Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

L’après-Daech, entre géopolitique et mystique:
colloque tenu à Paris le 5 déc. 17 (AED)

Affiche colloque

Le 17 octobre 2017, l’alliance anti-État islamique annonce la prise « totale » de Raqqa en Syrie, bastion des djihadistes depuis 2014.
Le 3 novembre, l’armée syrienne confirme avoir repris la ville de Deir Ez-Zor à l’État islamique.
Le 21 novembre, le président iranien Hassan Rohani proclame « la fin de l’État islamique».

Ces déclarations signifient-elles la fin du Califat ou la disparition définitive de Daech ?
Quels sont les retentissements sur les autres groupes affiliés, au Moyen-Orient et dans le monde ?
Comment l’islam est-il impacté par ces groupes extrémistes ?

Pour répondre à ces questions, l’Aide à l’Eglise en Détresse (AED) a organisé le colloque:

L’après-Daech, entre géopolitique et mystique
Les Pères de l’Église dans le chaos oriental

« Les attentats récurrents de l’État islamique et la mutation en cours de ce groupe djihadiste nous pressent d’approfondir notre réflexion sur l’avenir du Moyen-Orient et sur les conséquences que cela aura pour nous. Au-delà d’un point de situation, ce colloque a pour ambition d’identifier quelques pistes de progression pour le dialogue entre chrétiens et musulmans et pour la paix dans cette région.» Marc Fromager. (Communiqué du presse du 27/11/17).

La page Facebook d’AEDenFrance annonce que les Actes du colloque seront publiés et disponibles à l’AED. Quelques citations déjà postées:

« La prière, seule solution pour restaurer l’homme intérieur » Aminata Alenskaia citant Mar Joseph Hazzaya, d’Irak, contemporain des Pères de l’Église

« Malgré leur petit nombre, les Chrétiens peuvent jouer un rôle important pour reconstruire le tissu de la société irakienne! » Père Ameer Jaje, irakien

« On n’en a pas fini avec l’EI. Il est passé dans la clandestinité. Des réformes sont nécessaires pour éviter son retour. » Myriam Benraad.

Les « cours virtuels » de Daech, outils de fidélisation

Logo conversationAndré Gagné, Concordia University and Marc-André Argentino

Aujourd’hui, Daech a perdu la majorité de son territoire. Des villes d’importance comme Mossoul, Rakka et, plus récemment, Deir ez-Zor et al-Qaïm ont été reprises par la coalition mondiale qui lutte contre le groupe terroriste. Face à de tels défis, Daech a tenté de maintenir sa légitimité au moyen de ce que certains ont appelé un califat virtuel.

À l’intérieur de cet espace virtuel, à quelles stratégies le groupe a-t-il recours pour préserver sa cohésion et soutenir l’identité sociale de ses membres et de ses sympathisants ?

Cours virtuels

Un des moyens de prédilection employés par les membres influents de la communauté numérique de Daech pour raffermir l’identité et la détermination du groupe consiste à proposer à ses fidèles des durūs (du singulier dars), c’est-à-dire des cours et de la propagande radicale qu’ils diffusent dans un contexte de groupes d’études virtuelles.

Les durūs sont souvent axés sur l’étude du Coran. Toutefois, dans certains contextes, le dars est aussi considéré comme une activité sociale où il est possible de discuter de questions tant religieuses que personnelles. Dans le cas de Daech, des membres influents du groupe animent régulièrement, dans le cadre de forums de discussion cryptés (sous forme de chats qui existent dans une dizaine de langues), des durūs qui prônent une forme d’auto-catégorisation et de rivalité entre groupes.

L’idée est de montrer, en privé comme en public, que Daech et ses sympathisants sont supérieurs à tous les autres groupes djihadistes à l’échelle mondiale, qu’ils considèrent comme « déviants » par rapport au véritable islam et qu’ils diffèrent dans leur compréhension de certaines idées religieuses et, en conséquence, appliquent ces concepts différemment.

Ces interprétations divergentes de certaines notions de l’islam posent un défi au regard des efforts de contre-radicalisation, étant donné que les personnes qui embrassent l’idéologie et la vision du monde de Daech considèrent toutes autres perspectives comme une forme de déviance.

Déroulement

Dans certains forums cryptés, les durūs ont lieu deux ou trois fois par semaine. Au début, le « cheik » – ou un membre influent du groupe de discussion – interdira temporairement aux participants d’écrire des messages afin de pouvoir afficher la leçon du jour sans interruption.

Les séances commencent habituellement par une prière à Allah : « Bismillahir Rahmānir Raheem (Au nom de Dieu, clément et miséricordieux). Louange à Allah, Seigneur de l’univers. Que la paix et le salut soient avec le messager d’Allah, sa famille et ses compagnons. »

Par la suite, le « cheik » donnera cours sur un sujet précis pour renforcer la cohésion du groupe, ou bien il répondra aux questions proposées par les participants ou encore, commentera certains événements d’actualité.

