreurs. Il était sous le choc », glisse un de ses proches, qui était à ses côtés. Après avoir prié sur les fosses communes et s’être entretenu avec les rares survivants du drame, le chef de l’État a quitté Ogossagou en promettant que justice sera faite. Dans l’avion présidentiel qui le ramènera de Sévaré à Bamako, il reste seul, cloîtré dans son bureau.

Dissolution de la milice et limogeages

Le lendemain, il convoque un Conseil des ministres extraordinaire au palais de Koulouba. Après l’attaque du camp militaire de Dioura, qui a coûté la vie à 23 soldats maliens le 17 mars, les événements d’Ogossagou rappellent que, malgré l’optimisme affiché par le gouvernement, la région de Mopti reste une zone de non-droit où les groupes armés sévissent impunément.

Ibrahim Boubacar Keïta se sait sous pression et doit réagir. Il prend deux décisions : la dissolution de la milice dogon Dan Na Ambassagou, suspectée d’avoir perpétré ce massacre, et le limogeage de plusieurs chefs militaires. Le général M’Bemba Moussa Keïta, le chef d’état-major général des armées, et le colonel-major Abdrahamane Baby, le chef d’état-major de l’armée de terre, sont démis de leurs fonctions.

En revanche, contrairement à ce que certains pressentaient, Soumeylou Boubèye Maïga n’a pas servi de fusible

En revanche, contrairement à ce que certains pressentaient, Soumeylou Boubèye Maïga n’a pas servi de fusible. Ces derniers mois, les liens se seraient distendus entre le chef de l’État et son Premier ministre. En cause, notamment, le manque de résultats dans la sécurisation du Centre mais aussi les ambitions affichées par Boubèye Maïga, qui a rallié à sa formation politique des députés du Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti présidentiel. « C’est suicidaire ! Nulle part un chef ne peut accepter un tel affront… », souffle un observateur de la sous-région.

Boubèye Maïga, le Tigre devenu bouc émissaire ?

Longtemps considéré comme l’atout maître d’IBK, qu’il a contribué à faire réélire en 2018, le « Tigre » est-il en train de devenir un bouc émissaire à Bamako ? Nombreux sont ceux qui, pour une raison ou pour une autre, réclament désormais sa tête : Soumaïla Cissé, le chef de file de l’opposition, Mahmoud Dicko, le président du Haut Conseil islamique du Mali (HCIM), certains membres de la majorité présidentielle…


>>> À LIRE – Mali : « Le problème de fond, c’est que les Peuls se sentent abandonnés »


Des leaders peuls aussi, qui le tiennent pour responsable des violences à répétition qui ciblent leur communauté. « Il y a des connivences avérées entre les dozo [des chasseurs traditionnels, majoritairement dogons] et Soumeylou Boubèye Maïga, accuse Ali Nouhoum Diallo, ex-­président de l’Assemblée nationale. Quant à IBK, il endosse une responsabilité morale et politique en le maintenant à son poste. »

Dans l’entourage du Premier ministre, on rejette ces accusations. « C’est complètement faux. Il n’a aucun lien avec Dan Na Ambassagou », assure un de ses proches. « Il n’a jamais été question de se séparer de Boubèye Maïga », ajoute un collaborateur du président.

Bilan mitigé pour le Plan de sécurisation du Centre

Pour ramener un semblant de sécurité dans les zones concernées, IBK continue de miser sur son Plan de sécurisation intégrée des régions du Centre (PSIRC). Adopté en 2017 par le gouvernement, celui-ci est aujourd’hui supervisé par le Premier ministre, qui a effectué plusieurs visites de terrain depuis sa prise de fonctions début 2018.

1 200 civils ont été tués, une cinquantaine de villages brûlés, et au moins 30 000 personnes déplacées dans le Centre ces deux dernières années

Ce plan prévoit notamment un renfort de 4 000 militaires et des moyens supplémentaires pour l’armée grâce au déblocage de plus d’un demi-milliard de F CFA (plus de 760 000 euros). Objectif ? Permettre, à terme, le retour des services de l’État dans le Centre. « En bref, allier sécurité et développement, en sécurisant les zones une à une pour y redéployer des services publics de base », souffle le proche de Boubèye Maïga cité plus haut.

Mais pour l’heure le bilan est mitigé : si quelques préfets et sous-préfets ont retrouvé leurs postes, l’armée n’occupe pas le terrain ; et la spirale de la violence, en particulier intercommunautaire, est loin d’avoir été enrayée. Selon un rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) publié fin novembre 2018, 1 200 civils ont été tués, une cinquantaine de villages brûlés, et au moins 30 000 personnes déplacées dans le Centre ces deux dernières années.

« Lassés des promesses non tenues »

Dans ces conditions, difficile pour le président malien de regagner la confiance de ses administrés, en particulier celle des Peuls. « Beaucoup d’entre eux sont lassés de ses promesses non tenues et ne lui font plus confiance. Ils se disent qu’il n’y a plus rien à attendre du gouvernement, d’où le discours de plus en plus répandu et inquiétant sur la nécessité de s’armer pour se défendre », explique Dougoukolo Ba-Konaré, fondateur de Kisal, un observatoire des droits humains. Les exactions de l’armée contre les Peuls, souvent assimilés à tort aux combattants de groupes jihadistes, n’arrangent rien.


>>> À LIRE – Violences intercommunautaires dans le centre du Mali : des milliers de manifestants réclament la sécurité


« Il faut réussir à inverser la tendance. Seuls des actes concrets permettront de faire revenir la confiance des populations », reconnaît un collaborateur du chef de l’État. En premier lieu la dissolution effective de Dan Na Ambassagou – mais son chef, Youssouf Toloba, a répondu qu’il s’y opposait pour pouvoir continuer à protéger les Dogons – et celle des autres milices.

En parallèle, le président espère renouer le dialogue entre les différentes communautés du Centre. Lors de son discours en hommage aux martyrs du 26 mars 1991, à Bamako, il a appelé à l’union sacrée. « Il y a déjà eu beaucoup d’initiatives de dialogue portées par le gouvernement. Il y a même eu des accords signés, rappelle Dougoukolo Ba-Konaré. Mais tant que la violence ne diminue pas, il est inutile d’espérer un dialogue fructueux. »


Tobola, un chef de milice devenu incontrôlable

Youssouf Toloba, le « chef d’état-major » de la milice Dan Na Ambassagou, est un Dogon originaire du sud de Douentza, dans le centre du Mali. Âgé d’une cinquantaine d’années, il a appartenu à la milice Ganda Koy dans les années 1990, puis a rejoint celle de Ganda Izo lorsque des groupes jihadistes ont fait main basse sur le nord du pays, en 2012.

D’avril à septembre 2012, il faisait partie des combattants de milices sédentarisées du Nord, cantonnés par le gouvernement dans le camp Soufouroulaye, à Mopti. Il a ensuite exercé la pharmacopée traditionnelle et la chasse jusqu’en 2016, date de la création de Dan Na Ambassagou, association officiellement reconnue par un récépissé du préfet de Bandiagara. Disant lutter pour la défense des Dogons, cette milice est accusée d’avoir perpétré de nombreux massacres de civils peuls dans le Centre.