MTN Ghana échappe à une « douloureuse » de 773 millions de dollars

Si le régulateur ghanéen a fini par retirer la sanction pécuniaire qu’il avait présentée à la filiale locale de MTN, les autres entreprises ne sont pas pour autant à l’abri, tant l’État a besoin de recettes fiscales.

Mis à jour le 10 février 2023 à 12:34
 MTN

 

 

Une boutique du groupe MTN dans un mall de Johannesburg, le 4 novembre 2022. © Siphiwe Sibeko/REUTERS

 

D’un côté, MTN Ghana, qui annonce son intention de contester le lourd arriéré d’impôts que lui demande le régulateur, la Ghana Revenue Authority (GRA), à coups de chiffres pour prouver l’inexactitude du rapport d’audit accusant l’entreprise d’irrégularité fiscale. De l’autre, l’autorité de régulation, qui maintient qu’elle a parfaitement bien fait son travail dans le dossier des obligations fiscales de la société de télécommunications.

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Les deux parties ont eu une série de réunions au cours des deux dernières semaines au terme desquelles, le 3 février, la GRA a retiré sa facture de 773 millions de dollars. « Les actionnaires ont été informés qu’à la suite de discussions approfondies et productives tenues au cours de cette période de 21 jours entre MTN Ghana, MTN et les autorités ghanéennes compétentes, la GRA a entièrement retiré son évaluation », indique MTN Ghana à la Bourse de Johannesburg (JSE) où l’entreprise est cotée. « MTN souhaite en outre assurer les actionnaires et les autres parties prenantes de l’engagement de MTN Ghana à respecter les normes les plus élevées en matière de conformité fiscale et de citoyenneté d’entreprise responsable. »

À la suite de cette annonce, le marché boursier a réagi positivement, le cours de l’action MTN augmentant d’environ 7,3 %, passant de 0,82 cedi à 0,88.

Méthode discutable

Que s’est-il passé pendant ces deux semaines de négociations ? Quels éléments expliquent le recul du régulateur ?

C’EST UNE COURSE À L’ARGENT

La méthodologie utilisée par le cabinet d’audit Safaritech Ltd, basé à Nairobi, pour calculer la facture fiscale de MTN pour la période en question a été remise en question. MTN n’a pas mâché ses mots, la qualifiant d’inexacte. Le rapport a été établi grâce à des enregistrements de données d’appel (CDR). Une source proche des discussions a expliqué à Jeune Afrique que des audits similaires réalisés par d’autres sociétés isolaient les enregistrements d’appels ne générant pas de revenus, ce qui n’était pas le cas pour MTN.

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Samuel Dowuona, un analyste en télécommunications, estime que l’audit réalisé est douteux, arguant que la société était novice dans la réalisation d’audits de cette nature dans le secteur des télécommunications au Ghana. « D’après ce que nous découvrons, les opérations de cette société semblent louches, et la méthode utilisée douteuse. Nous savons que KPMG a également réalisé un audit, et il est surprenant que la GRA choisisse le rapport de Safaritech. » « C’est une course à l’argent », selon lui.

Quête agressive

Au cours de ces discussions autour de la question fiscale, MTN a sans doute fait valoir des arguments solides pour justifier sa position : l’entreprise a tiré les leçons d’une expérience similaire au Nigeria en 2018, où elle a contesté avec succès une dette de 2 milliards de dollars en arriérés d’impôts qui lui avait été imposée.

Contactée, la responsable des relations publiques de la Ghana Revenue Authority, Florence Asante, a refusé de commenter le dénouement de l’affaire, déclarant que les questions fiscales entre l’agence et les institutions devaient rester dans le domaine privé.

La GRA est entièrement tournée vers sa quête de recettes fiscales, tant le gouvernement compte sur elle pour abonder un renflouement des caisses de 3 milliards de dollars attendu par le FMI. Dans le but de collecter des fonds suffisants pour l’économie ghanéenne à court d’argent, la GRA a demandé de nouveaux arriérés d’impôts à Gold Fields Ltd, Kosmos Energy Ltd et Tullow Oil Plc.

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Les trois entreprises contestent : « Le Ghana est clairement confronté à des défis fiscaux et économiques, mais nous espérons que le gouvernement ne recourra pas à des mesures fiscales déraisonnables qui mettront encore plus en péril les défis auxquels le secteur des entreprises est confronté », déplore un porte-parole de Gold Fields Ltd.

Tullow, qui se voit réclamer une facture d’environ 300 millions de dollars, a fait valoir que les évaluations étaient « sans fondement » et qu’elle espérait résoudre le problème à l’amiable avec l’agence fiscale.