Une fois le cours terminé, la discussion est ouverte aux participants pour une période de questions-réponses, laquelle est suivie d’un bref examen réalisé au moyen d’une fonction de sondage robotisée sur l’application Telegram. Les membres qui répondent incorrectement sont interrogés par le « cheik », à savoir pourquoi ils ont répondu de cette façon, puis ce dernier leur propose des corrections. La période de questions-réponses ainsi que la séance d’examen offrent au « cheik » l’occasion d’interagir avec le groupe, et aux membres, de créer des liens entre eux.

Sujets abordés

Les durūs couvrent un large éventail de sujets, dont l’aqīdah (le credo ou système de croyances), la manière de prier, le takfīr (l’excommunication) et les enseignements sur les autres groupes djihadistes en vue de les discréditer.

Par exemple, il existe une série de durūs axé sur les groupes djihadistes dans le monde, où le « cheik » parle d’abord des organisations qu’il juge déviantes, puis démontre comment elles contrastent avec Daech et ses affiliés. Ainsi, les gens qui fréquentent cet espace virtuel se renseignent sur les origines des différents groupes, leurs leaders et leurs contributions au djihad mondial, ainsi que sur leurs systèmes de croyances.

Au cours d’une séance en ligne l’enseignement portait sur la façon dont al-Qaïda a dévié de la voie d’Allah quand le groupe a exprimé sa réticence à instaurer la sharia dans son intégralité, après la conquête de territoire. L’insistance d’al-Qaïda à plébisciter le soutien populaire pour établir la sharia constitue une forme de déviance aux yeux des sympathisants de Daech. Par conséquent, cette façon d’agir est sévèrement critiquée dans le cadre de plusieurs durūs.

Dans un autre contexte, il arrive qu’on loue des groupes affiliés à Daech et leurs actions pour construire et consolider l’identité sociale de leurs sympathisants issus de diverses régions du monde.

Ainsi, Daech est célébré pour avoir apporté la jamaa’ah (l’unité du peuple dans un but commun) et le tamkeen (la stabilité ; l’autonomisation) dans les wilāyāt (provinces ; districts) ; chose que d’autres groupes ont été incapables de faire. Par exemple, dans une séance sur la wilāyah yéménite, on mettait en opposition l’aqīdah (credo) et le manhaj (méthode pour atteindre la vérité) de Daech à ceux de l’AQAP, organisation affiliée à al-Qaïda dans la péninsule arabique. La leçon soulignait le fait que plusieurs membres de l’AQAP avaient déserté leur groupe pour prêter allégeance à Abu Bakr al-Baghdadi, leader de l’EI.

On y reprochait en outre à l’AQAP la faiblesse de sa position et son comportement à l’égard des murtaddeen (apostats) au Yémen. En revanche, Daech était loué dans sa lutte contre les houthis, un mouvement politico-religieux à prédominance chiite, apparu dans le nord du Yémen dans les années 1990.

Pointer du doigt, excommunier

La rivalité entre ces factions constitue également un aspect important de la création et du maintien de l’identité de Daech. La principale stratégie rhétorique utilisée pour stimuler la concurrence entre les groupes est la déclaration du takfīr (excommunication).

Par exemple, dans certains durūs, quelqu’un peut demander quelle est la position officielle de Daech à l’égard d’al-Qaïda et de son leader, Ayman al-Zawahiri. Ce type de question génère inévitablement une discussion sur la façon dont d’autres groupes, comme al-Qaïda, sont tout aussi déviants. On accuse ceux-ci d’irjā’ (sursis), un concept théologique associé au murjisme, une école de pensée qui favorise le jugement différé à l’égard de la croyance des gens, considérant la foi comme étant privé, strictement entre Dieu et l’être humain.

Le murjisme – une conception apparue très tôt dans l’islam – n’a jamais prôné l’exécution des apostats. Le fait qu’al-Qaïda refuse de prononcer un jugement sur l’’īmān (la foi) d’un croyant, le groupe devient du coup comparable aux murjites. Par conséquent, Daech considère les tenants d’al-Qaïda comme des ennemis de la foi et des candidats au takfīr, à l’excommunication.

Des cours qui confortent

Or, qu’est-ce que tout cela signifie ? Malgré le fait Daech ait perdu Mossoul en juillet 2017, et que sa capitale, Rakka, vient tout juste de tomber aux mains de l’armée syrienne, l’organisation réussit encore à inspirer et à motiver ses membres, ainsi qu’à maintenir l’identité sociale et la cohésion du groupe.

Les « cours virtuels » offrent aux membres une façon de se conforter au sein du groupe sans quoi le groupe se délitera. Daech mise sur l’estime de soi de ses membres afin de raviver leur foi et de renforcer leur sentiment d’appartenance.

L’un des plus grands défis auxquels nous faisons face consiste à convaincre ceux et celles qui sont attirés par Daech, que la clémence envers les murtaddeen (apostats), les interprétations contraires du takfīr (excommunication) et de l’aqīdah (credo), ainsi que le refus de juger l’authenticité de l’’īmān (foi) d’une personne ne sont pas nécessairement des marques de déviance. Il importe de trouver des moyens de les réconcilier avec le pluralisme qui existe au sein des communautés musulmanes et de les ramener progressivement vers la société.

