[Tribune] L’Afrique ne doit pas laisser le Covid-19 annuler des décennies de progrès dans la santé

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Mis à jour le 09 avril 2021 à 11h41
 
 

Par  Helen Clark

Ancienne Première ministre néo-zélandaise, présidente du conseil d’administration du Programme des Nations unies pour le développement

 

Par  Muhammad Ali Pate

Directeur pour la santé, la nutrition et la population à la Banque Mondiale et ancien ministre nigérian de la Santé

Les femmes et les enfants subissent de plein fouet les effets collatéraux de la crise sanitaire, comme Noluvuyo Gadela et sa fille Siamtanda à Khayelitsha, dans la banlieue du Cap
Les femmes et les enfants subissent de plein fouet les effets collatéraux de la crise sanitaire,
comme Noluvuyo Gadela et sa fille Siamtanda à Khayelitsha, dans la banlieue du Cap © Tommy Trenchard/PANOS-REA

La crise liée au coronavirus menace les avancées enregistrées pour faire reculer la mortalité et la pauvreté dans le monde. Les pays africains et la communauté internationale doivent donc faire de l’accès aux soins des plus vulnérables une priorité.

Alors que le monde s’interroge sur la manière de reconstruire les sociétés et les économies à la suite de la pandémie, il est urgent d’adopter des politiques et des engagements financiers pour s’attaquer de front aux inégalités qui frappent le plus durement les populations vulnérables. L’accès aux soins de santé essentiels dans les pays les plus pauvres du monde, en particulier pour les femmes, les enfants et les adolescents, constitue un volet prioritaire dans ce domaine.

Si rien n’est engagé, les ravages causés par la pandémie annuleront des années, voire des décennies, de progrès en la matière, laissant pour compte une génération entière. Les progrès réalisés dans le domaine de la santé mondiale, sous l’impulsion de différentes nations et avec le soutien de la communauté internationale, ont été durement acquis – mais ils restent précaires.

Cascade d’impacts secondaires

Les taux de mortalité maternelle dans les nombreuses zones de conflit dans le monde sont en hausse, et non en baisse. Par ailleurs, la récession économique provoquée par la pandémie signifie que la pauvreté mondiale devrait augmenter pour la première fois depuis 1998, la Banque mondiale estimant qu’entre 143 et 163 millions de personnes basculeront dans l’extrême pauvreté d’ici à la fin de l’année 2021.

Ce constat repose notamment sur le sous-financement chronique des services de santé essentiels, phénomène qui ne constitue pas seulement un obstacle majeur à la maîtrise du coronavirus, mais qui provoque également une cascade d’impacts secondaires qui entraînent des privations dans toutes nos sociétés.

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LE COVID-19 AMPLIFIE LES INÉGALITÉS DANS UN MONDE OÙ 4 MILLIARDS DE PERSONNES N’ONT PAS DE PROTECTION SOCIALE

Depuis le début de la crise sanitaire, le Mécanisme de financement mondial (GFF), un partenariat hébergé par la Banque mondiale, estime que l’accès aux interventions sanitaires vitales pour les femmes, les enfants et les adolescents dans 36 des pays les plus pauvres du monde – dont 26 en Afrique – a chuté de près de 25 %. Cela équivaut à 4 millions de femmes qui ne peuvent recevoir de soins à l’accouchement, à 17 millions d’enfants qui ne sont pas vaccinés et à plus de 5 millions de femmes et d’adolescents qui perdent accès aux contraceptifs.

Ces problèmes ne sont pas seulement dus au virus, mais aussi à la réponse des gouvernements et aux réactions individuelles, des ressources au préalable destinées aux soins de santé essentiels étant détournées vers la lutte contre la pandémie.

Par ailleurs, de nombreuses personnes craignent de se rendre dans les centres de soins par peur d’être infectées. Les répercussions sont considérables : les enfants tombent malades faute d’avoir été vaccinés, les jeunes femmes ne bénéficient pas d’accès à la santé sexuelle et reproductive, les accouchements sans personnel soignant sont inutilement dangereux. Les difficultés économiques aggravent un peu plus les problèmes de nutrition et de santé et notamment l’incapacité de payer pour des traitements vitaux.

Les femmes en première ligne

Bien évidemment, ce sont les femmes qui subissent de manière disproportionnée les conséquences collatérales de cette crise sanitaire. Leur emploi est plus menacé que celui des hommes, notamment en raison de l’impact de la récession sur le secteur des services, tandis que les restrictions sociales draconiennes et les difficultés économiques les rendent plus vulnérables aux violences domestiques.

Cette «  féminisation  » de la privation est un exemple frappant de la façon dont le Covid-19 amplifie les inégalités dans un monde où l’on estime que 4 milliards de personnes n’ont accès à aucune forme de protection sociale.

Dans ce contexte, le Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant (PMNCH) a lancé un « appel à l’action Covid-19 », au nom de ses 1 000 partenaires, et a présenté un programme en sept points pour protéger la santé et les droits des femmes, des enfants et des adolescents vulnérables. Cet appel et les efforts de mobilisation associés visent à stimuler les engagements politiques sous la forme de réformes et de financements qui peuvent s’attaquer aux causes de cette privation.

Priorité aux besoins essentiels

Les pays, aujourd’hui plus que jamais, doivent adopter des politiques et des mesures financières qui donnent la priorité aux soins de santé essentiels  : services de santé sexuelle, reproductive, maternelle, néonatale, infantile et adolescente, et de nutrition. Ils peuvent notamment y parvenir en utilisant des outils qui ont fait leurs preuves tels que l’approche partenariale du GFF, qui permet d’augmenter et de coordonner les ressources publiques et privées, nationale et internationale pour répondre aux besoins des pays.

Le GFF vise à lever 1,2 milliard de dollars américains cette année, sur un besoin de financement total de 2,5 milliards de dollars d’ici à 2025, afin de soutenir ces services. À l’horizon 2030, cet investissement permettra de mobiliser près de 53 milliards de dollars, de réduire de plus d’un tiers le nombre de décès, sauvant ainsi près 13,5 millions de vies, et de baisser de près d’un tiers la mortalité maternelle, soit plus d’un million de vies sauvées.

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L’AFRIQUE ET LE MONDE NE PEUVENT PAS SE PERMETTRE D’ASSISTER EN SILENCE À LA SOUFFRANCE DES PLUS VULNÉRABLES

Les cinq prochaines années seront cruciales pour contrer les effets de la pandémie. Les nations, et notamment les pays Africains, n’ont pas d’autre choix que de répondre aux besoins de santé essentiels des femmes, des enfants et des adolescents. Non seulement parce que c’est la bonne chose à faire, mais aussi parce que c’est la chose intelligente à effectuer. Faire du capital humain la colonne vertébrale d’une relance résiliente promet de produire des avantages sociaux et économiques substantiels notamment pour le continent africain.

C’est pourquoi nous appelons les pays à augmenter et à renforcer les financements nationaux et internationaux pour protéger les femmes, les enfants et les adolescents. L’Afrique et le monde ne peuvent pas se permettre d’assister en silence à la souffrance des personnes les plus vulnérables.