Algérie : comment Ahmed Gaïd Salah
a fait main basse sur tout le système sécuritaire

| Par - envoyé spécial à Alger

Bouteflika avait mis six mois – entre septembre 2015 et janvier 2016 – pour démembrer et restructurer le Département du renseignement et de la sécurité (DRS). Ahmed Gaïd Salah l’a récupéré en vingt-quatre heures. Dans la foulée de la démission du président, le 2 avril, Athmane Tartag a été démis de ses fonctions de coordinateur des services de sécurité.

Le général-major Tartag, dit Bachir ou le Bombardier – qui a fait carrière dans la lutte antiterroriste – occupait ce poste depuis septembre 2015. Rappelé au début de mars pour ­diriger la sécurité extérieure, le ­général-major Ali Bendaoud a lui aussi été remercié. Les directions de la sécurité intérieure et extérieure, ainsi que les renseignements techniques, jusque-là rattachés à la présidence de la République, passent sous pavillon militaire et dépendent désormais du ministère de la Défense (MDN).

Instrumentalisation

Le chef d’état-major fait d’une pierre trois coups : récupérer, se renforcer et éliminer. Le rattachement des trois structures à l’état-major de l’armée signe d’abord la fin de la mainmise du palais d’El-Mouradia sur le ­renseignement.

« Tartag était directement géré par Saïd Bouteflika, le frère et conseiller de ­l’ex-­président, explique un officier à la retraite. Il en a fait un instrument pour accroître son influence et sa ­puissance dans les appareils d’État. Même si les services ­dépendaient logistiquement du MDN, leur gestion ­échappait au contrôle de Gaïd Salah. Ça n’est plus le cas. »


>>> À LIRE – Présidentielle en Algérie : le général Ahmed Gaïd Salah, arbitre de l’ère post-Bouteflika ?


La prise de contrôle de Gaïd Salah sur l’ensemble des appareils sécuritaires et militaires est ­désormais totale. Une première depuis trois décennies. Un général en rupture de ban avec l’institution militaire avance que Gaïd Salah n’avait pas d’atomes crochus avec Tartag. Lors d’une cérémonie officielle organisée le 1er novembre 2017, le chef d’état-major avait ostensiblement ignoré la main tendue du Bombardier, qui tentait de le saluer.

La méfiance entre les deux hommes était telle qu’ils ne se ­parlaient presque plus ces derniers mois. L’éviction de Tartag et de Bendaoud permet aussi au patron de l’armée de mettre sur la touche deux figures liées au clan de l’ex-président. Passé par Genève puis par Paris, où il a longtemps été attaché de Défense, Ali Bendaoud est très lié à la famille Bouteflika, qu’il servait fidèlement depuis le début des années 1990.