Contrer l’idéologie de Daech requiert une meilleure compréhension de la manière dont l’organisation utilise certaines catégories religieuses comme moyen de construire et de maintenir l’identité sociale de ses membres, tout en exacerbant les rivalités entre groupes djihadistes.

André Gagné, Associate Professor, Politico-Religious Extremism and Violence; Social Identity and Movements, Concordia University and Marc-André Argentino, PhD candidate Concordia University, Political & Religious Extremism; Radicalization to violence

This article was originally published on The Conversation. Read the original article.

Comment réagir face à une personne radicalisée
(Compte-rendu)

 

comment réagir


Laura Passoni et Hicham Abdel Gawad,
Comment réagir face à une personne radicalisée, Edit. La Boîte à Pandore, Paris 2017, p.207.

Le thème central du livre est la radicalisation et comment dialoguer avec une personne tombée dans l’extrémisme des prêcheurs salafistes ou autres recruteurs de Daësh.

Laura Passoni est une Belge, qui a été radicalisée et qui est partie avec son jeune fils en Syrie en 2014. Elle a pu s’enfuir et est revenue en Belgique neuf mois plus tard. Elle parle de son vécu dans l’enfer de Daësh et son endoctrinement, le piège dans lequel elle était tombée suite aux discours djihadistes. Elle entre ici en dialogue avec Hicham Abdel Gawad, spécialiste du fait religieux, qui va déconstruire les discours des extrémistes et qui montre comment sortir de cette idéologie.

À partir de l’expérience et des questionnements de Laura, chaque chapitre développe un des grands thèmes, qui avait sens pour elle et dont le recruteur s’était servi pour la faire basculer dans le radicalisme. Les thème suivants sont abordés : les combats de Daësh et la fascination de la mort, le processus de manipulation et l’identité perdue, la peur de l’Enfer et la promesse du Paradis, l’interdiction de la mixité et le statut des femmes et des enfants, la fin des temps et la venue du Mahdi, le califat, mourir en martyr, les esclaves, les interdits qui enferment la personne, des pistes pour sortir de la pensée salafiste, et enfin les signes de radicalisation.

La démarche de déconstruction des discours djihadistes par Hicham comporte trois parties dans chaque chapitre : une partie de clarification (décryptage des logiques qui se jouent derrière le discours salafiste et leurs liens avec certaines interprétations islamiques classiques), une partie d’analyse (la déconstruction de ces discours en montrant que leurs logiques ne résistent pas aux analyses scientifiques d’ordre anthropologique et historique), et la proposition d’activités concrètes (ce qu’on peut faire face aux réactions des personnes en processus d’engagement dans l’idéologie salafiste et comment prévenir de tels engagements).

Concrètement, par ces analyses l’auteur déconstruit les traditions islamiques tardives comme sont certains hadiths du 9e siècle et des ouvrages historiographes du 10e siècle. Les textes du Coran sont lus à partir de l’imaginaire, du vocabulaire et des usages du 7e siècle, l’époque de Muhammad à la Mecque et à Médine. Il met aussi au profit les travaux d’autres chercheurs, surtout des historiens, des sociologues, des psychologues et des spécialistes des religions. Il reconnaît lui-même avec gratitude qu’il doit beaucoup aux travaux de Rachid Benzine, l’islamologue bien connu. Et atteste : “Qu’il s’agisse du Coran, de Muhammad ou de la charia, la part d’humanité caractérisable scientifiquement ne cesse de s’élargir, même dans les trois domaines que l’on croyait jadis réservés aux fameux “oulémas” (p. 200).

Des solutions existent donc pour répondre aux interprétations et aux discours extrémistes. Il résume : “Ainsi, face au Coran comme Parole incréé de Dieu, on peut proposer le Coran comme un texte-discours arabe du 7e siècle. Face à Muhammad le sceau des prophètes, on peut proposer Muhammad l’homme de tribu mecquois. À la charia comme loi divine, on peut proposer la charia comme systématisation des normes juridiques du 9e siècle sous les Abbassides” (p.200).

En terminant la lecture de ce livre, on voudrait remercier Laura Passoni pour la sincérité avec laquelle elle a livré son vécu et ses faiblesses du passé, mais aussi Hicham Abdel Gawad pour toute sa science et sa réelle contribution à la lutte contre la pensée salafiste et l’idéologie de l’extrémisme islamiste.

Leur livre est un témoignage enrichissant et très utile, que chaque professeur de religion musulmane dans l’enseignement secondaire devrait avoir lu et étudié, comme d’ailleurs tous ceux qui s’intéressent à la recherche de la pensée islamique.

Hugo Mertens.

L'Institut Al Mowafaqa entre dans sa cinquième année d’existence, et même sixième si l’on compte ce que nous appelions alors « l’année zéro »  (2012-2013), consacrée à sa mise en place (élaboration des programmes, recherche des financements, sessions-tests). Nous sommes reconnaissants pour la confiance que tant d’amis ici au Maroc, en Europe et en Afrique, nous ont accordée alors, et maintiennent jusqu’à aujourd’hui.

 

Le rapport d’activités est l’occasion de mesurer le chemin parcouru.  J’en extrais quelques chiffres : environ 300 étudiants réguliers formés depuis la création, auxquels s’ajoutent les participants de programmes ponctuels (session d’islamologie, formation des pasteurs des « Eglises de Maison » issues de la migration), les groupes extérieurs, le public des conférences, etc.  81 professeurs visiteurs, dont plusieurs universitaires marocains, ont servi ces diverses audiences. Pour l’année académique écoulée, ils étaient 36 enseignants dont 8 femmes,  d’Europe (15), du Maroc (5) et d’autres pays d’Afrique (14), du Liban (2) – et quant à leur appartenance confessionnelle, protestants (15), catholiques (14), musulmans (5) et juifs (2).

 

Notre 3e promotion, accueillie en juillet, reflète la même diversité. Les 18 nouveaux étudiants représentent pas moins de 14 pays (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Centrafrique, Congo Brazza, RD Congo, Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée Bissau, Niger, Sénégal, Soudan du Sud, Tchad). Ils se répartissent en trois groupes distincts : 1° les candidats boursiers des Eglises au Maroc, alternant études et service des paroisses locales (4 catholiques et 3 protestants) ; 2° les candidats indépendants résidant au Maroc (5) ; 3° les candidats boursiers venus d’autres pays envoyés par leur Eglise (6). S’ajoutent encore quelques auditeurs libres.
 

L’effectif croissant, y compris d’étudiants venus spécialement d’autre pays, la diversification des origines ecclésiales (catholiques, protestants traditionnels ou pentecôtistes/ charismatiques), sont autant d’éléments qui confirment le rayonnement croissant d’Al Mowafaqa et la pertinence de son modèle de formation théologique « en dialogue », en particulier pour les pays où le christianisme est minoritaire et l’islam majoritaire. Une autre étape à venir, sans que l’on sache à quel horizon sera la possibilité d’accueillir des étudiants marocains - en religion ou en sciences sociales - souhaitant découvrir ou approfondir leur connaissance du christianisme et du judaïsme et de leurs héritages intellectuels, théologiques, spirituels. Le Maroc de par les évolutions internes de sa société, du fait aussi de l’ouverture croissante sur le continent africain et l’accueil de nouvelles populations, est exposé de façon inédite à la pluralité religieuse. D’autres pays du continent expérimentent quant à eux des tensions où les identités ethnico-religieuses sont dangereusement manipulées. Nos étudiants, et ceux qui les rejoindront en janvier prochain pour le Certificat, sont formés dans une « culture du dialogue », articulant l’approfondissement de sa propre tradition religieuse (y compris la manière d’en rendre compte à autrui) avec une connaissance des autres traditions et l’opportunité de les mettre en débat. Un point commun aux artisans du dialogue, c’est qu’ils sont souvent mal compris dans leur «  camp » respectif, soupçonnés de confusion sinon de trahison. Nos étudiants retournent, ou retourneront un jour dans leur pays d’origine. Ils seront croyons-nous plus aptes à se poster sur les brèches pour promouvoir tant à l’échelle individuelle que collective, ce grand passage, indispensable pour assurer le bien commun? « d’une culture du rejet à une culture de la rencontre et de l’accueil, d’une culture du soupçon à une culture de la confiance » (Cardinal Tauran, message aux évêques de l’ASSERAC, Yaoundé, 8/7/2017).


BERNARD COYAULT | DIRECTEUR | NOVEMBRE 2017

 

MICHELLE LAKPA, PROTESTANTE, IVOIRIENNE
Je me nomme MICHELLE LAKPA, étudiante en 1ère année de licence de théologie à Al Mowafaqa et, parallèlement, doctorante en philosophie à l’Université Alassane Ouattara de Côte d'Ivoire. Ma présence à Al Mowafaqa est un rêve que je vis; d’abord comme chrétienne, ensuite comme  philosophe, et enfin comme intellectuelle chrétienne et africaine.

C’est lors d’un séminaire international organisé par Campus pour Christ à Yamoussoukro, capitale politique de la Côte d’Ivoire, que j’ai compris la nécessité d’acquérir une connaissance intellectuelle de Dieu. A  ce séminaire, Josh McDowell, auteur du livre Le verdict. Complément d'enquête, nous avait confrontés à la réalité de la faiblesse de notre croyance en Dieu, laquelle croyance, basée sur les sentiments, avait du mal à résister face à un discours rationnellement construit, fût-il erroné. Cet exercice m’a permis de réaliser combien il est important d’arriver à démontrer la pertinence de ma foi et d’emmener les jeunes intellectuels africains à s’adonner à cet exercice, gage d’une foi solide et vraie en Dieu.

Sur cette forte interpellation, j’ai formulé le désir de compléter ma formation philosophique par une formation théologique; et ma rencontre avec l’Institut Al Mowafaqa de Rabat a rendu ce rêve possible. Je ne pouvais pas espérer mieux et je crois avoir eu, au delà même de mes espérance.

Au-delà de ma posture de chrétienne qui avait été questionnée, la théologie m’est apparue avec certitude comme un complément indispensable et nécessaire pour équilibrer ma formation de philosophe. En effet, si la philosophie est l’amour de la sagesse, cette dernière est aussi l'une des métaphores de Dieu. En plus, apprendre le grec ancien, langue biblique et aussi langue artisane de la naissance de la philosophie grecque (européenne), est à la fois une aubaine et une nécessité pour ma recherche, tant en philosophie qu’en théologie. Enfin, le positionnement œcuménique de l’Institut Al Mowafaqa n’est pas sans m’inspirer des solutions possibles pour les défis contemporains que l’Afrique doit résoudre; des défis auxquels l’intellectuelle-chrétienne que je suis ne peut se soustraire.

MICHELLE LAKPA | ÉTUDIANTE EN THEOLOGIE L1 | NOVEMBRE 2017

 
BEN-ZEVY MOUSSOUKOULA, CATHOLIQUE, CONGOLAIS

«Aimer c’est tout donner et se donner soi-même»

C’est le cœur plein de joie que j’écris ces lignes moi, Ben-Zevy Prince Moussoukoula Dreid, après avoir débuté en juillet la grande aventure Al Mowafaqa. Originaire de Pointe-Noire en République du Congo, j’avais pris dans cette ville, lors de ma confirmation, la décision de toujours servir le Seigneur (en chantant) partout où je serai. C’est dans cette optique que lorsque s’est présentée à moi l’opportunité de Le servir en étant agent pastoral pour le Diocèse de Rabat, j’ai sauté et croqué à pleines dents cette occasion.

La tâche d’agent pastoral associe théorie et pratique: nous acquérons le savoir en théologie chrétienne par la formation à l’Institut Œcuménique de Théologie Al Mowafaqa de Rabat et, le mettons à profit par la pastorale dans la ville de Beni-Mellal. Pour le monde dans lequel nous vivons, le dialogue interreligieux est d’une importance capitale pour le rétablissement de la paix et, c’est là le point fort de l’Institut.

Après des débuts assez intenses depuis juillet dernier, avec des cours d’introduction à la théologie et à la Bible, en plus des cours de langues (grec ancien et arabe), il est déjà évident que le parcours jusqu’à la licence de théologie est un vrai parcours du combattant qui se soldera, en plus du diplôme, par l’acquisition d’un immense bagage culturel et religieux.

Ce bagage que j’espère acquérir au terme de la formation, il me tarde de pouvoir le mettre au service des différentes communautés chrétiennes dans lesquelles je serais membre (particulièrement celles de mon pays), pour la formation des plus jeunes par la catéchèse qui est le second foyer de l’éducation chrétienne après la famille.

« Aimer c’est tout donner et se donner soi-même ». C’est avec les paroles de ce chant qui retentissent constamment en mon cœur, que je conclus ces lignes. Puisse le témoignage qu’elles portent vous encourager à vous mettre pleinement au service de notre Seigneur et Sauveur, Jésus-Christ.

BEN-ZEVY MOUSSOUKOULA | ÉTUDIANT EN THOLOGIE L1 | NOVEMBRE 2017

 

LE DR SAMUEL AMAGLO, PRÊTRE SALÉSIEN DE DON BOSCO, REJOINT L’ÉQUIPE PÉDAGOGIQUE DE L’INSTITUT AL MOWAFAQA. PORTRAIT ET PARCOURS D’UN ÉDUCATEUR ENGAGÉ POUR L’AFRIQUE ET LE DIALOGUE DES CULTURES.

La dynamique de croissance que connaît actuellement l’institut Al Mowafaqa est pour beaucoup liée à la diversité d’origines géographiques, de parcours académiques et de positionnements théologiques des enseignants qui, depuis la création de cet institut, lui donnent progressivement son ossature pédagogique et renforcent sa vision théologique pour l’œuvre des Eglises au Maroc et des Eglises d’Afrique. Un atout que l’arrivée du P. Samuel Amaglo vient encore renforcer.

Né en 1976 à Djotoé au Togo, le P. Samuel Komlanvi Amaglo est religieux, membre de la congrégation des Salésiens de Don Bosco. Après un diplôme d’études générales en philosophie et une licence en sciences de l’éducation, il a servi l’œuvre de Don Bosco pendant quelques années au Bénin avant d’aller poursuivre sa formation de théologie en Italie où il obtient en 2016 un doctorat en théologie missionnaire à l’Université Pontificale Urbaniana, dans la Cité du Vatican.

D’abord professeur assistant à la Faculté de Missiologie de l’Urbaniana, il arrive ensuite au Maroc en 2016 comme éducateur au sein de l’œuvre de Don Bosco, curé de la paroisse Christ-Roi de Kenitra et membre du corps enseignant de l’institut Al Mowafaqa.

Usant du dialogue éducatif comme approche pédagogique qui brise les barrières entre les protagonistes enseignants et enseignés, Samuel Amaglo arrive à partage avec une réelle convivialité ses connaissances théologiques, son attachement pour la mission de l’Église et son engagement pour l’Afrique. Une méthode qui fait de ses séances de cours avec les étudiants d’Al Mowafaqa des moments de causeries actives et d’échanges participatifs qui rappellent bien l’univers culturel africain tout en réalisant une performance dans la transmission du savoir et du savoir-faire aux étudiants qui ne manque jamais de satisfaire ces derniers. Son dernier ouvrage, Une perspective africaine de la mission chrétienne, parut récemment chez l’Harmattan, est un délicieux régal de l’approche que Samuel Amaglo propose pour le dialogue éducatif comme outil dans le dialogue œcuménique et le dialogue interreligieux, si chers à l’institut Al Mowafaqa.

HERMANN KENFACK | RESPONSABLE DE COMMUNICATION | NOVEMBRE 2017

« A AL MOWAFAQA, J’AI COMPRIS QUE LE CHRISTIANISME ET L’ISLAM SONT APPELÉS À CHANGER ENSEMBLE LE DESTIN DE L’HUMANITÉ AUJOURD’HUI »

PAR ISIS KANGUDIE MANA

EXTRAIT

Comme beaucoup de chrétiens et chrétiennes en Afrique, j’ai vécu longtemps dans une indifférence tranquille à l’égard des musulmans et dans l’ignorance totale de la dynamique de leur foi. L’islam constituait un monde dont je voyais de temps en autres les adeptes à l’occasion des célébrations de leurs fêtes religieuses comme au Sénégal où j’ai passé quelques années de mon enfance, ainsi qu’à  l’occasion de certaines rencontres islamo-chrétiennes sans grande signification à mes yeux, comme au Cameroun où j’ai fait mes études universitaires de théologie. J’ai été aussi confrontée aux tintamarres  des stéréotypes sur les musulmans et le terrorisme en France, pendant mes années d’adolescence, quand l’islam fut à mes yeux un monde qui suscitait beaucoup de craintes et de peurs, une religion de la terreur dont il fallait se méfier, surtout quand on se trouvait devant des Maghrébins dont j’ai gardé longtemps en moi l’image d’hommes d’un autre monde, d’un autre univers et d’une autre structure mentale sans commune mesure avec le christianisme qui était le mien. Avec des phénomènes comme ceux d’A-Qaida, de Daesh et de Boko Haram, j’ai été confortée dans mon refus de nouer de relations véritablement humaines avec les musulmans que je rencontrais de plus en plus dans ma vie d’adulte. Même quand il arrivait que nous puissions nous retrouver dans des lieux de rencontre islamo-chrétienne, je me suis toujours enfermée dans une attitude de méfiance, comme si entre le monde musulman et monde chrétien le fossé était infranchissable. La seule manière de combler ce fossé, c’était de travailler à convertir les musulmans, tâches que de nombreux milieux chrétiens auxquels j’ai appartenu considéraient comme la seule attitude chrétienne à développer face à l’islam.

Au fond, je vivais un christianisme autiste. Je ne cherchais pas à connaitre la foi des musulmans ni à entrer dans leur univers. J’ignorais les principes qui structurent leur vie religieuse. J’étais séparée de leur monde spirituel et de la force de leur culture. L’immensité de leur monde, la profondeur de leurs croyances, la diversité de leurs visions de la réalité, les divisions de leurs perspectives d’existence et la richesse de leurs productions théologiques, philosophiques et culturelles, tout cela m’était inconnu. J’étais aveugle devant tout ce que je pouvais tirer de leurs trésors d’humanité comme chrétienne. Plus qu’aveugle, j’étais  incapable de comprendre la foi islamique dans ses logiques essentielles et dans ses rêves vitaux.


Ma formation, à l’institut Al Mowafaqa a été une forte expérience de guérison spirituelle et d’enrichissement humain où j’ai compris ce que l’aveugle né de l'Évangile avait affirmé : « J’étais aveugle, maintenant je vois » ( ). En six mois au Maroc, j’ai vécu un intense moment où mes oreilles se sont ouvertes. Mon intelligence a été libérée  des méfiances, des stéréotypes, des peurs et des suspicions face à l’islam et au monde musulman.

(...)

Je suis engagée aujourd’hui dans l’éducation des femmes chrétiennes et musulmanes  au leadership politique et social. Il s’agit là d’un axe d’action qui devra donner aux femmes une idée forte de ce qu’il faut qu’elles deviennent en tant que chrétiennes et musulmanes dans la société congolaise aujourd’hui. La visée est de travailler dans cette perspective au niveau local, dans une perspective essentiellement inter-religieuse et interculturelle.

(...)
 

Pour conclure, je dois dire que ma formation à Al Mowafaqa a été une étape importante dans ma vie. Elle m’a donné une orientation qui sera désormais la mienne et qui me pousse à développer des actions pour :

  • connaître et comprendre les autres religions, leur force de foi et leurs richesses culturelles ;
  • dialoguer avec les autres croyants dans la perspective de la transformation sociale,  particulièrement les musulmans qui, dans l’Afrique d’aujourd’hui, sont appelés à constituer avec les chrétiens de grandes forces du changement.
  • assumer mes propres responsabilités sociales en ayant à cœur les grandes questions dans lesquelles chrétiens et musulmans sont interpellés ensemble : les relations entre religion et modernité, la lutte contre les terrorismes, la promotion de la paix et la construction d’une civilisation de la fraternité, de la convivialité et du bonheur communautaire.


ISIS KANGUDIE MANA | ANCIENNE ETUDIANTE, CERTIFICAT 2017  | NOV. 2017
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RÉSUMÉ
 

Le christianisme africain aujourd’hui correspond globalement aux contours confessionnels hérités de l’histoire des missions chrétiennes… et coloniales : catholiques romains, presbytériens, luthériens, méthodistes, etc. Même les nouvelles formes de christianisme regroupées dans l’appellation souvent vague d’Eglises de réveil n’échappent pas à ce fait : elles sont souvent coréennes, américaines, etc., avec une phobie du syncrétisme. Pourtant, les fidèles de ces Eglises, y compris parfois des pasteurs ayant un niveau de formation théologique respectable, ne savent même pas pourquoi ils s’identifient ainsi. La concurrence reflète bien plus souvent des soucis de territorialisation. Aussi remarque-t-on un réinvestissement de l’Église chrétienne par des formes de célébration, de pastorale et de comportements issus des croyances et pratiques ancestrales. Cela devient plus visible à l’occasion de la conquête et de conservation de l’autorité ou lorsque surviennent des problèmes existentiels tels que la maladie. Tout cela repose la question de la pertinence des identités confessionnelles pour les croyants africains. Est-il plus pertinent pour un croyant africain de se définir comme catholique, protestant… ou plutôt comme chrétien africain, en laissant à l’Esprit saint le soin d’utiliser des éléments des cultures pour enrichir la foi chrétienne ? L’histoire des vingt siècles de christianisme en Europe a-t-elle été autre chose que le produit de cette forme féconde de syncrétisme ?

 
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L’IBLA, un dynamisme nouveau dans une Tunisie nouvelle

(Petit Echo n° 1084)

 

Créé en 1926 à Bou Khris (près de La Marsa) par les Pères Blancs, l’Institut des Belles Lettres Arabes, IBLA, est né de la volonté de mieux connaitre et promouvoir la culture tunisienne dans tous ses aspects. Il s’intéresse ainsi aux sciences humaines et sociales en Tunisie et, plus largement, dans le monde arabe. Sa mission est d’encourager l’ouverture intellectuelle en Tunisie, tout en développant le dialogue interculturel et interreligieux, dans le but de parvenir à la compréhension mutuelle et à la paix.

L’IBLA s’installe dans son siège actuel en 1932, à proximité de la médina de Tunis, où il s’intègre progressivement dans la société tunisienne. La partie de formation en langue arabe classique et islamologie est transférée à La Manouba en 1949, puis à Rome en 1964 pour devenir l’Institut Pontifical d’Études Arabes et d’Islamologie (PISAI). Cependant, le fonds documentaire reste à Tunis où il sert depuis des décennies de source académique et intellectuelle aux chercheurs universitaires et autres, à travers une Bibliothèque de Recherche. En 2010, elle comptait plus de 34 000 titres et 600 revues, ainsi que 130 000 références dans son catalogue. Cette même année, il y avait 430 chercheurs inscrits, pour la plupart des universitaires tunisiens en études de master ou doctorat, ainsi que des professeurs. Parallèlement, l’IBLA développe d’autres activités, avec notamment la Revue IBLA. Fondée en 1937, elle s’intéresse aux sciences humaines et sociales en Tunisie et est la plus ancienne des revues existant à ce jour en Tunisie. Elle entretient aujourd’hui des échanges avec une centaine d’institutions dans le monde, ce qui nourrit la Bibliothèque de Recherche. A partir des années 1950, l’IBLA ouvre également ses portes aux adolescents des quartiers populaires avoisinants et crée progressivement une Bibliothèque des Jeunes. Il s’agit de leur offrir un espace chaleureux et un accompagnement bienveillant pour les soutenir dans leurs études.

Le 5 janvier 2010, un dramatique incendie emporte le directeur de la Bibliothèque de Recherche, le Père Gian Battista Maffi (PB), et entraine aussi la perte de la moitié de la documentation ainsi que d’importants dégâts au bâtiment. Une grande vague de solidarité se manifeste alors en Tunisie et à l’étranger, aussi bien de la part d’individus que d’institutions, tel que le Ministère de la Culture de Tunisie, l’Institut Français en Tunisie, la Bibliothèque Nationale et l’Institut du Monde Arabe à Paris, ou encore diverses ambassades. À Tunis, la Bibliothèque Nationale et les Archives Nationales ont restauré environ 160 ouvrages anciens. Nous avons lu cela comme un signe des temps, nous aidant à discerner l’importance de notre action. Cela nous a ainsi encouragés à fournir tous les efforts possibles pour relancer les activités de l’IBLA et répondre de cette façon aux besoins exprimés par les milieux dans lesquels nous œuvrons. C’est grâce à ces multiples soutiens que l’IBLA a entamé sa restauration et a rouvert officiellement les portes de sa Bibliothèque de Recherche en octobre 2014. Depuis, c’est l’action dédiée aux adolescents qui est progressivement relancée, à travers un nouvel Espace Jeunes, qui vise à favoriser le développement intégral de leur personne. Quant à la Revue IBLA, elle a continué rigoureusement ses activités, malgré les temps difficiles que l’Institut a traversés.

L’IBLA est animé par des Pères Blancs provenant de divers pays et travaillant main dans la main avec les Tunisiens et toute autre personne. Pour cela, ils apprennent le dialecte tunisien et se spécialisent pour certains en islamologie et langue arabe classique. L’IBLA se veut ainsi un lieu de rencontre, de dialogue et d’échanges, un espace de respect et de connaissances partagées où chacun, quel que soit son pays, sa culture ou sa religion, puisse en même temps être acteur et récepteur. Il répond de cette façon à la mission de l’Eglise au Maghreb, qui a à cœur d’apporter sa part à la vie culturelle et intellectuelle ainsi qu’à la construction de la société. Par sa modeste présence et ses activités, l’IBLA contribue ainsi à renforcer l’ouverture intellectuelle, interculturelle et interreligieuse et à promouvoir le vivre-ensemble.

 
Une étagère de la Bibliothèque

A présent, l’IBLA souhaite plus que jamais être ce pont entre les cultures et les religions, entre le savoir des livres d’hier, la richesse du monde intellectuel d’aujourd’hui et l’énergie de la jeunesse qui prépare demain. La Bibliothèque de Recherche recouvre progressivement son fonds documentaire et compte actuellement près de 24 000 titres ainsi que des centaines de périodiques. Plus de 500 chercheurs se sont inscrits depuis sa réouverture en octobre 2014. Des conférences viendront bientôt enrichir les activités de l’IBLA, qui entend ainsi participer activement à la vie intellectuelle et culturelle en Tunisie. L’Espace Jeunes est, quant à lui, en pleine relance. Environ 80 adolescents participent depuis 2016 aux cours de soutien scolaire en anglais et en français. Ils trouvent en l’IBLA un espace de calme et de confiance où étudier, socialiser et enrichir leur quotidien. Après la fin des travaux de rénovation de l’Espace Jeunes, d’ici l’été 2017, de nouvelles activités vont aussi voir le jour : ateliers informatiques et artistiques, nouvelle bibliothèque jeunes ou encore projections et débats. Au-delà de la dimension éducative, ces activités permettent de tisser des liens avec les familles des quartiers avoisinants, dont la majorité vit dans la pauvreté et la précarité. Cela permet aussi de servir la mission de rencontre, de dialogue et de solidarité avec les personnes vivant en périphéries existentielles. Enfin, la Revue IBLA, sous la direction du M. Faouzi Bedoui et de son comité de rédaction entièrement tunisien, a fêté ses 80 ans avec un stand et une table ronde organisée le 26 mars 2017 à la Foire Internationale du Livre de Tunis (qui s’est tenue du 24 mars au 2 avril 2017). C’est grâce au travail bénévole et dévoué du comité que la Revue poursuit ses activités avec son esprit de rigueur et de bienveillance, promouvant ainsi les cultures tunisienne et arabo-musulmane.

Aujourd’hui, l’équipe de l’IBLA comprend le Directeur, Père Bonaventura Mwenda (PB) ; le gestionnaire financier, Père Ismaël Mendez Almaguer ; Père André Ferre (PB) ; Père Robbin Simbeye (PB) ; les stagiaires Calvin Akunga (PB) et Simon Ouedraogo (PB) ; le directeur de la Revue, M. Faouzi Bedoui ; l’aide-bibliothécaire et coordinatrice éditoriale de la Revue IBLA, Mme Nadia Jlassi ; l’aide-bibliothécaire, Mme Asma Dellai ; la rédactrice de projets, Mme Lucie Jacquet, et l’employée de maison, Mme Arbia Alaoui.

 
L’équipe de l’IBLA

Dans une Tunisie post-Révolution, l’IBLA essaie de s’adapter pour continuer à accompagner au mieux l’évolution de la société, comme il a su le faire depuis 1926. De nombreux défis restent encore à relever : actualiser le fonds documentaire de la Bibliothèque de Recherche, maintenir la rigueur scientifique de la Revue IBLA, malgré la baisse du niveau académique en Tunisie, répondre aux besoins d’une jeunesse rencontrant des difficultés à trouver sa place dans la société, accompagner les Tunisiens à vivre leur liberté (houriyya) et leur libre-arbitre (ikhtiyar), intégrer les nouvelles technologies dans les activités de l’IBLA ou encore faire face aux dépenses de fonctionnement de l’Institut. Pour cela, l’IBLA s’appuie sur son réseau et développe ses relations dans le quartier et le milieu académique, tout en recherchant des partenaires et bienfaiteurs au niveau national et international. En ces temps de renouveau, rencontres et dialogues restent le gouvernail de l’IBLA, puisque c’est à travers cela que son action trouve tout son sens.

Bonaventura Benjamin MWENDA,
directeur de l’IBLA.